Histoire du Nord-du-Québec.
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Introduction générale
Ce livre fait état de l'histoire du Nord-du-Québec prise comme région administrative, à l'instar de quelques autres ouvrages de la collection « Les régions du Québec ». À première vue, rien ne semble lier le destin des nations inuite, crie et québécoise qui habitent ce territoire, mais les contacts, les liens et les échanges au fil du temps ont été néanmoins assez fréquents. Ils ont pris des formes diverses selon que l'on se situe, par exemple, avant ou à l'époque des explorateurs européens, à celle de la traite des fourrures, à celle de la fondation des villes jamésiennes et même au récent Plan Nord du gouvernement du Québec.
Comme les habitants du Nord-du-Québec sont appelés à partager leur devenir de façon inéluctable, connaître et faire connaître le passé de l'autre peut sans nul doute faciliter leur cohabitation. Aussi l'ouvrage s'est-il attardé à rappeler l'histoire de l'occupation de ce territoire. L'ouvrage a également pour objectif de présenter une région encore méconnue par la majorité des citoyens et qui renvoie même à des clichés comme ceux d'un Nord inhabitable en raison du climat rigoureux, de l'absence d'infrastructures, etc. Pourtant, il y a tout de même 40 000 personnes qui habitent le Nord-du-Québec en permanence. Bref, pour reprendre le propos de l'un des plus illustres spécialistes du Nord, Louis-Edmond Hamelin, ce livre a pour but de « faire le dit du Nord (le raconter, sous toutes ces formes, pour toute époque, en tous lieux, à tout niveau, à tous points de vue et à toutes langues) [1] ».
La présentation des résultats de recherche dans cette synthèse tient compte globalement d'une approche spatiotemporelle et des groupes humains qui ont habité la région à l'étude. La synthèse débute par un bref rappel du cadre naturel de cette immense région qui couvre près de la moitié du Québec, tout en soulignant quelques représentations qui s'y rattachent (chapitre 1). Puis l'ouvrage fait le point sur les plus anciennes traces de l'occupation humaine [14] de ce territoire. Deux chapitres sont consacrés aux ancêtres des Inuits * actuels les Dorsétiens (chapitre 2) et les Thuléens (chapitre 3) qui ont peuplé la partie septentrionale du Québec à une époque où les terres d'Amérique étaient encore à peu près inconnues des Européens. Ce retour sur les origines des premiers occupants se poursuit autour de la présence des Cris avant le XVIIe siècle (chapitre 4).
Par la suite, survient la période dite des contacts entre les Inuits (chapitre 5), les Cris (chapitre 6) et les Européens, une période souvent reliée à l'exploitation d'une ressource du territoire : la fourrure. Ces chapitres rappellent diverses conséquences de ces contacts. Ils permettent aussi une vue plus nuancée des relations commerciales au cours de cette période, puisque les Inuits et les Cris ont su aussi en tirer profit, contrairement à une idée largement répandue.
Avec la venue du XXe siècle, s'annonce une période caractérisée par l'industrialisation du territoire et la création des villes jamésiennes autour de l'exploitation des ressources minières et forestières (chapitre 7). L'époque est aussi marquée par les moments difficiles que connaissent les Inuits (chapitre 8) et les Cris (chapitre 9) avant la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, un traité qui annonce des temps nouveaux sans que l'on en connaisse tous les aboutissants à long terme. Enfin, le chapitre 10 débute avec la création de la région du Nord-du-Québec en 1987. Il se consacre aux trajectoires que prennent les histoires de trois nations et à une réflexion sur l'avenir de cette région et de ces habitants.
D'autres ouvrages touchant le Nord-du-Québec ont été publiés avant celui-ci. Plusieurs abordent l'histoire des Cris de la Baie-James et des Inuits du Nunavik. Les contributions de ces chercheurs pour l'approfondissement de l'histoire millénaire de ces deux nations ont été fort utiles. Des revues comme Recherches amérindiennes et Études-Inuit/Studies, entre autres, présentent respectivement depuis 1971 et 1977 de nombreux résultats de recherche dans des articles aux thèmes variés. Il faut aussi compter avec les livres publiés par différents spécialistes sur les Cris et les Inuits, dont Toby Morantz, Harvey Feit, Jacques Rousseau, Louis Jacques Dorais et Bernard Saladin d'Anglure. Il faut également mentionner les profils socioéconomiques et les analyses statistiques produites par Gérard Duhaime et Jean-Jacques Simard de l'Université Laval.
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Sur l'histoire des Jamésiens, mis à part les chapitres contenus dans deux ouvrages de la collection « Les régions du Québec », soit Histoire du SaguenayLac-Saint-Jean et Histoire de l'Abitibi-Témiscamingue, ils sont plutôt rares et parcellaires. Même les mémoires et autres récits sont relativement peu nombreux. On peut néanmoins rappeler L'Appel du Chibougamau de Larry Wilson et La Baie-James des uns et des autres de François Huot. Parmi les publications qui relatent les mémoires des premiers occupants, on compte Chibougamau, dernière liberté de Hubert Mansion, en 2009, et De ressources et de vaillance. Mémoire de la génération pionnière du Nord-du-Québec de Benoit Beaudry-Gourd en 2010. Enfin, notons les publications des ministères provinciaux et fédéraux et des municipalités, sans oublier les journaux des localités.
La réalisation de cette synthèse autour des trois nations qui habitent la région du Nord-du-Québec depuis les périodes les plus anciennes jusqu'à nos jours oblige à des choix de la part de chacun des auteurs, mais elle permet de faire le point sur l'état des connaissances. Elle ouvre la réflexion sur différents enjeux en cours dans un contexte de changements très rapides. Il est souhaitable que ce livre serve d'amorce à plusieurs autres réflexions et recherches portant sur la région du Nord-du-Québec.
* La règle de francisation des mots a été appliquée dans le présent manuscrit tant pour les textes récents qu'anciens.
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