[1]
Ils sont maintenant d'ici!
Les dix premières années au Québec des immigrants admis en 1989. (2001)
Introduction
ÉNI 10 ans après est l'aboutissement d'une série d'enquêtes touchant une même cohorte d'immigrants, celle de 1989, mais en même temps c'est la fin du périple en tant qu'immigrant. Dix ans après, le processus d'établissement est, sinon complètement terminé, en voie de l'être, et ce, non sans péripéties et ajustements, cependant, comme on le verra dans les pages qui suivent.
En 1989, l'immigration au Québec était en pleine croissance [1], faisant ainsi suite au » creux » du début des années 1980. Cette immigration, rappelons-le, n'est plus alimentée par les bassins traditionnels : elle provient plus fortement de pays plus pauvres et des pays de l'ancien bloc de l'Est. Il faut ajouter que Montréal attire la majorité des immigrants admis au Québec [2]. C'est donc dire qu'en fait d'intégration, tout se joue dans cette grande région.
Comment cette intégration s'y fait-elle ? Peu de données documentent le sujet de façon multidimensionnelle et encore moins le font en rendant compte de la dynamique de l'établissement. Des questions comme celles-ci ne trouvent pas souvent de réponse : combien de temps prennent les immigrants à se trouver un emploi et à se stabiliser ? Continuent-ils à se former une fois installés au Québec, et leurs études influencent-elles leurs chances de se trouver un emploi ? Quels types de réseaux ont-ils établis au Québec ?
Les données généralement disponibles nous offrent au mieux des portraits statiques de la situation d'une cohorte donnée [3]. On peut penser aux séries chronologiques sur la population active qui offrent une information de nature temporelle, mais l'histoire de chacun des répondants n'est connue qu'au moment de l'enquête (ou la semaine précédant l'enquête) : aucune donnée biographique n'est recueillie à leur sujet, interdisant toute explication du phénomène étudié (par exemple le chômage). De plus, n'oublions pas que ces séries de données nécessitent un sondage par mois !
[2]
L'enquête ÉNI a voulu répondre à la vaste question de l'intégration en couvrant non seulement plusieurs dimensions de l'intégration mais, également, en saisissant ces informations de façon dynamique, longitudinalement. Le logement, l'emploi, les études et les formations, le non-emploi, le ménage et sa constitution, la citoyenneté sont quelques-uns des aspects couverts par l'enquête pour lesquels nous disposons d'informations datées, c'est-à-dire qu'on en connaît les moments d'occurrence dans le calendrier des personnes. L'approche descriptive privilégiée ici permet de couvrir un large éventail des dimensions de l'établissement, comme en témoigne le nombre de chapitres de ce document. Mais » descriptif » n'est pas synonyme de « simplicité » et de « facilité ». La dimension temporelle qui est intégrée dans l'enquête ÉNI rend en soi complexe la donnée. Nous observons ce qui se déroule dans la vie professionnelle, résidentielle, académique, etc., des immigrants et ce, chaque semaine. Nos observations se trouvent donc à varier dans le temps. Comment présenter l'ensemble de la donnée, du processus, dirions-nous, sans en occulter une partie ? La représentation de ces données, simple à première vue, doit nécessairement faire appel à un certain nombre de techniques statistiques avancées mais connues et robustes. Certains graphiques intègrent ainsi quelques milliers de chiffres pour décrire ce qui se passe. D'autres font appel à des techniques d'estimation qui, en tenant compte de tous les répondants, y compris ceux qui n'ont pas été observés pendant les dix années, nous assurent des résultats fiables.
Cette enquête, soulignons-le, est une des rares au pays touchant une cohorte d'immigrants. La méthodologie de collecte, maintenant connue et appliquée à plusieurs autres domaines de recherche (démographie, mortalité infantile, mobilité résidentielle, etc.) se développe de plus en plus. Grâce à l'enquête ÉNI, nous nous situons au moins au même niveau que les autres enquêtes longitudinales faites ailleurs au pays et dans le monde.
Trois années d'établissement d'immigrants admis au Québec en 1989 [4] nous présentait plusieurs aspects des trois premières années de l'établissement au Québec. Le présent document complète en quelque sorte la description des processus amorcés il y a huit, neuf ou dix ans. On y aborde les aspects déjà traités dans Trois années... en y ajoutant d'autres, nouveaux ceux-là, qui s'imposaient considérant la longue période écoulée. Et puisque les processus ne sont pas les mêmes pour tous, la plupart des aspects traités sont décrits en fonction du sexe, de la catégorie d'immigration, du groupe d'âge à l'arrivée [5] et du niveau de scolarité à l'arrivée [6] des répondants. Grâce à la période suffisamment longue d'observation, il nous est ainsi possible de dégager quelques grandes tendances à l'œuvre chez cette cohorte d'immigrants.
Le premier chapitre, essentiel si on veut comprendre la nature des données, s'intéresse à la méthodologie de l'enquête. La réalisation des différentes phases de l'enquête, le système de datation et l'échantillonnage y sont notamment abordés. Le second chapitre présente quelques caractéristiques des répondants. Le troisième touche le logement : le statut d'occupation résidentielle et la durée en logement sont examinés. Le quatrième présente la mobilité résidentielle et spatiale des répondants dans le temps. Le cinquième chapitre porte sur l'emploi. Nous y examinons les probabilités qu'ont les répondants d'être en emploi au fil du temps, la durée de ces emplois, les trajectoires professionnelles, les profils d'intégration du marché du travail et, enfin, les principales caractéristiques des emplois occupés. Le chapitre 6 s'intéresse aux épisodes de non-emploi ; on y étudie, d'une part, la durée de ces [3] épisodes et, d'autre part, les probabilités d'y être à chaque semaine. Les cours et formations suivis au Québec font l'objet du chapitre 7. La structure des ménages et son évolution au cours du temps sont présentées au huitième chapitre. Le chapitre 9 aborde la langue sous de multiples facettes : langue de contact, langue d'usage public, langue parlée à la maison, langue parlée au travail et degré de connaissance du français et de l'anglais des répondants. La citoyenneté et le parrainage sont traités au dixième chapitre et la vie civique, au chapitre 11. Les questions ayant trait aux droits de la personne de même que celles concernant la discrimination sont présentées au chapitre 12. Le chapitre 13 analyse les réseaux actuels des répondants au Québec. Les liens hors Québec sont examinés au chapitre 14. Enfin, le dernier chapitre interroge les répondants sur des questions relatives à leur enracinement et sur l'évaluation qu'ils font de leur situation d'établissement au Québec.
[1] Ce mouvement était généralisé à l'ensemble du Canada. Pour le Québec, les immigrants admis en 1989 sont 32% plus nombreux par rapport au mouvement de l'année 1988.
[2] Ce sont 89% des immigrants admis cette année-là qui s'installent dans la région métropolitaine de recensement de Montréal.
[3] Citons néanmoins l'existence de quelques enquêtes longitudinales faites auprès d'immigrants. La première, dont s'est inspirée l'enquête ÉNI, est l'enquête canadienne qui suivait les immigrants pendant leurs trois premières années de vie au Canada. Voir ministère de la Main-d'œuvre et de l'Immigration du Canada, 1 974. Trois ans de vie au Canada : premier rapport de l'étude longitudinale sur l'adaptation économique et sociale des immigrants. Gilles Deschamps a également effectué une enquête longitudinale auprès des réfugiés indochinois en 1982. Étude longitudinale sur l'adaptation socio-économique des réfugiés indochinois au Québec : bilan après un an de séjour, Montréal, ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, 63 p. et annexes ; et 1 985. Étude longitudinale sur l'adaptation socio-économique des réfugiés indochinois au Québec : la deuxième année de séjour, Montréal, ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, 124 p. et annexes. Enfin, on peut également citer l'enquête Adaptation linguistique des immigrants, qui a interviewé en deux vagues des immigrants de différentes cohortes d'arrivée sur les aspects linguistiques de leur intégration. Voir G Veltman et S. Paré, 1993. L'adaptation linguistique des immigrants de la décennie 1980, Montréal, ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, 278 p. et annexes.
[5] L'âge auquel nous faisons référence est celui que le répondant avait à l'arrivée. Afin d'assurer une cohérence avec les précédentes analyses, nous avons conservé les mêmes groupes d'âge, à savoir les 18-25 ans, les 26-40 ans et les 41 ans et plus.
[6] Afin là aussi d'assurer l'uniformité avec les précédentes analyses, nous avons repris la scolarité du répondant telle qu'elle a été déclarée à l'entrevue 1.
|