[73]
Joëlle Robert-Lamblin
Anthropologue, Docteur d’État ès Lettres,
Directeur de recherche de classe exceptionnelle honoraire depuis 2008
(CNRS, France)
“Adapter les pratiques médicales au terrain :
maternité et VIH en Guyane
et à Saint-Martin.”
revue Sibérie III, “Les peuples du Kamtchatka et de la Tchoukotka, pp. 73-94. Questions sibériennes. Paris : Institut d’études slaves, 1993.
- Introduction [73]
- Les lieux visités [73]
- Le problème des statistiques démographiques [75]
- L'ethnicité et ses enjeux [75]
- La répartition géographique de la population [76]
- La situation des Eskimo [76]
- La situation des Tchouktehes [80]
- Les Tchouktches maritimes [81]
- Les Tchouktches éleveurs de rennes [81]
- Les caractéristiques démographiques des populations autochtones [83]
- Structure par âge et espérance de vie [83]
- Mortalité et état sanitaire [84]
- Natalité et famille [85]
- Les mouvements migratoires [87]
- Conclusion [88]
- Bibliographie sélective [91]
-
- Abstract [94]
Introduction
Dans le cadre des deux expéditions internationales et pluridisciplinaires organisées conjointement par Boris Chichlo [1] et la LASPOL [2] en Tchoukotka, en avril-mai et août 1991, j'ai plus spécialement axé mon travail sur l'analyse de la situation socio-démographique des populations autochtones de cette région.
Lors de ces premières approches de terrain, noire temps de séjour étant malheureusement limité, il s'agissait tout d'abord d'effectuer, avec un regard d'Occidentale, une sorte de constat ou d'état des lieux, en vue d'établir ultérieurement une étude plus approfondie et des comparaisons avec d'autres régions de l'Arctique, notamment avec le Groenland où j'ai réalisé un grand nombre de missions entre 1967 et 1990.
En Tchoukotka, dans les différents lieux visités, je me suis efforcée de recueillir des données qualitatives et quantitatives aussi nombreuses que possible, tant auprès des autorités locales (soviets, centres médico-sanitaires, services scolaires, etc.) qu'auprès des populations rencontrées (représentants d'associations autochtones, responsables de certains secteurs d'activités : chasse et renniculture, conseil des Anciens, ou habitants des villages et des campements visités). L'analyse de ces données provenant de sources diverses, parfois concordantes mais souvent contradictoires, doit être considérée comme un complément aux travaux des spécialistes soviétiques, ethnologues ou démographes, tels que I. Krupnik, A. Pika, D. Bogoïavlenski, dont les très intéressantes publications n'ont pas toujours été traduites et diffusées hors de l'Union soviétique.
Les lieux visités
Au cours de ces missions d'étude, nous avons essentiellement séjourné et travaillé dans trois districts administratifs de la Tchoukotka : le district Providenski (avec pour centre la ville de Providenia) ; le district Tchoukotski (dont le centre administratif est Lavrentia) et le distinct Schmidtovski (dont le centre est Schmidt). En outre, il nous a été possible de nous rendre dans deux villes de plus grande importance sur le plan démographique, administratif ou économique : Anadyr et Pevek (des agglomérations d'environ 15 000 habitants dont très peu d'autochtones ayant pendant trois à quatre mois par an une intense activité portuaire et de nombreuses liaisons aériennes pendant toute l'année).
[74]
Figure 1 : la Tchoukotka
[75]
Il est important de mentionner que nous étions exceptionnellement invités, grâce à l'organisation de la LASPOL, dans une région ouverte tout récemment il y a à peine deux années aux visiteurs étrangers et que, si quelques lieux sont déjà relativement connus et fréquentés : Providenia, Lavrentia, Sireniki, Lorino, d'autres n'ont eu, selon toute vraisemblance, que très peu de contacts avec des Occidentaux, en particulier les villages de la côte glaciale arctique (la mer des Tchouktches) et de l'île Wrangel (cf. fig. 1, p. 74).
Les itinéraires hivernal et estival, bien que ce dernier ait été abrégé par le putsch du 19 août, nous ont permis d'observer les divers habitats : villes, villages, campements de renniculteurs, camps de chasse aux mammifères marins et les différentes activités ou modes de vie qui sont liés à ces deux saisons particulièrement tranchées dans l'Arctique.
Nous avons pu nous rendre ainsi dans des villages côtiers à majorité eskimo et minorité tchouktche, ou au contraire à majorité tchouktche et minorité eskimo, visiter des campements de nomades tchouktches éleveurs de rennes, à l'intérieur de la toundra, et aller dans des agglomérations où les populations autochtones, qu'elles soient eskimo ou tchouktche, sont en fait marginales.
Le problème
des statistiques démographiques
Avant de décrire sommairement la situation des minorités ethniques de la région que nous avons parcourue, il est indispensable de faire quelques remarques concernant la collecte des données.
Là, comme dans d'autres parties de l'Union soviétique, il est très difficile d'obtenir des chiffres de population significatifs et précis : ou bien ils n'existent pas, ou bien ils sont incommunicables, ou bien ils ne recouvrent pas les mêmes réalités d'une année à l'autre, et d'une localité à l'autre, ou bien enfin ils sont « arrangés » pour des raisons politiques (grossissement du nombre de certaines minorités ethniques, diminution des taux de mortalité, notamment de la mortalité infantile, etc.).
Il est un fait que, dans cette région stratégique, les chiffres ont été gardés secrets jusqu'à 1985, et qu'aujourd'hui encore certaines autorités demeurent réticentes pour les communiquer, même s'il s'agit de simples statistiques. Par ailleurs, les données existantes mettent parfois dans un même groupe toutes les populations autochtones, sans distinction ethnique, tandis que d'autres font la distinction entre Tchouktches, Eskimo, Evènes, Tchouvantses,... et de même, à l'intérieur du groupe des allochtones, le pays d'origine : Russie, Ukraine, Biélorussie,… est ou n'est pas spécifié.
D'autres difficultés rencontrées tiennent au fait que certains documents comptent toutes les personnes considérées comme appartenant à un village et d'autres seulement les personnes effectivement présentes au moment du recensement. Cela peut entraîner, pour la même localité, des différences de plusieurs dizaines d'individus entre deux sources de données.
L'ethnicité et ses enjeux
À l'âge de 16 ans, pour l'obtention du passeport intérieur, obligatoire pour les régions rurales depuis le début des années 1970, tout citoyen d'URSS doit préciser sa nationalité, ou la choisir si celle de son père et celle de sa mère ne sont pas identiques. [76] Avant cet âge, il se peut qu'il soit différemment enregistré d'un recensement à l'autre. À la naissance, l'enfant est en général enregistré sous la nationalité de sa mère, mais par la suite cela peut être celle du père qui est prise en compte.
Actuellement, dans le cas de métissage, il est plus intéressant d'appartenir à une petite minorité du Grand Nord soviétique que d'être russe, car cela apporte quelques avantages, notamment pour les droits de pêche, la gratuité des internats, l'accès à certains produits de consommation sans rationnement (la viande de rennes), etc. Et s'il fut un temps où les salaires des Russes, considérés comme expatriés, étaient très supérieurs à ceux des populations locales, ce n'est plus aussi vrai maintenant, depuis que les salaires des autochtones de ces régions ont été relevés.
Quant au choix entre deux nationalités autochtones, il a aussi son importance. Actuellement, il est devenu plus « avantageux » d'être Eskimo que Tchouktche, en raison des facilités de contacts qui sont offertes aux Eskimo, depuis quelques années, avec leurs parents d'Alaska. De ce fait, certaines statistiques font ressortir une expansion démographique des Eskimo sibériens qui est en partie artificielle.
La répartition géographique
de la population
Le tableau 1 a pu être établi en confrontant les différentes sources d'information. Si malgré tout il y reste une part d'approximation, pour toutes les raisons évoquées précédemment, il n'en demeure pas moins proche de la réalité et permet de décrire la situation observée.
L'état actuel des minorités autochtones de la péninsule de Tchoukotka découle d'un demi-siècle de bouleversements considérables dus essentiellement à :
- une très forte immigration de populations allochtones venues administrer, exploiter ou protéger militairement cette région ;
- des regroupements et des déplacements de villages ;
- un brassage des différentes communautés culturelles : mélanges intra-ethniques (entre Tchouktches renniculteurs et Tchouktches maritimes ; entre Eskimo naoukanski et Eskimo d'Imaklik, Eskimo tchaplinski et sirenikski) et brassages inter-ethniques (entre Eskimo ou Tchouktches et Russes ou autres immigrés).
- la sédentarisation, dans des villages côtiers, d'une grande partie des nomades de la toundra, c'est-à-dire les Tchouktches éleveurs de rennes.
La situation des Eskimo
Les Eskimo (Yuit) sibériens sont peu nombreux : 1 500 tout au plus, affirme-t-on dans leur Association, en incluant ceux qui vivent loin de leur région d'origine, à Moscou ou à Saint-Pétersbourg par exemple.
83% d'entre eux habitent dans les deux districts administratifs Providenski et Tchoukotski, c'est-à-dire dans la région côtière de la mer de Béring qui correspond en partie aux territoires de leurs ancêtres chasseurs de mammifères marins. Trois autres petites communautés eskimo ont fait souche ailleurs : une sur l'île Wrangel où quelques Eskimo originaires d'Avan ont été transplantés en 1926 et ont été rejoints ultérieurement par des habitants d'Oungasik (l'ancien Tchaplino) ; une autre à Ouelkal où, dans les années 1920 et de nouveau en 1958-1959, se sont installées des familles eskimo originaires d'Oungasik ; et un petit groupe vit à Anadyr, la capitale de la Région autonome de Tchoukotka.
[77]
Tableau 1 : Nombre et composition de la population
des régions visitées en 1991
(après analyse des différentes informations recueillies)
* lieux visités en 1991.
1. autre = Evène, Tchouvantse, Youkaguir, etc.
2. c.a. = centre administratif.
N.B. Autres lieux de la Région autonome des Tchouktches où se trouvent des communautés eskimo : Anadyr, le centre administratif de la région (environ 35 Eskimo) ; Ouelkal, dans le district Ioultinski (environ 130).
Les Tchouktches se trouvent encore dans les districts suivants : Anadyrski (environ 2 500 Tchouktches) ; Tchaounski, avec Pevek* pour centre administratif (environ 800) ; Ioultinski (environ 1 150) ; Bilibinski (environ 1 030) ; Beringovski (environ 1 220).
[78]
Figure 2.
Regroupements et déplacements des villages eskimo sibériens,
au cours des décennies 1940-1980
1. Inuit Imaklik. 2. Yuit Naoukanski. 3. Yuit Tchaplinski. 4. Yuit Sirenikski
[79]
Si l'on analyse dans le détail l'histoire récente de la population des différents villages, il apparaît que la plupart des familles eskimo ont subi, dans leur existence, un ou plusieurs déplacements forcés, chacun de ces déplacements s'accompagnant de drames humains et de pertes considérables sur le plan linguistique et culturel.
Parmi les quatre ethnies eskimo sibériennes subsistant dans les années 1930 on trouve (fig. 2, p. 78) :
1) Le petit groupe des Eskimo (Inuit) d'Imaklik, situé sur l'île Ratmanov (la Grande Diomède) a été transféré à Naoukan en 1948, lors de la fermeture complète de la frontière entre l'URSS et l'Alaska. Il était alors constitué d'une vingtaine d'individus qui furent de nouveau déplacés dix ans plus tard, lorsque le village de Naoukan, à son tour, fut fermé. La dernière locutrice sibérienne de cette langue inupiak, le dialecte d'Imaklik, est morte à la fin des années 1970. Décédés ou assimilés, il ne reste aujourd'hui pour ainsi dire plus de représentants de cette ethnie sur la rive asiatique du détroit de Béring. Nous savons seulement que deux d'entre eux vivent à Lorino et deux à Lavrentia [3].
2) Les Eskimo (Yuit) Naoukanski, autrefois si nombreux à Naoukan que ce village avait été surnommé « la capitale des Eskimo » [4], ont subi les drames successifs que B. Chichlo décrit en détail dans plusieurs de ses publications (Chichlo 1981, 1986, 1988). À la fermeture de Naoukan, en 1958, la population a été disséminée dans les villages tchouktches de Nouniamo et Pinakoul, ou dans la petite ville de Lavrentia où la population allochtone (russe et ukrainienne notamment) est largement majoritaire. Certains ne se plaisant pas à Nouniamo étaient repartis vers Pinakoul. Mais quelques années plus tard, Pinakoul et Nouniamo, à leur tour, ont été successivement fermés, l'un vers la fin des années 60, l'autre en 1977, entraînant de nouveau pour ces familles éparpillement et installation dans des localités tchouktches (Ouelen, Lorino) ou dans les centres administratifs de Lavrentia, Providenia et Anadyr. L'histoire particulièrement tragique de leur dispersion en quelques décennies et de leurs déplacements a provoqué chez la plupart des Naoukanski une perte d'identité culturelle et de profonds troubles psychologiques.
Sur les 370 Eskimo Naoukanski recensés actuellement par leur Association, 75 seulement parlent encore leur langue originelle ; mais, en l'absence de manuel scolaire permettant l'enseignement de cette langue dans les écoles fréquentées par les enfants Naoukanski, celle-ci est condamnée à une disparition prochaine. Dans un récent sursaut pour ne pas se laisser détruire définitivement, un groupe de Naoukanski tente d'organiser un nouveau rassemblement dans un village qui pourrait être un ancien lieu habité : Pinakoul, Nouniamo, ou bien encore Dejnev.
3) Les Eskimo (Yuit) Tchaplinski, bien que numériquement plus forts et mieux armés pour conserver leur langue, grâce à l'existence de manuels scolaires, n'ont pas non plus échappé à cette politique de regroupement des petits villages (Tasik, Siklouk, Kivak) vers un centre de plus grande importance, Oungasik [80] (l'ancien Tchaplino), puis à la fermeture de ce dernier, en 1958, l'année même où Naoukan était aussi supprimé. Pour accueillir une grande partie des habitants d'Oungasik, un nouveau village avait été créé : Novoe Tchaplino, plus proche de Providenia et accessible aux bateaux modernes, mais il fut très loin de satisfaire les habitants. « C'est une baie morte », disent ces derniers qui regrettent amèrement l'emplacement de leur ancien village où la chasse et la pêche étaient fructueuses. Maintenant, il faut partir longtemps et loin du village pour pratiquer ces activités traditionnelles et les carences alimentaires liées à la situation du nouveau village sont durement ressenties. Quant aux autres anciens habitants d'Oungasik, ils se sont répartis entre Ouelkal, Providenia, Anadyr, Ouelen, Sireniki et l'île Wrangel.
4) Enfin, le sort des Eskimo (Yuit) Sirenikski, s'il doit être évalué par le nombre de locuteurs survivants de cette langue très originale et différente des trois autres langues eskimo citées ci-dessus , se résume ainsi : il ne reste plus aujourd'hui qu'une ou deux femmes âgées pouvant parler la langue de leurs ancêtres. Dans le village de Sireniki, c'est la langue eskimo Tchaplinski qui est parlée et enseignée, à côté du russe et du tchouktche. On peut se demander si la disparition de la langue sirenikski est due à une réelle extinction de l'ethnie sirenikski, ou bien à son assimilation culturelle par les Yuit Tchaplinski venus d'Imtouk et d'Oungasik.
Le tableau 1 et la figure 2 résument le passé récent et la situation actuelle des Eskimo sibériens. Beaucoup d'entre eux, nous a-t-on dit, n'ont pas supporté les déplacements forcés : mortalité chez les plus vieux, alcoolisme chez les plus jeunes, ont souvent été la conséquence du déracinement et de la difficulté de réadaptation à un nouvel environnement, parfois très différent de leur région d'origine (comme ce fut le cas notamment pour les Eskimo transportés sur l'île Wrangel [5], en 1926 et en 1958-59).
Le tableau 1 met en évidence la grande dispersion des Eskimo dans des agglomérations où ils sont extrêmement minoritaires par rapport aux Tchouktehes ou aux « nouveaux venus », la population blanche immigrée. Les seuls villages où ils demeurent majoritaires sont Novoe Tchaplino et Sireniki, mais encore faut-il rappeler que l'un n'est pas situé sur un site traditionnel et que l'autre a perdu une partie importante de son identité culturelle en laissant disparaître sa langue d'origine.
La situation des Tchouktehes
Dans l'ensemble des neuf districts dont est composée la Région autonome de Tchoukotka, les Tchouktehes sont approximativement neuf fois plus nombreux que les Eskimo. Mais pour ce qui est de la partie la plus orientale de cette région, les districts Providenski et Tchoukotski, le nombre des Tchouktehes est seulement quatre fois plus élevé que celui des Eskimo. Dans le district Providenski, le rapport est d'environ 1 à 2 et dans le district Tchoukotski de 1 à 8.
[81]
Traditionnellement, parmi les Tchouktches, existait une distinction essentielle entre les nomades de la toundra qui pratiquaient l'élevage du renne et les sédentaires de la côte qui vivaient de la chasse aux mammifères marins et de la pêche. Une relation d'interdépendance économique et sociale liait ces deux communautés au mode de vie extrêmement différent, mais qui disposaient d'une langue, à peu de choses près, commune.
Les Tchouktches maritimes connurent, comme les Eskimo, le regroupement des populations de leurs petits villages vers de plus gros centres, accompagné d'un certain brassage inter-ethnique ; tandis que les Tchouktches renniculteurs, dépossédés de leurs troupeaux de rennes collectivisés , étaient en grande partie sédentarisés.
- Les Tchouktches maritimes
À la suite de la fermeture d'un certain nombre de petits villages côtiers de la mer de Béring et de la mer des Tchouktches, parmi lesquels on peut citer, pour la période qui va de la fin des années 1940 à la fin des années 1970 : Tchetchen (Tasik), Pentignei, Metchigmen, Raoupelyan, Akkani, Iandagay, Nouniamo, Dejnev, Tchegitoun, Sechan, Pilgyn et bien d'autres encore, les Tchouktches maritimes ont été regroupés en quelques points où furent organisés des kolkhozes, aux activités diversifiées, transformés ultérieurement en sovkhozes.
Actuellement, dans le district Providenski, ils sont majoritaires dans leurs villages traditionnels d'Enmelen, Nounligran et Ianrakynnot, où la population eskimo ne représente qu'une très petite communauté (4% de la population). En revanche, à Sireniki et Novoe Tchaplino, villages majoritairement eskimo, ce sont les Tchouktches qui constituent une minorité. Toutefois les Tchouktches de Sireniki sont relativement nombreux : 1/3 de la population totale du village.
Dans le district Tchoukotski, depuis la fermeture de Naoukan puis celle de Nouniamo, les Tchouktches demeurent, dans tous les villages, beaucoup plus nombreux que les Eskimo : à Lorino, Ouelen, Nechkan, Intchoun et Enourmino. La côte nord bordant la mer des Tchouktches était d'ailleurs devenue territoire tchouktche et seuls quelques Eskimo se trouvaient à Ouelen au début du XXe siècle.
Quelques familles tchouktches ont fait partie de l'opération de peuplement de l'île Wrangel, en 1926 et 1932 [6], dans les mêmes conditions de contrainte que la petite communauté eskimo qui y a été transplantée.
Dans le district administratif Schmidtovski, district créé en 1974, l'immigration des « nouveaux venus », Russes et Ukrainiens, a été si forte et rapide que la population autochtone, essentiellement tchouktche, s'est trouvée complètement marginalisée. L'exploitation des mines d'or (à Leningradski et Poliarny), le système de défense stratégique, l'activité portuaire pendant les trois mois d'été et le développement de l'administration bureaucratique, ont eu pour conséquence la quasi-disparition [82] des Tchouktches maritimes. « Le clan des chasseurs est mort. Il n'y a plus de chasseurs ici, à Ryrkaipii », affirme un Tchouktche de ce village. De fait, la chasse aux mammifères marins n'est plus pratiquée que par des Russes, à l'exception d'un Tchouktche originaire de l'île Wrangel. En définitive, les derniers représentants des Tchouktches maritimes de cette région ne se trouvent plus qu'à Billings.
- Les Tchouktches éleveurs de rennes
Dans les trois districts cités ici, de moins en moins de Tchouktches continuent une vie traditionnelle de nomades, suivant, avec leur famille, les rennes à travers la toundra et déplaçant leur yaranga [7] selon les besoins de migration de ces animaux semi-sauvages. La nationalisation des troupeaux de rennes et l'organisation en sovkhoze, avec un partage des zones de pâturage, se sont accompagnées d'une volonté délibérée de sédentariser les nomades, de leur faire quitter la toundra pour un point fixe de rattachement, au sein d'une agglomération.
Jusqu'en 1990, dans certaines régions, comme celle de Ryrkaipii dans le district Schmidtovski, les enfants des nomades étaient enlevés à leur famille, dès leur naissance, pour être élevés en crèche. Puis, après l'âge de six ans, ils étaient placés en internat dans les villages. Ailleurs, comme c'est encore le cas général maintenant, les plus jeunes pouvaient rester avec leurs parents jusqu'à l'âge de 5 ou 6 ans avant de rejoindre l'internat obligatoire. Une telle politique a eu pour conséquence de couper les enfants de leur famille et de leur culture condamnant par là-même l'avenir de l'élevage de rennes et souvent aussi de séparer les femmes de leurs maris, parce qu'elles décidaient de rester à leur tour au village pour être plus près de leurs enfants.
Ainsi, de nombreux pasteurs partent maintenant seuls dans la toundra : célibataires ou mariés sans leur femme, vivant près du troupeau, installés à quatre ou six hommes dans des cabanes de bois [8]. C'est notamment le cas dans le district Providenski. En été toutefois, pendant la période des vacances scolaires, certains de ces hommes mariés retrouvent la vie en yaranga, avec femme et enfants.
Le nombre des Tchouktches renniculteurs est actuellement estimé à 138 (hommes et femmes, enfants non compris) pour le district Providenski où le troupeau est de 20 000 rennes, répartis en quatre sovkhozes. Dans le district Tchoukotski, pour un troupeau de 25 500 têtes, organisé en trois sovkhozes, le nombre des éleveurs est évalué à 169, dont 29 femmes et 12 enfants, avec encore un certain nombre de familles vivant en nomades sous la yaranga dans les régions de Lorino et de Nechkan.
Enfin, dans le district Schmidtovski, le troupeau de rennes est beaucoup plus important : 45 000 têtes, réparties en deux sovkhozes. Nous avons pu y visiter un des campements de nomades renniculteurs, dépendant du sovkhoze de Ryrkaipii. Situé à 250 km au sud-ouest de Ryrkaipii, il était composé de cinq yarangas où vivaient six familles, soit une trentaine de personnes. Pour la première année, les jeunes enfants étaient laissés auprès de leurs parents, tandis que les plus âgés (les [83] enfants de plus de 6 ans) étaient en internat en ville. « Ici, dans le camp, nous sommes liés par des liens de parenté ; d'ailleurs, comme nous ne sommes que 200 dans la toundra, nous sommes forcément tous parents », nous précise l'un de ces renniculteurs.
Les caractéristiques démographiques
des populations autochtones
- Structure par âge et espérance de vie
Les données que nous avons recueillies dans diverses localités mettent en évidence une structure démographique où la population âgée de plus de 60 ans est extrêmement peu représentée (4% à Lorino, 6% à Ouelen, 7% à Novoe Tchaplino...) et où les enfants de moins de 15 ans sont relativement nombreux : ils représentent souvent plus de 40% de la population autochtone.
Il est particulièrement frappant de constater que les hommes sont très peu nombreux dans les catégories les plus âgées. Ainsi, dans le district Providenski, parmi les 470 personnes âgées de plus de 40 ans (c'est à dire 20,4% de la population autochtone), 37% seulement sont des hommes et 63% des femmes. Et, au-delà de 60 ans, il reste extrêmement peu d'hommes en vie.
Ces observations sont confirmées par la très faible espérance de vie évaluée pour la Tchoukotka par les Soviétiques, mais le plus souvent gardée secrète. Certains médecins nous ont parlé d'une espérance de vie de 41 ans pour les autochtones, en dénonçant « la situation sociale et sanitaire catastrophique de la Tchoukotka », d'autres ont avancé des chiffres de 44-46 ans ou de 49 ans. Enfin, dans sa communication au séminaire américano-soviétique sur la Béringie [9], qui se déroulait à Providenia du 16 au 20 août 1991, le démographe A. Pika donnait une espérance de vie en nette progression entre les deux derniers recensements de population.
Selon lui, l'évolution de l'espérance de vie de la population autochtone de Tchoukotka dans les plus récents recensements serait la suivante :
- - en 1958-1959 : 40 ans pour les hommes, 46 ans pour les femmes, ensemble : 43 ans ;
- - en 1969-1970 : 42 ans pour les hommes, 46 ans pour les femmes, ensemble : 44 ans ;
- - en 1978-1979 : 43 ans pour les hommes, 47 ans pour les femmes, ensemble : 45 ans ;
- - en 1988-1989 : 52 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes, ensemble : 56 ans
En 1989, l'espérance de vie de la population blanche de Magadan (la capitale de la province) était de 64,2 ans pour les hommes, de 74,5 ans pour les femmes, et de 69,6 ans pour les deux sexes (information A. Pika). Ce qui, malgré l'affirmation, par le démographe, d'une diminution sensible de la différence entre les deux populations, autochtone et allochtone, laisse apparaître une différence entre elles encore considérable.
[84]
- Mortalité et état sanitaire
La faible longévité de ces petites populations du Grand Nord soviétique est liée à différents facteurs. Aux facteurs climatiques, indéniablement importants, s'ajoutent le médiocre état sanitaire et nutritionnel de la population et les problèmes sociaux auxquels elle est confrontée.
Les problèmes de santé signalés par les différentes équipes médicales rencontrées lors de nos séjours, renvoient le plus souvent à l'absence généralisée d'hygiène et à la pollution de l'environnement (fumées noires de charbon rejetées dans l'atmosphère, défaut de ramassage d'ordures, absence d'égouts et d'épuration d'eau...), ou à des carences dans l'alimentation, avec le passage de la nourriture traditionnelle à des produits alimentaires d'importation. De même la population autochtone déplore-t-elle l'exiguïté et l'insalubrité des logements qui lui sont réservés et, pour ce qui est de son alimentation, le manque de produits provenant de la chasse et de la pêche. La chair des mammifères marins chassés dans le cadre unique des sovkhozes est, en effet, tout d'abord utilisée pour nourrir les animaux à fourrure des fermes d'élevage (les renards bleus) et le poisson est le plus souvent destiné à l'exportation. L'alimentation actuelle de la population des agglomérations est faible en vitamines et protéine animale, et excessive en sucre, sel et produits en conserve.
Parmi les principaux problèmes de santé, touchant la population autochtone, que nous ont signalés les médecins en poste en Tchoukotka, on peut citer : la tuberculose, l'hypertension et les maladies cardio-vasculaires, les maladies des voies respiratoires, le cancer (en particulier du colon et de l'estomac), l'echinococcose et l'alvéococcose, l'hépatite, ainsi que les problèmes gynécologiques, ophtalmologiques et stomatologiques.
Mise à part la mortalité infantile, les causes de mort les plus fréquentes sont actuellement : les maladies cardiaques, le cancer, les maladies respiratoires et les morts violentes (accidents, suicides et homicides). Cette dernière cause de mortalité, liée directement au malaise social et au développement de l'alcoolisme, a pris des proportions considérables dans le courant des années 1970 et 1980, jusqu'à constituer actuellement un tiers des décès [10].
L'alcoolisme, responsable de la plupart des homicides et d'une grande partie des accidents, avait diminué lors de la campagne anti-alcoolique menée par Gorbatchev en 1985. Toutefois, l'amélioration n'a duré que peu de temps, car certains se sont mis à boire des substituts pires que la vodka (méthanol, antigel, colle, eau de Cologne ou produits d'entretien) et, dès 1989, la vente d'alcool a repris, quoique rationnée [11].
Les suicides, beaucoup plus nombreux dans cette région que la moyenne nationale, touchent, selon A. Pika, une femme pour trois hommes et particulièrement la [85] tranche d'âge des 25-35 ans. Ils sont, pour moitié seulement, accomplis sous l'effet de l'alcool.
Tous les troubles psychologiques et sociaux que révèlent ce type de mortalité (violence, homicide et suicide), de même que la propension à l'alcoolisme, trouvent leur origine dans les multiples drames vécus par ces minorités ethniques : déplacement des villages, dépossession des biens, privation des responsabilités, destruction de la famille, abandon des modes de vie traditionnels, perte des valeurs ancestrales et des croyances religieuses.
Conscientes de la nature des problèmes qui se posent actuellement, les associations d'autochtones tentent de les résoudre ou au moins de les atténuer.
Selon Pika et al. (1991), le taux de mortalité générale de la population autochtone de Tchoukotka orientale a ainsi évolué : 21% en 1970-1974 ; 20% en 1975-79 ; 18% en 1980-1984 ; 11% en 1985-1989.
Quant à la mortalité infantile, qui a été réduite au cours des deux dernières décennies, elle demeure encore élevée. L'évolution de ce taux, donnée par Pika et al. (op. cit.), est la suivante (population autochtone, taux pour mille naissances) : 1970-1974 : 70%o ; 1975-1979 : 50%o\ 1980-1984 : 68%o ; 1985-1989 : 40%o.
La baisse du taux de mortalité infantile peut s'expliquer par une meilleure surveillance prénatale et surtout postnatale. En règle générale, les mères viennent en avance pour accoucher à l'hôpital de leur district (à Providenia, Lavrentia, Schmidt ou Pevek) et elles y restent environ un mois après l'accouchement. Puis, de retour au village, une surveillance du nouveau-né (jusqu'à un an ou au-delà) est assurée par le personnel du dispensaire local, au cours de visites régulières à domicile. Néanmoins, si la mortalité infantile reste élevée, il semble que ce soit en partie imputable aux accidents de naissance. Une information précise est difficile à obtenir, mais certains médecins nous ont parlé de mauvaises conditions d'accouchement et de handicaps chez les enfants dus à celles-ci. Par ailleurs, le mauvais état de santé des mères nous a aussi été mentionné à plusieurs reprises, et le fait qu'un certain nombre d'enfants naissent malades (maladies pulmonaires ou autres), contaminés par leur mère pendant la grossesse ou à la naissance.
- Natalité et famille
Il est un fait que la dimension des familles eskimo et tchouktches s'est considérablement réduite d'une génération à l'autre, sans qu'il y ait eu de campagne délibérée des pouvoirs publics en faveur d'une limitation des naissances. Ce fut plutôt, depuis une vingtaine d'années, une tendance spontanée de la population autochtone à réduire sa descendance.
Le recours à l'avortement a souvent servi de moyen de contraception, en l'absence à la fois d'informations et de moyens contraceptifs disponibles en quantité suffisante. Pour cette région de l'Union soviétique, le nombre des avortements est actuellement égal ou un peu supérieur à celui des naissances ; ce qui, en fait, reste en-dessous de bien d'autres régions, où il se pratique trois interruptions de grossesses pour une naissance. En Tchoukotka, lorsqu'il y a prévention des naissances, c'est le stérilet qui est le plus largement utilisé (la pilule est rarement employée et les préservatifs sont pratiquement inconnus).
[86]
Tandis que leurs mères ou leurs grands-mères mettaient fréquemment au monde huit à dix enfants, parmi lesquels peu survivaient, les femmes eskimo et tchouktches ont en moyenne trois ou quatre enfants [12]. Quant aux familles des « nouveaux venus » (Russes d'Europe), elles ne se composent, en moyenne, que d'un ou deux enfants.
Après avoir décru dans le courant des années 1970 et au début des années 1980, la natalité de ces minorités ethniques a de nouveau augmenté. Le taux est supérieur à 30%o actuellement. Des mesures natalistes d'aide aux enfants et aux familles et, plus récemment, d'allongement du congé de maternité, peuvent avoir joué un rôle dans la recrudescence des naissances. La proportion importante des jeunes de moins de 15 ans dans la population confirme cette tendance et, dans certains villages, comme Lorino, il a fallu dédoubler des classes pour accueillir les plus jeunes élèves.
En ville, en particulier à Providenia, les familles sont plus restreintes et souvent monoparentales (enfants de mères célibataires ou séparées).
Il est enfin à signaler que l'âge à la première maternité est parfois très jeune 14 ou 15 ans quelle que soit l'origine ethnique de la mère, et que les naissances illégitimes sont devenues très fréquentes.
La politique d'assimilation et de russification des petites ethnies de Tchoukotka s'est aussi traduite par le métissage des populations. Alors que la présence d'immigrants venus d'autres régions d'URSS devenait très importante en Tchoukotka [13], les unions entre Russes et autochtones étaient fortement encouragées. Ceci allait même, vers les années 1950, jusqu'au versement aux mariés d'une allocation en somme d'argent. Il se trouve donc aujourd'hui une proportion non négligeable d'Eskimo et de Tchouktches issus de familles de père russe et de mère autochtone (l'inverse étant plus rare), c'est notamment le cas dans le district Providenski : à Providenia, Nounligran et Novoe Tchaplino. Mais ces unions sont souvent instables et beaucoup de mères se retrouvent seules avec la responsabilité d'une famille monoparentale.
Quant aux intermariages entre ethnies tchouktche et eskimo, ils ont été favorisés par la politique de regroupement des communautés et de cohabitation forcée dans les villages organisés en sovkhozes, aux activités diversifiées [14]. On peut citer en particulier : Sireniki, Novoe Tchaplino, Ouelen, Wrangel. Toutefois, les Tchouktches qui vivent sur les côtes de la mer des Tchouktches, à l'ouest d'Ouelen, ou à l'intérieur de la toundra, se trouvant éloignés des Eskimo, n'ont guère d'occasions de s'intermarier avec eux.
[87]
Pour les minorités ethniques, les conséquences d'une telle politique sont multiples : perte linguistique, modification des modes de vie, disparition des spécificités culturelles...
- Les mouvements migratoires
Hormis les mouvements saisonniers liés aux activités de chasse, de pêche et de cueillette des produits de la toundra (plantes et baies) ou aux migrations des troupeaux de rennes, la population autochtone n'est que très peu concernée par les mouvements migratoires. Les possibilités de déplacement sont d'ailleurs restreintes, les moyens de communication étant insuffisants et coûteux.
À la différence de ce que l'on peut observer ailleurs dans l'Arctique (en Alaska, au Canada ou au Groenland), les jeunes autochtones de cette région n'ont pas tendance à vouloir quitter leur village pour aller s'installer dans des agglomérations plus importantes. Après leur service militaire, comme à la fin des années d'éducation post-scolaire que quelques-uns d'entre eux poursuivent, les jeunes cherchent à revenir dans leur village, ce qui n'est pas sans poser de sérieux problèmes d'emploi. Pour eux, la vie en ville signifie : manque de logement, marginalisation et éloignement de la nature.
Les mouvements migratoires concernent surtout la population extérieure à cette région, Russes et Ukrainiens notamment, dont l'afflux n'avait cessé de croître depuis les années 1940. Quelques-uns d'entre eux ont fait souche : ils considèrent la Tchoukotka comme leur nouvelle patrie et font partie des Associations autochtones. Mais la plupart des immigrants ne restent que peu de temps, et c'est dans cette population de « nouveaux venus » qu'il y a beaucoup d'allées et venues.
Depuis quelque trois ou quatre années, le mouvement d'immigration tend à s'atténuer. La population allochtone, ne trouvant plus autant d'avantages, financiers ou autres, à venir dans ce Grand Nord soviétique, est encline à repartir vers des régions au climat plus clément. Il y a donc maintenant stabilisation et même décroissance du nombre des allochtones présents en Tchoukotka.
Il faut enfin mentionner un phénomène récent, lié à l'ouverture de la frontière restée hermétiquement fermée jusqu'en 1988 entre l'Alaska et la Sibérie. Un tourisme naissant permet à des petits groupes d'étrangers venant de Nome, en Alaska, de passer quelques jours dans la région de Providenia, de Lavrentia ou d'Anadyr. Mais ce qui est le plus intéressant, de notre point de vue, ce sont les visites mutuelles entre Eskimo d'Alaska et Eskimo de Sibérie, que cette ouverture a rendu possibles. Après une période de quarante années de silence forcé, le contact s'est rétabli entre des parents séparés par le « rideau de glace » ; et c'est avec beaucoup d'émotion et un vif intérêt que certains Eskimo sibériens ont pu, sans visa, rendre visite à leur famille américaine habitant Nome, Walles, la petite île Diomède ou l'île Saint Laurent. La tradition orale avait conservé la mémoire de ces liens familiaux et les retrouvailles ou rencontres inoubliables ont été évoquées pour nous, à plusieurs occasions, durant nos séjours.
Il demeure cependant quelques points noirs : d'une part le coût financier des traversées par avion, qui sont hors de portée du pouvoir d'achat des Eskimo (notamment des Sibériens), d'autre part l'absence de possibilités similaires de se rendre en Alaska, sans visa, pour les Tchouktches, pour la seule raison qu'ils n'ont [88] pas de famille de l'autre côté du détroit de Béring. Cette différence est ressentie par eux un peu amèrement.
Conclusion
Le secret qui pesait jusqu'en 1985 sur toutes les informations concernant la Tchoukotka et ses habitants, a conduit à la publication de documents où l'information était le plus souvent tronquée, voire même parfois délibérément biaisée.
Depuis l'ouverture de cette région, la véritable situation des minorités ethniques a commencé à être révélée, mais les travaux les plus récents des chercheurs soviétiques restent encore très souvent confidentiels, notamment en ce qui concerne les statistiques médicales et démographiques. Cette rétention de l'information contraste tout particulièrement avec l'exemple du Groenland où toutes les statistiques, démographiques, médicales, économiques, etc. sont publiées annuellement et largement diffusées.
Si les idéologies qui ont présidé au développement économique et à l'évolution récente des populations autochtones de ces deux régions arctiques, la Tchoukotka et le Groenland, diffèrent fondamentalement, on ne peut pas cependant ne pas être frappé par certaines similitudes. Nous n'en citerons ici que quelques-unes :
L'histoire du peuplement de l'île Wrangel, en 1926, pour marquer la souveraineté de l'URSS sur ce territoire que revendiquaient les USA et le Canada, n'est pas sans rappeler le peuplement du Scoresbysund, au Groenland oriental, organisé en 1925 par le Danemark pour affirmer sa souveraineté sur cette région vis-à-vis de la Norvège. Toutefois, les chasseurs groenlandais qui effectuèrent la migration (originaires d'Ammassalik et de la côte ouest du Groenland) étaient des volontaires. Il serait extrêmement intéressant de tenter de dresser un bilan de leur situation respective, après 65 ans de coupure de leur région d'origine et d'adaptation à un nouveau milieu.
La politique de développement et de modernisation du Groenland, conduite par le Danemark à la fin des années 1950 et dans les années 60, a aussi été fondée sur le regroupement de la population dans des agglomérations moins nombreuses et mieux desservies, la fermeture de nombreux petits villages, la sédentarisation des chasseurs de mammifères marins traditionnellement nomades, la reconversion vers de nouvelles activités (pêche, emplois salariés), et l'afflux croissant d'une population allochtone [15]. Mais ces changements majeurs, certes très perturbants pour la population groenlandaise, ont été assortis d'un effort considérable, de la part du Danemark, pour développer en particulier l'infrastructure médicale. De sorte que la mortalité se trouvant fortement réduite et la natalité augmentée, il s'est produit une véritable explosion démographique de la population autochtone, passée de 22 581 individus au 31.12.1950, à 38 912 au 31.12.1970, soit une augmentation de 72% en vingt ans. La population groenlandaise autochtone, loin d'être marginalisée par les nouveaux venus, est toujours restée largement majoritaire sur son territoire jusqu'à devenir maîtresse de son destin par l'accession au statut d'autonomie interne, [89] en 1979. Actuellement, il se trouve, au Groenland, une population de 55 533 habitants, dont 46 691 autochtones. On est donc loin de la situation de très faible croissance démographique et de marginalisation des petites ethnies de Tchoukotka.
L'éducation scolaire au Groenland, à partir des années soixante, est devenue pour le Danemark un véritable instrument utilisé pour faire évoluer la population groenlandaise vers le monde moderne et pour l'assimiler à la société danoise dont elle faisait partie depuis 1953, au titre de « Danemark du Nord ». Ceci s'est traduit par un allongement de la scolarité, le développement d'internats dans les villes afin d'accueillir les écoliers des petits villages éloignés, et l'envoi de jeunes au Danemark pour les familiariser avec la langue danoise et le mode de vie occidental. Si cette politique a eu des effets néfastes sur le maintien des modes de vie et des valeurs traditionnelles, elle n'a pas, toutefois, entraîné la disparition de la langue groenlandaise (eskimo). Cette dernière, devenue la langue officielle du pays en 1979, est parlée par la quasi-totalité de ses ressortissants et se retrouve dans un très large éventail de publications, livres (textes originaux ou traductions) et journaux, ainsi qu'à la radio et à la télévision.
À titre comparatif, pour présenter succinctement les caractéristiques démographiques de la population groenlandaise à l'époque actuelle, on peut citer quelques données tirées des documents : Grönland 1990 et The State of health in Greenland. Report from the Chief Medical Office for 1990, ou de publications antérieures.
Après la très forte croissance démographique des années 50 et 60, due au niveau extrêmement élevé de la natalité et à l'abaissement considérable de la mortalité par les soins médicaux, la natalité s'est à son tour réduite, depuis 1968, sous l'effet d'une campagne très active de contrôle des naissances mise en œuvre par le gouvernement danois. De 7,2 enfants par femme groenlandaise en 1960, on est arrivé actuellement à 2,4 enfants. Le taux de natalité de la population groenlandaise est maintenant de 24,5% (avec 763 avortements [16] pour 1 000 naissances) et le taux de mortalité s'élève à 9,3% en 1990 (ayant varié de 9 à 9,5% entre 1980 et 1990).
Ces changements démographiques se sont répercutés sur la structure par âge de la population. La pyramide des âges au 1.1.1991, rétrécie à sa base, donne une proportion déjeunes de moins de 15 ans de 28,3% seulement, alors que cette catégorie d'âge représentait 49,5% de la population groenlandaise autochtone, en 1965. Les générations actuellement les plus représentées sont celles qui ont entre 20 et 35 ans.
Au cours des dernières décennies, la progression de l'espérance de vie au Groenland a été la suivante :
- en 1954-1958 50,5 ans pour les hommes, 55,2 ans pour les femmes
- en 1961-1965 56,7 ans pour les hommes, 63,2 ans pour les femmes
- en 1971-1975 59,0 ans pour les hommes, 65,4 ans pour les femmes
- en 1981-1985 58,5 ans pour les hommes, 66,0 ans pour les femmes
- en 1986-1990 âges identiques à la période précédente
[90]
Ces chiffres soulignent l'importance de la progression entre les années 50 et 60, mais ils font aussi ressortir une stagnation, et même une régression pour les hommes, dans les années 70 et 80. Actuellement, cela se traduit par une proportion toujours faible de personnes âgées de soixante ans et plus : elles ne représentent que 7,4% de la population groenlandaise au 1.1.1991. Cette remarque rejoint celle que nous faisions au sujet des populations tchouktche et eskimo de Sibérie, avec toutefois une espérance de vie sensiblement supérieure (de plus de six années) pour la population groenlandaise (cf. fig. 3, p. 91).
L'état sanitaire de la population groenlandaise ayant été considérablement amélioré et la mortalité infantile réduite [17], grâce au déploiement des services de santé sur tout le territoire, c'est une mortalité d'un type nouveau qui s'est développée : les morts violentes, le plus souvent liées à des problèmes d'alcoolisme. Comme il semble que ce soit le cas pour les petites minorités de Sibérie, ces décès constituent près de 30% de l'ensemble de la mortalité au Groenland, avec 15% dus à des suicides (en particulier parmi les hommes âgés de 15 à 25 ans), 10% à des accidents et 5% à des homicides. Et, dans cette partie occidentale de l'Arctique, les maladies cardiaques et cérébro-vasculaires sont la cause de 21% des décès et le cancer de 18,5%.
*
* *
Les petites populations de la Tchoukotka nous ont tout particulièrement alertés sur quelques points pour lesquels elles attendent une évolution sensible dans un proche avenir :
- l'amélioration des conditions matérielles de vie, notamment dans les domaines de l'habitat, de l'hygiène, de l'environnement et de l'alimentation ;
- la restauration de la vie familiale, avec une véritable communauté d'existence entre les parents et les enfants ;
- la revalorisation des métiers traditionnels de chasse, de pêche et de cueillette, ainsi que le sauvetage des langues et des cultures qui sont très menacées.
De réels progrès dans ces domaines contribueraient à une diminution des problèmes sociaux et, selon toute vraisemblance, à une réduction sensible de la surmortalité masculine qui menace gravement les Tchouktehes et les Eskimo de la Tchoukotka.
Paris, octobre 1991
[91]
Figure 3. Espérance de vie à la naissance
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[94]
ABSTRACT
The socio-demographic situation of ethnie minorities in Chukotka (Yuit Eskimos and Chukchis) with some comparative éléments on the Greenlandic population
Joëlle ROBERT-LAMBLIN
Museum of Man,
National Center of Scientific Research (CNRS), Paris
Presentation of observations and information obtained in three districts of the Chukotka (Providenskiy, Chukotskiy and Schmidtovskiy) during field trips in winter and summer 1991.
The following points, in particular, are covered :
- - The major difficulties encountered in the Soviet Union, for the obtention of exact and reliable data or statistics, particularly where demography and sanitary conditions are concerned. Problems of confidentiality or secrecy of data conceming numbers, the lack of precision found in officiai data recording, and the uncertain definition of ethnie origin of people concerned, etc.
- - The main lines of recent history of local ethnic minorities of the Chukotka Peninsula, and their geographical distribution today.
- - The main démographie characteristics of these populations today, such as : age structure and life expectancy, sanitary conditions and mortality, birthrate and family, migratory movements.
For the purpose of comparison, this presentation is completed by data on the evolution and demographic situation of another Arctic population : the Greenlandic Inuit.
[1] Responsable du Centre d'études sibériennes, IMSECO, Paris.
[2] Association des spécialistes des Régions polaires de Leningrad.
[3] Cependant il demeure en Alaska des familles appartenant à ce groupe linguistique : les habitants de la petite île Diomède. Et nous avons appris que ceux-ci ont eu le souci, conformément à la tradition eskimo, de donner à leurs enfants les noms de leurs parents sibériens décédés.
[4] 394 habitants en 1926 ; 356 en 1939.
[5] L'île Wrangel (71° de lat. Nord) est habitée depuis 1926, sous l'impulsion de G. A. Ouchakov. En transportant des familles eskimo et tchouktches dans cette île, l'Union soviétique a voulu affirmer sa souveraineté sur ce territoire, qu'à la suite de son expédition de 1921 W. Stefansson revendiquait pour les USA, en rappelant que l'île avait été en réalité accostée pour la première fois, non par Wrangel, mais par l'Américain C. L. Hooper, en 1881. Le Canada, de même, revendiquait l'île.
[6] Le village actuel d'Ouchakovskoe, sur l'île Wrangel, a été établi en 1932. Après la création d'un kolkhoze en 1935, l'île Wrangel est devenue une réserve en 1952, puis un parc national en 1976. La chasse y est donc interdite, à l'exception de 3 morses et de 9 phoques barbus destinés, annuellement, à la population, et de phoques annelés (sans limitation). Mais, là comme ailleurs, les autochtones ne possèdent pas d'arme à feu et, pour pouvoir chasser, ils doivent en emprunter aux autorités locales.
[7] Cette tente des nomades, faite d'une structure de bois recouverte de peaux de renne ou de toile, est l'habitat de toutes les saisons, hiver comme été.
[8] Nous avons vu un de ces abris de pasteurs, dans la toundra à l'intérieur des terres de Sireniki.
[9] Séminaire intitulé : "Ecological, socio-economical and legal aspects on establishment of Beringian International Park".
[10] D'après l'étude menée par A. Pika et D. Bogoïavlenski dans les districts Providenski et Tchoukotski et nos informations recueillies auprès des médecins des services hospitaliers.
[11] Une bouteille de vodka et une bouteille de vin, par mois, sont autorisées pour les adultes de plus de 21 ans (toutefois il y a interdiction totale pour les malades et les femmes enceintes). La vente n'a lieu que le samedi (les fameux « samedis ivres ») et seulement un samedi sur deux dans les villages.
[12] Il semble que les familles tchouktches ont plus d'enfants que les familles eskimo, mais ceci reste à vérifier.
[13] La population immigrante, qui ne représentait que 3% de la population totale de la Tchoukotka en 1926, en constituait 68% en 1959 et aujourd'hui atteint près de 90%.
Pour la région qui nous concerne ici, la population allochtone représente : dans le district Providenski, 76% de la population totale du district ; dans le district Tchoukotski, 44% ; et dans le district Schmidtovski : 95% (cf. tableau 1).
[14] Chasse, pêche, renniculture et élevage d'animaux à fourrure (renards bleus notamment).
[15] La population danoise représentait 2,2% de la population totale du Groenland en 1945 ; 4,5% en 1950 ; 8,3% en 1960 ; 16,4% en 1970 ; 18,1% en 1980 et 15,9% en 1990.
[16] L'interruption volontaire de grossesse est devenue légale en juin 1975. Elle tend à remplacer les moyens de contraception, en particulier le stérilet qui a été, jusque-là, le plus utilisé.
[17] La mortalité infantile, qui était de 54,1% en 1970, est tombée à 34,2% en 1980 et à 24,5% pour la période 1985-1989.
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