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MANGER DIEU
Préface
Pour les familiers de la liturgie, la « Préface » constitue le prologue de la prière eucharistique et ses premiers mots sont des mots de louange et d’émerveillement reliés à la Fête du jour, à un Temps fort de l’année, à un événement de vie que nous venons célébrer. Ces mots s’adressent au Père.
De la même manière, permettez-moi, dans la préface de ce livre, d’adresser des mots de louange et d’émerveillement à l’égard du Père qui, par le don de son Esprit, insuffle à un frère, Léon, une telle passion pour Jésus-Christ, pour l’Eucharistie, pour l’Église, pour le bonheur du monde. Vraiment, il me semble juste et bon de reconnaître ainsi l’enthousiasme spirituel qui traverse non seulement les propos de l’auteur mais aussi toute sa vie.
Le titre de ce volume « Manger Dieu » est un titre étonnant, voire même audacieux, qui peut faire sursauter…On peut accepter d’y entrer avec humilité et confiance…On peut aussi résister à ces mots et à leur contenu. Il suffit de nous rappeler l’entretien de Jésus sur le Pain de Vie… « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». (Jn 7, 54) Ce jour-là, bon nombre de disciples se retirèrent, incapables d’entendre ces paroles, irrecevables et insoutenables pour eux. À ceux qui restent Jésus demande : « Voulez-vous partir vous aussi ? » et Pierre de répondre : « Mais, Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! » (Jn 7, 67)
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Pour certains l’idée de manger Dieu est dérisoire et suspecte…Quant à vous qui tenez ce livre en main, sans doute êtes-vous déjà habités d’une foi qui vous rend consentant à recevoir cette nourriture. Car, oui, il est question de nourriture !
Léon Robichaud est un homme qui, de par sa vie et son expérience, a compris à quel point la guérison de l’être dans son entier passe par une saine alimentation à tous les niveaux. Son ministère a été marqué par une attention constante aux hommes et aux femmes en quête de guérison dans leur santé physique autant que psychologique et spirituelle. « La fraction du pain refait nos forces » écrit-il, l’eucharistie étant un chemin privilégié de guérison.
À la manière du Livre des Proverbes ou de l’Ecclésiastique, les pages qui suivent sont ponctuées de maximes diverses, d’expressions abruptes et savoureuses à la fois, de pensées remplies de sagesse, sans détour, sans nuances presque, dynamisantes et capables d’interpeller….
Je cite quelques-unes de ces perles : « La fin d’une messe n’est que le commencement de l’Eucharistie »… « Les gens incapables de recevoir sont des êtres en décadence ! » « Si vous sortez de la messe sans rien changer de votre vie, vous avez perdu votre temps. » « Protégez-vous des personnes qui ont perdu leur douceur. » « En devenant eucharistie, j’apprends que mon passé est dans la miséricorde de Dieu. Mon présent dans son amour et mon futur dans sa providence ! »
Intégrant à cette réflexion sur l’Eucharistie un certain nombre de consignes spirituelles de sa vie Voluntas Dei, ce prêtre acadien sait nous parler de toutes ces choses comme il parle du vent, de l’eau, de lumière, de pardon, de fête et de fraternité, de repos, de repas, d’instant présent, de respiration…. « Personne ne peut respirer hier…ou [7] demain. » Peut-être est-ce la mer qui lui a inspiré cette image de l’eucharistie « reflet du miroir de Dieu »…
Tout en lisant ce manuscrit m’est revenu souvent à l’esprit ce passage de Virgil Gheorghiu « De la 25e heure à l’heure éternelle »
« J’entendais à la communion la voix du Christ qui me disait : Je nourris les miens…c’est moi-même qui m’offre pour votre nourriture… »
« Et Dieu, après la communion, était entré sous le « toit de chaque âme » chez les gens de notre village. Et en sortant de l’église ils portaient Dieu en eux. Et ils marchaient avec précaution, comme on marche quand on transporte quelque chose d’inestimable. Et ils étaient ainsi Théophores, « Porteurs de Dieu ». Lorsqu’on porte une lampe ou un cierge, on a le visage illuminé par la flamme ; quand on porte Dieu en soi, qui est la lumière des lumières, on est illuminé du dedans, de telle manière que toute la chair et tout le corps sont transfigurés, embellis. Ainsi en était-il des gens de notre village…quand ils sortaient de l’église, portant Dieu « sous le toit de leurs âmes » tant ils étaient beaux, superbes, sublimes… »
Entrons ensemble dans ces pages écrites par notre frère Léon Robichaud qui nous entretient de paix, de silence et d’écoute, d’amour et de miséricorde, d’humilité et de douceur. Oui, que ses propos, à leur manière, nous éveillent à nouveau à cette beauté transformante de l’eucharistie.
Robert Lebel, I.V. Dei
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