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Interventions critiques
en économie politique
No 4
DOSSIER : LE TRAVAIL
“La définition
du taux de chômage.”
Vincent van Schendel
À propos de quelques définitions
La définition officielle du chômeur donnée par statistique Canada dans “l’enquête sur la population active” est la suivante :
Les chômeurs sont des personnes qui, au cours de la semaine de référence (i.e. semaine ou l’enquête est effectuée sous la forme d’un sondage, auprès d’un échantillon de la population totale) :
- “a- étaient sans travail, avaient activement cherché du travail au cours des 4 dernières semaines (y compris la semaine de référence) et étaient prêtes à travailler ;
- b- n’avaient pas activement cherché du travail au cours des 4 dernières semaines mais étaient mises à pied (et prévoyaient être rappelées au travail) depuis 26 semaines ou moins et étaient prêtes à travailler ;
- c- n’avaient pas activement cherché du travail au cours des 4 dernières semaines, mais avaient un emploi auquel elles devaient commencer à travailler dans 4 semaines ou moins à compter de la semaine de référence et étaient prêtes à travailler.”
(Statistique Canada : La population active, cat. 71-001)
La population active, comprend pour sa part :
- la partie de la population civile hors institution âgée de 15 ans et plus qui avait un emploi ou était en chômage pendant la semaine de référence”
Et le taux de chômage officiel se définit comme :
- le nombre de chômeurs en pourcentage de la population active. Le taux de chômage d’un groupe particulier (âge, sexe, etc...) est le chômage de ce groupe exprimé en pourcentage de la population active du même groupe.”
Les personnes qui n’ont pas d’emploi mais qui ne correspondent pas à la définition officielle du chômage, sont classées comme inactives.
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Ces différentes définitions sont très restrictives. En effet, les assistés sociaux, les ménagères (Les “femmes au foyer” en général), les travailleurs/euses découragé(e)s de chercher un emploi après des semaines ou des mois de recherches infructueuses, les personnes qui travaillent à temps partiel faute d’avoir trouvé un emploi à temps plein, etc. ne sont pas considéré(e)s comme chômeurs même si ils (elles) n’ont pas d’emploi à temps plein.
Elles ne tiennent pas compte non plus du chômage déguisé : les projets style “Katimavik” où des jeunes sont envoyés travailler un an dans une région éloignée pour un salaire de misère et sont encadrés de façon militaire ; les travailleurs en recyclage à la suite de la disparition de leur emploi et de leur spécialisation, ainsi que les étudiants qui poursuivent leurs études parce qu’ils savent qu’il n’y a pas d’emploi disponible, ne sont pas comptés non plus comme chômeurs.
Les notions de “population active” et de “taux d’activité” sont elles aussi très relatives. Pourquoi, par exemple, le taux d’activité est-il traditionnellement plus faible au Québec qu’en Ontario et qu’au Canada (54,9 p.c. au Québec contre 58,3 p.c. en Ontario et 56,1 p.c. dans l’ensemble du Canada en 1971 et respectivement 59,7, 65,5 et 62,6 p.c. en 1978), si ce n’est parce que la situation économique du Québec, sa structure industrielle etc., sont telles que beaucoup moins d’emplois sont disponibles et que donc beaucoup moins de gens finissent par en chercher ? Pourquoi le taux d’activité chez les femmes est-il toujours inférieur à ce qu’il est chez les hommes ? (76,1 p.c. chez les hommes contre 36,5 p.c. chez les femmes en 1971 et respectivement 77,9 et 47,8 p.c. en 1978) ? si ce n’est à cause du rôle traditionnellement dévolu à la femme en tant que “reine du foyer” et du nombre encore relativement faible d’emplois offerts aux femmes (même si ce nombre est en progression encore faut-il voir dans quels secteurs...) ?
En effectuant toutes les corrections nécessaires, on pourrait facilement doubler, voir tripler le taux de chômage officiel [1].
Signalons en passant que la modification des définitions de chômeurs, inactifs, etc... et de l’enquête sur la population active par Statistique Canada en 1976 a permis de diminuer de plusieurs milliers le nombre officiel de chômeurs...
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Les “chômeurs volontaires”
On parle souvent, dans les milieux gouvernementaux, et libéraux en général, du soit disant grand nombre de chômeurs volontaires au Canada i.e. des personnes qui, pouvant travailler mais ne le voulant pas, reçoivent quand même de l’assurance-chômage. Plusieurs remarques s’imposent ici :
- 1/ Ce n’est certainement pas le montant des prestations d’assurance chômage qui permet de vivre comme des pachas ! Si on compte le nombre de semaines qu’il faut en plus attendre avant d’avoir un premier chèque on peut même crever de faim...
- 2/ Vouloir prendre son temps pour trouver un emploi “intéressant” correspondant au niveau de qualification acquis et à ce que la personne veut faire est tout ce qu’il y a de plus légitime. Si le travail, règle générale, était moins abrutissant, aliénant, atomisant et dévalorisant, cela motiverait probablement davantage les gens à chercher plus activement du travail et à rester le moins possible en chômage... Si le capitalisme n’asservissait pas le travail humain aux besoins de la valorisation du capital... mais avec des “si”, on ferait tellement de choses n’est-ce pas ?
- 3/ Quoiqu’il en soit, la très grande majorité des travailleurs/euses (et des étudiants !) n’ont pas le choix : ils doivent trouver du travail vite et s’embauchent où ils peuvent. Selon une étude du très subversif (!) Conseil économique du Canada, l’impact du “chômage volontaire”, ne dépasse pas entre 0,7 et 1,1 point de pourcentage du chômage officiel total [2] ; ce qui, en comparaison des milliers de chômeurs de fait qui ne sont pas comptabilisés comme tels, est absolument ridicule...
L’armée de réserve...
Les méthodes employées d’un pays à l’autre pour calculer le taux de chômage varient parfois sensiblement. Ainsi, en Angleterre, en France et en Allemagne de l’ouest, [55] on se sert des inscriptions auprès des organismes de placement. Au Canada, c’est l’enquête sur la population active réalisée sur un échantillon de 55 000 “ménages” d’un océan à l’autre qui sert de base à ce calcul.
Mais partout, on retrouve cette même sous-estimation systématique du chômage réel. Et il n’en existe pas moins des dizaines de millions d’hommes et de femmes sans emploi et pratiquement sans revenu à travers le monde. C’est “l’armée de réserve industrielle” dont parlait Marx, massive, mais traditionnellement inorganisée. Quel merveilleux moyen de pression pour inciter les travailleurs(euses) (du moins les non syndiqué(e)s) à modérer leurs revendications salariales ! Que d’économies réalisées à effectuer du travail gratuitement (travail domestique...) ! Quel gaspillage social aussi, que d’énergies perdues à tourner en rond !... Mais ça voyez-vous, c’est le “progrès”...
V.v.S.
NOTES
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Le lot des travailleurs à temps partiel : bas salaires, surcharge de travail, arbitraire dans l’embauche, pas de sécurité d’emploi, peu de protection syndicale...
[1] Une étude dans ce sens a notamment été faite pour les États-Unis dans Montly Review avril 71.
[2] Conseil économique du Canada :
* Des travailleurs et des emplois
* Chômage et programme d'assurance chômage (par C. Green et J.M. Cousineau) 1976
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