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Préface
Sélim Abou
Coordinateur du réseau CLD
Université Saint-Joseph, Beyrouth
Le réseau « Cultures, Langues et Développement » n'est sans doute pas le plus difficile des réseaux thématiques de recherche créés par l'AUPELF-UREF, si tant est que la difficulté soit mesurée par le degré de technicité qui préside à la recherche. Mais il est incontestablement le plus complexe, du fait de la dimension « spéculative » ou interprétative qu'il implique. Les trois éléments constitutifs de la thématique du réseau n'avaient été envisagés jusqu'ici que deux à deux : langues et culture, langues et développement, culture et développement, et il est fallacieux de prétendre que ces rapports binaires contenaient implicitement le troisième terme. L'implicite ici n'est guère pertinent ; c'est la dialectique explicite entre les trois termes qui manifeste la spécificité et l'originalité de la problématique.
Ce rapport à trois termes imprime à chacun d'eux une orientation sémantique déterminée. La langue, en l'occurrence la langue française, est considérée ici comme véhicule de culture et, partant, de développement ; en tant que telle, elle n'a de portée que si elle est connue et pratiquée par la population étudiée comme langue seconde, et non seulement comme langue étrangère. La culture, dans son rapport avec le développement et avec les langues - langue française et langue(s) nationale(s) - englobe l'ensemble des activités standardisées de l'homme et non seulement le secteur limité de son savoir académique. Le développement, en rapport avec la culture et les langues qui la véhiculent, ne peut être qu'un développement multidimensionnel concernant tous les aspects de la vie individuelle et/ou collective, et non le développement unidimensionnel mesuré par la seule croissance économique.
Chacun des trois termes impliquant déjà en lui-même un réseau complexe de relations, on devine la complexité accrue de leur mise en rapport. Aussi nos premières « journées scientifiques » ne pouvaient-elles être qu'un coup d'essai, une sorte d'exploration d'un certain nombre de champs d'étude : cultures, [x] langues et développement dans le processus d'intégration nationale (Première partie), dans la transmission des messages et la communication (Deuxième partie), dans le processus de mondialisation (Troisième partie), dans les systèmes éducatifs (Quatrième partie). Trois communications étaient des rapports d'étape détaillés sur des recherches en cours de réalisation, subventionnées par le réseau. Dans les autres, les intervenants ont tenté de penser l'objet de leurs recherches spécialisées - en linguistique, psychologie, ethnologie ou sociologie - en fonction de la problématique du réseau.
La variété des points de vue sur « la diversité linguistique et culturelle et les enjeux du développement », thème général du colloque, n'a d'égal que la diversité des terrains d'application. Terrains nationaux : le Québec, le Liban, la Roumanie, l'Algérie, l'Ile Maurice, Madagascar, le Bénin, le Cameroun, le Zaïre. Terrains régionaux : l'Europe, le Maghreb, l'Afrique francophone. Terrains comparés : France - Cambodge, Québec - Belgique - Sénégal. Il a sans doute manqué, lors de ce colloque, des moments de synthèse, sous forme de table ronde ou de panel, susceptibles de faire apparaître des points de convergence entre les diverses expériences et de suggérer des principes de méthode applicables à la thématique complexe du réseau. Le lecteur des Actes saura remédier à cette lacune, en attendant les deuxièmes « journées scientifiques ».
Beyrouth, 1er mars 1997.
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