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Introduction générale
CARTES SUR TABLE : le moment 1990
Il est grand temps pour nous de devenir sérieux puisque nos sources et nos ressources ne nous contraignent quand même pas à ce si piteux état des lieux. Nous pouvons définitivement faire beaucoup mieux. Aussi serait-il irresponsable de continuer dans cette manière erratique de gestion d'un pays non seulement en plein désastre mais plus encore en grand danger d'effondrement. Il est vraiment grand temps pour nous de devenir sérieux. Point.
C'est qu'il est navrant de constater, dans la conjoncture actuelle en ce mitan 1990, combien est généralisée la crainte de souscrire à ce qui est notre dernière chance de bâtir un pays normal quand il n'y a plus aucune illusion à se faire sur les soi-disant plusieurs voies à notre disposition. Il n'en reste pratiquement qu'une seule de sérieuse capable de nous conduire à un pays normal et, qui plus est, elle transcende le prochain verdict des urnes, ou le prochain coup d'État, pour faire obligation à la nouvelle équipe, quelle qu'elle soit, d'emprunter cette unique voie si elle veut accoucher d'un pays normal. Point.
Ce n'est pas vraiment pour avoir gaspillé nos ressources ou pour avoir dilapidé nos avoirs, ce qui hélas a aussi été fait, que nous nous retrouvons dans cette situation, mais c'est principalement pour n'avoir jamais accepté dans nos têtes que la rupture souhaitée s'opérera d'abord par nous, avec nos moyens du bord, sources et ressources, et selon des voies et à un rythme choisis par nous. Ensuite, mais ce n'est qu'ensuite, que l'on se fera aider, mais en choisissant encore... Point.
On a beau se consoler en disant qu'un pays ne meurt pas que cela ne change strictement rien à la situation actuelle. Il n'y a aucun effet de style dans cette sentence qu'il faut entendre au premier degré : Haïti en tant qu'une CERTAINE NATION risque, et pour encore longtemps, l'effondrement. Il faut avoir le courage de voir les choses comme elles sont au plus profond du pays profond, et nous avons été justement les voir, pour éviter ce qui maintenant paraît comme très possible et, à dire vrai, probable. L'effondrement. Point.
C'est là un cas d'illustration pour manuel scolaire de ce que l'on peut appeler la dictature de la misère qui impose de prendre une certaine voie donnée, claire et nette, pour assurer la survie collective par le passage de l'état de misère à celui de pauvreté, quitte plus tard à reprendre la discussion des nuances quand le danger immédiat de disparaître aura ainsi été écarté. Point.
Évidemment, l'option de continuer à ne rien faire de vraiment sérieux restera toujours grande ouverte, mais alors on devrait arrêter de faire semblant face au peuple de vouloir lui édifier un pays normal. Un point c'est tout.
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L’insécurité de L’ÉTAT DES LIEUX porte à s’enfermer à douze tours, à Pilate, comme partout ailleurs…
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