sociologue, professeur, Département de sociologie, UQÀM.
“Les communautés arabes
au Canada et au Québec.” *
Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Gema Martin Muñoz, Árabes en las dos Américas (Les Arabes en Amérique du Nord). Madrid : Casa Arabe, 2011. (Texte publié en langue espagnole).
- Introduction
- Précisions terminologiques
- Historique de l’arrivée des Arabes au Québec
- Être arabe : le contexte géopolitique dans les pays d’origine et son importance pour les mobilisations en situation de migration
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- Retour sur la notion d’arabité
Le facteur identitaire et son impact sur les dynamiques sociales et politiques
- Les trois niveaux d’identité
- Les minorités dans le monde arabe
- La dissociation entre une culture folklorisée et l’identité politique
- La vie associative
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- La Fédération canado-arabe (CAF)
Le Conseil national des relations canado-arabes (CNRCA)
- Le Centre culturel algérien (CCA)
- Le Carrefour culturel Sésame de Québec
- Les transformations de la vie associative arabe au Canada
- Conclusion
- Bibliographie
INTRODUCTION
L’histoire de la migration arabe au Canada est semblable à certains égards à l’immigration arabe aux Etats-Unis. En effet, les mêmes facteurs ont poussé les premières vagues migratoires en provenance de la Grande Syrie, à la fin du XIXe siècle, à quitter leur pays pour les Amériques ainsi que pour beaucoup d’autres régions. Mais les politiques migratoires canadiennes, le climat, ainsi que le facteur linguistique (le fait que le quart du Canada est francophone) ont signifié que la suite de l’histoire s’est déroulée autrement. Outre les différences dans les flux migratoires proprement dits et de la composition ethnique et religieuse des groupes arabes au Canada, les enjeux actuels des rapports entre les Arabes et la société d’accueil au Canada sont très spécifiques.
Après avoir passé brièvement en revue cette histoire migratoire, nous nous pencherons sur les enjeux actuels de la présence arabe au Canada.
PRÉCISIONS TERMINOLOGIQUES
Plusieurs termes sont utilisés dans la littérature pour désigner l’objet sociologique dont nous parlons : communautés arabes, communautés originaires du monde arabe, communautés arabophones, à part évidemment les termes utilisés pour les groupes nationaux : libanais, égyptiens, etc. Ces termes sont tous un peu problématiques, tant à cause des connotations du terme « communauté » qu’à cause de celles du terme « arabe » et de ses dérivés.
Le terme « communauté » suppose un certain degré de perceptions et d’orientations communes aux individus qui la composent, d’intérêts partagés, ainsi que l’existence d’institutions communautaires à travers lesquelles s’opère la participation à la société plus large. Dans les cas des immigrants d’origine arabe pris dans leur ensemble, ces facteurs sont rarement tous présents, et le terme « communauté » ne pourrait s’appliquer qu’à des groupes plus restreints, tels, entre autres, les Coptes orthodoxes (chrétiens d’Égypte), pour lesquels les associations religieuses jouent un rôle important. Même pour ce groupe, le terme « la communauté copte orthodoxe » ne rend compte que d’une facette, sans doute importante, de la vie des personnes qui en font partie, car une certaine proportion de ces personnes choisit, en situation de migration, de vivre loin de ces structures associatives, et de s’intégrer à la société d’accueil en tant qu’individus. La plupart des groupes sociaux originaires du monde arabe ont de telles structures associatives, mais la proportion des personnes qui évoluent dans ces structures (jamais mesurée, selon ce que nous en savons) varie grandement. Il y a donc, au Québec, de multiples groupes originaires du monde arabe, dont certains ont une vie communautaire plus intense que d’autres, de même qu’il y a une forte proportion de personnes d’origine arabe qui évoluent loin des structures communautaires auxquelles ils auraient pu appartenir, mais il n’y a pas de « communauté arabe » au singulier. Le concept désigne un horizon, un objectif politique qui n’est d’ailleurs pas partagé par tous, et non une réalité sociologique. Au pluriel, le terme est plus défendable si l’on tient compte du fait que l’aspect « communautaire » de ces groupes est très variable. La situation est différente en Ontario et dans le reste du Canada, où des associations telles que la Fédération canado-arabe, ou le Centre communautaire arabe de Toronto ont une présence et une grande légitimité qui ne se comparent pas à celle des associations arabes du Québec, et qui en font de véritables institutions communautaires. Pour ces raisons, un terme qui suppose moins de structure que celui de « communauté », tel que « groupe », aurait été préférable, et nous l’utiliserons lorsque cela est approprié. Mais c’est le terme « communauté » qui est le plus fréquent dans la littérature, au singulier ou au pluriel.
Quant au terme « arabe », il est aussi problématique, et ceci se traduit au niveau associatif : certains des groupes originaires du monde arabe, même quand ils ont la langue arabe comme langue maternelle, hésitent quelquefois à se désigner comme « arabes » et à se joindre à des associations ou des fédérations qui se disent arabes. La plupart des associations coptes, par exemple, ne s’identifieront pas comme arabes même si elles utilisent cette langue de façon majoritaire. Nous discuterons cette question en détail plus bas.
Pour ces raisons, il serait plus précis de parler de « groupes arabophones » (au pluriel) plutôt que de « communauté arabe », si l’on veut inclure tous les individus originaires des pays arabes et qui parlent cette langue mais qui ne se définissent pas nécessairement comme arabes. Ceci dit, nous emploierons quelquefois le terme « communautés arabes », vu qu’il est largement employé, sans supposer des attitudes communes dans le groupe face à l’insertion, ni l’existence d’institutions unificatrices.
HISTORIQUE DE L’ARRIVÉE
DES ARABES AU QUÉBEC
Plusieurs ouvrages ont inclus des pages descriptives visant à dresser un portrait des communautés arabes du Canada ou du Québec. Mentionnons l’incontournable La présence arabe au Canada de Baha Abu-Laban (1981), mais aussi les travaux plus récents de Brian Aboud (1991), Ali Daher (1999), un rapport de la Fédération canado-arabe (CAF, 1999), Karim Lebnan (2002), Paul Eid (2003), Naïma Bendriss (2005), et Houda Asal (2003). Statistique Canada a aussi produit des portraits statistiques des divers groupes nationaux arabes, tel par exemple les deux études de Colin Lindsay sur « la » communauté arabe et sur la communauté libanaise au Canada (Lindsay, 2001a et 2001b).
On peut distinguer quatre vagues d’immigration en provenance des pays arabes. La première date de la toute fin du XIXe siècle et du début du XXe, la deuxième des années 1950 à l’année 1975 environ, la troisième de 1975 à 1992, et la quatrième de 1992 au moment présent. Elles se distinguent les unes des autres par les pays de provenance de la majorité de ces immigrants, ainsi que par leurs caractéristiques sociodémographiques. Il va sans dire que les années précises que nous suggérons ne constituent que des repères, surtout pour les deux dernières vagues qui se prolongent partiellement avant et après ces dates.
C’est en 1882 que les premiers immigrants originaires des pays arabes seraient arrivés au Canada, à Montréal plus précisément (Abu-Laban, 1981, p. 53). Ils étaient originaires de la Grande Syrie, région qui à cette époque regroupait plusieurs provinces ottomanes et qui incluait ce qui allait devenir par la suite le Liban. Abu-Laban estime qu’il devait y avoir près de 2000 immigrants syriens au Canada en 1901, et près de 7000 en 1911. Mais l’immigration arabe s’arrête entre les deux guerres, et seule la croissance naturelle est responsable de la croissance de la communauté (Aboud, 2000). Surtout composée de chrétiens, la première génération de ce groupe a été économiquement active dans le petit commerce, mais les générations subséquentes ont vu émerger, à côté de grandes entreprises familiales de commerce, surtout dans le secteur du textile et de l’habillement, des personnalités connues, tel le Juge Albert Malouf, célèbre pour son enquête sur le coût des jeux olympiques de Montréal en 1976. À Montréal, la communauté (et ce terme est adéquat dans ce cas) était regroupée surtout autour de la paroisse St-George et de l’Association communautaire libano-syrienne, mieux connue sous son sigle anglais, la LSCA (Lebanese Syrian Community Association) qui avait, jusqu’à tout récemment, pignon sur rue au coin des rues St-Laurent et Jean-Talon. Ce sont des membres montréalais de ce groupe qui sont à l’origine de la fondation du Conseil national des relations canado-arabes, établi à Ottawa, et qui est un élément important de la vie associative arabe. Au niveau politique, les membres les plus influents de cette communauté furent surtout actifs au sein du Parti libéral du Canada, et quelquefois du Parti libéral du Québec. Cette vague migratoire a fait l’objet, en 2005, d’une exposition intitulée Min Zaman (trad. : Il y a longtemps) au Centre d’histoire de Montréal, qui a été conçue par M. Brian Aboud. Mais il n’est pas certain qu’on puisse encore parler, aujourd’hui, de « communauté » pour désigner ce groupe. Car si la paroisse et la LSCA existent encore, elles ne jouent plus le rôle social important qu’elles ont déjà joué dans un passé pas si lointain.
Cette vague migratoire ne s’est pas restreinte au Québec. En fait les provinces du Québec et de l’Ontario ont accueilli la grande majorité de ces immigrants, mais une proportion non négligeable s’est orientée en Alberta et ils y ont fondé la toute première mosquée du Canada, ainsi que dans les autres provinces, surtout dans les provinces atlantiques.
La deuxième vague commence au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, et se poursuit jusqu’en 1975. Les immigrants arabes à ce moment proviennent surtout d’Égypte (37,3%) et du Liban (33,6%), mais aussi du Maroc (14,9%), de la Syrie (7,6%) et de divers autres pays arabes (6,6%) (Abu-Laban, 1981, p. 59). Pris dans leur ensemble, ces groupes comptent, en 1971, 28 550 personnes au total selon les chiffres officiels, compilés selon le critère de la langue maternelle et non du pays d’origine. Or Baha Abu-Laban souligne que ce critère a tendance à sous-évaluer la taille réelle du groupe. Sur la base de l’analyse des chiffres de la migration arabe, il conclut plutôt « qu’en 1971, le Canada comptait 50 000 à 60 000 personnes d’ascendance arabe, et de 70 000 à 80 000 en 1975 » (idem). Comme pour la première vague, les deux provinces d’accueil principales sont l’Ontario et le Québec, mais la plupart des autres provinces comprennent de petites « communautés » arabes.
Si les immigrants d’origine égyptienne forment le plus gros contingent de cette vague, et que la plupart se sont installés à Montréal, il faut souligner qu’une majorité de ces Égyptiens étaient eux-mêmes des chrétiens d’origine syro-libanaise, issus d’un groupe immigré en Égypte à la fin du XIXe siècle. Plusieurs autres groupes originaires d’Égypte constituent cette deuxième vague migratoire : des Coptes (les chrétiens autochtones d’Égypte), des musulmans (surtout des classes privilégiées, ayant pris peur de la montée du nassérisme) et enfin, en moindre nombre, quelques juifs égyptiens, ainsi que des membres de cette Égypte cosmopolite ouverte sur l’Europe : Arméniens, Grecs, Juifs d’origine européenne, etc. La plupart de ces personnes, toutes origines ethniques confondues, faisaient partie des classes moyennes et quelquefois de milieux aisés, et provenaient de milieux urbains. Si la grande majorité d’entre elles ont une profonde nostalgie pour l’Égypte, pour ses chansons, sa nourriture et ses paysages, peu d’entre eux se considèrent comme faisant partie de la communauté politique égyptienne.
Les immigrants de cette deuxième vague originaires du Liban, quant à eux, étaient majoritairement, chrétiens, mais on y trouvait également de nombreux sunnites, druzes et chiites. Le courant politique syrien national, d’orientation laïque, y était fortement représenté, surtout parmi les Libanais de confession grecque-orthodoxe et parmi les musulmans libanais, qu’ils soient sunnites, chi’ites ou druzes. Ceci se reflétait par la présence importante de membres de cette cohorte dans une fédération telle que la Fédération canado-arabe, dont le siège social est à Toronto, qui a vu le jour durant cette période (fin des années 1960) et au sein de laquelle militaient plusieurs immigrants originaires de pays arabes établis au Québec. Il y avait aussi, durant les années 1970, plusieurs associations libanaises qui se situaient dans la mouvance dite progressiste, qui regroupaient des Libanais de toutes confessions, et qui ne se définissaient donc pas par référence à un groupe confessionnel. Ils se mobilisaient surtout autour d’enjeux propres à la politique libanaise ou d’enjeux internationaux (la question palestinienne, par exemple). Les Libanais maronites (catholiques) ont eu moins tendance à endosser ce courant politique, et revendiquaient une spécificité libanaise par opposition à une appartenance arabe. Les questions d’intégration ou de lutte aux discriminations ne préoccupaient pas beaucoup ces associations, car le marché de l’emploi était alors favorable, et peu de demandes d’accommodements religieux (lieux de prière dans les écoles par exemple) étaient évoquées. Ces groupes étaient généralement d’orientation laïque, et ceux qui étaient religieux pratiquaient la religion dans l’espace privé et dans un esprit fort différent de celui qui prévaut depuis la montée de l’islam conservateur dans les 20 dernières années.
Dans son texte écrit pour l’Encyclopédie canadienne des groupes ethniques, Baha Abu-Laban considère que la « deuxième vague » de l’immigration arabe s’étend de 1945 à 1992. Mais il y a lieu de considérer que la période d’après 1975 diffère sensiblement de celle d’avant 1975, ce qui nous amène à parler de la troisième vague, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, le profil sociodémographique des nouveaux arrivants s’est diversifié à plusieurs égards à partir de 1975. Il inclut de plus en plus des personnes qui n’ont pas été socialisées en français ou en anglais, contrairement aux groupes égyptiens et libanais arrivés dans les décennies 1960 et 1970, qui étaient souvent trilingues (arabe-français-anglais) à leur arrivée, ou du moins bilingues (arabe et français ou arabe et anglais). La guerre des milices au Liban, qui a duré une quinzaine d’années, et la facilitation des procédures d’immigration, notamment le « Programme libanais », ont permis à de nombreux Libanais qui désiraient fuir la guerre de s’installer au Canada, Des individus et des groupes en provenance du Sud du Liban, majoritairement musulmans chi’ites, ont commencé aussi à émigrer au Québec, ce qui a permis de constituer à Montréal, à Toronto et ailleurs au Canada de nouvelles associations, surtout religieuses, qui les regroupaient, et ces groupes ont commencé à avoir une présence plus marquée sur la scène associative. De plus, les pays d’origine ne se limitent plus à l’Égypte et au Liban, et incluent désormais les autres pays du Levant (Irak, Jordanie, Syrie, Palestine), ainsi que des pays pétroliers de la péninsule arabe, et le pourcentage d’immigrants en provenance de la Tunisie et du Maroc a également augmenté.
Une partie importante des personnes dont le « dernier pays de résidence » (catégorie utilisée dans les statistiques officielles) était un pays pétrolier de la péninsule arabe (Koweït, Émirats arabes unis, par exemple) étaient elles-mêmes originaires d’autres pays (Palestiniens, Égyptiens, Libanais, Syriens, Jordaniens et Irakiens). Ces personnes travaillaient dans les pays pétroliers avec un statut temporaire, même si elles y étaient depuis 30 ans, comme c’était le cas de nombreux Palestiniens. La guerre entre l’Irak et l’Iran (1980-1988) les avait inquiétés, les poussant à considérer la solution migratoire vers le Canada. Suite à l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 et à ses conséquences, la plupart des Palestiniens du Koweït furent simplement expulsés, et certains d’entre eux immigrèrent au Canada et atterrirent au Québec. Ces immigrants étaient surtout anglophones. De plus, les catégories « réfugiés » et « immigrants investisseurs » se retrouvent en proportion plus importante dans cette troisième vague. Et, dernier facteur non négligeable, cette dernière vague reflétait plus que les précédentes le paysage politique émergent dans la région arabe, celui de l’islam comme facteur politique et comme pôle identitaire, se superposant aux identités nationales, et se posant quelquefois comme alternative à ces identités nationales. Ce facteur aura un impact important sur la vie associative au Canada et au Québec et sur les revendications émanant de ces groupes, surtout en rapport avec les demandes d’accommodements des pratiques religieuses dans l’espace public.
En 1992, le nombre de personnes d’origine arabe immigrées au Canada se chiffrait à 215 331 personnes, dont 93% étaient arrivés entre 1962 et 1992 (Abu-Laban, 1999). En tenant compte de l’accroissement naturel, Abu-Laban arrive, dans ce même ouvrage, au chiffre de 275 000 à 300 000 personnes d’origine arabe au Canada en 1996.
Dans les années 1990, une quatrième vague amène au Québec un grand nombre de Maghrébins : Algériens surtout, fuyant la violence politique dans leur pays, ainsi que Tunisiens et Marocains, ces trois derniers groupes étant avant tout francophones.
Cette quatrième vague se distingue des autres par plusieurs aspects. La majorité des immigrants en provenance des pays arabes sont désormais musulmans, et proviennent de groupes majoritaires dans leur pays d’origine, contrairement aux vagues précédentes. Et de plus en plus ils sont généralement francophones ou plutôt bilingues (arabe/français), par opposition à la vague précédente d’immigrants du Proche-Orient dont une forte proportion était anglophone plutôt que francophone, même si la majorité d’entre eux étaient aussi trilingues (arabe/français/anglais) (Asal, 2003 ; Helly, 2004). Même si une proportion importante d’Algériens fuient la violence (celle des groupes islamistes ou de l’État) et sont d’orientation laïque, beaucoup souscrivent à ce qu’on appelle le « renouveau islamique » et ils placent la religion au centre de leur identité collective. C’est au sein de cette dernière tendance que les demandes d’accommodement des pratiques religieuses dans l’espace public se feront avec force. Nous ne pouvons établir laquelle de ces deux tendances est la plus forte dans ce groupe. Dernier facteur qui caractérise ce groupe, le facteur kabyle ou plus généralement berbère. D’une part cette identité est de plus en plus revendiquée, et d’autre part les associations algériennes lui accordent une certaine reconnaissance et élargissent leur définition de la culture d’origine pour inclure l’identité et la culture kabyles.
Le recensement de 2001 donne, pour l’ensemble du Canada, un total de 350 000 Canadiens d’origine arabe (Lindsay, 2001a), chiffre qui semble un peu bas sans doute à cause du fait qu’il résulte d’une auto-classification : plusieurs immigrants, au bout de quelques années, préfèrent se dire Canadiens. Le recensement permet aussi de constater que bien que les personnes d’origine arabe sont plus susceptibles que la population générale d’avoir un diplôme universitaire (30% par opposition à 15% pour l’ensemble de la population), leurs revenus sont en moyenne plus bas que ceux de l’ensemble de la population, et ils sont plus susceptible d’être en chômage (Lindsay, 2001a). Le recensement note aussi que, parmi les Canadiens qui se définissent comme arabes, il y a un nombre à peu près égal qui se disent chrétiens ou musulmans.
Entre 1997 et 2006, plus de 53 000 Algériens et Marocains sont arrivés au Canada (MICC, 2007a : 26). Rien que pour l’année 2004, le premier pays d’origine des arrivants au Québec était l’Algérie, avec 4597 arrivants, et le troisième était le Maroc avec 3031 arrivants (MICC, 2007b : 53). Ceci est suffisant pour répondre aux accusations faites par certains que le Québec faisait de la discrimination en n’acceptant que peu d’immigrants arabes ou musulmans.
Le dernier recensement canadien, celui de 2006, donne le nombre de 504355 personnes vivant au Canada qui ont des origines arabes. De ce nombre, 316610 ont des origines arabes uniques (par exemple, deux parents égyptiens), et 187725 ont des origines multiples, dont au moins une origine est arabe (par exemple, un parent arabe et un parent québécois, ou un parent syrien et un parent égyptien). Nous n'avons pas compté ceux qui se sont définis comme assyriens ou comme berbères car ils ne se considèrent pas arabes même si leur pays d'origine est un pays arabe. (site web, Statcan.ca, consulté le 23 janvier 2009).
ÊTRE ARABE :
LE CONTEXTE GÉOPOLITIQUE DANS
LES PAYS D’ORIGINE ET SON IMPORTANCE
POUR LES MOBILISATIONS
EN SITUATION DE MIGRATION
L’étude des groupes originaires de pays arabes et établis au Québec et au Canada soulève certaines questions méthodologiques spécifiques. Nous avons déjà souligné le fait que le terme « arabe » est problématique. Ses significations varient en fonction des contextes d’énonciation, et certains immigrants originaires de pays arabes ne se définissent pas comme arabes. Les observateurs extérieurs ne les classent pas tous comme arabes eux non plus, et les deux systèmes de classement ne coïncident pas. Il faudra donc définir clairement qui est inclus et qui ne l’est pas quand on parle des « communautés arabes » ou des « communautés issues de l’immigration arabe ».
Par ailleurs, nous voulons insister sur la nécessité de comprendre les grands paramètres et les enjeux sociaux et politiques de l’identité dans les sociétés arabes d’origine ainsi que les dynamiques complexes qui structurent les rapports entre majorités et minorités dans ces sociétés. En effet, certains positionnements politiques, certaines revendications, dans le contexte canadien et québécois, des associations qui regroupent des immigrants originaires des pays arabes ne se comprennent qu’en les replaçant dans le contexte de ces rapports dans les sociétés d’origine. La migration arabe est relativement récente, les liens transnationaux avec les pays d’origine sont relativement vivaces, et ils sont renforcés par les nouvelles technologies de l’information qui permettent à des personnes d’être branchées en temps réel sur ce qui se passe là-bas. Cette préoccupation méthodologique est sans doute sous-estimée dans la majorité des études sur les Arabes et les musulmans, mais nous tenterons de montrer son bien-fondé en illustrant sa capacité d’éclairer certains enjeux locaux.
Ces éléments caractéristiques des sociétés arabes sont fondamentaux pour comprendre et analyser les modes de mobilisation dans les milieux associatifs arabes du Québec, les priorités que les associations donnent à l’action politique et les alliances qui se tissent entre elles, ainsi que les visions qui orientent et soutiennent le regroupement identitaire. Bien que les personnes originaires du monde arabe s’identifient souvent sur des bases nationales (je suis Marocain, Irakienne, etc.), il reste que la vie associative se structure bien plus autour des identités confessionnelles et communautaires que des identités nationales d’origine. Ceci peut être démontré empiriquement : les associations religieuses, par exemple, sont plus vigoureuses, et elles ont bien plus de moyens que les associations de type national, surtout en ce qui concerne les associations regroupant des immigrants originaires du Proche-Orient. Ceci signifie que les réseaux sociaux se construisent plus aisément et plus fréquemment autour d’une identité confessionnelle (par exemple, parmi les Melkites, les Maronites, les Coptes….) qu’autour de l’identité nationale du pays d’origine. Mais cette dernière affirmation est moins vraie pour les immigrants originaires du Maghreb. En effet, il n’y a pas de grandes divisions religieuses à l’intérieur des sociétés maghrébines, sauf pour les juifs marocains qui, pour la plupart, n’endossent pas l’arabité politique.
- Retour sur la notion d’arabité
Les Arabes ne forment pas un groupe ethnique : ils constituent un groupe linguistique qui a une histoire et une culture plus ou moins communes. L’islam [1], comme religion et comme civilisation, est un élément important de leur culture (Rodinson, 1979). Et l’arabité reste avant tout un projet politique, plus ou moins endossé par les peuples de culture arabe.
L’usage du terme « arabe » (comme nom ou comme adjectif) pour désigner l’identité des individus et des groupes est donc problématique, car le terme signifie des choses différentes en fonction de la perspective adoptée (ethnoculturelle ou politique) et des choix opérés par les personnes ou les groupes désignés. Le rapport à l’arabité varie dans le temps, en fonction des situations particulières. Il convient donc de clarifier les divers sens du terme arabe avant de décrire les groupes que nous classons comme arabes.
La mesure la plus objective du terme est l’appartenance à l’un des 22 pays membres de la Ligue arabe (fondée en 1945), et qui forment un ensemble géopolitique plus ou moins cohérent. Le terme « pays arabes » désignera donc ces 22 pays, le terme « sociétés arabes » désignera les sociétés de ces 22 pays, et le terme « les Arabes », sans autre précision, désignera l’ensemble des peuples de ces pays, la connotation du terme étant plus politique que culturelle ou ethnique. Le projet politique du nationalisme arabe est mené avec plus ou moins de conviction par les États arabes, et les interactions entre les sociétés arabes se font sur une base régionale à l’intérieur du monde arabe, plutôt qu’à l’échelle de toute la région arabe. Mais ce projet a une base culturelle et historique objective, et il a des résonances profondes dans ces sociétés, car ces pays sont tous de langue arabe (avec des minorités linguistiques et confessionnelles importantes) et ils ont tous été en interaction étroite mais variable pendant des siècles. Les interactions économiques restent généralement plus fortes entre chacun des pays arabes pris individuellement et les pays occidentaux, qu’entre les divers pays arabes. Durant de longues périodes leurs destinées étaient tributaires des mêmes processus historiques, en particulier durant les deux derniers siècles. La Somalie, qui fait partie de la Ligue arabe, est quelque peu périphérique dans le système arabe ; on y parle d’ailleurs plusieurs autres langues. Les groupes somaliens immigrés au Québec et au Canada ne sont pas en lien avec les autres associations arabes et nous ne les prendrons pas en considération ici. Ceci est aussi vrai de la Mauritanie (Antonius, 1993 ; Ibrahim, 1996 ; Chabry et Chabry, 2001).
Le terme « communautés arabes » désignera les divers groupes issus de l’immigration en provenance des pays arabes, dont la langue d’origine était l’arabe, étant entendu que le terme « communauté » est pris ici dans un sens faible. Cette deuxième condition concernant la langue d’origine est nécessaire car les pays arabes abritaient des minorités immigrées d’ailleurs : les Grecs d’Égypte, par exemple, ne seront pas inclus dans le terme « communautés arabes ».
Le terme « associations arabes » sont celles qui assument et affichent la dimension arabe de leur identité culturelle et politique.
Dans ce qui suit nous ferons référence à l’islam et pas seulement à l’arabité, et cela pour trois raisons. La première est interne aux groupes arabes, dans lesquels de plus en plus d’individus définissent leur identité collective en termes religieux. Ceci a des conséquences sur leur action sociale et politique et sur leur rapports avec les autres Arabes (qu’ils soient musulmans ou pas) et sur leur rapport avec la société d’accueil. Mais si cette tendance est de plus en plus visible, il n’est pas dit qu’elle est majoritaire, mais il n’existe pas, à notre connaissance, de statistiques permettant de trancher cette question. La deuxième raison est le résultat du rôle accrû de l’islam comme facteur de mobilisation politique et de contestation de l’ordre international. Il s’en suit que les politiques occidentales, tant au niveau international qu’au niveau des politiques sécuritaires internes, sont centrées sur l’islam comme danger. Ce facteur se combine avec le troisième facteur, qui est la focalisation des médias sur l’islam comme symbole de l’altérité et sur la stigmatisation de cette altérité. Ces trois facteurs font que la dimension ‘islam’ est beaucoup plus présente qu’il y a une ou deux décennies dans le rapport entre communautés arabes et société majoritaire, ce qui explique que nous la prenions en considération lorsqu’on parle de ces communautés.
- Le facteur identitaire et son impact
sur les dynamiques sociales et politiques
Le facteur identitaire a un impact à plusieurs niveaux sur les dynamiques sociales et identitaires qui impliquent les groupes arabes du Canada. Il affecte les interactions sociales, au niveau individuel et collectif, dans le quotidien. Mais il affecte aussi la capacité d’action politique autour d’enjeux qui concernent les Arabes du Canada. En effet, trois grands enjeux font l’objet de revendications de la part des groupes arabes : la politique étrangère du pays, les politiques d’insertion et d’intégration, qui incluent la politique d’accommodement des demandes religieuses, et plus récemment, la politique sécuritaire du pays et ses conséquences en termes de profilage racial. Sur chacun de ces enjeux, les groupes arabes ont tendance à se retrouver à contre-courant des courants dominants, qui ne tiennent pas compte de leurs intérêts. Or, la façon de faire valoir ces intérêts, c’est par la mobilisation politique. Et c’est là que le facteur identitaire peut intervenir. La mobilisation peut se faire sur des bases proprement politiques : par exemple, la mobilisation contre la guerre en Irak de 2003, qui a regroupé 250 000 personnes dans les rues de Montréal en dépit d’un froid glacial, n’avait rien d’ethnique ni d’identitaire. Mais dans le système politique canadien, la mobilisation se fait aussi par le biais de réseaux d’influence qui sont d’autant plus efficaces qu’ils s’appuient sur des mobilisations identitaires [2]. D’où l’intérêt de comprendre le facteur identitaire dans les processus de mobilisation des groupes arabes.
Or il n’y a pas de consensus, parmi les groupes originaires du monde arabe, ni sur ce que la politique étrangère canadienne devrait être, ni sur les questions d’intégration et d’accommodements des pratiques religieuses. La question de la politique sécuritaire ne mobilise qu’une partie des groupes arabes, et beaucoup plus les associations musulmanes. Les clivages qu’il y a sur ces questions coïncident, grosso modo, avec les clivages identitaires qui divisent ces groupes, et dans une moindre mesure avec les tendances idéologiques à l’intérieur de ces groupes. Car ces dernières ne se traduisent pas par des associations fortes qui les représentent : les associations qui se font sur des bases politiques sont moins fortes, en termes de membership et de moyens, que celles qui se constituent sur des bases identitaires. Ce sont les associations confessionnelles ou ethno-religieuses qui sont les plus vigoureuses et les plus visibles. Il y a peu d’associations musulmanes, par exemple, qui prennent publiquement position contre les demandes d’accommodement en provenance des tendances conservatrices, même si beaucoup d’individus qui se définissent comme « sociologiquement » musulmans sont absolument contre certains accommodements de nature religieuse. Les immigrants d’origine arabe qui se reconnaissent dans l’identité arabe auront tendance à se reconnaître aussi dans les revendications d’associations telle que la Fédération canado-arabe, par exemple, en ce qui concerne la politique canadienne vis-à-vis la Palestine et la politique sécuritaire, alors qu’une proportion importante des associations représentant les minorités chrétiennes du monde arabe auront tendance à être indifférentes, et quelquefois hostiles, à de telles demandes (mis à part les chrétiens palestiniens qui ont joué un rôle fondamental dans le mouvement national palestinien, laïque et panarabe). Ces mêmes minorités chrétiennes auront tendance à être hostiles envers les demandes d’accommodements religieux en provenance de la mouvance islamique conservatrice, et pourraient même appuyer le discours sécuritaire qui oriente la politique canadienne. Dans certains cas, la peur de la mouvance islamiste qu’on retrouve dans ces groupes, peur qui s’explique par les discriminations très réelles vécues par ces minorités dans les pays d’origine, donne parfois lieu à des attitudes hostiles envers l’islam en général et pas seulement envers la mouvance islamiste. Par exemple, certains tracts alarmistes hostiles à l’islam qui circulent dans les milieux de droite nord-américains ou européens se retrouvent sur les listes d’envoi des groupes de défense des droits des chrétiens originaires du monde arabe, ainsi que sur certaines listes d’envoi privées. Rappelons les deux exceptions que nous avons notées plus haut, celle de la communauté grecque orthodoxe, originaire du Liban et de la Syrie, qui a une longue tradition politique de nationalisme arabe, et celle des chrétiens palestiniens. Il faut aussi noter que de nombreux chrétiens arabes militent au sein d’associations qui se disent arabes, et sont très critiques du discours sécuritaire ainsi que de la politique étrangère canadienne. Mais ces prises de position reflètent généralement des positions individuelles et elles vont généralement à l’encontre des positions dominantes dans les groupes confessionnels chrétiens. Ces remarques sur l’absence de consensus nous permettront de comprendre pourquoi les autorités gouvernementales se permettent d’ignorer les revendications en provenance des groupes arabes.
Un exemple permet d’illustrer cette situation. En 2007, des étudiants de la prestigieuse Osgoode Law School de Toronto, dont certains étaient musulmans, ont demandé au magazine canadien MacLean le droit de réplique à des propos incendiaires du journaliste Marc Steyn, propos qu’ils jugeaient islamophobes. Devant le refus du magazine de publier une réponse, ils se sont adressés à la Commission ontarienne des droits de la personne, qui a déclaré qu’elle n’avait pas d’autorité sur des textes d’analyse, mais qu’elle trouvait les propos du journaliste alarmants et islamophobes. Le ministre conservateur Jason Kenny, approché par les étudiants, a refusé de les appuyer et leur a répondu de façon cavalière et insultante. De plus il est connu pour ses positions d’appui indéfectible aux politiques israéliennes d’occupation, et a piloté une initiative internationale visant à qualifier d’antisémite toute critique d’Israël. Parallèlement, il était invité et applaudi lors de l’inauguration de la Cathédrale St-Sauveur (melkites arabophones du Proche-Orient), beaucoup plus par ignorance de la controverse de la part des paroissiens que par appui actif aux positions du ministre. Son personnel politique inclut d’ailleurs des membres de la communauté arabe, actifs dans les associations culturelles, et qui ne semblent pas être dérangés par les orientations politiques et idéologiques du ministre. Ceci démontre que son attitude hostile aux demandes des musulmans et aux droits des Palestiniens n’interfère pas avec ses bonnes relations auprès des groupes arabes chrétiens du Proche-Orient. Cependant lorsqu’il a demandé à s’adresser à la communauté libanaise de rite grec orthodoxe à Montréal, sa demande a soulevé une certaine opposition dans cette communauté qui est plus proche de l’arabité politique que d’autres groupes arabes chrétiens.
- Les trois niveaux d’identité
Trois niveaux d’identité sont à l’œuvre dans les sociétés arabes, et sont mobilisés différemment en fonction du contexte : le niveau supranational, qui permet une identification soit arabe, soit islamique pour la majorité des ressortissants des pays arabes (sans oublier une identification cosmopolite, globalisée, pour une petite minorité) ; le niveau national qui fait qu’on se considère citoyen de l’un ou l’autre des 22 pays arabes ; et enfin le niveau infranational, où des appartenances de type ethnique, linguistique ou confessionnel peuvent devenir l’élément central de l’identité, appartenances qui affectent les relations entre groupes et personnes. Ces trois niveaux forment un registre identitaire qui offre des choix de combinaisons multiples. Chaque positionnement de type identitaire fait intervenir les trois niveaux, ainsi qu’une priorité de l’un ou de l’autre, en fonction du contexte. Cette priorité d’un niveau par rapport aux autres devient un enjeu social et politique : va-t-on faire des choix en tant qu’Arabe ou qu’Égyptien dans un contexte donné ? En tant qu’Égyptien, ou en tant que membre de tel ou tel groupe confessionnel ? Va-t-on se définir surtout en tant qu’individu, sans référence à une de ces cultures, ou en opposition à elles ? Quelles sont les conséquences de chacun de ces choix ?
Au niveau supranational, l’identité arabe est tiraillée entre, d’une part, un courant nationaliste arabe d’orientation plus ou moins laïque, qui a été dominant immédiatement après les indépendances (décennies 1950 et 1960) et d’autre part un courant islamique qui privilégie, pour les sociétés arabes, l’appartenance à l’Islam comme culture, comme civilisation, et comme cadre d’action politique. Ce courant islamique est accompagné par un courant islamiste qui cherche à redéfinir l’identité culturelle des sociétés arabes essentiellement par la religion de leurs majorités, l’islam, au détriment des droits des minorités. La tendance dominante parmi les courants islamistes est celle du conservatisme religieux plutôt rigide, en rupture avec les cultures islamiques locales dans les pays arabes, généralement souples et accommodantes. Ce dernier courant est clairement dominant à présent au niveau des sociétés civiles, et son impact se fait sentir en contexte de migration. Mais un troisième courant existe aussi, il est fortement représenté en contexte migratoire, et il se manifeste surtout au niveau de la culture : c’est le courant cosmopolite, dont les ressortissants mettent de l’avant une culture universelle, qui transcende les appartenances religieuses ou nationales.
Les liens entre les ressortissants des divers pays arabes sont d’abord d’ordre culturel (surtout la culture savante), et ils partagent aussi des référents historiques communs. L’histoire récente de la décolonisation, et puis, en particulier, celle de la recolonisation de la Palestine ont des résonances émotives communes. Les différences entre les orientations politiques des divers pays se traduisent, au Canada et au Québec, par une coopération difficile entre les associations de citoyens en provenance de ces pays, un constat que la dynamique associative démontre clairement. Une observation, même rapide, des journaux communautaires maghrébins et ceux du Machreq (Proche-Orient) révèle, par exemple, une disjonction entre les annonceurs (commerces ainsi que professionnels) des deux ensembles de journaux, un constat qu’il serait intéressant de démontrer par des études quantitatives.
Quant au niveau infranational, nous avons dit plus haut qu’à l’intérieur des pays arabes, il y a trois types de minorités : des minorités linguistiques, des minorités ethniques et des minorités confessionnelles (chrétiennes, juives, ou minorités musulmanes par rapport au groupe majoritaire, qui se rattache à l’islam sunnite) (Esman et Rabinovich, 1988 ; Ibrahim, 1996). La vie associative en situation de migration tourne beaucoup plus autour de ces regroupements identitaires infra-étatiques qu’autour des regroupements nationaux liés au pays d’origine. L’appartenance à l’une ou l’autre de ces minorités a un lien direct avec les prises de position des individus et des associations qui les regroupent en contexte canadien et québécois. Il est donc utile de faire un bref rappel de la situation des minorités dans le monde arabe.
- Les minorités dans le monde arabe
Une proportion importante des citoyens d’origine arabe vivant au Québec, peut-être même la majorité des personnes en provenance du monde arabe, surtout parmi les deux premières vagues d’immigration, est constituée de groupes qui étaient minoritaires dans leur pays d’origine (généralement des chrétiens, mais aussi des druzes et des chi’ites). Même au Liban où les communautés chrétiennes libanaises comptaient globalement pour plus de 50% de la population [3], aucune communauté ne se sentait majoritaire car les processus politiques et les mobilisations se faisaient sur des bases confessionnelles plus étroites, celles du groupe confessionnel (maronite, melkite, etc.) plutôt que du groupe religieux global (par exemple, l’ensemble des chrétiens du Liban). De plus, ces groupes se sentaient minoritaires à l’échelle de l’ensemble arabe. Ce fait a un impact important sur la vie associative en situation de migration et sur les revendications portées par ces groupes.
L’adhésion des membres de ces minorités au projet politique arabe qui a été élaboré durant les deux derniers siècles, et surtout durant l’ère des indépendances, après 1945, a été variable. Aujourd’hui, une proportion non négligeable des minorités chrétiennes originaires de pays arabes ne se considèrent pas arabes, et certains considèrent l’arabité comme une identité politique et culturelle qui leur a été assignée d’autorité et qu’ils n’ont pas choisie [4]. Dans ce cas, c’est souvent l’identité ethnique ou confessionnelle qui sera mise de l’avant comme base de l’action associative, en opposition à l’identité arabe. Les immigrants issus de ces groupes seront réticents à endosser les revendications portées par les associations d’orientation nationaliste arabe, et encore moins celles portées par les associations islamiques.
En effet, les minorités confessionnelles non musulmanes ont été les premières à émigrer dans la période contemporaine, et surtout depuis l’ère des indépendances, et la plupart de leurs associations sont réticentes à se définir comme arabes car elles ont vécu et vivent divers degrés de discrimination dans leur société d’origine, et ce fait explique un certain nombre de prises de position politiques qui ont un impact direct sur la dynamique associative. L’expérience de la discrimination vécue par des minorités chrétiennes dans leur pays d’origine explique la virulence des propos que nous ont tenus, dans une recherche apparentée, des citoyens chrétiens originaire de pays arabes, contre l’islam politique et contre les revendications de certains groupes musulmans ici (Oueslati, Labelle et Antonius 2006). C’est le cas, par exemple, des Libanais chrétiens, des Coptes, des Égyptiens d’origine syro-libanaise, des Druzes du Liban, etc.
Tous ces groupes se considéraient comme minoritaires et certains d’entre eux se sentaient menacés simultanément par le nationalisme arabe et par l’islamisme politique naissant, même dans ses formes non violentes. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup d’entre eux ont décidé de quitter leur pays d’origine. Il est fondamental de prendre en considération cet élément dans l’analyse des groupes arabo-musulmans, parce qu’il explique en partie pourquoi ils éprouvent parfois des difficultés à travailler ensemble et pourquoi les mobilisations se font bien plus sur des bases culturelles et religieuses que sur des bases citoyennes au sens politique du terme. Ces « communautés » sont peu susceptibles d’endosser les demandes d’accommodement religieux, par exemple, et auront tendance à y voir l’effet de l’islamisme qu’elles ont fui et qui les rattrape en pays d’immigration. Ceci est illustré par le fait que durant les audiences de la commission Bouchard-Taylor, à l’automne 2007, on a pu voir des affrontements verbaux entre des Arabes chrétiens et des musulmans mais aussi entre les musulmans d’orientation laïque et les musulmans d’orientation religieuse.
Mais des nuances importantes sont à apporter. S’il est peu probable que les associations coptes originaires d’Égypte ou maronites originaires du Liban se joignent à des coalitions ou des fédérations arabes, les associations de la communauté grecque-orthodoxe [5], originaire du Liban, ont été au contraire parmi les premières à se positionner en appui aux revendications nationales arabes, et en particulier en appui aux droits nationaux des Palestiniens. La communauté melkite (ou grecque-catholique), par contre, est très minoritaire dans tous les pays du Proche-Orient, y compris au Liban où sa sœur jumelle, la communauté grecque-orthodoxe, est bien plus nombreuse. Cette situation explique peut-être le fait que les membres de cette communauté ont eu tendance à éviter l’activisme politique. Cette différence est très perceptible dans les prises de position des associations de ces communautés au Québec et au Canada. À Montréal, jusqu’au début des années 1970, ce sont ces communautés qui étaient les plus visibles et qui constituaient les interlocuteurs des gouvernements fédéral et provincial en ce qui concerne les immigrants d’origine arabe, qu’on désignait alors comme les « communautés du Proche-Orient ». L’identification arabe était considérée porter un message politique que ces communautés, dans leur grande majorité, n’endossaient pas.
Au-delà de la dimension identitaire, le statut de minorité est en lien avec le rapport qu’entretiennent ces groupes avec les gouvernements et avec l’activité politique. On retrouve parmi les minorités du Proche-Orient une culture politique qui est héritière du système ottoman des millet : les minorités confessionnelles avaient toutes les libertés en termes sociaux et économiques, mais il ne fallait pas qu’elles s’engagent dans des activités politiques, car ceci pouvait les amener à critiquer ou même à contester le pouvoir. Cette culture politique ne se retrouve pas parmi les groupes majoritaires du Maghreb. Est-ce ce facteur qui explique que les individus issus de ces groupes ont été plus nombreux à se présenter comme candidats aux élections provinciales de 2006, et plus rapidement après leur immigration ?
Rappelons cependant que nous parlons de tendances générales, que de nombreux individus ne sont pas prisonniers de cette logique identitaire, et que leur action politique se fait sur des bases idéologiques et politiques et non pas sur la base d’identités confessionnelles ou religieuses. Même au niveau associatif, certaines associations importantes échappent à cette logique et elles regroupent des individus de confessions diverses : par exemple la Fédération canado-arabe, le Festival du monde arabe, et l’Association des femmes arabes, association essentiellement sociale et culturelle, sont des exemples qui démontrent que la logique confessionnelle a des limites, et que l’identification arabe, à caractère laïque, est encore vigoureuse.
- La dissociation entre une culture folklorisée
et l’identité politique
Une des caractéristiques de l’identité arabe contemporaine en situation de migration, c’est la désarticulation entre ses dimensions culturelle et politique, phénomène qui concerne surtout les communautés proche-orientales qui étaient minoritaires dans leur pays d’origine. Ceci est aussi vrai, en partie, pour la communauté juive marocaine, dans son rapport avec la culture arabe, mais non pas dans ses liens politiques avec Israël. Quand cette dissociation a lieu, la culture aura tendance à être réduite à son aspect folklorique et quelquefois artistique, mais elle sera amputée de ses dimensions sociales et politiques. Ainsi, on a vu des Libanais maronites qui connaissent par cœur les chefs-d’œuvre de la poésie ou de la musique arabe contemporaines, dire dans une langue arabe d’une grande pureté leur langue maternelle qu’ils ne sont pas arabes, mais phéniciens. Et ceux qui comprennent la langue arabe ne manqueront pas d’être émus, durant les messes de rite maronite (catholique), par la beauté des psaumes chantés en langue arabe. Mais les réseaux religieux ont aussi favorisé, dans un passé récent, le regroupement de tendances politiques aujourd’hui minoritaires parmi les chrétiens libanais qui contestent avec virulence l’appartenance du Liban à la nation arabe, lui préférant une identité phénicienne plutôt mythique. Et plusieurs de ceux et celles qui travaillent à mettre sur pied des activités culturelles se rapportant à la culture arabe (musique, théâtre, etc.) refuseront obstinément que les associations dans lesquelles ces activités ont lieu prennent position sur des questions de politique internationale, ou deviennent membres de la Fédération canado-arabe, par exemple. Ceci est vrai, en particulier, des associations qui regroupent les immigrants égyptiens d’origine syro-libanaise. Des troupes de musique arabe andalouse de haut niveau ont comme participants et animateurs des juifs marocains qui sont très fiers de cet héritage culturel, mais qui ne s’identifient pas comme arabes, mais bien comme juifs originaires du Maroc ou comme juifs sépharades. Et ils auront tendance à prendre des positions politiques qui se situent à contre-courant de l’ensemble des tendances politiques arabes, notamment sur la question des droits revendiqués par les Palestiniens, sur la prétendue « guerre au terrorisme », sur la question irakienne, etc.
À cette tendance s’oppose une autre, qui inscrit dans l’activité culturelle des interrogations profondes sur la société arabe, ou sur les groupes arabes en situation de migration. Pour cette dernière tendance, la culture est fortement ancrée dans l’expérience sociale et politique. Cette tendance est représentée plus par des individus tels que Naim Kattan et Wajdi Mouawad, que par des associations. Mais il y a des exceptions, surtout dans la mouvance des partis nationalistes libanais, qui ont mis sur pied des associations culturelles dont les activités ont eu tendance à fluctuer en fonction de la situation politique au Liban, étant ravivées dans les moments où les tendances nationalistes avaient le vent dans les voiles, et étant plus discrètes dans les moments de recul. L’association culturelle Gilgamesh, qui a été fondée récemment à Montréal par des immigrants syriens, est plutôt d’orientation laïque et pan-arabe : un de ses premiers spectacles a été consacré au duo égyptien formé par le poète Ahmad Fouad Negm et le chanteur Cheikh Imam, dont les chansons ont animé le mouvement étudiant contestataire en Égypte durant les années soixante-dix.
Le Festival du Monde arabe, quant à lui, tient une place unique dans ce portrait. Il a su se positionner à contre-courant des tendances conservatrices, et a réussi le pari d’organiser un événement rassembleur de grande envergure, année après année. Le Festival valorise une culture arabe libérale, non conventionnelle (pour ne pas dire iconoclaste) et dans une certaine mesure politisée. Son existence témoigne du fait que les courants « cosmopolites » et modernisants, qui font une synthèse sereine de l’identité arabe et de la modernité, sont bien vivants tant à Montréal qu’à l’échelle du monde arabe, et qu’ils constituent une alternative laïque viable, opposée aux courants fondamentalistes.
À partir des considérations précédentes, nous pouvons énumérer les aspects relatifs à l’identité dans les sociétés arabes, qui se répercutent de façon majeure sur les modes de mobilisation en situation de migration et sur l’histoire migratoire. Ce sont :
- 1. La structure communautaire et confessionnelle des sociétés du Proche-Orient, et dans une moindre mesure des sociétés d’Afrique du Nord où ce facteur est moins important. Les liens communautaires et les identités confessionnelles prennent, dans les sociétés arabes, davantage d’importance que les identités nationales historiques (Antonius, 1994).
- 2. L’origine minoritaire ou majoritaire des immigrants qui viennent du monde arabe.
- 3. La faiblesse des traditions associatives, qui ne se sont pas institutionnalisées, et qui restent tributaires de la personnalité charismatique du chef. Ceci se reflète dans plusieurs associations, mais à des degrés divers. Une des plus grandes fédérations d’associations islamiques du Canada avait, jusqu’en 2009, le même président depuis plus de 16 ans.
- 4. L’étroite mixité de l’arabité et de l’islam dans la problématique de l’identité arabe. Il n’est pas toujours aisé de départager ce qui relève de l’un ou de l’autre dans les interactions sociales entre individus. En effet, tant dans les situations de discrimination (un individu se fait dire qu’un logement est déjà loué alors qu’il ne l’est pas) que dans les situations de solidarité (un marchand accueille particulièrement bien et fait un prix à un client duquel il se sent proche culturellement), on ne peut pas vraiment dire si c’est l’identité arabe ou musulmane qui explique les comportements, d’autant plus que les situations de qui pro quo sont fréquentes.
LA VIE ASSOCIATIVE
Les associations fondées par les immigrants en provenance des pays arabes reflètent les tensions et les divisions sociales et politiques que l’on retrouve dans les sociétés d’origine et que nous avons exposées plus haut. Plusieurs critères peuvent être invoqués pour classer ces associations et pour les décrire. Du point de vue de la référence identitaire de l’association, on peut mentionner la référence religieuse ou pas de l’association, son membership restreint à une minorité confessionnelle particulière ou à des groupes plus larges, et son statut de fédération ou de regroupement de membres individuels. Du point de vue de l’orientation de l’action, certaines associations ont un objectif principal de représentation et de plaidoyer, alors que d’autres visent surtout à organiser des activités communautaires, sociales ou religieuses.
Une connaissance du terrain associatif arabe nous permet de faire les commentaires généraux suivants.
Le groupe le plus visible des associations arabes est celui des associations de plaidoyer. La Fédération canado-arabe est sans doute la plus ancienne, et elle est pan-canadienne. Mais de nombreuses associations locales ont aussi vu le jour. Certaines associations culturelles se définissaient avant tout comme arabes, dont plusieurs étaient des associations de femmes arabes. L’ensemble de ces associations regroupaient des canadiens originaires de divers pays arabes. Mais, mis à part la Fédération, la plupart n’avaient qu’un membership limité. De plus, elles regroupaient surtout des militants qui partageaient des orientations politiques communes, et n’avaient pas de caractère ‘communautaire’.
Mis à part ces associations, il existe trois autres catégories d’associations : les associations liées aux lieux de culte (mosquées et églises), les associations regroupant des citoyens originaires d’un pays spécifique, en général très proches des consulats de ces pays, et des associations culturelles et sportives. Ces trois catégories d’associations s’engagent rarement dans le plaidoyer auprès des gouvernements ou dans la politique, et leurs objectifs sont beaucoup plus sociaux, culturels ou religieux que directement politiques. Occasionnellement, les associations islamiques participent à des activités de protestation quand elles perçoivent que les droits ou les intérêts de leurs membres sont en jeu, surtout en lien avec des demandes d’accommodements. Ceci est moins vrai pour les associations chrétiennes, sauf pour les associations libanaises qui s’impliquent fortement sur les questions qui touchent le Liban. Nous avons de bonnes raisons de penser que ces trois catégories d’associations forment la grande majorité des associations qui regroupent les citoyens originaires des pays arabes.
Les associations religieuses islamiques ont généralement des programmes vigoureux de prosélytisme interne (qui s’adressent à des musulmans, pour les amener à des pratiques qu’elles considèrent être plus proches de leur lecture du message de l’islam) et externe (convertir des non-musulmans à l’islam).
Les associations chrétiennes ne sont pas regroupées dans des associations-parapluie qui formulent des revendications concernant l’immigration ou la citoyenneté. Leur mode d’opération est différent : elles fonctionnent à travers un lobbying discret, dont l’efficacité n’a pas fait l’objet d’études sociologiques ou politiques, et qui se manifeste surtout par les visites et la participation des élus ou des élus potentiels lors de fêtes rituelles et d’occasions sociales, et sans doute par des contributions financières au moment des élections.
Enfin, il faut mentionner que des groupes de solidarité qui ne sont ni exclusivement arabes ni musulmans sont également actifs sur plusieurs des dossiers qui concernent les politiques du gouvernement canadien : contre les certificats de sécurité, contre les déportations de réfugiés, contre la politique étrangère canadienne au Proche-Orient. Ces groupes font souvent des actions communes avec les associations arabes ou islamiques, mais ils ont tendance à être plus radicaux dans leurs demandes et dans leurs moyens d’action. Plusieurs citoyens et citoyennes d’origine arabe ou sociologiquement musulmans y militent, mais ce ne sont pas des associations arabes ni musulmanes, et elles ne se définissent même pas en termes identitaires, mais en termes politiques.
À titre d’illustration, nous allons présenter quelques exemples d’action associative arabe. Deux associations agissent à un niveau pancanadien : il s’agit de la Fédération canado-arabe (CAF) [6] et du Conseil national des relations canado-arabes. Deux autres associations ont une action locale : le Centre culturel algérien (CCA), situé à Montréal, et le Carrefour culturel Sésame situé à Québec.
- La Fédération canado-arabe (CAF)
Fondée en 1967, la Fédération canado-arabe s’est donnée pour mandat d « identifier, d’articuler, de défendre et de veiller par d’autres moyens aux intérêts de la communauté arabo-canadienne ». Elle souhaite contribuer à donner aux Canadiens d’origine arabe (Arab-Canadians) les moyens d’agir (empower), de s’intégrer dans la société canadienne, et de leur donner une voix dans les affaires publiques. Ces buts sont mis en œuvre en maintenant des liens avec les médias, avec les trois paliers de gouvernement, ainsi qu’avec des institutions nationales, et avec les ONG-parapluie. CAF entend jouer un rôle dans la lutte au racisme, aux stéréotypes et aux discours et crimes haineux.
CAF comprend une quarantaine d’organisations membres (ce nombre fluctue un peu selon l’année), dont certaines ont des centaines de membres individuels. Elles sont localisées de Vancouver aux Provinces atlantiques, mais la participation des organisations du Québec est plutôt limitée, même si des individus résidant au Québec ont joué un rôle majeur dans l’histoire de l’association. Environ un tiers de ces associations se définissent par le pays d’origine (Yémen, Maroc, Égypte, Palestine, Irak, Syrie, Liban) ; quelques unes (moins d’une dizaine) se définissent par une affiliation confessionnelle, en particulier islamique ou druze. D’autres se définissent comme Arabes. Même si de nombreuses personnes parmi les leaders de l’association sont issues de communautés arabes chrétiennes, il n’y a pas d’association chrétienne parmi les associations membres, mais il y a plusieurs associations islamiques. Enfin, plusieurs associations membres sont des groupes de solidarité ou de défense des droits, et quelques associations membres ont une mission culturelle (un orchestre de musique arabe, par exemple).
La Fédération reste donc l’association arabe la plus représentative à l’échelle canadienne, ainsi que celle qui a le discours le plus articulé en faveur d’une participation citoyenne et l’action la plus stable au fil des ans. Elle n’a jamais pu percer au Québec et devenir une véritable force qui serait en interaction continue avec les trois paliers de gouvernements, comme elle l’est en Ontario, en dépit de quelques succès ponctuels. Le contentieux linguistique entre le Québec et le Canada en est sans doute la raison la plus importante, mais pas la seule, car il se traduit par des sensibilités politiques différentes et des priorités différentes. Il n’est donc pas facile, pour une fédération canadienne qui veut s’intégrer à la culture anglophone majoritaire au Canada de construire un discours qui tienne compte, simultanément, des enjeux au Québec. Ainsi, la présence d’associations basées au Québec a fluctué au gré du leadership de la Fédération, et de sa capacité de fonctionner en français. Mais elle reste l’expression la plus forte et la plus cohérente de l’action associative arabe au Canada. Elle concentre son action sur le travail de lobbying et de représentation politique, et semble avoir plus de succès sur les questions de multiculturalisme et de citoyenneté que sur les questions de politique étrangère et celles qui sont en lien avec la sécurité. Elle coordonne certaines activités avec le Centre communautaire arabe de Toronto pour le travail social et communautaire à la base, et maintient des liens avec des ONG de défense des droits.
- Le Conseil national des relations
canado-arabes (CNRCA)
Établi en 1985 par des gens d’affaires d’origine arabe, le Conseil national des relations canado-arabes joue à Ottawa un rôle important de liaison entre des associations arabes et l’élite politique canadienne. Il s’intéresse à promouvoir de bonnes relations avec les pays arabes, à valoriser la culture arabe, à promouvoir la participation des communautés arabes aux processus politiques. Officiellement, ce n’est pas une association arabe, puisque ses membres peuvent ne pas être d’origine arabe, et effectivement, certains de ses piliers étaient des Canadiens anglo-saxons intéressés aux questions arabes. Mais le Conseil coordonne ses activités avec des associations arabes, et il se situe, par son membership et ses prises de position, dans la tendance nationaliste arabe laïque et collabore avec des associations de défense des droits de la personne et avec des associations islamiques. Le plus clair de son action se centre autour des questions de politique internationale, pour lesquelles il tente de faire parvenir au gouvernement canadien tant des points de vue de citoyens d’origine arabe que de forces politiques actives dans les pays arabes. En ce sens, le CNRCA joue un rôle non négligeable, à Ottawa et dans les médias, pour faire valoir des points de vue qui sont généralement marginalisés. Nous ne nous pencherons pas sur l’évaluation de l’efficacité de ce rôle, mais nous remarquerons simplement qu’au cours des dix dernières années, la politique étrangère canadienne a évolué dans un sens contraire à celui proposé par le CNRCA, et que cette association n’a pas réussi à infléchir le cours des choses en dépit de ses efforts.
- Le Centre culturel algérien (CCA)
Le Centre culturel algérien a été créé en 1999 à l’initiative d’un groupe de bénévoles algériens, « tous immigrants », comme le souligne son site d’entrée de jeu. « Ils ont voulu par leur expérience, contribuer à aider d’autres personnes, anciens ou nouveaux immigrants, quelque [sic] soit leur origine et particulièrement issus de la communauté algérienne dont les mouvements associatifs n’ont jusque là pas eu un large succès [7] ».
En examinant les objectifs du CCA sur son site web, on réalise que son orientation est résolument citoyenne, se voulant à la fois un organisme qui donne des services aux nouveaux arrivants, qui favorise la prise de parole par ses membres sur les questions d’intégration, et qui valorise tant la promotion de la culture maghrébine auprès des autres Québécois que la promotion des cultures canadienne et québécoise dans les pays du Maghreb. L’organisme se voit surtout comme un organisme de service et d’aide à l’intégration (insertion sur le marché de l’emploi, formation), de promotion de la culture maghrébine, et il participe à des activités de consultation, telle la Table de concertation Maghreb au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec. Au niveau identitaire, il met de l’avant la culture maghrébine, se montrant ainsi sensible aux questions identitaires kabyles. Les fêtes religieuses sont soulignées, mais la promotion de l’islam ne fait pas partie de ses objectifs ni de ses actions. Des cours de langue arabe sont enseignés, mais c’est la seule référence à l’arabité dans ses activités. Le Centre culturel algérien se définit par référence à l’identité nationale algérienne et ne regroupe donc que des Algériens et des Algériennes.
- Le Carrefour culturel Sésame de Québec
Sésame est une association laïque qui regroupe surtout des Arabes et des Kabyles et qui est très ouverte sur la diversité tant dans la société canadienne et québécoise que dans les sociétés arabes. Sa mission est « de promouvoir au sein de la société québécoise la diversité culturelle du Maghreb et du Monde arabe dans sa richesse et sa multiethnicité ». Dans ses objectifs, il mentionne explicitement les cultures arabe, berbère et kurde. Son action est avant tout sociale et culturelle, et il se veut un pont entre les cultures du monde arabe et du Maghreb d’une part, et la culture québécoise d’autre part. Mais Sésame porte aussi des revendications citoyennes : participation, refus de la discrimination, prises de position sur les questions de justice au niveau international. Son action n’est pas structurée autour de ces revendications. L’association prendra position et s’associera à d’autres acteurs de la société civile québécoise, surtout ceux qui sont dans la mouvance progressiste. Par exemple, il appuie explicitement l’idée d’une culture publique commune. Mais son action est avant tout culturelle est sociale plutôt que politique.
- Les transformations
de la vie associative arabe au Canada
Les changements notés plus haut dans la composition des communautés en provenance des pays arabes, à travers les quatre vagues migratoires, se reflètent dans la vie associative de ces communautés. Les associations qui se définissent comme islamiques ont augmenté en nombre et attirent désormais, semble-t-il, plus de membres que les associations arabes de tendance laïque. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles sont plus visibles sur la place publique. Théoriquement, rien n’empêche qu’un individu soit membre des deux types d’associations. Mais dans la mesure où l’activisme politique et les actions de plaidoyer se font dans le cadre d’associations islamiques, dont les mandats ne se limitent pas à l’organisation du culte et aux activités sociales, il est plus difficile de combiner l’action politique dans les deux types d’associations simultanément, même s’il existe des convergences et même des coopérations, fussent-elles malaisées par moments.
Cette difficulté est exacerbée par plusieurs facteurs. La montée de l’islam politique et sa position de plus en plus hégémonique dans les sociétés arabes signifie qu’une proportion accrue d’immigrants musulmans originaires du monde arabe mettent l’islam au cœur de leur identité politique, d’une part, et que la tendance conservatrice est beaucoup plus forte que dans un passé récent. Ceci aura un impact sur les attitudes des nouveaux venus par rapport à la société d’accueil et sur leur conception de l’intégration, sur les demandes d’accommodements religieux (lieux de prières, horaires spéciaux, ségrégation de l’espace, port de signes religieux, etc.).
Par ailleurs, l’islam politique, et particulièrement les groupes qui font usage de violence à l’échelle internationale, ont acquis une visibilité accrue dans l’espace public. Ce facteur a été exacerbé par la couverture médiatique qui a eu tendance à ne pas situer cette violence dans son contexte, et à la présenter comme inhérente à la doctrine de l’islam, une distorsion que les extravagances verbales de certains acteurs de l’islam politique à l’échelle internationale ont certainement facilitée. Mais cette couverture médiatique trouve aussi son origine dans la montée des tendances néo-conservatrices aux États-Unis, qui ont réussi à instrumentaliser la grande presse en faveur de leurs politiques coloniales [8]. Cette situation a signifié que les citoyens musulmans sont quelquefois perçus comme des « ennemis intérieurs » potentiels, objets de méfiance sinon d’hostilité, et simultanément objets de sollicitude de la part de ceux et celles, dans les instances gouvernementales et dans la société civile, qui veulent lutter contre les discriminations que pourraient subir les musulmans. C’est autour de la place des musulmans dans la cité que de nouveaux débats sont initiés, que des positions opposées se polarisent, et que des remises en question de l’ordre normatif dominant se font. Il y a donc beaucoup plus de raisons de structurer l’action politique de plaidoyer contre les discriminations autour des droits des musulmans plutôt que des Arabes, car les violations de ces droits affectent plus directement les musulmans. Et c’est en tant que musulmans, plutôt qu’en tant qu’Arabes, que les individus qui détiennent les deux identités sont marginalisés. Enfin, tant les pouvoirs politiques que les universitaires et les médias accordent plus d’attention aux revendications faites par les musulmans, en tant que porteurs de droits menacés, qu’à celles des Arabes. Dans ce contexte, c’est la composante islamique de l’identité qui aura tendance à prendre le dessus sur la composante arabe de l’identité. C’est ce qui amène Nadine Naber à conclure, en ce qui concerne les Arabes américains musulmans, que le slogan d’une majorité parmi eux est désormais Muslim First, Arab Second (Naber, 2005). Ceci est en partie vrai dans le contexte canadien et québécois. Ceci est d’autant plus vrai qu’il est plus facile de plaider pour la non-discrimination sur le territoire québécois ou canadien que de remettre en question la politique pro-israélienne des divers gouvernements canadiens.
Le rôle des médias est très marquant dans ce processus. Ils ont eu tendance à monter en épingle des questions qui ne méritent pas tant d’attention, et à mettre de l’avant des figures emblématiques dans lesquelles les musulmans ne se reconnaissent généralement pas mais qui sensationnalisme oblige sont présentées comme étant « les » représentants de « la » communauté musulmane. Tel est le cas de M. Said Jaziri, imam d’une petite mosquée à Montréal, qui est devenu, jusqu’au moment de sa déportation, un point focal de l’attention médiatique au grand dam de nombreux musulmans qui ne souhaitaient pas être représentés par lui [9]. Ceci est d’autant plus important à souligner que le titre d’imam n’est pas un titre qu’on obtient après une qualification ou des études : n’importe quel individu choisi par un petit groupe pour diriger les prières et pour faire le prêche de façon régulière devient l’imam de ce groupe. Cette situation a eu pour effet d’antagoniser les musulmans globalement (Antonius, 2008).
CONCLUSION
Après un bref rappel de l’histoire migratoire des Arabes au Canada, nous avons tenté de rappeler des facteurs propres au contexte socio-politique dans les pays d’origine qui permettent de mieux comprendre la dynamique associative parmi les groupes immigrés d’origine arabe. Nous croyons que parmi ces facteurs, les questions identitaires, les courants idéologiques qui redéfinissent l’identité, et le statut de minorité ont un impact important tant sur les dynamiques associatives dans les communautés arabo-musulmanes que sur les revendications émanant de leurs associations. Nous espérons que ces considérations seront le point de départ d’une recherche historique plus poussée qui visera à mettre à jour l’inestimable travail de Baha Abu Laban, qui reste pour beaucoup de chercheurs une source d’inspiration.
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* L’auteur est professeur à l’Université du Québec à Montréal. Ce travail reprend, avec quelques modifications, une partie d’un travail collectif antérieur produit avec en collaboration avec Micheline Labelle et François Rocher.
[1] Nous nous conformerons à la coutume qui consiste à écrire Islam (avec une majuscule) quand on parle de la civilisation, et islam (avec une minuscule) quand on parle de la religion.
[2] Ceci est un constat et non pas une position normative. En fait, notre position normative est à l’effet qu’il vaut mieux que les mobilisations se fassent sur la base d’orientations politiques plutôt que sur des bases identitaires.
[3] Sur la base du dénombrement fait en 1932. Aucun autre recensement n’a été fait au Liban depuis cette date, il n’existe donc pas de statistiques démographiques rigoureuses permettant d’établir le poids relatif des diverses communautés confessionnelles.
[4] Cette opinion est formulée de façon assez vigoureuse par certaines associations berbères originaires d’Algérie, ainsi que par certaines associations Coptes, Maronites, ou Chaldéennes, par exemple.
[5] Le mot « grecque » renvoie à l’origine religieuse de cette communauté chrétienne, qui relevait de Byzance et non pas de Rome, et pas à la signification ethnique du mot. L’origine byzantine est aussi valable pour la communauté grecque-catholique, appelée aussi communauté melkite. La séparation entre les deux communautés fut consommée en 1724. Comme pour plusieurs communautés religieuses au Proche-Orient, l’identité confessionnelle s’est transformée au cours des siècles et « fonctionne » comme une identité ethnique.
[6] Le logo de la Fédération utilise l’acronyme anglais. Il est donc utilisé ici, puisque les gens et les documents y font référence communément en parlant de la CAF et non de la FAC (qui serait l’équivalent français).
[8] Une situation que même le New York Times a fini par remarquer. Dans un reportage daté du 20 avril 2008, David Barstow a analysé comment la maison blanche a réussi à placer des anciens généraux acquis à ses visions politiques comme « experts » pour les grands réseaux sur la politique irakienne (<www.nytimes.com/ 2008/04/20/washington/20generals.html>, consulté le 17 août 2008).
[9] M. Jaziri a été déporté en Tunise en 2007, car il avait falsifié des documents pour être admis comme réfugié au Canada,
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