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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'André Beauchamp, “L’apport de la consultation publique à la construction de l’éthique.” in ouvrage sous la direction de Judith Légaré et Andrée Demers, L’évaluation sociale: savoirs, éthique, méthodes. Actes du 59e Congrès de l’ACSALF 1991, pp. 311-324. Montréal: Les Éditions du Méridien, 1993, 372 pp. [Autorisation accordée par l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[311]

L’évaluation sociale :
savoirs, éthique, méthodes.

Actes du 59e Congrès de l’ACSALF 1991.

L’apport de la consultation publique
à la construction de l’éthique
.”

Par André BEAUCHAMP,
24 MAI 1991 *
président de la firme Enviro-Sage Inc.

[312]
[313]

Le mot évaluation recouvre des sens très différents selon la personne qui en fait usage et les disciplines où l’on s’inscrit. En langue française, il origine des sciences de l’éducation, étant relié à la mesure des résultats. Un projet éducatif n’est complet que s’il conduit à une vérification de l’atteinte des objectifs, ce qui suppose une vision assez claire, dès le départ, du but poursuivi.

L’évaluation est également un concept beaucoup utilisé en administration et sensé permettre de juger, en fin d’année, du rendement d’une organisation. Dans le milieu des affaires, l’évaluation peut se contenter d’être financière. Dans les administrations publiques, on a parlé davantage de PPBS puis de « zéro base budget ». Comme gestionnaire, j’en ai gardé un souvenir assez mitigé, car il m’est souvent apparu comme un exercice purement formel fait sans conviction, comme un jeu de cache-cache pour savoir « où ça coupera ». L’évaluation constitue un défi particulièrement complexe lorsqu’il s’agit de juger de l’efficacité des programmes et des services offerts par l’État à ses citoyens et citoyennes. Le concept de rentabilité y demeure nébuleux et soumis à des appréciations de valeur fort complexes. Il suffit de se rappeler le rapport Gobeil. Il est donc plus qu’avantageux qu’une association comme l’ACSALF s’y intéresse et poursuive à ce propos une réflexion scientifique portant à la fois sur les techniques et leurs mérites ainsi que sur l’éthique ou les éthiques sous-jacentes.

[314]

L’évaluation environnementale

Je ne possède pas de pratique professionnelle de certains types d’évaluation sociale évoqués plus haut. Mais j’ai eu la chance d’explorer un autre champ d’expérience, celui de l’évaluation par les citoyens et citoyennes de projets originant souvent de l’État lui- même. On touche alors à une facette très particulière d’un processus global d’évaluation dit « évaluation environnementale ».

Les termes d’évaluation environnementale ont progressivement englobé ceux plus restrictifs d’études d’impacts, lesquelles ont débuté aux États-Unis vers la fin des années soixante (Simos, 1990, p. 15). C’est que l’étude d’impacts a souvent été à l’origine un simple discours sur la faisabilité technique et économique des projets avec de timides excursus sur les impacts biologiques. Ensuite un instrument économique a été développé, les études coûts-avantages. À partir des années 1975, on parle plus volontiers d’évaluation environnementale, cette dernière débordant largement l’étude d’impacts classique, incluant des études sur les incidences sociales des projets et prévoyant une implication des publics suivant des modalités qui varient beaucoup selon les régimes réglementaires et les traditions culturelles (Jacobs et Sadler, 1990, p. 21). À cause des limites de l’évaluation de projets isolés, la problématique s’élargit de plus en plus pour inclure l’ensemble des processus de planification, modifiant progressivement la manière de concevoir le développement lui-même. C’est la revendication faite au Québec par le rapport Lacoste (Lacoste et alii, 1988). D’où la référence constante que l’on fait maintenant au développement durable, concept proposé par la commission Brundtland qui essaie d’intégrer les projets de développement à une triple problématique économique, écologique et éthique (Jacobs, Sadler, 1990 ; Beauchamp, 1991).

Ce qu’il y a d’original et de déroutant dans l’évaluation environnementale, c’est qu’elle se présente comme un exercice de prédiction. Alors que l’évaluation semble supposer la mesure des résultats d’un projet et d’un programme, l’évaluation environnementale cherche à modifier la conception et la mise en œuvre de projets et de programmes en tenant compte des résultats raisonnablement escomptés de ces projets et programmes tant sur l’écosytème bio-physique [315] que sur l’écosystème social. Cet exercice particulièrement périlleux demande donc une série de mises à jour de techniques et de sensibilités nouvelles. On parle volontiers de multidisciplinarité et de transdisciplinarité, de processus adaptatifs, etc. Les défis du suivi et du monitoring qui sont toujours les parents pauvres en ce domaine prennent une ampleur nouvelle. Par exemple, une équipe de professeurs de l’Université de Montréal est à mettre au point un processus d’études à la fois substantif et procédural pour la planification du transport en milieu urbain en intégrant une perspective de développement urbain viable (Gariépy, Domon, Jacobs, 1990). Pour sa part, la Ville de Montréal intervient très activement au sein de la Conférence des grandes villes du monde pour faire adopter une déclaration sur le développement urbain viable qui mettrait en œuvre certaines de ces pratiques nouvelles.

La participation du public

Depuis une vingtaine d’années, la réflexion sur l’environnement a permis d’établir qu’il n’y a pas d’évaluation environnementale au sens fort du terme s’il n’y a pas d’implication du public. D’une part, l’éthique de l’évaluation environnementale oblige à considérer les incidences sociales comme partie prenante de toute évaluation environnementale. Mais l’étude des incidences sociales ne peut être réalisée seulement par les anthropologues, sociologues ou autres spécialistes des sciences humaines. Il faut aussi une implication active de la population, cette étape supposant au moins l’information transparente et validée ainsi que des formes plus ou moins élaborées de participation allant de la consultation publique, à l’audience proprement dite, à la médiation environnementale, voire à la concertation.

Si on analyse les recoupements des questions liées à la participation du public avec l’éthique, on peut distinguer deux grands domaines : quelles sont les règles d’une consultation publique honnête et transparente ; quel est le poids de la consultation publique sur le savoir lui-même ?

En ce qui touche l’éthique de la consultation, je garde la fâcheuse impression que la consultation publique demeure souvent entrevue [316] par les pouvoirs en place comme un moyen de convaincre le public, plus que comme un moyen d’aider le public à se construire une opinion. Dans toute consultation, il doit y avoir un contrat loyal entre deux partenaires : le responsable qui veut consulter un public et le public consulté. Si les règles du jeu ne sont pas claires, si certains partenaires peuvent tricher en cours de route, si le pouvoir n’est pas distribué équitablement, si les délais sont impossibles, si l’information n’est pas accessible, il n’y a pas consultation mais manipulation, ou consultation-bidon. Le marketing prévaut alors sur la recherche et la compréhension de ce que les gens désirent vraiment après s’être approprié la connaissance. On pourrait donner des dizaines d’exemples dans des dossiers récents. Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux consultent beaucoup, mais les procédures sont rarement rigoureuses et nagent dans une éthique floue. Pourtant une éthique est possible et souhaitable et déjà nous pouvons en tracer certains contours (Beauchamp, 1990 ; Yergeau et Ouimet 1984).

J’aimerais toutefois explorer davantage la deuxième question soulevée plus haut : quel est le poids de la consultation publique sur le savoir lui-même ? Cette question est fort intéressante car il s’agit de l’évaluation évaluée. D’où le titre que j’ai choisi : L’apport de la consultation publique à la construction de l’éthique.

Un exemple possible

Imaginons le cadre d’une audience publique importante, par exemple les projets entrevus par Hydro-Québec à la Baie de James. En réalité, l’exemple n’est pas fameux car une démarche transparente exigerait que trois questions soient déjà bien documentées : le bilan des travaux antérieurs, la politique énergétique, une approche intégrée de l’impact cumulatif de l’ensemble des interventions humaines sur le nord québécois.

Le processus d’évaluation environnementale entrepris déjà depuis plusieurs années suppose que l’on sait ce qui s’est passé dans le cadre des premiers ouvrages dressés sur la rivière La Grande et qu’un monitoring rigoureux permet d’effectuer un bilan précis des impacts des travaux déjà réalisés, tant sur le milieu biophysique que sur le milieu social. Hélas ces données nous manquent et Hydro-Québec ne [317] manifeste pas un grand zèle à cet égard. Il n’y a pas eu d’évaluation systématique de la phase 1 et de ses résultats réels sur le terrain à partir de paramètres observables et mesurables. En conséquence, nous ne savons pas la valeur réelle des modèles prédictifs utilisés. Nos techniques de savoir n’ont pas été beaucoup améliorées.

Le débat énergétique a été demandé à cor et à cri depuis dix ans, dont l’an passé par une coalition représentant deux millions de Québécois. Madame Bacon a consenti une timide commission parlementaire excluant un vrai débat public et elle a elle-même miné la crédibilité de cette démarche en annonçant, pendant les travaux de la commission, les éléments clés de sa politique, quelles que soient les conclusions de la commission d’ailleurs contrôlée majoritairement par son parti. Encore une fois une commission conçue comme un moyen de diffusion ! Une année plus tard, nous commençons à peine à connaître les termes des contrats de vente d’énergie par Hydro-Québec à des compagnies. Mais ces informations nous sont parvenues de l’extérieur du Québec, ce qui mine irrémédiablement la crédibilité de nos propres institutions. De la même manière, les termes des contrats de vente ferme d’énergie aux USA risquent d’être eux aussi pleinement révélés et donc de faire finalement l’objet de véritables débats.

Enfin, certaines études d’impact cumulatif ont été entreprises il y a quelques années, mais Hydro-Québec a laissé tomber le dossier pour des raisons encore mal connues.

Pour ajouter encore un peu de confusion au dossier, rappelons qu’il a fallu environ un an pour qu’Ottawa et Québec conviennent des modalités d’une commission commune d’examen et s’entendent sur une présidence et des modalités mais que le mandat d’examen exclut les infrastructures d’accès aux équipements prévus, malgré la protestation publique, et somme toute assez dérisoire, du ministre de l’Environnement du Québec.

Supposons maintenant que ce dossier mal fichu du début à la fin soit examiné dans le cadre d’une large audience publique permettant à tous les groupes intéressés de s’inscrire dans le processus. Il y a pluralité d’acteurs : Cris, Inuit, Montagnais et Attikameks, autres nations amérindiennes, Québécois francophones et anglophones, autres Canadiens et Américains, sans oublier les observateurs étrangers. [318] Intérêts économiques différents, lobbies multiples, intérêts politiques nombreux et divergents.

L’émergence de l’éthique à travers les débats

Le dossier qui sera présenté à l’audience aura déjà été inscrit dans un long processus d’évaluation environnementale. Nous savons déjà les conclusions fondamentales que le Gouvernement québécois y présentera : il n’y a pas d’impact majeur ni au plan biophysique, ni au plan social ; le projet est rentable, nécessaire et opportun ; les amérindiens seront compensés financièrement ; les projets sont la solution de moindre risque. La tâche des opposants consistera à démontrer les failles de la démonstration scientifique d’Hydro-Québec, à contester les besoins d’énergie supplémentaires et surtout à faire émerger les jugements de valeur non explicités dans la position d’Hydro.

Je n’insiste pas beaucoup sur la contribution des intervenants en ce qui concerne la connaissance réelle du milieu. Nul ne peut présumer que le savoir empirique et scientifique des intervenants sera négligeable ou de somme nulle, les pour et les contre s’annulant. On peut déjà soupçonner que le débat fera émerger les zones d’incertitude surtout à l’égard de la fonction prédictive des études. L’audience va faire apparaître des failles dans les données et des erreurs grossières de fait surtout en ce qui concerne la fréquentation quotidienne d’un territoire aussi spécifique que le Grand Nord. Elle va surtout faire apparaître les poches d’ignorance qui se glissent même au sein de ce qui semble parfaitement clair. Bref, il y aura un débat sur le savoir des experts et un déplacement de leur pouvoir. On s’apercevra que ce savoir est relatif, faillible en certains points et probablement lacunaire lorsque soumis à de multiples contre-expertises. Bref, il s’agit d’un savoir forcément subjectif.

Mais le plus important se jouera ailleurs. Il portera sur les jugements de valeur. Nous savons bien que nos opinions même scientifiques ne sont pas neutres. Elles trahissent toujours notre position d’acteur social, notre statut académique, nos budgets de recherche. Elles le font d’autant mieux que les présupposés sont davantage inconscients ou refoulés, voire niés par la méthode. Pensons aux [319] opinions issues d’un certain darwinisme social sur les noirs ou sur les femmes. Mais pensons aussi aux déviations que la rigueur disciplinaire elle-même impose à la forme de pensée et aux blocages que cette rigueur génère à l’égard d’autres appréciations ou d’autres approches disciplinaires. Il est plus facile de parler d’interdisciplinarité que d’en faire.

L’avantage d’un débat public est ainsi de construire l’éthique. À l’abri du public, les experts peuvent toujours s’entendre et protéger inconsciemment leurs intérêts communs qui déterminent la rationalité de leur savoir constitue. Le débat public met en échec ce pacte du savoir savant. D’une part, il fait émerger l’éthique explicite ou implicite des jugements de valeurs contenus dans les affirmations scientifiques et techniques. D’autre part, il oblige aussi à réfléchir explicitement sur les impératifs sociaux sous-jacents au projet politique lui-même. Dans le cas de la Baie de James, les modulations constantes seront : quel développement énergétique, le développement de quoi, le développement pour qui, le développement par qui ? Quel est l’horizon temporel envisagé ? Quelles sont les incertitudes sur dix ans, vingt ans, cinquante ans, en lien avec les autres éléments perturbateurs et qui peut prétendre imposer à qui la rationalité de sa propre évaluation. Quelles sont les solutions de rechange à la boulimie énergétique de notre société ? Comme la situation des acteurs est complexe, diversifiée et parfois divergente, comme les enjeux politiques varient beaucoup de même que les champs culturels, nous serons devant un énorme laboratoire qui fera émerger des champs éthiques diversifiés.

Il serait naïf de penser que la conclusion de la commission chargée d’examiner le projet fera émerger l’éthique vraie par rapport aux autres jugements formulés par les acteurs qui seraient le résultat d’éthiques fausses ou partielles. Mais elle fera apparaître le conflit des interprétations et c’est dans la mesure où elle le fera adéquatement qu’elle servira la liberté. Au bout du terme, puisque le processus d’audiences en ce cas jouit d’un pouvoir simplement consultatif, la décision sera du ressort de l’autorité politique qui fera l’arbitrage des éthiques divergentes et imposera la sienne, dans un contexte prudentiel et stratégique. Ce pourra être, au fond, l’opinion d’une minorité [320] ou le reflet de la majorité. Mais dans un sens ou dans l’autre, seuls les résultats à long terme permettront de savoir qui avait raison et quels sont les impacts de la décision. Nous savons dès maintenant que le jugement que portera le gouvernement ne fera pas l’unanimité. Il restera tout de même un pôle de référence indiquant les tensions et les débats de notre milieu à un moment précis de notre prise en compte de la crise écologique et de notre orientation vers le développement viable.

Ces considérations générales sur un projet qui polarisera les opinions au sein de notre société dans les deux prochaines années font entrevoir le statut inéluctable et fragile de l’éthique. Le projet scientifique n’échappe pas à l’éthique. Il est pénétré par elle. Nous rêvons d’une pure science, abstraite et nécessaire en chacune de ses propositions, qui finirait par guider notre action de manière nécessaire, une science si serrée qu’elle finirait par jouer le rôle encadrant de ce que l’on désigne chez les animaux sous le vocable d’instinct. Or n’importe quel débat de comptables sur les comptes publics montre bien que ce désir est utopique. On ne peut vivre humainement en deçà de l’éthique (Duclos 1989). C’est précisément le passage de la biologie à la culture qui nous fait entrer dans le domaine du symbolique et de l’éthique (Ruffié, 1976). Nos actions ne nous sont pas toutes imposées par le code génétique ou par les données biologiques de l’espèce. Il existe comme un espace d’indétermination qui nous oblige à relier nos actions à des représentations, des valeurs, des principes, des références sociales, esthétiques, religieuses, culturelles qui constituent le champ de l’éthique.

Quand nous refusons le débat public au nom de l’extrême rigueur et de l’excellence de la science nous cherchons souvent à occulter, voire à nier, les options éthiques sous-jacentes à nos opinions. Dans sa démarche complexe d’enquête, d’interrogation, de contre-expertise et d’expressions d’opinions, le débat public fait voir la relativité de toutes les options et réintroduit l’éthique dans le champ du technique. Cette démarche n’est ni simple ni confortable. Pour garder sa cohérence, une société a besoin d’un certain nombre de consensus implicites, faute de quoi elle glisse dans l’anomie génératrice d’angoisse. Les débats de fond sur tous les dossiers mèneraient donc à [321] une véritable impasse sociétale par abus d’anxiété. Il est donc essentiel que les débats soient relativement peu nombreux et bien typés. Mais il faut qu’il y en ait pour que la rationalité scientifique reste une rationalité ouverte, consciente de sa dimension éthique inéluctable.

[322]

Note de l’auteur
en date du 3 décembre 1992


Depuis le temps où note communication du 24 mai a été rédigé, le dossier du projet de Grande-Baleine a beaucoup évolué. D’une part, le Gouvernement du Québec a renoncé à son intention de construire les infrastructures d’accès avant d’étudier l’ensemble du projet d’équipements. D’autre part, les gouvernements québécois et fédéral se sont entendus et ont convenu de rédiger une directive commune sur le projet. Cette directive, à notre avis la plus complète en ce domaine à avoir jamais été émise, a trois caractéristiques majeures. Elle oblige le promoteur à faire la démonstration de la justification de son projet, à partir des prévisions de la demande et des prévisions de l’offre. Ce faisant, elle ouvre la porte à l’analyse des voies de remplacement (« alternatives ») et de l’économie d’énergie. Il s’agit là de pièces importantes au débat sur l’énergie. Ensuite, la directive utilise le concept d’impact cumulatif dont la mise en œuvre posera des problèmes d’une rare complexité. Enfin, la directive cherche à intégrer, sous le vocable d’enjeux fondamentaux, la dimension culturelle dans la définition et l’évaluation des impacts, amorçant une problématique assez neuve sur les critères d’évaluation en culture nord-américaine et en culture amérindienne. Il convient aussi de signaler qu’une enveloppe importante de subventions a été mise à la disposition de la population pour faciliter la participation à la consultation publique prévue à différentes étapes de l’évaluation environnementale.

Ces décisions, on peut le constater, confirment les remarques critiques que nous formulions en 1991 et montrent que les gouvernements ont bougé dans le sens de nos propositions. Pour ce qui est de la question de l’apport de la consultation à la construction de l’éthique, elles demeurent entièrement valides, Nous disposerons simplement de meilleurs instruments pour faire un débat en profondeur.

Signalons enfin que le Forum Grande-Baleine a tenu quatre colloques scientifiques sur le dossier en question. Le premier, en juin 1991, portait sur les procédures d’évaluation, le second en décembre 1991 sur la connaissance du milieu nordique (les actes du Congrès ont été publiés : Connaissance du milieu biophysique et humain de la région de la Grande rivière de la Baleine (3-4 décembre 1991), le [323] troisième en mars 1992 sur la planification intégrée des ressources dans le domaine de l'électricité et le quatrième en novembre 1992 sur les études d’impacts cumulatifs (une hypothèse de publication des actes de ce dernier colloque est à l’étude). On peut déjà dire que la connaissance progresse à grand pas et qu’elle contribuera à l’élucidation des critères éthiques utilisés pour la décision.

[324]

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BEAUCHAMP, A. (1990) « L’individu, la collectivité et l’éthique : importance de la consultation publique », Colloque Environnement et éthique, mai 1990. Paru dans Jacquard, A., H. Reeves et alii. L’avenir d’un monde fini, Montréal, Fides, 1991, pp. 163-175. Cahiers de recherche éthique.

BEAUCHAMP, A. (1991) Le développement urbain viable, CCREE/ CEARC, 1991, environ 110 pages.

DUCLOS, D. (1989) La peur et le savoir. La société face à la science, la technique et leurs dangers, Paris, La Découverte, 307 pages.

GARIÉPY, M., G. DOMON et P. Jacobs (1990) Développement viable et évaluation environnementale en milieu urbain : essai d'application au cas montréalais, Faculté d’aménagement, Université de Montréal, 54 pages.

JACOBS, P. et B. SADLER (1990) Développement durable et évaluation environnementale : perspectives de planification d’un avenir commun, CCREE/CEARC, 201 pages.

LACOSTE, P. et alii (1988) L’évaluation environnementale : une pratique à généraliser, une procédure d’examen à parfaire. Rapport du comité d’examen de la procédure d’évaluation environnementale Gouvernement du Québec, décembre, 169 pages.

RUFFIÉ, J. (1976) De la biologie à la culture, Paris, Flammarion, 2 tomes.

SlMOS, J. (1990) Évaluer l’impact sur l’environnement. Une approche originale par l’analyse multicritère et la négociation. Presses polytechniques et universitaires romandes, 261 pages.

YERGEAU, M. et L. OUIMET (1984) « Pour que les audiences publiques aient un sens ». Le Devoir, juin.



* Le texte ayant un peu vieilli dans la description de la situation du dossier de Grande-Baleine, étant donné l’évolution récente de ce dossier, l’auteur nous a fait parvenir en date du 3 décembre 1992 une note de mise à jour qu’on trouvera à la fin du texte.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 7 octobre 2020 9:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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