Préface
RENÉ DUROCHER
Université de Montréal
Éric Bédard en raison de son âge n'a pas vécu la crise d'Octobre, contrairement à la très grande majorité de ceux qui ont écrit sur le sujet. Il voit cet événement avec une distance critique différente. On sent chez lui une certaine sympathie - mais sans complaisance - pour les jeunes qui sont entraînés dans la tourmente des années 1960-1970 de même que pour les professeurs dont on tentera de faire les boucs émissaires de la crise.
L'auteur n'a pas de comptes à régler et il ne s'érige pas en juge ; il décrit les événements froidement, les analyse avec soin et en tire les conclusions qui s'imposent. Il appelle un chat, un chat et la mort de Pierre Laporte, un assassinat.
La crise d'Octobre est un événement capital de l'histoire du Québec, nous dit Éric Bédard. Cet épisode de notre histoire, s'il est capital, c'est par ce qu'il nous révèle de la société québécoise de l'époque. Dans son ouvrage, l'auteur nous fait découvrir le milieu universitaire montréalais dans les années 1960. Le milieu étudiant de cette époque est en pleine effervescence et le FLQ a cru que les étudiants seraient le fer de lance de la Révolution. L'agitation étudiante est une chose, l'action révolutionnaire en est une autre.
[10] Comme il étudie les quatre universités de Montréal, cela nous permet de saisir la culture de chacune des institutions et surtout de comparer les institutions francophones et anglophones qui réagissent très différemment à la crise d'Octobre. Cela constitue d'ailleurs un aspect aussi original qu'instructif de cette étude.
L'auteur a su exploiter avec beaucoup de talent une abondante documentation, souvent très neuve, pour nous permettre de suivre le déroulement de l'action sur les quatre campus universitaires. L'examen est minutieux et rigoureux sans être lourd, et aussi passionnant qu'éclairant.
La crise d'Octobre, si elle est capitale, c'est aussi par ce qu'elle nous révèle des pouvoirs politiques en place en 1970 à Montréal, à Québec et à Ottawa. Ce qui nous est montré, c'est le visage de la répression qui atteint un sommet avec l'infâme Loi des mesures de guerre. La démocratie canadienne a pris un dur coup ce jour-là.
On a toujours intérêt à examiner son passe pour mieux comprendre son présent ; dans certains cas, cela peut même permettre d'éviter de prendre des vessies pour des lanternes.
RENÉ DUROCHER
Université de Montréal
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