Jean Benoist
“LES MASCAREIGNES”.
L’ÎLE MAURICE LA RÉUNION
Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Jean Poirier, Ethnologie régionale II Asie - Amérique - Mascareignes, pp. 1867-1899. Paris: Gallimard, 1978, 2076 pp. Collection : Encyclopédie de la Pléiade, no 42.
- Introduction
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- Pluralisme et ethnicité
- L’Île Maurice
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- Famille et parenté
- Les religions
- Les langues
- La dynamique de la société
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- L’archipel des Seychelles
- La Réunion
- Les trois sociétés de la Réunion
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- Une société de plantation
- Une société de paysans
- Une société pseudo-industrielle
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- Carrefours sociaux et culturels
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- Les relations ethniques
- La langue et la société
- L’univers religieux
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- Bibliographie
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- Fig. 1. Les Mascareignes
- Fig. 2. Les zones de grandes plantations sucrières
- Fig. 3. Plantations sucrières : zones de ramassage des différentes usines.
- Fig. 4. Plan d’une case réunionnaise.
- Fig. 5. Plan d'un temple indien de la réunion. (Les dieux sont désignés par leur nom réunionnais.)
Introduction
Désertés à l'arrivée des Européens, les Mascareignes n'ont été colonisées que tardivement. Si les Hollandais occupèrent l'île Maurice dès 1598, et y firent venir des esclaves de Madagascar pour exploiter la canne à sucre et le coton, leurs établissements ne donnèrent pas naissance à une colonisation importante, et l'île fut pratiquement abandonnée au début du XVIIIe siècle. Les Français prirent possession de l'île voisine, qu'ils nommèrent l'île Bourbon, en 1649. La Compagnie des Indes orientales, fondée en 1664, donna alors un certain essor au peuplement européen et à l'introduction d'esclaves, essentiellement malgaches.
En 1715, les Français annexèrent Maurice, sous le nom d'île de France. La colonisation de l'île progressa alors assez rapidement, grâce à l'élevage, à la polyculture vivrière, au café et au sucre : en 1797 la population atteignait environ 60 000 individus, dont 50 000 esclaves africains et malgaches. De 1725 à 1750 l'effort se porta aussi vers la petite île de Rodrigues, mais avec peu de succès. Ce n'est qu'après 1810 que des agriculteurs et des pêcheurs d'origine africaine venus de l'île Maurice s'établirent fermement sur cette île où les grandes plantations ne trouvaient pas de conditions propices. La population de Rodrigues, tenue ainsi à l'écart des influences asiatiques qui s'exercèrent plus tard sur les deux plus grandes îles, garde avant tout un caractère africain. Elle est actuellement d'environ 25 000 individus.
Au début du XVIIIe siècle, l'île Bourbon avait connu elle aussi une grande expansion à la suite de l'introduction du café, et les Européens affluèrent ; ils recrutèrent des esclaves et des « engagés », c'est-à-dire des travailleurs sous contrat. En 1804, l'île dépassait 65 000 habitants, dont 15 000 Blancs.
La société créole qui s'était édifiée dans les deux îles ressemblait alors profondément à celle qui avait existé aux Antilles près d'un siècle auparavant, mais le règne prolongé de la Compagnie des Indes, qui ne s'acheva qu'en 1764, et la crise du café la figèrent quelque peu, et les îles abordèrent le XIXe siècle en étant moins riches et moins développées que les îles d'Amérique. Entre-temps, l'île de France, redevenue île Maurice, avait été cédée à l'Angleterre par le traité de 1814, en même temps que Rodrigues et les Seychelles tandis que Bourbon, nommée désormais île de la Réunion, commençait à chercher sa voie dans la production du sucre.
L'essor rapide de la canne à sucre remania radicalement le tableau social et ethnique. L'expansion des plantations requit une concentration croissante des terres, l'élimination d'un grand nombre de petites et moyennes plantations et l'apport d'une nouvelle main-d'œuvre. Celle-ci ne pouvait plus guère être assurée par l'esclavage africain, et les travailleurs engagés en Inde en fournirent le principal contingent. Commençant à Maurice en 1835, cette immigration fut si importante qu'en 1861 les deux tiers de la population de cette île étaient d'origine indienne, proportion demeurée inchangée jusqu'à nos jours. À la Réunion l'immigration indienne commença plus tard et elle ne se poursuivit pas aussi longtemps que dans l'île voisine, en raison de conflits avec la Grande-Bretagne sur le sort fait par les planteurs de la Réunion aux travailleurs indiens. En même temps que les Indiens, la Réunion reçut donc des Comoriens et des Malgaches. Les tentatives d'implantation d'autres groupes asiatiques n'aboutirent guère, tout au moins dans les plantations.
La composition ethnique et culturelle des îles était bouleversée tandis que la structure de la société évoluait elle aussi profondément et que s'élaboraient quelques-uns des traits fondamentaux de la société actuelle. La propriété se concentrait entre les mains de ceux qui détenaient des capitaux suffisants pour suivre les progrès techniques de l'exploitation sucrière et les lourds investissements qu'ils exigeaient. À la Réunion le développement des grandes usines durant le dernier quart du siècle aboutit à la création d'immenses domaines, et accentua l'éviction des cultivateurs. Ceux-ci, Européens d'origine, se retirèrent vers les terres hautes encore inexploitées et tentèrent d'y maintenir le genre de vie qu'ils avaient édifié sur les terres plus riches passées sous le contrôle des planteurs de canne à sucre. Il se créa ainsi d'importantes zones de paysans de souche européenne, plus ou moins à l'écart de la société issue de la plantation, tandis que celle-ci se développait suivant sa propre dynamique, écartelée entre deux pôles, l'aristocratie terrienne qui contrôla bientôt la vie économique et politique de l'île, et la masse des travailleurs de couleur, Africains, Malgaches ou Indiens.
Les lignes assez nettes des diverses périodes se chevauchent de nos jours en un tableau complexe. La tâche de l'anthropologue est alors particulièrement délicate. Il risque, au profit d'une interprétation trop marquée par l'histoire, d'oublier que chaque île porte une société où les contributions de chacune de ces phases, et les structures contradictoires qu'elles ont édifiées, sont en permanent ajustement. Plus que les origines, ce sont les conflits et les synthèses qui sont l'objet principal de son étude. Toutefois ceux-ci ne peuvent être appréciés et analysés sans risque de simplification tant que les apports culturels des différents groupes ethniques, la succession des formes d'organisation économique et leur empreinte sur le sol, les phases des transformations politiques et les événements qui ont mis en place la société contemporaine sont insuffisamment éclairés.
Les travaux ne sont malheureusement pas assez nombreux. Les historiens se sont peu intéressés aux événements sociaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, et la période de la Compagnie des Indes est mieux connue que celle de la genèse de la société contemporaine. Les efforts en sciences humaines n'ont porté que sur quelques secteurs (géographie, linguistique créole) où des travaux de premier ordre ont été publiés, mais ils ont pratiquement négligé l'examen de la vie sociale et de la culture. Hormis les rapports souvent décevants de commissions d'enquêtes socio-économiques et démographiques sur Maurice et les recherches que Benedict a consacrées aux Indiens de cette île, on ne compte pas d'enquêtes ethnologiques et seulement quelques rapports sociologiques assez superficiels. La Réunion est encore plus négligée. Aussi, contrairement à ce qui serait souhaitable dans une encyclopédie, devons-nous nous appuyer à son sujet presque exclusivement sur des données inédites, rapportées d'un récent séjour de recherche dans cette île (1973)
PLURALISME ET ETHNICITÉ
L'administration britannique a donné à chaque groupe ethnique, à chaque religion une reconnaissance et des pouvoirs que l'administration française leur dénie. Aussi le contraste est-il frappant entre Maurice et la Réunion. À la Réunion, la législation abolit en principe toute discrimination, mais aussi tout pouvoir, basée sur la race ou l'appartenance religieuse. À Maurice, les groupes ethniques représentent des références officielles et, ainsi que les religions, se voient dotés d'attributs sociaux propres.
Aussi le pluralisme de toute société aussi hétérogène prend-il des formes propres à chaque île. À Maurice, nous le verrons jouer un rôle parfois important dans la définition des groupes sociaux et dans l'organisation de leurs rapports. À la Réunion, il apparaîtra beaucoup plus comme le corollaire culturel d'une stratification sociale et d'une diversité géographique. L'affrontement de communautés ethniques organisées et hautement conscientes d'elles-mêmes (le « communalisme ») n'y apparaît que marginalement, tandis que l'intégration de la population se fait surtout sur la base de critères socio-économiques.
À Maurice, au contraire, ainsi que le fait remarquer Benedict (1965), le terme « Mauricien » ne définit pas les mêmes individus et les mêmes groupes selon les origines ethniques de ceux qui l'emploient. Ces découpages contradictoires reflètent bien la différence qu'établissent les habitants de l'île entre ceux qui leur apparaissent comme des compatriotes et ceux qu'ils considèrent comme irrémédiablement étrangers. À la Réunion, cette exclusion ne s'applique qu'aux groupes dont les membres, en majorité, ne sont pas nés dans l'île. C'est face au terme « créole », à l'intérieur de l'ensemble « réunionnais », que se font les acceptations et les exclusions.
Mais dans des sociétés si mouvantes il faut beaucoup nuancer. À la Réunion, l'appartenance ethnique tend parfois à se doter d'attributs économiques et politiques qui peuvent devenir la source d'un véritable affrontement ; à Maurice, inversement, les cercles se chevauchent souvent, introduisant bien des transitions dans des découpages apparemment précis. Bénédict (1961, p. 32) donne un résumé frappant de l'intrication des ethnies lorsqu'il résume en ces termes la situation mauricienne :
Soixante-six pour cent de la population sont d'origine indienne ; 28% sont créoles, c'est-à-dire d'origine africaine ou métisse d'Africains, d'Indiens et d'Européens ; 3% sont chinois ; 2% enfin sont Européens ou d'ascendance européenne. Chacune de ces trois catégories ethniques se subdivise d'ailleurs, les Indiens en hindous et musulmans et en cinq groupes linguistiques, les Créoles selon la couleur et le niveau socio-économique, les Chinois en chrétiens et non-chrétiens et les Européens en Anglais et Français.
L'analyse de la société mauricienne se heurte à une permanente contradiction, qui fait ressortir des continuités là où elle affiche officiellement des barrières, tout en donnant aux affiliations ethniques ou religieuses des implications sociologiques considérables dans des secteurs fort éloignés de leur domaine propre.
Aussi, tout en gardant présent à l'esprit le corps théorique des travaux relatifs au pluralisme social et culturel, devons-nous le manier avec précaution, et ne pas oublier que le pluralisme d'Une société à un moment donné de son histoire se place à la résultante des forces particulières à chaque ethnie et de l'environnement culturel, économique et légal de la société globale. Les frontières ethniques sont mouvantes, et traduisent par leurs ajustements successifs la stratégie des groupes économiques et la dynamique des classes sociales. Cette question, qui n'a pas encore fait l'objet d'études systématiques aux Mascareignes, offre de larges perspectives : les déterminants de l'ethnicité, et les frontières de celle-ci, en s'éloignant de leur support historique, expriment de plus en plus la vie propre à chaque île ; c'est à l'articulation souple des ethnies et des classes sociales que se jouent alors les grandes lignes du tableau sociologique et culturel de l'île.
L'ÎLE MAURICE
Devenue indépendante le 12 mars 1968, l'île Maurice (plus de 800 000 habitants sur 1 850 km2) porte la marque profonde de son passé : les plantations et les usines sucrières de Maurice, ainsi que les exploitations consacrées à la production du thé signent l'omniprésence de la monoculture. Rares sont les zones où les cases se dispersent dans un paysage de polyculture. Des agglomérations denses alternent avec les vastes terres des planteurs et des usines qui forment des complexes importants, accompagnés souvent de l'habitat des travailleurs les plus directement liés à leur fonctionnement. L'agglomération de Port-Louis, commerciale et portuaire, et ses prolongements industriels en direction de Curepipe offrent la seule rupture de ce paysage où les structures de la société transparaissent assez clairement.
Figure 2.
LES ZONES DE GRANDES PLANTATIONS SUCRIÈRES.
(D'après R. Bastistini, L'Afrique australe et Madagascar.)
Les Franco-Mauriciens, descendants de l'aristocratie des planteurs, tiennent encore fermement la direction des plantations malgré une certaine concurrence des Anglais et des indiens. Les Indiens et les Créoles forment la masse des travailleurs des plantations et des usines. En ville, Créoles, Chinois et Indiens musulmans se partagent l'essentiel du commerce de détail, tandis que les sociétés sucrières et les investisseurs étrangers contrôlent une part importante de l'industrialisation et du commerce extérieur où l'État tend à jouer un rôle croissant. La majorité indienne occupe une place prépondérante dans l'administration et la politique.
FAMILLE ET PARENTÉ
La parenté est sans doute l'un des domaines de la vit sociale qui souligne le plus vivement les contrastes entre les ethnies de Maurice. Ses implications économiques retentissent profondément sur l'articulation des communautés entre elles au sein de la société mauricienne, sur leur mobilité réciproque et sur la structuration socio-ethnique de l'île.
Dans certains cas (Franco-Mauriciens, Indiens musulmans) le groupe de parents et alliés, étroitement solidaire, met en place les moyens de réserver à ses membres un secteur de l'économie. Dans d'autres (Chinois, Hindous) la maisonnée abrite une famille assez nombreuse qui constitue une unité économique responsable d'une entreprise agricole ou commerciale qu'elle gère en commun, mais, au-delà de ce groupe, les liens familiaux avec les membres de la communauté tendent à jouer un rôle plus restreint. Enfin, chez les Créoles, les fonctions économiques de la famille se réduisent le plus souvent aux relations entre conjoints et n'assurent pas à l'individu une assistance importante dans ses activités extérieures.
Les Franco-Mauriciens, peu nombreux, sont hautement endogames ; le choix du conjoint se fait presque toujours au sein de la communauté. Il ne tient pas seulement compte de la race ou de la fortune, mais aussi du rang de la famille, marqué par l'ancienneté de celle-ci et la connaissance que la communauté a de son passé. Au sein du groupe, les relations sont étroites ; les visites, fréquentes, se font de façon privilégiée dans un réseau important de parenté et une certaine priorité est accordée aux membres du groupe dans l'attribution d'emplois qui soient jugés compatibles avec le statut de ses membres. L'autorité et la vie économique sont presque exclusivement le fait des hommes, tandis que les femmes, ainsi que, souvent, les parents les plus âgés, vivent dans la maison et s'occupent du foyer.
Les Anglo-Mauriciens forment un groupe nettement distinct du précédent. Le foyer abrite une famille nucléaire ; ses membres demeurent très liés à leur pays d'origine où ils se rendent assez fréquemment, et où souvent ils se marient. Sans insertion dans un réseau local de parenté, les Anglo-Mauriciens appartiennent à bien des égards à une communauté extérieure à l'île. L'indépendance a d'ailleurs marqué nettement leur semi-insertion dans l'île.
Chez les Chinois la famille patrilinéaire étendue reste un type idéal, soumis à l'érosion des contacts étroits avec les Créoles et des mariages mixtes. Toutefois, c'est au sein de clans patrilinéaires bien structurés que se déroule une grande part de la coopération économique qui a permis aux Chinois une ascension relativement rapide dans l'île. Les liens familiaux avec la Chine continentale et avec la Réunion ne sont pas négligeables et ils sont assez largement utilisés à des fins économiques.
Les Indiens présentent une plus grande variabilité. À un extrême se trouvent les familles étendues patrilinéaires qui fonctionnent comme des unités économiques et où la cohabitation suit le schéma classique en Inde. On sait toutefois que ce schéma connaît en Inde une variabilité plus grande qu'on ne l'admet généralement et que les types de maisonnée y sont depuis longtemps assez multiples. À Maurice, et encore plus à la Réunion, cette tendance s'est accentuée face à une situation où la famille étendue pouvait difficilement persister (mobilité des travailleurs, logements construits par les usines et peu propices à la cohabitation, remaniement des relations intrafamiliales, en particulier entre générations). Sans qu'il soit possible de démêler les éléments propres à cette nouvelle situation et ceux qui dérivaient directement de la société indienne, nous pouvons constater actuellement que le foyer indien tend à abriter une famille nucléaire, la résidence étant patrilocale, et que le réseau de fréquentations s'élargit, au-delà de la famille et de la caste, aux autres membres du sous-groupe indien de même origine, voire à des Indiens originaires d'un autre groupe linguistique.
Les Créoles sont extrêmement hétérogènes par leurs origines et par leur structure familiale. Le modèle le plus couramment exprimé est celui de la famille nucléaire insérée dans un réseau bilatéral de parenté assez souple, où les préférences individuelles jouent un grand rôle. En cas de besoin (deuil, recherche d'un emploi, voyage) certains liens de parenté latente sont transitoirement activés. jamais on n'assiste, comme chez les Chinois, dans certains secteurs indiens et chez les Franco-Mauriciens, à la formation d'un groupe nettement défini. Mais le modèle idéal de la famille nucléaire n'est pas toujours réalisé. Dans les zones les plus défavorisées se retrouve une situation très analogue à celle qui a été décrite aux Antilles, et la famille matrifocale, quoique plus rare qu'aux Antilles, prend alors une certaine importance, aussi bien en milieu urbain que dans certaines zones de plantations.
LES RELIGIONS
Chrétiens, hindous, musulmans et bouddhistes coexistent dans l'île (voir le tableau).
Dans la masse de la population cette coexistence ne se traduit pas par une intolérance réciproque, mais par de nombreuses influences. Tout en conservant la religion de ses ancêtres, chacun tend à accepter quelques traits de celle de ses voisins, et même à y recourir dans des circonstances graves. Cette inter-pénétration est particulièrement nette entre catholiques et hindous, mais les Chinois, voire les musulmans, n'hésitent pas à pratiquer simultanément plusieurs cultes quand le besoin s'en fait sentir. Les mariages mixtes entraînent d'ailleurs à la fois des conversions qui dissocient de plus en plus groupe ethnique et religion, et des pratiques mixtes. Il ne s'agit pas de syncrétisme, car c'est au niveau des individus que se fait la coexistence de systèmes religieux qui, dans leur rituel, dans leur clergé et dans leur organisation sociale, gardent leur intégrité.
RELIGIONS DES PRINCIPAUX GROUPES
ETHNIQUES DE MAURICE.
(D'après B. Benedict, 1965.)
RELIGIONS
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Catholiques
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Protestants
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Hindous
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Musulmans
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Bouddhistes
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Confucianistes
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Divers ou sans religion
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La vie religieuse hindoue a connu depuis quelques décennies une évolution assez importante. Comme à la Réunion, les « engagés » indiens ont d'abord formé des communautés assez homogènes. Dans ces communautés la religion, le système des castes et les langues de l'Inde rencontraient des conditions relativement favorables à leur maintien. À mesure que le statut des Indiens se diversifiait, certains des traits de la tradition indienne entraient en conflit avec la nouvelle société. Les castes, remises en question par la mobilité sociale au sein de la société globale, tendirent à disparaître, ou à voir le champ de leurs fonctions se rétrécir ; les schèmes de résidence se modifiaient, tandis que la religion subissait l'influence croissante de l'Occident. Les mouvements réformateurs (Arya Samaj) trouvèrent dans ces conditions une audience favorable. Toutefois les divers niveaux des cultes indiens continuèrent à se développer, chacun pour son propre compte. Actuellement ils coexistent, marqués à la fois par les particularités locales (on comptait dans l'île en 1956, 48 temples nord-indiens, 7 temples marathi, 25 temples telugu et 103 temples tamouls), et par le niveau du culte : temples consacrés aux divinités majeures de l'hindouisme et temples où se retrouvent les divinités des villages nord-indiens ou tamouls. Les cultes tendent d'ailleurs à converger, et bien des incompatibilités insolubles en Inde trouvent leur solution à Maurice.
Au niveau sociologique, la religion indienne n'a d'ailleurs pas d'organisation rigoureuse ; les associations (baitkas), qui prennent en charge un temple ou une cérémonie, ne dépassent que rarement le niveau local, et dans la même localité elles sont parfois nombreuses, au gré des groupes linguistiques, des affinités et de la parenté.
Les musulmans, peu nombreux, souvent riches, sont bien organisés. À Maurice comme à la Réunion ils entretiennent des mosquées et des écoles (65 mosquées à Maurice et 8 à la Réunion). Les Gujerati de la région de Sourate détiennent dans les deux îles le commerce des textiles, et leur fortune les place en tête de la communauté musulmane de Maurice, tandis qu'à la Réunion ils sont pratiquement seuls face aux Comoriens avec lesquels le contact est faible.
Les religions chinoises n'ont ai la diffusion, ai la vitalité de l'hindouisme ou de l'islam. À Maurice, quelques temples bouddhistes, liés aux relations avec les ancêtres, sont fréquentés par des Chinois plus ou moins christianisés. À la Réunion, les cultes chinois sont presque exclusivement pratiqués au sein de la famille, tandis que le catholicisme est la religion la plus courante.
Le christianisme, aux Mascareignes, prend plusieurs visages. Malgré la longue présence britannique et les efforts des missions protestantes, les Créoles de Maurice sont demeurés attachés au catholicisme. À la Réunion, les protestants sont pratiquement inexistants, hormis quelques mouvements de conversion à diverses sectes venues des États-Unis. Mais il est rare, dans la majorité de la population, que le catholicisme soit la seule pratique religieuse. Les cultes indiens, en particulier ceux qui s'accompagnent de la « promesse » de sacrifice sanglant aux Dieux, viennent compléter la pratique catholique, souvent de façon régulière et systématique. Dans les couches défavorisées de la population, une part importante de l'insécurité et de la revendication sociale inexprimée se traduit par le rejet partiel de l'Église officielle et l'adhésion aux cultes indiens. Inversement, les grandes fêtes catholiques, et certains pèlerinages (tombe du Père Laval à l'île Maurice, Vierge noire de la Rivière des Pluies à la Réunion) voient affluer des membres d'autres religions, qui, eux aussi, leur font des « promesses » et des offrandes.
Le catholicisme garde dans les deux îles une position officielle et une organisation puissante. Confronté aux tensions sociales, il tend à se détacher du pouvoir, au prix de violentes secousses internes. Le cas du Père Michel, prêtre mauricien lié à l'extrême-gauche réunionnaise, expulsé de la Réunion et suspect à Maurice, a suscité bien des remous qui traduisent cette mutation.
LES LANGUES
La situation linguistique de Maurice est paradoxale. Le créole d'origine française est la langue véhiculaire, mais il n'est ni la langue officielle, ni l'une des langues introduites par la majorité des immigrants. Seule son antériorité lui a donné cette position, tandis, que les langues officielles, français et anglais, ne sont la langue maternelle que de 7% de la population.
Selon le recensement de 1962 (cité par Benedict, 1965), 42,5% de la population mauricienne utilisent le créole, 30,4% l'hindi, 7,6% le français, 6% l'urdu, 2,7% le tamoul et 1% le chinois. À cela s'ajoutent quelques autres langues (anglais, marathi, telugu, gujerati) parlées par moins de 1% de la population.
Les langues, comme les ethnies, peuvent être à Maurice un facteur de tension important. Des affrontements linguistiques ont déjà eu lieu, et les communautés identifient souvent leur langue avec leur culture et leur vie sociale. Toutefois, par-delà les particularismes, les Mauriciens tendent à se donner un parler commun. Créole ? français, anglais ? La balance semble devoir pencher vers ce dernier qui est devenu la langue de l'administration, de la vie publique et des affaires.
LA DYNAMIQUE DE LA SOCIÉTÉ
De profonds changements sont en cours. Dans les villages, les leaders voient s'opposer à eux de nouveaux venus, issus de l'école et de la fonction publique. La direction des associations locales et la représentation municipale étaient jusqu'alors entre les mains des élites économiques locales (entrepreneurs, propriétaires, commerçants) ; représentant les couches sociales les plus traditionalistes, ces leaders maintenaient au niveau des communautés rurales les particularismes ethniques et les formes les plus figées des rapports sociaux. Face à eux, de plus en plus, les nouveaux leaders représentent une ouverture sur l'intégration de l'île et sur l'occidentalisation des conduites et des valeurs.
Ils représentent aussi, au niveau plus vaste de l'île tout entière, la tendance à un changement radical. Là aussi, le pouvoir administratif faisait bon ménage avec les élites économiques traditionnelles. Contrôlant les terres et les usines, celles-ci, essentiellement franco-mauriciennes, laissaient peu de place aux cadres issus des autres groupes sociaux. L'indépendance et la promotion scolaire et universitaire, sans remettre entièrement en cause la situation antérieure, ont permis l'émergence de courants qui la retouchent : au moment où les frontières de la communauté villageoise et du groupe ethnique s'ouvrent, s'ouvrent aussi les communications entre les travailleurs des plantations. Ils trouvent chez certains des nouveaux leaders les porte-parole de leurs revendications sociales et les théoriciens d'une lutte de classes dont les structures anciennes rendaient même l'idée impossible.
L'ensemble de la culture mauricienne se trouve impliqué dans ces changements. L'intégration sociale de l'île, et l'apparition de clivages sociaux qui recoupent les allégeances de race, de langue ou de religion, peuvent conduire à de nouveaux conflits au sein d'une nouvelle société, culturellement bien plus intégrée, que ne cessent cependant de menacer les particularismes et les structures antérieurs.
L'ARCHIPEL DES SEYCHELLES
On ne peut négliger de mentionner ici l'archipel des Seychelles, maintenant séparé de Maurice mais longtemps placé dans son ombre. La colonisation de ces îles désertes n'a commencé qu'à la fin du XVIIIe siècle, à partir de Bourbon et de l'île de France. Des planteurs et leurs esclaves vinrent s'y établir, et la population, qui atteignait 2 121 habitants en 1803, progressa notablement avec le succès du coton. Elle plafonna quand le passage sous administration britannique en 1814 et la concurrence du coton américain poussèrent de nombreux colons au départ.
Depuis, les Seychelles abritent surtout des Métis qui descendent des anciens colons et de leurs esclaves, et des descendants d'Africains. Les Blancs sont très peu nombreux. Quelques-uns détiennent de grandes exploitations de cocotiers, d'autres, les « Blancs rouillés », vivent dans des conditions précaires, comme la majorité de la population. Les Britanniques, les Chinois et les Indiens n'atteignent pas 2% de la population totale.
Le système de plantation, brisé par la chute du coton, a toutefois laissé des traces dans la structure agraire et dans les rapports sociaux entre une mince aristocratie de propriétaires et la masse de la population. La langue créole, venue de Bourbon, la religion catholique, une part de la législation civile héritées de la période française font de ces îles, comme de Rodrigues qui est, elle, aussi demeurée à l'écart des plantations sucrières et de l'afflux des travailleurs asiatiques, des terres plus marquées par l'Afrique et par l'ancienne vie créole que leurs grandes voisines.
Depuis quelques années les Seychelles voient affluer les étrangers qui investissent massivement dans le tourisme. La brutalité de la mutation semble avoir créé dans la population une attitude de refus, qui la maintient largement à l'écart de cet essor. Celui-ci d'ailleurs, comme il en va souvent de ce type de tourisme, ne lui offre guère de chances de véritable promotion sociale et rappelle à bien des égards l'ère des plantations.
LA RÉUNION
Aucun groupe ethnique ne détient à la Réunion la position majoritaire qu'ont les Indiens à Maurice. Dans cette île de 2 500 km2, la population (plus de 450 000 habitants) se répartit entre une série de catégories ethniques plus ou moins nettement définies. Malgré le manque de données précises nous pouvons estimer qu'elle compte environ 40% de Métis entre Blancs, Noirs et Indiens (allant des « Créoles » aux « Cafres ») ; puis viennent les Blancs et les Indiens (« Malbars »), et, bien moins nombreux, les Chinois et les Indiens musulmans (« Zarabes »). À cette population s'ajoutent des immigrés récents : quelques milliers de Métropolitains (« Zoreils ») et de Comoriens (« Comores »).
Le statut politique et administratif de l'île, devenue depuis 1946 un département français, donne la prépondérance aux influences culturelles venues de France ; les normes sociales, légales ou linguistiques, et les valeurs véhiculées par cette prépondérance se trouvent confrontées à la société locale, à ses héritages et à ses structures, en une série d'interactions faites de conflits ou de changements.
La situation réunionnaise est d'autant plus complexe qu'il est difficile de généraliser toute appréciation de ces interactions ; en raison de la grande diversité des situations locales, le changement social et les réactions du milieu aux contacts culturels prennent simultanément des directions contradictoires, si bien qu'à toute analyse semble s'opposer un exemple contraire. Pour essayer de mettre un peu d'ordre, il faut dépasser certaines apparences et partir de l'organisation des rapports sociaux.
De ce point de vue, tout se passe comme si plusieurs systèmes sociaux hérités de plusieurs phases de l'histoire coexistaient à la Réunion. Entre eux, les communications sont difficiles et les intérêts sont souvent opposés. La dynamique sociale et les tensions internes de l'île tiennent en grande partie aux contradictions internes de ces systèmes et à leur conflit au sein de la société insulaire.
LES TROIS SOCIÉTÉS DE LA RÉUNION
UNE S0CIÉTÉ DE PLANTATION
Presque toutes les terres basses, propices à la culture de la canne à sucre, appartiennent à de grands propriétaires, ou aux usines à sucre, récemment concentrées et modernisées. Formant une ceinture qui enserre l'île avec une seule rupture au sud-ouest (fig. 3), la monoculture sucrière est le fondement d'une société qui garde bien des traits de l'époque des esclaves ou des « engagés ». Les planteurs importants et les « usiniers » forment une aristocratie assez fermée, qui a développé au cours de l'époque esclavagiste ses principaux traits culturels et les a largement conservés par la suite. Il faut noter toutefois que les crises de la fin du XIXe siècle ont remanié cette aristocratie et l'ont ouverte à la mobilité ascendante d'individus entreprenants. Un certain métissage s'est alors opéré par le canal de ces individus, et a affaibli les contrastes ethniques qui soulignaient les contrastes sociaux.
La classe des planteurs et des usiniers a toujours détenu à la Réunion un pouvoir politique important, directement ou par l'intermédiaire de ses correspondants en métropole, et ses liens très étroits avec les professions libérales, la fonction publique locale et l'Église se sont maintenus jusqu'à nos jours. Les groupes dirigeants ont ainsi pu identifier les fins économiques de la société réunionnaise à celles de la plantation, et maintenir la structure sociale la plus propice au succès de celle-ci.
Figure 3.
PLANTATIONS SUCRIÈRES :
ZONES DE RAMASSAGE DES DIFFÉRENTES USINES.
(D'après le Petit Atlas de Bourbon).
(1. Le Gol ; 2. Bois Rouge ; 3. Quartier Français ;
4. Sucreries de Bourbon ; 5. Beaufonds).
Autour des usines à sucre, et auprès des ruines d'établissements disparus, les anciens « camps » des travailleurs ont donné naissance à des agglomérations où vivent les descendants des esclaves et des engagés. C'est là que se concentrent presque tous les lndiens de l'île, et une part importante des Créoles d'origine africaine ou malgache. Ces groupes, initialement séparés, se sont progressivement mêlés sans fusionner tout à fait. Dans ces quartiers denses, les prolétaires ruraux, les petits commerçants, les maraîchers cohabitent avec ceux qui ont trouvé un emploi municipal ou un poste de fonctionnaire ; l'intégration communautaire est faible, les conflits fréquents et durs. Le contrôle de ceux qui détiennent la terre et l'emploi agricole est souvent assez poussé et la dépendance envers eux se manifeste aussi bien dans des allégeances politiques qui leur accordent l'accès presque exclusif aux charges municipales, départementales et parlementaires, que dans des oppositions violentes.
Une part importante des terres de grande propriété est exploitée de façon indirecte, en coloriage. Certains colons résident dans les agglomérations, mais nombreux sont ceux qui ont installé leur case au sein de la terre qu'ils cultivent ; dispersés à distance de l'usine et des zones de faire-valoir direct, ils se mêlent alors aux petits propriétaires des régions périphériques. Là, souvent le statut mixte colon-propriétaire traduit un effort, généralement vain, d'affranchissement économique par l'accès à la terre.
La vie sociale de cette importante part du monde rural de la Réunion porte l'empreinte des relations anciennes où l'individu, par-delà les tensions et les ambivalences, est placé dans la dépendance étroite du propriétaire qui lui assure travail, logement et une certaine sécurité. Cette permanence est particulièrement nette sur les propriétés de dimension moyenne. Le propriétaire, par l'alternance de services et de menaces, maintient l'insécurité du colon et se présente comme le seul recours contre celle-ci. L'évolution des lois sociales et du statut du métayage, ainsi que la hausse des prix de production et des salaires alors que le prix de la canne piétine, met en péril cet équilibre. Le propriétaire accroît les surfaces en faire-valoir dire& et exerce sur les colons une pression accrue. Ceux-ci, face aux nouvelles possibilités que semble leur promettre l'implantation croissante de la France métropolitaine, essaient de quitter la société de plantation. Mais, alors qu'ils cherchent une issue en dehors d'elle, celle-ci tente de retenir au moins ceux qui lui sont indispensables. Les principales plantations tendent à maintenir un corps permanent d'ouvriers agricoles, tout en mécanisant leurs opérations, cependant que des réformes foncières s'efforcent d'attacher au soi les petits exploitants.
Malgré ces retouches, la part de la société de plantation dans la vie sociale de la Réunion est encore considérable. La structure agraire, la production agricole et industrielle, le contrôle économique et politique d'une grande partie de la vie de l'île appartiennent à ceux qui se rattachent directement aux réseaux familiaux qui dominent la production de canne et les usines sucrières : c'est dans des rapports quotidiens avec la puissance de la grande propriété que se déroule la vie sociale de vastes secteurs du monde rural réunionnais. C'est elle aussi qui, par ses représentants, oriente ou fait réinterpréter bien des décisions administratives issues de la Métropole.
UNE SOCIÉTÉ PAYSANNE
À distance des régions sucrières, dans les cirques du centre de l'île, dans les terres hautes (« les Hauts ») ou dans le Sud-Ouest de l'île, s'est développée une autre société, parallèle à la société de plantation.
Groupés en petites communautés, des propriétaires éliminés par la concentration du début du XIXe siècle ont défriché des terres et mené une vie de cultivateurs et de forestiers. La majorité de cette population est d'origine européenne. Dans certains quartiers cependant elle est fortement métissée, ou mêlée de descendants d'esclaves qui avaient reçu ou acquis des terres.
Ces communautés représentaient tout au long du XIXe siècle la principale voie de promotion sociale, le seul espoir d'affranchissement pour les colons qui voulaient quitter les grandes propriétés, et la pression vers les terres nouvelles était forte. L'essor d'une société paysanne s'est ainsi fait en contrepoint de la société de plantation, en affirmation contre elle. Celle-ci toutefois ne lui laissait accomplir que des fonctions marginales dans l'ensemble de la vie économique réunionnaise ; son niveau de développement restait particulièrement bas.
Certaines communautés sont isolées par des barrières naturelles difficiles à franchir. Composées de quelques dizaines ou de quelques centaines de foyers, elles ont pratiquement vécu en autosubsistance pendant près d'un siècle. D'autres se situent dans des zones plus ouvertes, parfois à la périphérie immédiate des grandes propriétés, et les cultures commerciales (géranium) y tiennent une grande place. De nos jours l'ouverture des routes a permis les contacts et remet en question ces communautés : la scolarisation croissante, l'abandon des terres les plus ingrates et des zones les plus éloignées poussent à l'émigration vers des emplois urbains, tandis que les fonctionnaires et les commerçants enrichis y construisent des résidences secondaires.
Les terres, après les premières concessions, se sont transmises par héritage et ont été morcelées à l'extrême, soit par partage, soit par l'attribution de lots sur une propriété demeurée indivise. Les propriétés ont ainsi souvent donné naissance à des quartiers. La résidence étant pratiquement toujours virilocale, les quartiers sont formés par un lignage (la « bande ») qui contracte des alliances avec les lignages du voisinage. Le contrôle social est très fort, l'illégitimité est rare et le mariage est la règle. La maisonnée abrite presque toujours uniquement une famille nucléaire, et exceptionnellement un parent seul et âgé.
Face à la société de plantation, ces communautés ont longtemps vécu dans un retrait défensif. Elles ne lui fournissaient même que rarement de la main-d'œuvre. Dans les régions favorables cependant, les petits propriétaires plantent de la canne qu'ils livrent aux usines afin de s'assurer un revenu monétaire garanti.
De nos jours, cette société paysanne est prise dans un double mouvement. L'appel de la nouvelle société s'y fait fortement sentir. Les cultivateurs abandonnent leurs terres pour travailler sur des chantiers de travaux publics, dans la construction, ou en ville. Ils laissent leur femme et leurs enfants dans leur « case » où ils reviennent en fin de semaine ou en période de chômage. Les enfants de ces agriculteurs en transition fournissent un important contingent de candidats au départ vers les centres industriels de la Métropole. D'autre part, c'est aussi dans cette société que les efforts de développement rural ont porté le plus de fruits. Alors qu'ils butent sur les structures agraires et les tensions sociales des zones de grande propriété et n'ont que peu de succès chez les colons, ils ont pu rénover les techniques agricoles, la commercialisation et l'habitat de celles des zones de la société paysanne réunionnaise dont le sol et le climat étaient les meilleurs.
Toutefois, l'équilibre qui s'était instauré entre la société de plantation et la société paysanne, malgré la fragilité de cette dernière, est maintenant menacé par les conséquences de la loi de 1946 qui a intégré la Réunion dans un ensemble infiniment plus vaste.
UNE SOCIÉTÉ PSEUDO-INDUSTRIELLE
Du simple fait de l'application de la législation, les attributs sociologiques de la France métropolitaine sont projetés sur la Réunion avec une telle vigueur que des secteurs entiers de l'île émanent maintenant de la Métropole. Ils font structurellement partie de celle-ci et non des sociétés auxquelles l'île a donné naissance.
Dans cette enclave sociologique du monde industriel, le niveau des salaires, la législation du travail et les formes des rapports sociaux sont avant tout ceux de la France métropolitaine. La logique interne de cette société est en harmonie avec celle de la Métropole et en contradiction avec la Plantation et avec les zones de paysannat : sans parvenir à développer localement le secteur productif qui lui permettrait d'atteindre la masse de la population, cette société industrielle sans industries a suscité l'ensemble des services privés qui sont, en Europe, étroitement liés à elle ; commerce, immobilier, spectacles, transports, activités de luxe prennent appui sur ses revenus, apportés par la fonction publique et les transferts que finance le budget de la Métropole.
La faille est profonde entre cette société et les autres sociétés de la Réunion. Par sa présence elles les remet en cause, sans être en mesure de créer avec elles un lien qui nuancerait les transitions. Au contraire ses efforts sociaux, ses investissements et ses équipements heurtent de front le fonctionnement local, le rendent fragile, voire le conduisent au bord de la rupture. Par contraste, ses salaires condamnent la faible mobilité sociale qui peut exister à l'intérieur de la société de plantation ou de la société paysanne, et lui font préférer le saut vers cet appendice incomplet de la société industrielle. Or celui-ci n'offre sur place qu'un débouché limité. La société pseudo-industrielle, ne percevant les autres systèmes que de façon confuse, met alors en œuvre les moyens nécessaires à l'insertion des Réunionnais dans son sein, là où elle peut les recevoir, en Métropole. L'enseignement, les efforts d'apprentissage technique, l'aide à l'émigration, deviennent autant de voies de drainage qui aspirent les hommes des autres sociétés vers la société industrielle. Mais celle-ci, lointaine, n'est accessible qu'au prix d'une émigration définitive, qui dépouille l'île de ses forces vives, tandis que sa production s'effondre. Dans l'île, les Européens, venus pour des séjours de quelques années forment les cadres principaux de cette nouvelle société. Nombre de Créoles et de membres de diverses ethnies en font également partie, surtout dans les fonctions enseignantes et dans les services. Les Chinois ont su y conquérir une place analogue à celle qu'ils ont dans la société de plantation, où ils détiennent presque tout le petit commerce, et où ils contribuent à l'articulation des classes économiques opposées. Détenant les supermarchés, l'électronique et l'optique, ils se placent là encore à la jonction des dirigeants de cette société et des besoins de consommation qu'elle suscite.
CARREFOURS SOCIAUX ET CULTURELS
Ce pluralisme sociologique est assorti de confrontations. Certaines traduisent la lutte des systèmes, d'autres l'ajustement d'hommes qui cohabitent tout en appartenant à des systèmes différents.
Nous allons examiner dans cette perspective quelques-uns des faits culturels réunionnais selon un chemin qui, en nous éloignant de l'ethnologie traditionnelle, les situe dans leur véritable environnement sociologique.
LES RELATIONS ETHNIQUES
La tentation est forte de choisir les groupes ethniques comme variables significatives, plutôt que les classes sociales ou les systèmes économiques. Cependant la dynamique des relations sociales réunionnaises se fait largement en dehors d'eux ; ils y jouent un rôle passif et secondaire : les relations ethniques expriment les relations sociales, elles ne les déterminent pas.
Les Blancs se trouvent à tous les niveaux de l'échelle sociale. Ils appartiennent en majorité à la couche la plus défavorisée de la population, mais le statut qu'ils attachent à leur origine se traduit par une tendance à l'endogamie. Les frontières du groupe sont pourtant floues ; elles sont marquées par l'apparence physique de l'individu, et un métissage ancien est tout à fait accepté. Les apparences physiques elles-mêmes ne font pas l'objet d'une définition très stricte. Dans la classe moyenne, l'ascension récente de nombreux individus issus de cette couche de la population blanche a véhiculé les mêmes valeurs. Aussi ne peut-on parler d'une véritable barrière ethnique entre les Blancs et la population de couleur, mais d'un continuum, au long duquel la mobilité individuelle et familiale est possible en conjonction avec la mobilité professionnelle. La situation rappelle à bien des égards celle du Brésil et mériterait une comparaison systématique. Il existe toutefois, aux deux extrêmes du groupe des Blancs, des sous-groupes bien plus clos. L'un rassemble des familles de l'aristocratie terrienne et des professions libérales, proches des Franco-Mauriciens ; l'autre se trouve dans les régions rurales les plus éloignées où la présence d'un individu de couleur est difficile et l'alliance avec lui pratiquement prohibée.
La transition entre les deux pôles ethniques, Blanc et Noir, se fait elle aussi sans rupture nette. C'est la distance de deux individus sur le continuum Noir-Blanc qui fixe leurs rapports en particulier dans les régions paysannes où les tensions raciales sont faibles et se confondent souvent avec les rivalités entre quartiers. En revanche, dans la zone des plantations, les éléments les plus pigmentés de la population sont quotidiennement confrontés aux Blancs qui les encadrent et avec lesquels le contraste s'esquisse bien plus nettement. Là, les relations prennent un ton moins nuancé, les frontières se précisent et l'ambivalence face au Blanc se traduit par un mélange de respect excessif et d'agressivité.
La terminologie reflète ces différences. Les « Blancs » de la société paysanne considèrent qu'ils font partie, avec tous ceux qui sont diversement métissés, d'un groupe « Créole » qu'ils opposent aux Indiens, aux Chinois, aux Musulmans et aux Métropolitains. Dans la société de plantation, le critère ethnique prend au contraire toute son importance, et les Blancs qui la contrôlent se placent eux-mêmes à part, regroupant en face d'eux les « Noirs » où ils incluent « Cafres », Métis et Indiens. Dans la société pseudo-industrielle issue de la départementalisation ces oppositions passent au second plan. L'ethnicité exprime un autre axe de tension : la discontinuité fondamentale passe entre les « Créoles », c'est-à-dire tous les Réunionnais, et les « Zoreils ». Dans tous ces cas, les découpages ethniques reflètent donc finalement le jeu des groupes sociaux, et la coexistence de plusieurs systèmes sociaux assure la complexité des relations ethniques. Elle permet aussi à un individu de changer d'identification ethnique au long de sa carrière, voire au gré des situations. Le flou des frontières ethniques atténue alors les conflits potentiels, et il traduit leur caractère contingent.
LA LANGUE ET LA SOCIÉTÉ
La situation linguistique de la Réunion n'a pas la complexité de celle de Maurice, mais elle révèle plus de tensions. Les langues asiatiques ont pratiquement disparu. Le chinois n'est parlé que dans de rares familles, le tamoul est devenu une langue morte qui ne garde que quelques usages religieux. Seul le gujerati est parlé quotidiennement, par les Musulmans.
En revanche la relation langue créole-langue française, et les relations bien plus subtiles entre les niveaux de langue au sein du parler populaire reflètent la plupart des problèmes sociologiques de l'île, et ce n'est pas un hasard si elles présentent bien des analogies avec la situation ethnique.
Le créole réunionnais semble remonter aux premiers temps de la colonisation, et les apports humains ultérieurs le trouvèrent solidement installé ; ils le retouchèrent sans doute, mais sans remettre en cause ses traits fondamentaux. Le créole de l'île Maurice, puis ceux de Rodrigues et des Seychelles se sont développés en étroite relation avec celui de la Réunion. Parmi les Blancs, le créole connaît des sorts divers. Les Métropolitains le comprennent difficilement et l'apprennent peu. Les Blancs nés dans l'île le connaissent tous, mais ils lui attachent des valeurs différentes. Chez les petits Blancs, dans ce que nous avons appelé la « société paysanne » de la Réunion, le créole est la langue maternelle, souvent la seule langue, bien que le français soit hautement valorisé. Ce créole coexiste d'ailleurs souvent avec des traces de français régional qui l'influencent et le rapprochent du français. Ainsi que le note Chaudenson (1973, p. 11), c'est dans ce groupe « qu'on trouve la conscience la plus aiguë des niveaux de langue qui peuvent exister dans le parler ».
Sur les plantations, en particulier chez les Indiens, le créole est également devenu la langue maternelle. Des mots tamouls le complètent dans les domaines proprement indiens (alimentation, religion, parenté). Le français régional des autres zones de 1 île, et le français lui-même sont souvent ignorés, et ce créole tend à s'éloigner de celui que parlent les Blancs des zones rurales ; ceux-ci le soulignent en hiérarchisant les créoles et en plaçant le « créole-malbar » ou le « gros créole » en bas de l'échelle des valeurs. Le français, dans cette couche de la population, est la langue des Blancs, langue lointaine mais langue de la promotion sociale. Il faut toutefois noter que les Blancs qui dirigent les plantations usent fréquemment du créole, non seulement dans les relations de travail, mais entre eux.
Face à la société pseudo-industrielle, les valeurs se transforment. Le créole, devenu le signe sensible de la coupure Réunionnais-Zoreil, retrouve un statut plus élevé et prend valeur de symbole d'identité. Toutefois, ce changement n'atteint son plein effet que chez es individus qui maîtrisent également le français. Non suspects de la dévalorisation qui s'attache à l'emploi du créole, ils le revendiquent face aux Zoreils qui ne le connaissent pas. Par contre, chez ceux qui considèrent leur entrée dans cette société comme une promotion, la position est inverse : c'est dans la petite bourgeoisie urbaine que l'opposition à l'usage du créole s'exprime le plus radicalement. La socio-linguistique exprime ainsi la mobilité des frontières qui subdivisent la Réunion, mobilité qui répercute à ce niveau les profondes contradictions entre les sous-ensembles sociaux de cette île.
L'UNIVERS RELIGIEUX
Hormis les Musulmans, Indiens et Comoriens, les Réunionnais sont pratiquement tous catholiques. D'autres cultes se déroulent cependant dans l'île mais leurs fidèles étant des chrétiens, ces cultes, d'origine indienne, s'ajoutent aux pratiques chrétiennes, délimitant dans le surnaturel un champ qui leur est propre et qui complète celui du christianisme. Cette double appartenance n'est pas limitée à ceux qui se reconnaissent comme des Indiens, mais est ouverte à tous ceux qui veulent y participer. Effectivement, dans les couches non indiennes de la population rurale et dans les milieux défavorisés des villes les pratiques d'origine indienne ont un essor certain. En marge de ces cultes, les plus solidement établis, se développent des sectes diverses (pentecôtistes, spirites) et des activités magiques qui font appel à des pratiques malgaches et comoriennes.
Il est rare cependant que la coexistence des cultes conduise à un véritable syncrétisme, sauf dans les pratiques magiques. Chaque culte conserve ses propres modes d'expression. C'est dans l'interprétation de chaque fidèle que se font les assimilations qui traduisent en un langage commun des traditions religieuses parallèles.
Les cultes indiens représentent eux-mêmes la fusion d'éléments disparates, venus vraisemblablement de l'Inde indépendamment les uns des autres. Absorbés par le groupe le plus nombreux, les Tamoul, ces cultes rassemblent en effet des manifestations propres à diverses castes et tribus du Sud de l'Inde, ainsi que quelques pratiques musulmanes et nord-indiennes. Les dieux qui coexistent dans un temple révèlent bien cette complexité (fig. 5). Toutefois un certain ordre apparaît lorsqu'on analyse la structure des temples et lorsqu'on la met en rapport avec les fonctions particulières de ceux-ci, avec les groupes sociaux qui les fréquentent, et la façon dont ils sont construits et entretenus.
Figure 5.
PLAN D'UN TEMPLE INDIEN DE LA RÉUNION.
(Les dieux sont désignés par leur nom réunionnais.)
Plusieurs niveaux se dégagent alors. Au sommet se placent les temples de Siva Soubramanien et de Vishnou. Situés dans les villes principales, administrés par une société qui recrute ses membres parmi les familles les plus en vue, ils sont généralement desservis par un prêtre venu de l'île Maurice et reçoivent de temps à autre un prêtre de l'Inde. Peu nombreux, une dizaine en tout, ces temples sont le centre d'activité de la vie religieuse la plus orthodoxe, qui culmine lors de la fête de Muruga, « fête de dix jours », que termine la procession du Kavadi. Cette fête est un important lieu d'interaction des Indiens avec la population créole.
Les temples les plus nombreux dérivent de ceux qui avaient été construits par les engagés indiens auprès des sucreries. On y pratique des cultes venus des villages sud-indiens et du Bengale. Des prêtres locaux, les pusari, les desservent à temps partiel, et une association locale, à laquelle participent parfois des non-Indiens, coordonne les cérémonies. Celles-ci sont multiples, et toutes tournent autour de sacrifices, généralement sanglants. Ces offrandes sont la suite d'un vœu, le plus souvent fait à l'occasion d'une maladie auprès du desservant du temple (la « chapelle-malbar ») qui agit en tant que guérisseur.
La plus spectaculaire, en décembre ou janvier, est la marche sur le feu. Commémorant certaines scènes du Mahabaratha, cette « promesse » particulièrement difficile à réaliser est accomplie aussi bien par des Créoles que par des Indiens. Elle succède obligatoirement à dix-huit jours de préparation au cours desquels certaines prescriptions et des interdits de la religion hindoue sont enseignés. Par cette voie, les cultes et les interdits rituels indiens ont diffusé vers de larges couches de la population non indienne qui accomplit cette « promesse » sur les conseils de prêtres-guérisseurs.
En mai a lieu la fête de « Mariémin », nom local de la déesse Mariama, protectrice des villages tamoul ; en août a lieu la fête la plus sanglante, celle de Kali, à laquelle sont parfois sacrifiés en une seule cérémonie des dizaines de boucs et des centaines de coqs.
Mais ce sont les relations de ces cultes avec les divers systèmes sociaux qu'il faut souligner. Au sein de la société de plantation, les cultes indiens soudent la masse indienne à l'ensemble des travailleurs, quelle que puisse être leur origine ethnique. Pratique, croyances et interdits diffusent ; les cérémonies sont des lieux d'intense interaction sociale. Les cadres Blancs se tiennent à distance, et condamnent ces cultes, tout en les craignant et en faisant parfois appel à eux. La société paysanne en est beaucoup plus éloignée. Elle les connaît mal, voire les ignore. Elle n'y recourt que dans les cas extrêmes, avec crainte et culpabilité. Depuis peu, les contacts s'amplifient dans les faubourgs des villes où les cultivateurs qui travaillent sur les chantiers les découvrent. La société pseudo-industrielle les reçoit avec facilité, mais en les détournant de leurs fins. D'une part elle les présente comme un folklore, à l'usage des Métropolitains, mais d'autre part elle en accepte les formes les plus dégradées comme un reflet de l'Inde où elle cherche parfois son identité et le plus souvent une magie.
Les cultes indiens remplissent ainsi diverses fonctions selon l'environnement social où ils se situent, mais, dans presque tous les secteurs de la société réunionnaise, ils s'entrelacent au christianisme et se prolongent vers la magie.
il est regrettable que l'attention des spécialistes ne se soit pas plus portée sur les aventures sociales originales de ces microcosmes insulaires. Sociétés polyethniques saisies d'une intense dynamique interne, les Mascareignes ont évolué en un temps très bref. Elles ne se sont dotées de leurs principaux attributs que depuis deux siècles environ ; voilà trois siècles, elles existaient à peine. De nos jours les transformations sont au moins aussi rapides. Chaque île entre dans un nouveau mouvement qui va sans doute donner une inflexion irréversible à sa culture et à l'organisation de sa société. Maurice est tirée vers l'Inde, tandis que la Réunion se rapproche de la France. Par contrecoup chacune devient pour l'autre un relais vers l'une de ses cultures : par Maurice, la Réunion ranime ses propres contacts avec une Inde devenue bien lointaine, et avec la Chine, tandis que la France s'approche à nouveau de Maurice grâce à la Réunion. Mais les tensions ne manquent pas dans chacune des îles : tandis que Maurice risque les affrontements ethniques, la Réunion, soumise à l'érosion sociologique de l'assimilation, cherche une identité qui s'enfuit.
Dans chaque île pourtant, d'autres forces travaillent. Les structures héritées de la Plantation ne s'effacent pas ; s'adaptant aux nouvelles situations elles maintiennent un système que beaucoup contestent. Face à cette permanence, dans les deux îles se font de nouveaux regroupements qui, indifférents aux apparences tracées par les statuts politiques ou les influences culturelles, tentent de remanier les rapports sociaux qui se sont construits autour de l'économie de plantation.
C'est là vraisemblablement, par-delà les teintes culturelles différentes que donne l'inégale participation des Indiens, des Européens, des Africains et des Chinois à leur formation, que Maurice et la Réunion continueront à traduire, chacune sous sa forme propre, les variantes de ces sociétés créoles insulaires au carrefour de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.
Jean Benoist.
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