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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Gérard Bergeron (1922-2002)
éminent politologue québécois, Université Laval


Il y a peu d'exemples dans notre société d'une telle passion à suivre et à interpréter la vie politique qui s'étend sur quatre décennies et qui ne s'est jamais apaisée.

Vincent Lemieux, professeur, Département de science politique, Université Laval.

Le maître politologue

Par sa plume, Gérard Bergeron est devenu théoricien, historien, journaliste, universitaire, analyste et essayiste. Son œuvre échappe manifestement à toute catégorie exclusive et trouve plutôt son unité dans la fidélité inconditionnelle à son objet d'étude. Aux yeux de ce politologue, dont la renommée s'étend au-delà des frontières du Québec, les relations politiques entre les paliers provincial, national et international sont un véritable laboratoire.

Aux sommets de la science politique

Même si la passion du maître déborde en de multiples directions, l'œuvre théorique originale de Gérard Bergeron le destine néanmoins, d'abord et avant tout, à devenir le premier théoricien politique au Québec. Ses réflexions, qui donnent lieu à de nombreuses publications à l'étranger, contribuent à accroître la visibilité de la communauté scientifique québécoise. Ainsi, en 1965, lors de la publication en France de son imposante thèse de doctorat, Fonctionnement de l'État, il se mesure, exercice périlleux, aux maîtres américains et européens. Le verdict est finalement concluant et l'ouvrage fait autorité dans les milieux d'études politiques. La préface de Raymond Aron, éminent sociologue français, donne la mesure de la qualité de l'œuvre : « N'ignorant rien de la littérature américaine, mais intimement lié aux sociologues et politologues français, Gérard Bergeron illustre avec éclat la vocation culturelle du Québec. »

Les ouvrages de cet initiateur en matière de théorie politique gravitent autour d'un même centre : l'État. Aussi, il s'impose comme spécialiste de la guerre froide. La coïncidence du début de sa vie d'adulte avec l'horreur d'Hiroshima a eu une incidence sur le choix du thème de ses deux ouvrages, La guerre froide inachevée et La guerre froide recommencée, qu'il consacre à l'histoire tourmentée des relations entre les deux superpuissances. Suivant pas à pas l'histoire, Gérard Bergeron y développe un modèle d'analyse faisant appel aux notions de fluctuations cycliques de « tension-détente  », qui tient les lecteurs en haleine.

Un observateur lucide

L'œuvre du politologue est multiforme et d'une variété toute « bergeronnienne » et étourdissante, selon l'expression de l'économiste Albert Faucher. La capacité de théoriser, liée à l'observation perspicace et attentive de la scène politique chez cet homme passionné d'écriture, donne lieu à plus d'une vingtaine d'ouvrages. Lorsque le théoricien cède la plume à l'analyste, « il suit pas à pas, dans des essais historiques et des études de conjoncture, le destin du Québec de son temps. Il en parcourt l'histoire d'hier et celle d'aujourd'hui, choisissant en toute lucidité le rôle du sage et les tâches de l'analyse critique », écrit le professeur Guy Laforest.

Gérard Bergeron fait aussi de fréquentes incursions dans le monde du journalisme, qui le fascine depuis son tout jeune âge. Pendant les 30 dernières années, et à diverses périodes, il signe près de 400 articles percutants dans le quotidien Le Devoir - d'abord sous le pseudonyme d'Isocrate, pour le simple plaisir de la mystification - ainsi que dans le magazine Maclean. Rassemblés en recueils, ces articles représentent quelque 2 000 pages à l'intérieur desquelles sont scrutés les grands débats qui ont agité la société québécoise.

Une conception de l'enseignement politique au Québec

Dissimulé derrière l'éclat de ses travaux, l'enseignement de Gérard Bergeron constitue le pan le moins perceptible de son œuvre. Encore que l'apport exceptionnel du professeur Bergeron tienne à sa longue carrière - il dépasse le cap de sa quarantième année d'enseignement -, il ne faut pas oublier son rôle de pionnier. Figurant parmi les premiers professeurs du Département de science politique de l'Université Laval, officiellement reconnu en 1954, il doit concevoir lui-même son rôle de formateur alors que la discipline émerge.

Premier professionnel de l'enseignement des relations internationales, il présente aux étudiants une dimension de la discipline jusque-là méconnue. Les travaux et les préceptes mis en avant par le professeur seront la source première de leur propre cheminement intellectuel.

Humaniste authentique et exigeant, Gérard Bergeron s'interroge constamment et sait se démarquer intellectuellement, en raison de son refus permanent de s'engager dans un parti ou un mouvement. En fait, il résiste à tous les « branchismes » (le néologisme est de lui) et préfère demeurer au-dessus de la mêlée, à titre d'observateur critique. On le reconnaît d'ailleurs comme celui qui « cultive l'art difficile de s'engager sans se laisser inféoder, tout en gardant sa liberté de penser et de critiquer » . Lui-même ne s'en cache pas : «  Je veux garder ma liberté totale au sein même de mon engagement. L'idéal inaccessible serait d'en être, de cette société, et de pouvoir en parler comme n'en étant pas. De garder la tête froide et le cœur chaud. »

Résumé de carrière

1950-1981. Professeur à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval
1961. Doctorat en droit public et en science politique de l'Université de Paris
1966. Prix Sciences humaines des Concours littéraires et scientifiques de la province de Québec
1968. Prix Montcalm du Syndicat des journalistes et écrivains de France
1972. Membre de l'Académie des sciences morales et politiques de Montréal
1981-1986. Professeur à l'École nationale d'administration publique
1982. Membre d'honneur de l'Union des écrivains québécois
1985. Prix Marcel-Vincent de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences
1989. Prix Léon-Gérin

Source: Les Prix du Québec, Prix Léonce-Guérin, 1989.

Retour à l'auteur: Gérard Bergeron, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le samedi 20 janvier 2007 12:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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