Sur le Don
par Michel Bergès
politilogue, professeur agrégé,
Université Montesquieu Bordeaux IV.
Jeudi, le 26 mai 2011, 13h 20.
Texte préparé pour le colloque “Québec/Copyleft”,
sur le don et l'utilisation pédagogique des outils du libre.
organisé le 27 mai 2011 au Cégep de Chicoutimi
Courriel: Michel Bergès: [email protected]
Nous aimons tous le Don. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer.
Mais il existe. Concernant la culture, il est fondamental, relié à la transmission de l’oralité de nos grand-mères, aux milliers de gestes d’amour de nos parents, de nos amis, comme à l’art de l’écoute et à nos deux oreilles.
Il passe désormais, sur le plan universel, par l’écrit, grâce surtout aux « Classiques des Sciences sociales »… qui épargnent tant de papiers, donc d’arbres et de forêts, investissant ainsi la réalité du développement durable, cela dans le monde entier, sur le plan « virtuel ».
Le don est quelque chose de très ancien mais aussi de très moderne. Il est le propre de l’Homme. Le fondement aussi de la pédagogie. Ce n’est pas la Revue « Mauss » qui contredira cela.
C’est sur lui que repose en fait toute la vie sociale. C’est un phénomène « social total », dirait encore Marcel Mauss, toujours là pour nous apporter une lanterne susceptible d’éclairer notre route.
Mais le « don » n’est pas que le fait des sociétés dites « primitives » ou « sans écriture ». Il est, tout simplement, aujourd’hui plus que jamais.
En effet, on le retrouve sous deux formes dans toutes les sociétés, l’une négative, l’autre positive.
1) Le don-séduction
Prenons-là comme exemple, parmi les péchés capitaux (celui de l’orgueil, assurément), « l’évergétisme », dont nous parle l’historien nietzschéen et relativiste, Paul Veyne dans ses remarquables travaux sur l’Empire romain. Chaque puissant voulait se montrer plus riche que son voisin, le don revêtant là un aspect ostentatoire « d’achat », de manipulation des pauvres par les riches (« le Pain et le Cirque »).
On en retrouve une part, dans les sociétés modernes actuelles, certainement dans la publicité, qui flatte l’œil et l’esprit des jeunes et de personnes fragiles, jour après jour, au kilomètre.
2) Le don d’amour
C’est bien évidemment là le don gratuit, sans arrière-pensée, depuis au moins le Moyen-Âge, qui a traversé notamment une partie de l’histoire de l’Église chrétienne, mais aussi d’autres religions, à travers des œuvres charitables (au-delà des heures obscures et violentes de cette histoire religieuse, si inutiles et peu humaines).
Côté catholique, c’est le don incarné notamment par Mère Mary-Thérésa, qui en eut la révélation dans le train entre Calcutta et Djaerjeeling un jour de 1946, elle qui fut par la suite sanctifiée par Jean-Paul II. Pensons aussi, parmi des milliers d’autres, à sœur Emmanuelle, du Caire…, pour ne parler que de la religion chrétienne.
C’est aussi le don de tous les jours, de métiers de sauvegarde à métiers de sauvegardes (médecins, chirurgiens, pompiers, secouristes, urgentistes, artistes en tous genres, enseignants…), de chacun à chacun, de chaque œuvre faîte gratuitement pour autrui, sans « contre-don » et sans contre-partie, entre tous les humains, pour que l’on respecte la dignité absolue de leur personne et d’être humain, précisément.
C’est bien sûr celui-là qu’il faut transmettre prioritairement à nos jeunes, car il n’existe pas que l’intérêt et que l’argent…
Enfin, en termes de dons, dans l’espace francophone, face aux « Classiques des Sciences sociales », pensons qu’il ne faut point confondre les « droits d’auteurs » avec « la propriété intellectuelle ».
Car la culture, ce n’est pas de l’argent. C’est de l’or…
Pr. Michel Bergès
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Cher Michel,
Puis je me permettre d'ajouter quelques lignes à thon thexte dans le cadre de nos échanges constructhifs :
Créer, donner, recevoir, transmettre est peut être vraiment ce que l'on tente de définir comme "le propre de l'homme".
Cette chaîne de l'activité humaine est faite de tous les sentiments contradictoires qui nous caractérisent : amour mais aussi orgueil, tristesse, mais espérance, ténacité, courage, cupidité mais aussi sens du sacrifice pour n'en citer que quelques uns.
En ce début de millénaire placé sous le signe de la multiplication des moyens d'échange, chaque maillon de la chaîne du don et de la transmission est capital car l'activité créatrice de l'homme n'a d'égale que sa capacité de destruction à laquelle peuvent hélas s'ajouter les catastrophes technologiques et les cataclysmes naturels.
Chaque maillon est important et nul ne sait si un livre ne devra pas sa survie dans mille ans à la personne qui l'aura scanné au Canada, à celle qui l'aura téléchargé en Australie et l'ayant imprimé l'aura envoyé à son ami qui n'avait pas Internet en Afrique.
La chaine du savoir et la chaine du don sont liées et nous y avons tous une modeste place indispensable.
Joss Berger,
13 mai 2011.
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