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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Finances publiques. Profits privés. Les finances publiques à l'heure du néo-libéralisme. (1996)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre Michel Bernard, Léo-Paul Lauzon, avec la collaboration de Martin Poirier, Finances publiques. Profits privés. Les finances publiques à l'heure du néo-libéralisme. Montréal: Les Éditions du Renouveau québécois et La Chaire d'études socio-économiques de l'UQÀM, 1996, 142 pp. [Autorisation du directeur de la Chaire d'études socio-économiques de l'UQÀM, M. Marc Hasbani, le 4 février 2008 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

Finances publiques. Profits privés.
Les finances publiques à l’heure du néolibéralisme.

Préface

Au cours des dernières années, les chefs d’entreprises et les bien nantis ont mobilisé économistes de droite et fiscalistes, journalistes et éditorialistes pour créer une psychose du déficit et de la dette qui induit à une résignation à l’État minimal. À entendre les gourous du prêt-à-penser, les évangélistes-affairistes, il faudrait tout privatiser, des sociétés d’État aux programmes sociaux, au nom de l’assainissement des finances publiques. Le bien public est ramené à la portion congrue des biens qui n’intéressent pas l’entreprise privée, réduisant l’homme à n’être citoyen que là où il ne peut devenir client et reconduisant les insolvables à la porte de la cité via la désinsertion sociale.

Les professeurs Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard ont refusé de prendre ces arguments pour argent comptant. Ils ont scruté à la loupe les comptes publics et ont mis en lumière les programmes, déductions et abattements de toutes sortes, qui permettent aux revenus des mieux nantis de s’envoler vers les hauteurs.

Ils ont signalé les arnaques, les combines et ont montré les chemins suivis par les apatrides dollars, qui ne parlent ni français ni anglais, et qui filent en direction des paradis fiscaux sur appel téléphonique. Ils ont descendu de leur piédestal les [12] lois du marché qui ne sont que de simples constructions issues de l’habitude répétée et les sciences comptables, qui sous une fausse apparence d’exactitude, dissimulent les coûts sociaux et environnementaux sous forme de coûts externes à l’activité des entreprises.

Le présent recueil des articles, qu’ils ont fait paraître dans Faut’ journal depuis quelques années, témoigne du caractère résolu de leurs propos. Que ce soit pour dénoncer les révérences d’un bien-pensant à l’origine d’une émission télévisée ou d’un article de journal, pour analyser ce qui se dissimule sous un budget gouvernemental, pour fustiger un baron de la finance, comme André Bérard, ou la fixation d’un ministre qui résume l’homme à un ustensile économique, comme Bernard Landry, les professeurs Lauzon et Bernard ont démontré leur engagement. Un engagement à combattre le néolibéralisme que nous aimerions voir plus généralisé chez les intellectuels.

Avec la participation de syndicats et de groupes sociaux, le professeur Léo-Paul Lauzon a créé récemment, à l’Université du Québec à Montréal, la Chaire d’études socio-économiques dont il est le titulaire. Michel Bernard y agit à titre de professeur associé. Cette chaire propose un discours alternatif au néolibéralisme et conseille les groupes aux prises avec le retour de ce libéralisme de vieille école que l’on avait cru historiquement dépassé. Cette chaire a également pour mission de former des chercheurs ayant une sensibilité sociale. Ainsi, le recueil contient également des articles de Martin Poirier, étudiant à la maîtrise en économie, qui fait partie de l’équipe de recherche.

À la Commission sur la fiscalité et sur le financement des programmes sociaux, les patrons ont exigé, au nom de la concurrence, des concessions fiscales annuelles de plus d’un milliard de dollars en réduction de la taxe sur la masse salariale et sur le capital afin de s’enrichir en nous faisant accessoirement l’aumône de l’emploi. Cette commande au gouvernement est passée au moment où les groupes sociaux absorberont 2,25 milliards $ de coupures en 1996-1997 seulement. [13] Pourtant, les charges québécoises prélevées auprès des compagnies sont parmi les plus basses des pays du G-7, y inclus la taxe sur la masse salariale. On nous présente l’enrichissement d’une minorité propriétaire des moyens de production comme un ordre objectif des choses se justifiant par lui-même, comme la seule voie possible dans le rapport de l’homme aux choses. Non ! Ceux qui s’enrichissent copieusement du marché doivent continuer à verser les impôts destinés à corriger partiellement les effets les plus pervers du laisser-faire dont ils profitent. Les particuliers versent déjà 66% des revenus autonomes de l’État québécois contre 20% pour les compagnies. Les salariés paient déjà une partie des services publics offerts aux entreprises via l’impôt des particuliers et toute diminution d’impôts des compagnies ferait manger les salaires par le profit.

À Ottawa et à Québec, plus de 30% de ces impôts servent à payer les intérêts sur la dette. Cela fait dire aux professeurs Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard que « l’exploitation des citoyens par le capital privé, qui se faisait autrefois directement par les bas salaires, a pris aujourd’hui la forme plus dissimulée des intérêts. » Car qui pensez-vous s’enrichit de l’encaissement de ces intérêts ? « Sur le territoire du Québec, les intérêts coûtent aussi cher que le bien-être social, les pensions de vieillesse et l’assurance-chômage réunis ». Le coût des programmes sociaux apparaît léger comparé à la rente d’intérêts payée aux bien nantis. Ici, c’est l’intérêt qui mange le salaire via l’impôt des particuliers.

On cache le rapport de forces, mais les finances publiques sont devenues un terrain d’affrontement entre les différentes classes de la société. Aussi, une entreprise patronale de désolidarisation, de démagogie tacticienne, désigne les bénéficiaires des programmes sociaux et les employés du secteur public comme les « classes stériles » responsables de la détérioration des finances publiques. Récemment, on a vu les jeunes libéraux et conservateurs importer une idéologie opportuniste à la sauce puritaine-républicaine qui stigmatise les démunis comme des paresseux et qui remplace le droit social par la [14] charité. On explique le chômage de la même façon qu’au XVIIIe siècle : la paresse ! Pourtant, la crise financière de l’État découle plutôt de la politique monétaire canadienne des hauts taux d’intérêt qui a profité aux banques et détenteurs de capitaux qui s’enrichissent en dormant.

Ce recueil paraît suite à de nombreuses demandes émanant de milieux syndicaux et progressistes. Plusieurs personnes, qui lisent avec assiduité, depuis plusieurs années déjà, les articles du tandem Lauzon-Bernard dans les pages de l’aut' journal, ont exprimé le souhait de les voir regrouper dans un volume. Leur vœu est exaucé. Après ce recueil sur les finances publiques, d’autres suivront. L’un sera consacré aux articles portant sur les privatisations, un autre aux articles traitant de différents secteurs économiques.

Les articles de ce recueil sont regroupés, autant que faire se peut, sous différents thèmes. Les deux premiers portent sur les médias. Par la suite, viennent ceux consacrés aux finances publiques fédérales, puis aux finances du Québec. Deux importants dossiers terminent le recueil. L’un sur les compagnies qui paient peu ou pas d’impôts, l’autre sur le Régime d’épargne-actions du Québec.

Bonne lecture !

Pierre Dubuc



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 25 novembre 2020 13:38
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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