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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hérédités plurielles. Représentations populaires et conceptions savantes du métissage” (1994)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de MM. Jean-Luc Bonniol et Jean Benoist, “Hérédités plurielles. Représentations populaires et conceptions savantes du métissage”. Un article publié dans la revue Ethnologie française, vol. XX1V, no 1, 1994, pp. 58-69. Numéro intitulé: Penser l'hérédité. [Autorisation formelle accordée par MM. Bonniol et Benoist, respectivement le 28 septembre 2007 et le 17 juillet 2007 de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes leurs publications.]

 Introduction

« L'histoire des sciences devrait nous rendre plus attentifs au fit que les découvertes scientifiques, dans un certain ordre de phénomènes, peuvent jouer, du fait de leur dégradation possible en idéologies, un rôle d'obstacle au travail théorique en cours dans un autre ordre. » C. Canguilhem, 1977.

 

Qu'advient-il du produit de l'union des dissemblables ? La question semble claire, et les réponses qui lui ont été apportées semblaient refléter l'évidence : métis, mulâtre, voire bâtard... Mais cette évidence ne reflète-t-elle pas l'illusion par laquelle le sens commun croit appréhender la réalité, alors même qu'il la déforme ? 

- « Le produit ». Quel produit ? Comment se construit-il ? Par addition ? Par dilution ? Nous situons aujourd'hui d'emblée cette construction dans le champ du biologique, et plus particulièrement dans celui de la transmission héréditaire. Mais bien avant que la pensée sur les supports génétiques de l'hérédité ne se soit érigée en secteur autonome de la science, il a été nécessaire de franchir bien des étapes, où l'on a peu à peu appris à concevoir le grand partage entre le biologique et le social... Il n'est que d'écouter le discours sur le métissage, discours historique, mais aussi discours contemporain, pour comprendre que ce fut une longue opération, et se demander si elle est tout à fait achevée... Ne peut-on donc pas s'interroger sur la pérennité, dans la science biologique elle-même, de concepts enracinés dans les rapports sociaux et dans leurs représentations, là où le métissage relève d'un tout autre ordre, apparaissant comme une remise en cause, une menace, ou au moins une inquiétude ? 

- « Des dissemblables ». Quelles dissemblances sont retenues et quelles sont éliminées ? Toute union en effet a lieu entre dissemblables, de sexe d'abord, mais aussi de traits physiques, visibles ou inapparents, d'antécédents familiaux et personnels, de goûts, de culture. Même les enfants issus d'un même couple sont à cet égard dissemblables, de l'intimité de leurs gènes à leur rapport au monde... La plupart de ces différences sont négligées ; celles mises en avant tiennent essentiellement à l'apparence physique, donc à une certaine image du biologique (couleur de la peau, forme du visage), mais elles peuvent également s'appuyer sur des marques qui nous font rencontrer, d'une façon parfois tout à fait explicite mais souvent mal discernable, l'identité sociale et culturelle. 

Alors, les métis ? Qu'en est-il du métissage et où commence-t-il ? Avant que le terme de métissage ne connaisse l'extension métaphorique qui est la sienne aujourd'hui, il s'est référé, par son utilisation première de la différence physique, à une dimension qui se voulait strictement biologique, mais qui était encore toute pénétrée de social, correspondant à un territoire bien plus vaste que celui concédé par la génétique d'aujourd'hui à la transmission et à l'entrecroisement des patrimoines héréditaires. Là germaient les idéologies issues des rapports sociaux qui ont fait que le métissage donnait, et donne encore, l'image biologique d'une réalité culturelle. 

Penser le métissage, c'est donc à travers un concept en dévoiler un autre, plus global, plus fortement ancré et dont les échos se font entendre sur de multiples registres de la vie sociale : l'identité, son partage et ses fondements. Aussi, et dans sa nature même, aucun discours sur le métissage, savant ou profane, ne peut-il être neutre. Car, inéluctablement inscrit au sein des relations sociales, il doit prendre en compte une frontière entre les « nous » et les « autres », frontière qu'il balise en choisissant ses marques, traduisant de ce fait les rencontres et les tensions que cette frontière exprime.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 30 septembre 2007 13:29
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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