Nina Veillard et Pierre CABROL
Respectivement étudiante, d’une part,
et Maître de conférences de Droit privé
à l’IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3 (France), d’autre part.
“Harcèlement de rue :
l’inefficacité d’une réponse
purement répressive.”
Chicoutimi : Les Classiques des sciences sociales, un texte inédit, novembre 2022, 24 pp.
Préambule
En 1993, le Professeur Jean-Marie Tremblay créait, au Québec, la bibliothèque de sciences sociales en libre accès, « Les Classiques des Sciences sociales ». Vingt-huit années plus tard, cette bibliothèque en ligne, qui s’est développée grâce au travail de 140 bénévoles et à un partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi, affiche plus de 76,8 millions de téléchargements de juin 2003 à août 2021, et près de 2,5 millions de visiteurs pour la seule année 2020. Ce projet est porté par des valeurs de justice cognitive telles que la lutte contre les inégalités en matière d’accès au savoir et le développement de la connaissance par l’expression croisée à parité des regards portés sur celles-ci par l’ensemble des membres de la communauté francophone [1]. Du partage de ces valeurs est née l’idée de publier dans « les Classiques », à partir de travaux d’étudiants, des articles rédigés en commun par les auteurs desdits travaux et des universitaires. Le premier de ces articles, publié en 2021, a porté sur les travaux de master en Sciences de l’éducation [2] de Louise Corbu relatif à l’inclusion en milieu scolaire des enfants en situation de handicap [3]. Les deux suivant, initiés par les travaux de Nina Veillard, traitent du harcèlement de rue. Celui-ci est le premier d’entre eux.
Article
La source originelle de cet article est le mémoire de Nina Veillard, « L’espace public comme terrain de chasse : zoom sur la problématique du harcèlement de rue », travail réalisé sous la direction de Pierre Cabrol au cours de l’année universitaire 2021-2022 au sein du département Carrières sociales de l’IUT Bordeaux Montaigne [4] (France). L’ambition de ce travail est de montrer que la sanction du harcèlement de rue par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui vient s’ajouter à un arsenal répressif déjà particulièrement fourni, s’inscrit dans une logique purement répressive vouée à l’échec tant que le dispositif législatif n’aura pas été complété par des mesures préventives.
L’exposé des motifs, quelque peu maladroit [5], de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes indique, dans son sixième paragraphe, qu’il « convient, enfin, de réprimer le harcèlement dit « de rue » en instituant une contravention pour outrage sexiste », ce qui constitue un aveu clair de choix d’une réponse exclusivement répressive. Le même texte précise que : « La définition de l’outrage sexiste est directement inspirée de celle du délit de harcèlement sexuel, mais sans l’exigence de répétition des faits, qui interdit actuellement de réprimer des actes commis de façon isolée ». La précision est importante. Elle montre que l’infraction d’outrage sexiste a été pensée par le législateur pour réprimer des agissements que l’infraction de harcèlement sexuel ne permettait pas de sanctionner, soit, plus précisément, des faits isolés qui échappent à l’emprise du harcèlement sexuel, dont la caractérisation exige la répétition.
Cette nouvelle infraction vient grossir un arsenal répressif déjà particulièrement fourni, pour ne pas dire pléthorique, en matière d’atteinte sexuelle, notion englobant tout agissement répréhensible à caractère, en tout ou partie [6], sexuel. La plus grave de ces infractions, qualifiée de crime, est le viol. Le législateur a prévu de distinguer entre différents types de viol. Le viol simple est « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise [7] ». Il est puni d’une peine maximale de quinze années de prison [8]. L’article 1 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021 a ajouté au Code pénal un article 222-23-1 [9] visant la commission d’un viol entre majeur et mineur présentant une différence d’âge d’au moins cinq ans et un article 222-23-2 [10] visant l’hypothèse du viol incestueux, ce pour prévoir dans ces deux cas de figure, jugés particulièrement graves, un alourdissement de la sanction, la peine maximale encourue étant portée à vingt années de prison [11].
Le maximum de la peine encourue pour viol est également porté à vingt années de réclusion criminelle lorsque le viol prévu à l’article 222-23 du Code pénal est accompagné de circonstances aggravantes [12], passant ainsi du viol simple au vol aggravé. L’article 8 de la loi du 21 avril 2021 a porté la peine maximale encourue à trente ans de réclusion criminelle lorsque le viol a entraîné involontairement [13] la mort de la victime [14] ; et à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque le viol a été précédé, accompagné, ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie [15]. Enfin, l’article 24 de la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 a ajouté au Code pénal un article visant à réprimer l’incitation au viol [16], tandis que l’article 3 de la loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 [17] a créé un article destiné à permettre de sanctionner l’auteur d’un viol déclaré pénalement irresponsable en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique temporaire au moment des faits, lorsque celui-ci avait consommé, en connaissance des risques, « de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives » [18].
En dessous du viol dans l’échelle de la gravité des faits et donc des peines, prennent place, au rang des délits, l’agression sexuelle sur majeur et sur mineur, l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel. Selon l’article 222-22 du code pénal [19], « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte [20], menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur ». S’agissant d’une victime mineure, la contrainte ou la surprise, « peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits [21] et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur » [22]. L’article 222-2-2 du Code pénal sanctionne également « le fait d'imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d'un tiers », ainsi que la tentative de commettre ce délit.
Selon l’article 222-27 du Code pénal [23] : « Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». En cas de circonstances aggravantes [24], la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. La même peine est encourue lorsque les agressions sexuelles sont « imposées à une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur » [25]. L’article 222-30 du Code pénal porte cette peine à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si les faits commis à l’encontre de la personne particulièrement vulnérable ont été accompagnées de circonstances aggravantes [26].
Une peine similaire est encourue lorsque les agressions sexuelles « sont imposées à un mineur de quinze ans par violence, contrainte, menace ou surprise » [27], ainsi que pour « toute atteinte sexuelle autre qu'un viol commise par un majeur sur la personne d'un mineur de quinze ans », « lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans » ou lorsque « les faits ont été commis en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage » [28] et lorsque « le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l'article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait » [29], cette dernière hypothèse correspondant à l’agression sexuelle incestueuse.
Le législateur contemporain a également prévu de sanctionner : en 2018 [30], « le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle » [31] ; ainsi que, en 2020 [32], « le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette une agression sexuelle, y compris hors du territoire national … lorsque cette agression n'a été ni commise, ni tentée » [33]. L’article 222-31 du Code pénal prévoit, enfin, que « la tentative des délits prévus par les articles 222-27 à 222-30-31 est punie des mêmes peines » [34].
L’article 222-32 du Code pénal [35] vient ajouter à cet arsenal répressif déjà très développé en prévoyant, dans son alinéa 1, que « l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende », en précisant, dans son alinéa 2, que, « même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, l'exhibition sexuelle est constituée si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé », et en indiquant enfin, dans son alinéa 3, que, « lorsque les faits sont commis au préjudice d'un mineur de quinze ans, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende ».
S’agissant du délit de harcèlement sexuel, l’article 222-33 du Code pénal [36] prévoit que « le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Le même article ajoute que « l'infraction est également constituée : 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ; 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition » [37].
Comme le précise l’exposé des motifs de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018, « la définition de l’outrage sexiste est directement inspirée de celle du délit de harcèlement sexuel, mais sans l’exigence de répétition des faits, qui interdit actuellement de réprimer des actes commis de façon isolée ». C’est ce que montre clairement une comparaison entre les définitions proposées par les deux articles du Code pénal :
Harcèlement sexuel
(article 222-32 du Code pénal)
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Outrage sexiste
(article 621-1 du Code pénal [38])
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« Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
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« Constitue un outrage sexiste le fait d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
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Dans les deux cas, l’élément de définition, soit l’atteinte à la dignité ou la création d’une situation intimidante, hostile ou offensante, est strictement le même. Hors de la modification anodine du passage du pluriel au singulier relative aux propos ou comportements, la différence essentielle consiste dans le fait que le harcèlement sexuel exige la répétition (« de façon répétée »), ce qui n’est pas le cas de l’outrage sexiste, qui peut être constitué par un seul acte ou propos.
De ce fait, le harcèlement sexuel pourrait être vu comme la répétition d’un outrage sexuel et, inversement, toute répétition d’un outrage sexuel pourrait être considérée comme constitutive de harcèlement sexuel. Les deux notions, tout en étant distinctes, sont donc effectivement proches. Le législateur en est conscient puisqu’il a pris soin de préciser dans le premier alinéa de l’article 621-1 du Code pénal [39] que l’infraction d’outrage sexiste, ne s’applique pas aux cas de commission d’actes de violence [40], d’exhibition sexuelle [41], de harcèlement sexuel [42] et, plus largement à tout fait de harcèlement [43].
Une disposition du même article relative à l’existence de circonstances aggravantes [44] illustre bien la difficulté que peut faire naître cette proximité. C’est, plus précisément, le choix d’avoir introduit parmi les circonstances aggravantes de l’outrage sexiste le fait que celui-ci ait été commis « par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice [45] » qui peut paraître curieux. Dans la mesure ou une pluralité d’auteurs suppose que chacun d’entre eux ait tenu un propos outrageant ou ait eu un comportement de ce type, ne tombe-t-on pas là dans l’une des hypothèses de harcèlement sexuel prévue par l’article 222-33 du Code pénal, soit le fait que les actes ou propos répréhensibles aient été « imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée » [46] ?
Il semble bien qu’il y ait là une situation de chevauchement. Dans une telle circonstance, le juge doit faire prévaloir l’infraction la plus grave, soit le harcèlement sexuel, rendant ainsi inopérante la circonstance aggravante d’outrage sexuel considérée, sauf à user illégalement d’une forme de « contraventionnalisation ». Que faut-il entendre par là ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à la pratique existante de la « correctionnalisation », ce qui implique de commencer par distinguer entre les modalités d’agression sexuelle. L’outrage sexiste est une agression verbale, ou visuelle comme l’exhibition sexuelle. Lorsque l’atteinte est physique, c’est-à-dire lorsqu’il y a un contact à connotation sexuelle avec la victime, cette atteinte constitue une agression sexuelle. Enfin, si le contact comporte un acte de pénétration sexuelle, l’infraction commise est le viol.
Il peut arriver qu’un acte qualifiable de viol soit correctionnalisé, ce qui suppose de minorer illégalement les agissements de l’auteur des faits. Cette pratique [47] est techniquement facile à réaliser pour le magistrat du Parquet. Il suffit, pour ce faire, qu’il passe sous silence les actes de pénétration dans la description des faits sur laquelle il s’appuie pour requérir la condamnation, ce qui lui permet de renvoyer l’auteur des faits devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle [48]. Le fait qu’un magistrat use ainsi d’une pratique illégale minimisant les faits signifie-t-il que celui-ci entend faire preuve d’une indulgence coupable envers les violeurs ?
Non, tout au contraire, si l’on en croit les magistrats qui y recourent. Ceux-ci expliquent [49] ne l’employer que de façon très exceptionnelle et ce à la fois pour diminuer le risque de voir l’auteur des faits échapper à la sanction et pour réduire la durée de la procédure afin de permettre à la victime de commencer plus rapidement à « se reconstruire ». Sur le terrain de la sanction, la difficulté tient au fait que les viols, en tant que crimes, sont jugés par une Cour d’assise, alors que les agressions sexuelles, en tant que délits, sont du ressort du tribunal correctionnel [50]. Or, le tribunal correctionnel est composé de trois magistrats professionnels, alors que la Cour d’assise associe, dans le processus de jugement, trois magistrats professionnels [51] et un jury populaire composé de citoyens [52], qui se prononce sur la culpabilité et sur l’existence éventuelle de circonstances aggravantes ou atténuantes [53].
À tort ou à raison, les magistrats du Parquet qui pratiquent la correctionnalisation le font pour partie parce qu’ils se méfient du jury populaire. Loin de vouloir faire preuve d’indulgence envers l’auteur des faits, ils craignent au contraire que cela ne soit le jury qui fasse preuve d’une telle mansuétude en le déclarant non coupable [54]. Ils affirment préférer une sanction potentiellement moins lourde que celle qui devrait être encourue, mais certaine, à une sanction hypothétique. Sur le fond du débat, magistrats et militants se renvoient la balle : les militants accusent les magistrats de faire preuve d’une indulgence coupable ou, a minima, de baisser les bras ; les magistrats reprochent aux militants d’être coupés du réel, de laisser des coupables s’en tirer par idéologie et de perdre ainsi leur temps et leur énergie au lieu de se concentrer sur l’essentiel, soit l’éradication de la « culture du viol » par l’évolution de la société [55].
Ils indiquent également ne procéder généralement à la correctionnalisation qu’après en avoir discuté avec la victime et son avocat et obtenu leur accord, l’opération étant alors présentée comme un choix commun. Les parquetiers indiquent enfin que cette pratique peut correspondre aux souhaits de victimes qui, tout en désirant une sanction du coupable, veulent également que la procédure soit la plus rapide et la plus discrète possible.
La frénésie réformatrice des législateurs français contemporains pourrait trouver ici lieu à s’exercer en proposant de modifier la loi pour permettre aux victimes de disposer, sur proposition du Parquet, d’une potentialité d’option entre des poursuites criminelles ou correctionnelles. La pratique deviendrait, de ce fait, légale, mais il faudrait, pour que cette évolution puisse avoir lieu, que les politiciens français s’affranchissent de leur obsession de la sanction en faisant passer l’intérêt de la victime au premier plan.
Au-delà de la correctionnalisation, la création de l’outrage sexiste a fait apparaître une possibilité de contraventionnalisation [56]. Cette situation recouvre l’hypothèse d’une agression verbale devenue physique, soit, par exemple, des propos outrageants suivis d’une « main aux fesses ». En l’espèce, la contraventionnalisation consisterait dans le fait « d’oublier » la partie finale physique de l’agression pour ne retenir de celle-ci que l’outrage sexiste, plus facile à traiter du fait qu’il ne nécessite qu’un passage devant le tribunal de police, juridiction à juge unique, voire qu’il permet de s’affranchir de la convocation devant le tribunal en usant de la procédure d’amende forfaitaire [57].
Ce risque de contraventionnalisation d’une agression sexuelle, ou de faits de harcèlement sexuel [58], peut apparaître d’autant plus susceptible de se réaliser que les associations et personnes militant contre le harcèlement de rue recueillent régulièrement des témoignages de femmes se disant victimes et affirmant avoir fait l’objet, lors de tentatives de dépôt de plainte, de remarques de policiers ou de gendarmes tendant à minimiser les faits ou à chercher des excuses aux agresseurs. C’est ce qu’a notamment déclaré en 2019, à l’agence de presse AFP [59], la bloggeuse et militante Anaïs Boudet en se fondant sur les témoignages [60] recueillis sur son site internet « Paye ta Schnek » : « On leur demande si elles avaient bu ou comment elles étaient habillés, ou bien on leur dit que ce n’est pas grave, qu’elles vont s’en remettre » [61].
Plus surprenant encore est le fait que le site internet ChecksNews [62] ait pu affirmer sans être démenti, en janvier 2022, que le Ministère de la Justice était dans l’incapacité de fournir des chiffres relatifs au nombre d’amendes forfaitaires délivrées pour outrage sexiste, seules celles ayant fait l’objet d’une contestation judiciaire étant enregistrées par ses services [63]. S’il peut paraître compréhensible de voir ce ministère se préoccuper avant tout de ce qui relève de l’activité des tribunaux, il est préoccupant de voir ainsi sectoriser à outrance la lutte contre le harcèlement de rue et l’évaluation de ses résultats, alors que l’efficacité supposerait une action globale, ou tout au moins une coordination de l’action des différents ministères.
En l’état actuel des choses, il faut apparemment se tourner vers le Ministère de l’Intérieur pour connaître le nombre d’amendes forfaitaires délivrées, faire appel au Ministère de la Justice pour savoir combien d’entre elles ont fait l’objet d’une contestation devant les tribunaux, et solliciter le Ministère des Finances pour connaitre le taux de recouvrement et le montant total des sommes ainsi récoltées [64]. Dans un souci d’efficience, il serait à souhaiter qu’une commission interministérielle soit chargée de regrouper, de comparer [65] et d’analyser ces chiffres.
Une telle opération montrerait vraisemblablement que le choix effectué par le gouvernement et le législateur en matière de lutte contre le harcèlement de rue manque dramatiquement d’efficacité. C’est ce que tendent déjà à démontrer les analyses des statistiques publiées en juillet 2021 et 2022 par le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure [66] (SSMSI).
Le rapprochement des données issues de ces deux documents mointre que le nombre de contraventions dressées va croissant, passant de 261 de l’entrée en vigueur de la loi à fin décembre 2018 [67] à 930 pour 2019, 1409 pour 2020, 2300 en 2021 [68] et 1300 pour les six premiers mois de 2022. Cet accroissement ne traduit pas nécessairement une hausse des infractions. Une part de la croissance des chiffres est vraisemblablement due à une meilleure prise en compte des faits par les policiers et les gendarmes. La fin du confinement et les tensions sociales qui s’en sont suivies peuvent avoir joué un rôle en la matière. Il est donc préférable d’attendre pour interpréter cette augmentation.
Il résulte par ailleurs d’une enquête sur le cadre de vie et la sécurité (enquête CVS) menée sur la période 2011-2018 que l’on peut estimer que seulement 2% des victimes d’outrage sexiste porteraient plainte et que, pour la période 2019-2020, seules 25% des enquêtes auraient débouché sur la mise en cause d’un ou plusieurs auteurs d’outrage sexiste. La combinaison de l’ensemble de ces données pourrait laisser [69] à penser que seuls 0,5% des faits commis feraient l’objet d’un traitement policier ou judiciaire, les harceleurs de rue bénéficiant d’une impunité totale dans 99,5% des cas.
C’est ce qui explique que Julie Peigné, membre de l’association « Stop au harcèlement de rue », ait pu déclarer, en 2019, que « l’impunité n’est pas totale et c’est tant mieux », tout en ajoutant que le chiffre des verbalisations était « très éloigné de la réalité, car les femmes qui se font harceler, c’est tous les jours » [70]. Ce constat montre clairement que la répression n’agit qu’à la marge sur le phénomène du harcèlement de rue. Il aurait dû, en toute logique, conduire l’Etat et les législateurs à changer radicalement leur fusil d’épaule en mettant désormais l’accent sur la prévention.
Ce n’est malheureusement pas ce qu’a annoncé le Président de la République, Emmanuel Macron, en janvier 2022, lorsqu’il a déclaré vouloir durcir les sanctions contre le harcèlement de rue en faisant de celui-ci un délit et non plus une contravention. Or, à quoi bon renforcer les sanctions si 99,5% des auteurs des faits bénéficient d’une impunité totale et que seule une partie [71] des 0,5% mis en cause sont condamnés ? Ce n’est pas au Président de la République d’étudier dans le détail l’efficacité des mesures prises. Mais il dispose de services qui auraient dû le faire et de conseilleurs qui auraient dû lui suggérer de mettre l’accent sur la prévention.
[1] La bibliothèque a pour buts d’accroître la diffusion de la connaissance en Sciences humaines et sociales au sein de la communauté francophone ; de donner aux travaux des chercheurs francophones une visibilité plus étendue et un spectre de lecteurs élargi ; de promouvoir les échanges interdisciplinaires entre chercheurs en sciences humaines et sociales d’expression de langue française et, plus largement, de faciliter la diffusion de la pensée de langue française.
[2] Soit un mémoire de master 1 sous la direction de Monsieur Pierre Ratinaud, Professeur des universités, et un mémoire de master 2 sous la direction de Madame Florence Savournin, maître de conférences, mémoires soutenus à l’Université Toulouse Jean Jaurès (France).
[4] Dans le cadre d’un DUT Animation Sociale et Socioculturelle.
[5] Il débute en évoquant « la persistance des violences sexistes et sexuelles dont les femmes et les enfants continuent aujourd’hui d’être trop massivement victimes », l’emploi malencontreux du qualificatif « trop » laissant à penser qu’il pourrait y avoir des violences massives acceptables, ce qui n’est certainement pas l’intention du législateur.
[6] Le viol est fréquemment présenté comme étant un acte de violence, avant d’être un acte sexuel.
[7] Alinéa 1 de l’article 222-23 du Code pénal, dans sa version intégrant les modifications de l’article 9 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021.
[8] Alinéa 2 de l’article 222-23 du Code pénal.
[9] « Hors le cas prévu à l'article 222-23, constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d'un mineur de quinze ans ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans » (alinéa 1). « La condition de différence d'âge prévue au premier alinéa du présent article n'est pas applicable si les faits sont commis en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage » (alinéa 2).
[10] « Hors le cas prévu à l'article 222-23, constitue un viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d'un mineur ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l'article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait ».
[11] Article 222-23-3 du Code pénal : « Les viols définis aux articles 222-23-1 et 222-23-2 sont punis de vingt ans de réclusion criminelle ».
[12] Dans sa version modifiée par l’article 8 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021, l’article 222-24 du Code pénal énumère quinze circonstances aggravantes : « 1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; 2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ; 3° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ; 3° bis Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur ; 4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 5° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 6° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 7° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ; 8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ; 9° (abrogé) ; 10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ; 11° Lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; 12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ; 13° Lorsqu'il est commis, dans l'exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ; 14° Lorsqu'un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ; 15° Lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes ».
[13] Si la mort de la victime a été voulue par l’auteur du viol, c’est la qualification de meurtre commis avec la circonstance aggravante du viol qui s’applique, l’infraction de meurtre, jugée plus grave, prenant le pas sur celle de viol, comme le prévoit l’alinéa 1 de l’article 221-2 du Code pénal : « Le meurtre qui précède, accompagne ou suit un autre crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité » (alinéa 1).
[14] Article 222-25 du Code pénal.
[15] Article 222-26 du Code pénal.
[16] Article 222-26-1 du Code pénal : « Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un viol, y compris hors du territoire national, est puni, lorsque ce crime n'a été ni commis, ni tenté, de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende ».
[17] Article créé en réaction à une affaire fortement médiatisée, dans laquelle l’irresponsabilité pénale de l’auteur des faits avait tout particulièrement choqué l’opinion publique. Il encourt de fait les critiques ordinairement faites aux lois de circonstance.
[18] Article 222-26-2 du Code pénal : « Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l'empire duquel elle a commis un viol dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l'article 122-1 » (alinéa 1) : « 1° Dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, si le viol a été commis avec des tortures ou des actes de barbarie ou s'il a entraîné la mort » (alinéa 2) ; « 2° Sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende dans les autres cas » (alinéa 3). « Si l'infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d'un homicide volontaire en application du premier alinéa de l'article 122-1 en raison d'une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d'un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende. Dans les cas prévus au présent alinéa, les articles 132-8 et 132-9 ne sont pas applicables » (alinéa 4).
[19] Dans sa version intégrant les modifications apportées par l’article 1 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021.
[20] La contrainte dont il est ici question « peut être physique ou morale ». Alinéa 1 de l’article 222-22-1 du Code pénal, dans sa version découlant de l’article 2 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021.
[21] Si la victime a moins de quinze ans, le législateur considère qu’elle ne dispose pas du « discernement nécessaire » à la réalisation d’un acte sexuel et en déduit que l’auteur des faits commet un « abus de la vulnérabilité de la victime » qui caractérise « la contrainte morale ou la surprise » ; Alinéa 3 de l’article 222-22-1 du Code pénal modifié.
[22] Alinéa 2 de l’article 222-22-1 du Code pénal modifié.
[23] Modifié par l’Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000.
[24] Selon l’article 222-28 du Code pénal (modifié par les articles 3, 13 et 14 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018), ces circonstances aggravantes sont au nombre de onze : « 1° Lorsqu'elle (l’infraction) a entraîné une blessure, une lésion ou une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ; 2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ; 6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ; 7° Lorsqu'elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; 8° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ; 9° Lorsqu'elle est commise, dans l'exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ; 10° Lorsqu'un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ; 11° Lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes ».
[25] Article 222-29 du Code pénal, modifié par l’article 7 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[26] Le même article recense sept circonstances aggravantes : « 1° Lorsqu'elle (l’infraction) a entraîné une blessure ou une lésion ; 2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ; 6° (abrogé) ; 7° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ; 8° Lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes ».
[27] Article 222-29-1 du Code pénal ; article 1 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[28] Article 222-29-2 du Code pénal ; article 1 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[29] Article 222-29-3 du Code pénal ; article 1 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[30] Article 222-30-1 du Code pénal ; article 3 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[31] Ce par une peine « de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende », peine portée à « sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende » « lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable ».
[32] Article 222-30-2 du Code pénal ; article 24 de la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020.
[33] Ce par une peine « de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende », peine portée à « sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende » « lorsque l'agression sexuelle devait être commise sur un mineur ».
[34] Article 222-31 du Code pénal ; article 3 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[35] Modifié par l’article 12 de la loi n°2021-478 du 21 avril 2021.
[36] Modifié par les articles 11 et 13 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018.
[37] Le texte précise enfin qu’« est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ». In fine, l’article prévoit que les faits de harcèlement sexuels « sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende », peines « portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende » lorsque ces faits sont accompagnés de circonstances aggravantes, ce qui correspond aux hypothèses dans lesquelles les faits sont commis : « 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2° Sur un mineur de quinze ans ; 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ; 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 6° Par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique ; 7° Alors qu'un mineur était présent et y a assisté ; 8° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
[38] Modifié par l’article 71 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019.
[39] « I.- Constitue un outrage sexiste le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
[40] Article 222-13 du Code pénal.
[41] Article 222-32 du Code pénal.
[42] Article 222-33 du Code pénal.
[43] Article 222-33-2-2 du Code pénal.
[44] Si le second alinéa du texte prévoit que la peine encourue est celle « prévue pour les contraventions de la 4e classe » avec possibilité de recourir à l’amende forfaitaire, y compris minorée (« II.- L'outrage sexiste est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Cette contravention peut faire l'objet des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'amende forfaitaire, y compris celles concernant l'amende forfaitaire minorée »), le troisième alinéa du même texte porte la peine au niveau « de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe » en cas de circonstances aggravantes, celles-ci étant au nombre de sept (« III.- L'outrage sexiste est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe lorsqu'il est commis : 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2° Sur un mineur de quinze ans ; 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ; 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ; 7° En raison de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime »).
[45] Cinquième des circonstances aggravantes visées par la liste.
[46] L’article disposant que l’infraction « est également constituée : 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée » et que « 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».
[47] Limitée par le fait qu’elle peut être dénoncée tant pas l’avocat de la victime que par celui de l’auteur des faits.
[48] Au lieu de le renvoyer devant la Cour d’assise pour crime.
[49] Oralement et de façon informelle bien évidemment, car aucun magistrat ne prendrait le risque de reconnaître par écrit qu’il a sciemment violé la loi.
[50] D’où la création du néologisme « correctionnalisation ».
[51] Soit le Président de la cour d’assise et ses deux assesseurs.
[52] Tirés au sort sur les listes électorales.
[53] Les magistrats professionnels fixant le quantum (la quantité) de la peine.
[54] Ce qui témoigne du fait que ces magistrats sont conscients de l’existence d’une « culture du viol » dans la société.
[55] Les magistrats ajoutent ordinairement ne pratiquer la correctionnalisation que dans les cas où la preuve du viol est techniquement particulièrement difficile à apporter faute de constatations matérielles, telles que, par exemple, un examen médical révélant des lésions. Ce qui est, par exemple, le cas pour des pénétrations digitales de la longueur d’une phalange.
[56] Ou, du point de vue de ses détracteurs, un risque de contraventionnalisation.
[57] Procédure simplifiée par laquelle le policier ou le gendarme, ou tout autre agent public habilité à cette fin, délivre au contrevenant un avis lui indiquant le montant de l’amende infligée, ainsi que la nature et les circonstances de l’infraction, le délai pour payer ou pour contester, et les voies de recours. Le paiement de l’amende dans les délais entraîne le classement sans suite de l’affaire. Il n’y a ni poursuites judiciaires, ni procès.
[58] Le caractère répétitif des propos ou agissements répréhensibles pouvant également être ignorés.
[59] La dépêche de l’agence ayant largement été reprise par les grands médias télévisuels, ce qui lui a assuré une très large audience : Loi sur le harcèlement de rue : un an après, quel bilan ?, Manon Tossat avec AFP, BFM TV, 4 août 2019, 13 heures 10 ; Loi contre le harcèlement de rue : plus de 700 contraventions ont été dressées en un an, France info avec AFP, 6 août 2019, 0 heure 2 ; Etc.
[60] Environ 15 000 selon elle.
[61] Bien qu’ils demandent à être contrôlés et quantifiés scientifiquement pour s’assurer de leur véracité et prendre la mesure du phénomène, ces témoignages interpellent sur la question de la formation des policiers et gendarmes à l’accueil des victimes de ce type d’infraction, ces agents n’ayant pas, en tant que personnes, de raison d’être plus à l’abri que le reste de la société de l’influence délétère de la « culture du viol » sur les mentalités.
[62] ChecksNews est un service de « fack-cheking à la demande » créé par le journal Libération, ce qui signifie que les rédacteurs du site y répondent aux questions posées par les internautes ; Pour en savoir plus, Fack-cheking à la demande, les pratiques de fack-cheking journalistique participatif, entre contraintes et intérêts, Jérémie Nicey, Interfaces numériques, n°2, 2020, volume 9.
[63] « Contacté par CheckNews, le ministère de la Justice indique que la contravention d’outrage sexiste, qui est une contravention de la 4e classe, relève de la procédure de l’amende forfaitaire. Or, le ministère de la Justice ne dispose pas des chiffres relatifs aux amendes forfaitaires dressées par les forces de l’ordre ou les agents habilités. Ces contraventions n’apparaissent dans nos logiciels que si l’amende a fait l’objet d’une contestation traitée judiciairement » ; Combien d’amendes pour harcèlement de rue ont-elles (sic) été dressées depuis la loi de 2018 ?, Jacques Pezet, CheckNews, 12 janvier 2022, 10 heures 04.
[64] De manière ne serait-ce qu’à investir dans la prévention du harcèlement de rue un montant au moins équivalent plutôt que de faire de cette infraction une source de revenus pour l’État.
[65] Pour repérer et corriger d’éventuelles distorsions, mais aussi pour identifier les points à améliorer en priorité.
[66] Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure ; Interstats Info rapide n° 18, Macaux L. et Debuchy S., Les outrages sexistes enregistrés par les services de sécurité en 2020 ; Interstats Info rapide n° 20, Hausse des outrages sexistes enregistrés par les services de sécurité en 2021.
[67] Ce qui, sur la base d’une extrapolation à mois constants, dont la justesse demanderait à être vérifiée à partir d’études portant sur des années complètes, donnerait un chiffre annuel de l’ordre de 520.
[68] Avec une accélération très nette sur les six derniers mois de l’année.
[69] Sans certitude absolue, les périodes de collecte des données se chevauchant sans se confondre.
[70] Julie Peigné, cité par Manon Tossat, article précité.
[71] Le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure aurait indiqué sur ce point que : « le Parquet décide également fréquemment d’une alternative aux poursuites, comme le rappel à la loi, ou un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, quand le mis en cause ne reconnait pas les faits et qu’il n’existe pas d’éléments autres que la parole de la victime, tels que la vidéosurveillance ou d’éventuels témoins » ; La France est-elle le premier pays à avoir verbalisé le harcèlement de rue, comme l’affirme Marlène Schiappa ?, CheckNews, 21 mai 201.
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