Pierre CABROL et Maïlys DUBOIS
Respectivement enseignant à l’IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3 (France)
et avocate au Barreau de Tours (France)
“Vers une appréhension mémorielle
du cadavre humain en droit français ?”
Texte inédit, Bordeaux, France, mars 2017, 10 pp. Chicoutimi : Les Classiques des sciences sociales, avril 2017.
Résumé
Le cadavre humain est ordinairement considéré comme une chose sacrée, ou, plus rarement, vu comme la rémanence d’une personne. Dans l’un et l’autre cas, il est aujourd’hui de plus en plus souvent objet d’une appréhension mémorielle. Celle-ci conduit à limiter dans le temps la protection particulière dont il pourrait bénéficier.
Mots-clefs : cadavre humain ; chose sacrée ; rémanence de la personne ; restes humains
Sur sa tombe, Francis Blanche (1921-1974) a fait graver une ultime boutade : « Laissez-moi dormir ! J’étais fait pour ça ! ». L’humoriste démarque ici la formule Resquiescat in pace (R.I.P.), qui orne fréquemment les sépultures chrétiennes. Elle renvoie à l’idée, commune à la quasi-totalité des civilisations connues, selon laquelle les morts doivent, tout au moins lorsqu’ils sont inhumés, reposer en paix. Mais le repos des morts peut être troublé de bien des façons. Il convient donc, du point de vue du droit français, de le protéger, ce qui pose le problème de la qualification juridique de celui-ci (I). Quel statut juridique faut-il accorder aux restes humains ? Les auteurs se partagent sur ce point entre leur réification et la consécration d’une rémanence de la personne humaine au travers du cadavre. Aucun argument susceptible de trancher définitivement ce dilemme complexe n’a été jusqu’ici découvert. La difficulté à résoudre la question est, de surcroît, renforcée par l’existence d’une transformation progressive qui l’affecte dans les deux points de vue susceptibles d’être adoptés. Elle conduit à appréhender de façon croissante les restes humains sous l’angle de la mémoire (II).
I) La qualification du cadavre
La question de la qualification du cadavre peut être synthétisée sous forme d’une alternative (A) que la jurisprudence n’a pas tranchée à ce jour, ce qui ne l’a pas empêchée de trouver des solutions pragmatiques aux problèmes variés qui lui sont soumis (B).
- A) Chose sacrée ou rémanence
de la personne humaine ?
Selon l’opinion doctrinale commune, une personne physique disparaît avec son décès. Cela a pour conséquence que les cadavres, et plus largement tous les restes humains, ne peuvent être considérés que comme des choses. Cette opinion doctrinale ne fait toutefois pas l'unanimité. D’autres juristes se demandent en effet s'il ne serait pas possible d'imaginer une sorte de rémanence de la personne humaine. Le but de l'opération serait de protéger la personnalité du mort au travers des restes humains. Ces derniers seraient alors appréhendés comme le prolongement de la personne du défunt et non comme des choses.
Cette question de qualification a priori paraît difficile à trancher. Elle a généré un dilemme non résolu à ce jour. Si l'on considère que les restes humains sont des choses, c'est le statut juridique de ces choses qui constitue le fond du problème. Peuvent-elles être traitées comme n'importe quelles autres choses ? Les auteurs partisans de cette analyse ajoutent ordinairement qu’il s’agit de « choses sacrées ». L’emploi de ce qualificatif justifie qu’il leur soit appliqué des règles particulières. Telle est la première branche de l'alternative. Si l’on opte au contraire pour la consécration d’une rémanence de la personne au travers du cadavre, la question essentielle ne tient pas aux règles applicables visant à protéger la personnalité du mort. Elle porte sur la durée de cette protection. C’est là la seconde branche de l’alternative.
Pour les juristes partisans de la réification des restes humains, la qualification de ceux-ci découle du fait que le droit civil français postule classiquement une distinction absolue entre les personnes et les choses. Aucune double appartenance à ces catégories n'est a priori concevable. Dès lors, admettre une possibilité d'envisager l'être humain comme pouvant être séparée de son « enveloppe corporelle », ne peut que conduire à considérer le corps humain comme une chose, au moins postérieurement au décès [1]. Xavier Labbée a, sur ce point, proposé une analyse originale. Celle-ci fait du corps humain un accessoire indissociable de la personne au cours de la vie et qualifie celui-ci de chose après le décès. La mort réifie ainsi ce qui subsiste matériellement de la personne du défunt [2].
Dans tous les cas de figure, la qualification du cadavre en chose s’accompagne ordinairement de l’affirmation immédiate qu’il ne s’agit pas d’une chose ordinaire, mais d’une « chose sacrée [3] ». Cette affirmation pourrait surprendre par l’utilisation du terme « sacré ». Elle se passe ordinairement de justifications. Les rares auteurs qui se hasardent sur ce terrain s’exposent à la critique. Jean-Louis Baudoin, par exemple, a écrit que cette sacralité du cadavre se justifierait par des précédents historiques, ou par le souci de le protéger « parce qu’il n’est plus en mesure de défendre seul son intégrité [4] ». De telles affirmations sont aisément contestables [5]. Une autre justification a été avancée : celle de l’idée d’un respect instinctif de la vie par l’homme. Jean-Louis Baudoin a ainsi également écrit que la sacralité du cadavre se justifierait par la nécessité de respecter celui-ci « parce qu’il a été le siège de la vie ». Passé au crible d’une approche historique, cette explication s’avère également peu convaincante. Nombre de comportements humains ne peuvent en effet que conduire à douter de l’existence chez l’homme d’un respect instinctif de la vie !
Quant à la thèse minoritaire de la rémanence de la personne, au début du vingtième siècle, René Demogue avait proposé de lui conférer une forme de personnalité juridique réduite [6]. Presque cent ans plus tard, P. Belhassem a proposé de donner au cadavre un « statut de personne inanimée [7] ». Etc. « Chose sacrée » ou « rémanence de la personne humaine » ? La jurisprudence n’a pas résolu ce dilemme, mais a su contourner la difficulté.
- B) Une jurisprudence indécise mais pragmatique
La jurisprudence n’a pas opté entre les voies qui s'ouvrent à elle quant à la qualification du cadavre en chose ou en personne. Elle témoigne en la matière du choix de tous les possibles. Cela ne peut s’interpréter que comme traduisant un sentiment d’absence de besoin d’une telle qualification. La seule constante qui s’en dégage semble être qu’elle « répugne à traiter la dépouille comme un objet, du moins tant qu'il s'agit d'une mort relativement récente [8] ». Pour le reste, il existe aussi bien des décisions qui se préoccupent clairement d'octroyer un statut aux restes humains, qu’il s’agisse d’un statut de chose sacrée ou d’un statut résiduel de la personne, que des décisions qui semblent se satisfaire de formules ne tranchant pas clairement entre les deux positions.
Une partie de la jurisprudence s’est engagée depuis longtemps dans la voie de la qualification des restes humains en choses [9]. Elle a reconnu l’existence d’un contrat de dépôt sur un cadavre [10]. Elle a affirmé que « la dépouille mortelle de l’individu fait l’objet d’un droit de copropriété familial, inviolable et sacré », que « les débris formant le corps désagrégé sont respectables, quant bien même ces débris n’abriteraient plus aucune personne [11] », etc.
C'est en revanche pour l’octroi au défunt d’un statut résiduel de la personne qu'ont clairement optés les juges du Conseil d'Etat dans l'arrêt Milhaud du 2 juillet 1993 [12], tout comme les juges de la Cour d’appel de Paris dans leur décision du 2 juillet 1997 qui a considéré que le fait de photographier la dépouille de François Mitterrand sur son lit de mort pouvait constituer une atteinte à l'intimité de la vie privée [13], etc.
Il existe également depuis fort longtemps des décisions ambigües qui optent apparemment pour la survie de la personnalité civile, mais qui n’en tirent pas de conséquences juridiques. Le tribunal civil de la Seine, par exemple, a ainsi, le 16 juin 1858, soit il y a plus de cent-cinquante ans, qualifié le cadavre de l’actrice Rachel de « personne sur son lit de mort », tout en fondant sa décision sur le droit à l’image de la famille et non sur celui de la défunte [14]. Tout aussi équivoque est l’arrêt récent de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 octobre 1998 qui a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 juillet 1997 précité, relatif à une photographie du cadavre de François Mitterrand, en se contentant de relever que « la fixation de l’image d’une personne, vivante ou morte, sans autorisation préalable des personnes ayant pouvoir de l’accorder, est prohibée [15] ».
La jurisprudence ne parait donc guère fixée quant à la question de la qualification des restes humains. Cela ne l’empêche pas pour autant de trouver aujourd’hui des solutions ponctuelles aux problèmes variés qui lui sont soumis [16]. Savoir si un reste humain doit être qualifié de chose ou rattaché à la personne du défunt ne paraît plus être une question essentielle aux yeux des juges français. Ceux-ci s’accordent sur le fait que la dépouille d’un être humain non encore porté en terre ou incinéré ne peut être traitée comme les éléments subsistants du corps d’une personne identifiée mais décédée de longue date, ou comme des restes humains anonymes. Ils estiment également que tous ces restes doivent être respectés, préoccupation que partage la doctrine, au travers d’une appréhension mémorielle nouvelle.
II) L’appréhension mémorielle nouvelle
des restes humains
Le cadavre humain fait aujourd’hui l’objet d’une appréhension mémorielle, perceptible aussi bien chez ceux qui le voient comme une chose sacrée (A) que chez ceux qui le perçoivent comme la rémanence d’une personne (B).
- A) L’appréhension mémorielle nouvelle
de la perception du cadavre comme chose sacrée
La notion de sacralité du cadavre réifié a connu une évolution notable. Elle était autrefois perçue comme renvoyant à une croyance religieuse : celle qu’existe une « vie après la mort ». Pour celui qu’anime une telle croyance, la vie terrestre n’est qu’un passage. Le cadavre doit être respecté parce qu’il a été le siège de l’âme. Mais bien peu de juristes français croient encore aujourd’hui en l’existence de l’âme. De là leurs efforts pour construire une notion de sacralité dénuée de religiosité [17], en lien avec la mémoire.
Pour celui qui n’espère pas en l’au-delà, la mort n’est que néant. La vie, qui ne peut être que terrestre, est tout. Et ce tout est bien peu, et bien court, pour qui aime la vie. D’où la tentation de prolonger l’illusion de la vie au travers du souvenir du défunt : « Peut-on parler d’un droit pour celui qui n’est plus une personne juridique ? Dans un droit laïc comme le nôtre, la protection du corps en vie est celle d’une réalité ; celle du cadavre, la protection d’un souvenir [18] ». Que ce lien fragile entre le défunt et un vivant vienne à se briser et la protection particulière accordée au cadavre n’est plus nécessaire. Celui-ci redevient une chose ordinaire.
L’appréhension de la sacralité du cadavre est ainsi passée d’une vision religieuse intemporelle à une conception laïque de celle-ci, bornée par l’aptitude de l’esprit humain au souvenir. Cette évolution est notable. Tentation du laïc et devoir du croyant se rejoignent dans une même volonté de protection du cadavre. Elles diffèrent dans l’inscription de celle-ci dans le temps. La sacralisation religieuse traditionnelle du cadavre postule une conservation totale et sans limitation de durée. Sa sacralisation laïque nouvelle n’offre qu’une protection limitée à ce qu’englobe, dans le temps, le champ de la mémoire [19].
- B) L’appréhension mémorielle nouvelle du cadavre
par la rémanence de la personne
La perception du cadavre en tant que rémanence de la personne humaine est également affectée par une évolution conduisant à appréhender de façon croissante les restes humains sous l’angle de la mémoire. L’appréhension du cadavre tend en effet désormais à être liée étroitement au souvenir de l’être disparu.
Lorsque P. Belhacem, se démarquant ainsi de René Demogue, a proposé de donner au cadavre un « statut de personne inanimée », il a ajouté que celui-ci ne vaudrait que pour une durée de cinq ans, à compter du décès [20]. Cela sous-entend d’admettre qu’au-delà un reste humain ne soit plus considéré que comme une chose. L’ajout de cette proposition de restriction temporelle traduit une volonté de transformation du concept. On passe de la recherche ancienne d’un statut du cadavre au désir de prendre préférentiellement en considération la souffrance causée par le décès aux « proches » du défunt [21].
Le postulat fondateur d’un tel raisonnement est que l’acceptation de certains évènements nécessite un laps de temps plus ou moins long. Dès lors, quelle que soit sa réalité physique, le décès ne peut que s’inscrire dans une logique de disparition progressive de la personne [22]. C’est cette attente que décrit G. Goubeaux lorsqu’il écrit que « la conscience collective se résout difficilement à admettre l'extinction totale et définitive de la personnalité. Elle préfère l'idée rassurante d'un état intermédiaire entre l'existence et le néant assimilé à un long sommeil [23] ».
Une demande sociale s’est progressivement fait jour en la matière en France. Elle vise à donner la priorité à la prise en compte du ressenti des « proches » du défunt sur le traitement des restes de celui-ci. Elle a nourri l’idée qu’il conviendrait de s’interroger sur la disparition de la personnalité juridique. Une telle réflexion ne peut que conduire à proposer, soit la création d’un statut résiduel de la personne physique en fin de vie, soit la consécration d’une rémanence de la personne humaine au travers des souvenirs qu’en garde sa famille ou ses « proches [24] ». L’élément marquant de cette évolution est qu’elle converge sur un point avec l’évolution de la perception du cadavre en tant que chose : la limitation de sa protection à un laps de temps pouvant être inférieur à celui nécessaire à sa disparition totale.
Qu’il soit considéré comme une chose, ou vu comme la rémanence d’un être humain, le cadavre est aujourd’hui de plus en plus souvent, en France, objet d’une appréhension mémorielle. Celle-ci conduit à considérer qu’il ne doit bénéficier d’une protection spécifique que durant un laps de temps plus ou moins long. La sacralisation laïque du cadavre ferait ainsi de celui-ci une « chose sacrée » jusqu’à ce que l’apaisement des regrets la transforme en chose ordinaire. Le « statut de personne inanimée » que pourrait lui conférer une loi disparaitrait pour sa part automatiquement cinq années après le décès. Toute autre forme de prise en compte d’une rémanence de la personne ne vaudrait que le temps du souvenir.
Fin du texte
[1] R. Dekkers, « Le corps humain et le droit : aspects philosophiques », Travaux de l'Association Henri Capitant, tome XXVI, 1975, D., 536 p., p. 1 ; X. Labbée, note sous l’ordonnance du Président du T.G.I. de Lille du 5 décembre 1996, D., 1997, p. 377 ; etc.
[2] X. Labbée, note précitée, D., 1997, p. 377.
[3] F. Terré et D. Fenouillet, « Droit civil. Les personnes, la famille, les incapacités », Précis Dalloz, 7 éd., 1999, n°32, p. 31 ; P.-Y. Gauthier, obs. à propos de Civ. II, 17 juillet 1991, RTDCiv., 1992, 412-414, p. 413 ; etc.
[4] J.-L. Baudoin, « Le corps humain et le droit : rapport général », Travaux de l'Association Henri Capitant, tome XXVI, 1975, D., 536 p., 175-189, p. 184.
[5] Faire de l’existence de précédents historiques une règle de conduite serait dénier toute idée de progrès. Prétendre que le cadavre « n’est plus en mesure de défendre seul son intégrité » revient à sous-entendre que le corps du défunt l’était de son vivant. Cela dénote une confusion avec la personne.
[6] R. Demogue, « La notion de sujet de droit », RTDCiv., 1909, p. 639.
[7] P. Belhassem, « La crémation : le cadavre et la loi » ; Travaux de recherche Panthéon-Assas, LGDJ, 1997, pp. 109 et s.
[8] G. Leyte, « Journées Paris V : quelques aspects du droit de la mort synthèse des travaux », D., 2000, supplément au n° 16, p.31 et s., 32.
[9] T. civil de la Seine, 20 décembre 1932, G.P., 1932, 323.
[10] Civ. II, 17 juillet 1991, Bull., n° 233, p. 122 ; obs. P.-Y. Gauthier, RTDCiv., 1992, 412-414.
[11] Ordonnance du Président du T.G.I. de Lille, 5 décembre 1996, note X. Labbée, D., 1997, 376-378..
[12] En considérant le patient comme décédé, tout en ajoutant que « les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine qui s’imposent au médecin dans les rapports avec son patient ne cessent pas de s’appliquer après la mort » ; C.E., 2 juillet 1993, note P. Gonod, J.C.P., 1993, II, 22133, 386-390 ; obs. J. Hauser, RTDCiv., 1993, 803-804 ; note J.-M. Peyrical, D., 1994, J., 74-78.
[13] En déclarant que le respect de la vie privée était « dû à la personne humaine, qu'elle soit morte ou vivante et quel que soit son statut » ; Paris, 2 juillet 1997, D., 1997, J., p. 596.
[14] « Nul ne peut, sans le consentement de la famille, reproduire ou livrer à la publicité les traits d'une personne sur son lit de mort » ; T. Civil. de la Seine, 16 juin 1858, D., 1858, 2, 62.
[15] Bernard Beignier l’a interprété comme une condamnation de « la théorie d’une vie privée posthume » (B. Beignier, note sous Crim. 20 octobre 1998, D., 1999, 106-107, p. 107), ce qu’il a également dit de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 24 février 1998 condamnant la publication de photographies du corps du préfet assassiné, Claude Erignac (B. Beignier, note sous Paris 24 février 1998, D., 1998, 225-227). Une analyse différente en a été proposée par Pierre Kayser ; P. Kayser, « Les droits de la personnalité : Aspects théoriques et pratiques », R.T.D.Civ ., 1971, 445-509, pp 498 et 499.
[16] Elle recoure, par exemple, à l’indisponibilité du corps humain pour refuser de qualifier de vol des prélèvements médicaux d’organes non autorisés par les parents ; Amiens, 26 novembre 1996, Les Petites Affiches, 1997, n°83, p. 34. Elle renvoie au respect dû aux morts pour refuser l’exhumation du corps d’un défunt inhumé aux côtés de son concubin homosexuel ; Versailles, 26 mars 1990, Droit de la famille, n°1, janvier 2001, 24-27, p. 24. Elle autorise le partage des cendres d’un défunt entre ses deux familles ; Paris, 27 mars 1998, J.C.P., 1998, 1279-1280, note T. Garé ; D., 1998, 383-384, note P. Malaurie. Elle s’interroge, en cas de désaccord entre « proches », sur celui auquel confier l’urne funéraire contenant les cendres du défunt ; Douai, 7 juillet 1998, J.C.P., 1998, II, 173, 1907-1909, note X. Labbée. Elle invoque la volonté du défunt pour sanctionner, au travers de l’abus dans le non usage des droits d’exploitation, le refus d’autoriser la publication d’un ouvrage relatif à l’œuvre dudit défunt (sur le terrain du devenir, non de sa dépouille, mais de son œuvre) ; Versailles, 3 mars 1987, note B. Edelman, D., 1987, 382-388 ; sur pourvoi, Civ. I, 28 février 1989, note S. Durrande, D., 1989, 557-559 ; sur renvoi, Rennes, 16 novembre 1990, D., 1991, I.R., 18 ; etc.
[17] C’est à cette conception laïque du sacré que renvoyait également la proposition de François Chabas de voir dans la sacralité du cadavre une consécration de la supériorité de l’esprit sur la matière ; F. Chabas, article cité, p. 226. Opposée au matérialisme ambiant et porteuse d’exigence intellectuelle, elle n’a pas rencontré d’échos.
[18] F. Chabas, « Le corps humain et le droit : rapport sur le corps humain et les actes juridiques en droit français », Travaux de l'Association Henri Capitant, tome XXVI, 1975, D., 536 p., 225-246, p. 228.
[19] Cette restriction temporelle de la protection présente une contrepartie. Elle offre aux détenteurs de la mémoire considérée la possibilité de s’en prévaloir pour tenter de se faire reconnaître des droits sur le cadavre primant tous autres droits, y compris la propriété.
[20] P. Belhassem, « La crémation : le cadavre et la loi » ; Travaux de recherche Panthéon-Assas, LGDJ, 1997, pp. 109 et s.
[21] Conférer un statut protecteur particulier au cadavre sans limitation de durée entraînerait le maintien dudit statut jusqu’à complète disparition du dernier reste du corps humain considéré. Limiter dans le temps la durée de cette protection implique que l’objet principal de la protection soit la préservation de ce que celui-ci pouvait représenter aux yeux de vivants.
[22] Il convient sur ce point de relever que les progrès de la médecine ont pu semer le trouble dans les esprits quant à l’instantanéité du décès et au diagnostic de la mort. Le décès était classiquement décrit comme un phénomène instantané. Il peut être aujourd'hui perçu comme un intervalle de temps allant, par exemple, du début de l’agonie à l’arrêt de tout ou partie des fonctions vitales. Il est alors appréhendé comme devant donner lieu à la mise en place d’une protection particulière : « Il serait judicieux d’améliorer la protection de la personne décédée ; en effet celle-ci n’est pas dans la situation d’un cadavre ; elle est en train de passer de vie à trépas. L’instauration d’un curateur ad hoc permettrait d’assurer la protection de la personne, à partir du moment où son état permet de penser qu’elle va mourir » ; D. Thouvenin, « La construction juridique d’une atteinte légitime au corps humain », Le Dalloz justices, hors-série, mai 2001, 113-127, p. 125.
[23] G. Goubeaux, « Les personnes », in « Traité de droit civil », sous la direction de J. Ghestin, LGDJ, 2ème édition, 1989, n° 56.
[24] E. Putman, « Après la mort », D., 1991, 241-246, p. 241.
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