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Jean Chapuis
Médecin, anthropologue, psychiatre et psychothérapeute
avec la collaboration de Jean Jurault
“Les Wayana: une entrée fulgurante
dans la modernité”.
Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Pierre Grenand et Françoise Grenand, Les peuples des forêts tropicales aujourd’hui. Volume IV. Région Caraïbe, Guyanes, Bélize, pp. 336-350. Bruxelles : APFT ULB, Centre d’anthropologie culturelle, 2000. [Programme APFT : Avenir des Peuples des Forêts Tropicales, Université Libre de Bruxelles.]
- 2.3. Les Wayana : une entrée fulgurante dans la modernité.
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- 2.3.1. Introduction
- 2.3.2. Survol de l’histoire récente
- 2.3.3. Aspects de la modernité.
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- Habitat, mobilité et structure sociale
Médecine
- Enseignement
- Économie
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- 2.3.4. Conclusion
2.3.1 Introduction
Les Wayana sont un peuple de langue karib qui n'eut, jusqu'à une époque récente, que fort peu de contacts directs avec les Occidentaux : on comprend dès lors notre longue ignorance à leur égard. Depuis le milieu du siècle, la relation a pris un nouveau tour, les rapports se multipliant jusqu'à devenir permanents.
Après avoir dressé un bilan sommaire de cette histoire moderne, nous aborderons le processus de contact sous les différents aspects particulièrement significatifs que sont l'habitat et la mobilité, la médecine, l'enseignement et l'économie.
Pour chaque aspect nous ne retiendrons que les éléments les plus marquants et les plus sûrs, ainsi que les grandes tendances. Nous relèverons les problèmes les plus cruciaux, signalant les réponses ou propositions qu'y ont apporté les Amérindiens ou, à l'occasion, donnant notre propre point de vue.
2.3.2. Survol de l'histoire récente
Depuis une cinquantaine d'années, les contacts que la société française a entretenu avec les Wayana ont été très variés, en qualité comme en quantité. Au tout début, dans les années cinquante, ils eurent encore à subir les dernières attaques des maladies épidémiques, premiers effets de leur rencontre avec l'Occident, atteignant leur chiffre de population le plus bas, soit environ 350 personnes. Une vigoureuse campagne de vaccination ne tarda pas à stopper les ravages et la courbe s'inversa.
Rappelons que la Guyane devint département français en 1946, mais que le Territoire de l'Inini perdura jusqu'en 1970, géré par des gendarmes sous la direction du sous-préfet de Saint-Laurent du Maroni. Ce fut, pour les Wayana une période de protection de leurs institutions coutumières. Ce fut aussi l'époque où un certain nombre de jeunes hommes s'employèrent comme manoeuvres pour la construction du bourg de Maripasoula, tandis que d'autres s'embauchaient épisodiquement pour les campagnes de cartographie du sud guyanais menées par l'IGN (Institut Géographique National), puis pour celles du BRGM (Bureau de la Recherche Géologique et Minière), et ce jusqu'à une époque récente. Toujours à la même époque, ils allaient travailler à Paramaribo, où nombre d'entre eux contractaient la tuberculose et la syphilis, Ces maladies ont pu être jugulées.
Dans les années soixante-dix, tout devait changer : en 1969, le Territoire de l'Inini fut supprimé par le gouvernement français pour répondre aux voeux d'un Conseil Général créole, dominé par la même majorité politique qu'en métropole. Maripasoula fut érigé en commune et une politique de francisation résolue fut entreprise. Néanmoins la mise en place d'une autorisation préfectorale (1970) pour pénétrer en "pays indien", [337] autorisation qui se justifiait initialement par le désir d'éviter l'afflux de touristes et la recrudescence des maladies épidémiques, fut jugée comme une offense par les Créoles frustrés,
C'est donc dans ce contexte général et sous ces aspects majeurs que s'accéléra le processus d'acculturation des Wayana. Plus que les Blancs d'ailleurs, ce furent les Créoles qui représentèrent la société dominante aux yeux des Wayana, tandis que les Noirs Marrons Aluku jouaient le rôle d'intermédiaires,
Rive surinamienne, c'est au début des années soixante que des évangélistes nord-américains créèrent une mission à Anapaiké ; cette initiative donna naissance à une réaction messianique du type cargo cult, sous l'impulsion d'un jeune chamane. La résistance dura moins d'un an mais, parallèlement, l'intérêt suscité par les missionnaires fut assez vite circonscrit. Bien que leur influence s'y fit sentir, ils n'intervinrent quasiment pas dans les villages français.
Au début des années soixante-dix, la création d'une école au village de Twenke vint compléter le tableau ; deux autres furent implantées (Antecume et Kayode) une dizaine d'années plus tard. Pour la première fois, des Blancs venaient séjourner à titre professionnel chez les Amérindiens pour de longues périodes, modifiant leurs relations avec le monde occidental : les Wayana se découvrirent avec eux plus d'affinités qu'ils ne le pensaient, et trouvèrent chez eux plus de sollicitude et d'intérêt que chez les Créoles ou les Aluku.
Dans le même temps, en partie du fait d'une politique communale désireuse de s'ouvrir sur le tourisme de masse, des villages wayana furent incités à se rapprocher du bourg de Maripasoula, hors de la limite soumise à autorisation.
Dans les années quatre-vingt, la décentralisation fit dépendre les Wayana de la commune de Maripasoula, dirigée par les Aluku. Si la "période blanche" puis la "période créole" leur avait offert un certain nombre de garanties et la libre expression de leur ethos, la "période aluku" les plaça en danger comme ils ne l'avaient jamais été. Non seulement les Aluku monopolisèrent les financements divers, mais une fièvre de l'or s'empara de la région à partir de 1995. Par ailleurs, c'est durant cette époque que fut décidée par le Ministre de l'Environnement, lors du Sommet de la Terre de Rio (1992), la création d'un vaste Parc Naturel englobant l'ensemble des Amérindiens du sud de la Guyane. Le contact, qui s'était jusque-là déroulé essentiellement à travers l'enseignement et un salariat temporaire connut de nouveaux développements.
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Il est bon de signaler à ce niveau que les Wayana constituent une curiosité juridique en ce que les terres ancestrales sur lesquelles ils vivent ne leur appartiennent pas (bien qu'il leur soit garanti depuis peu un droit d'usage), qu’ils ne possèdent aucun statut, et que certains ne sont toujours pas détenteurs de la nationalité française (la régularisation est en cours depuis 1996) : de ce fait, ils ne peuvent, sauf autorisation expressément demandée au Préfet, quitter leur forêt.
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2.3.3. Aspects de la modernité
- habitat, mobilité et structure sociale
Les villages sont formés comme par le passé par coalescence de noyaux constitués par un père de famille, ses filles et ses gendres ; les jeunes garçons quittent leur père pour se rattacher au groupe de leur épouse. La polygamie, qui a toujours été rare chez les Wayana, a presque disparu. Les ménages sont généralement unis.
Avec le coût des infrastructures modernes, la sédentarisation des villages est encouragée et les grosses communautés se mu1tiplient. Les villages wayana offrent une grande variété d'habitations, tant dans la construction que dans la toiture. Les Amérindiens maîtrisent encore malles techniques importées du charpentier, Une partie d'entre eux, surtout dans les villages les plus en amont, demeure fidèle aux constructions traditionnelles sans parois, en bois ronds assemblés par des ligatures. Plus en aval, domine la toiture en tôle. Beaucoup de ces constructions sont faites sans aucun soin et donnent l'impression, comme au village Anapaiké, d'une dégradation de l'habitat traditionnel et d'une évolution vers le bidonville. Dans d'autres villages, se manifestent une tendance à la rénovation de l'habitat et une certaine émulation. Des constructions très soignées, montées par des charpentiers professionnels, ont été édifiées par la Direction Départementale de l'Equipement (DDE) vers 1985 dans les principaux villages amérindiens de la rive française. Ces constructions ne sont habitées qu'en partie et n'ont pas été imitées, car elles correspondent mal aux besoins des intéressés, mais aussi car elles impliquent un niveau technique qu'ils ne dominent pas. Les formes et les dimensions des constructions neuves sont très variables, Peu de Wayana construisent des cases en planches entièrement closes, qu'ils jugent trop chaudes. Ils s'orientent vers des constructions de grande dimension sans parois, avec un réduit en planches destiné à abriter les objets de valeur.
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Carte 15. Confluent Alitani-Malani, villages wayana
et chemins en 1998, carte de J. Hurault.
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Comme dans toute la Guyane, l'emploi de tondeuses et de débroussailleuses a permis, au prix d'un travail soutenu, d'entraver le développement de la brousse secondaire et de la remplacer par des pelouses de graminées annuelles. Cet aménagement a permis d'aérer les villages et d'espacer les habitations d'une cinquantaine de mètres, ce qui est un facteur de salubrité.
Les Wayana disposent désormais seuls des bassins des rivières Alitani et Marouini, ce qui, outre les ressources de la pêche, leur permet, grâce à l'emploi des moteurs hors-bord, d'ouvrir leurs abattis loin des villages et de conserver la dissémination indispensable à un bon rendement des cultures, sur défrichement et brûlis. (cf. Carte 15). Une entrave à la production agricole est que le développement de la scolarisation prive les femmes du concours nullement négligeable des enfants. Il est probable que les hommes devront participer de plus en plus à l’exploitation des cultures. Actuellement cette population produit l’essentiel de sa nourriture, n'achetant dans le commerce local que l’huile, sucre, café, sel et des boissons alcoolisées. Néanmoins la part des produits alimentaires importés augmente régulièrement depuis une vingtaine d'années.
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- Médecine
C'est à partir de 1949 qu'il y eut des postes administratifs permanents dans le sud de la Guyane (Bois, 1967 : 6), avec pour effet, dans la zone qui nous intéresse, une amélioration spectaculaire de l'état de santé des Wayana qui étaient alors en proie aux épidémies. C'est à cette époque que fut créé un dispensaire à Maripasoula.
Considérée dans son ensemble, l'organisation des soins en Guyane a une structure dichotomique : sur la côte, c’est celle de métropole, alliant médecine libérale, dispensaires et hôpitaux, alors qu’à l’intérieur règne la "médecine de secteur", prolongement du modèle colonial. En 1984, l'esprit de la régionalisation amena, le transfert d'une grande, partie des compétences de l'État en matière d'action sociale et de santé, au département. La médecine de secteur, jusqu'alors tenue à bout de bras par des médecins métropolitains, aurait donc dû logiquement être supprimée ; or il n'en fut rien, car malgré des incitations répétées et un certain nombre d'avantages, il ne se trouva aucun Créole à vouloir risquer l'aventure : pour un Cayennais, la forêt est un monde dangereux, étrange, sauvage.
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En 1991, le centre de santé intégré de Maripasoula (CSI), dont la mission concerne les soins curatifs et la protection maternelle et infantile, était un bâtiment vétuste en bordure de fleuve, assiégé chaque matin par une foule disparate. En 1993, fut mis en fonction un nouveau bâtiment, dont la construction répondait clairement à une politique clientéliste bien dirigée : avec l'école, le dispensaire constitue en Guyane un élément important de prestige pour une localité. Malheureusement, ce bâtiment ne prenait pas en compte les considérations proprement médicales : sa taille démesurée ainsi que son éloignement de la berge, alors que l'essentiel des malades arrive par voie fluviale, sont une aberration. Pis encore, des infrastructures de base, telles le système de fourniture d'eau potable, l'évacuation des eaux usées· du bourg, ainsi que le ravitaillement en électricité restaient archaïques ; quant au matériel médical, il est insuffisant. Dans une structure qui a coûté huit millions de francs à la France, il est arrivé que des médecins effectuent des accouchements à la lampe torche. Le personnel soignant est sous contrat annuel avec le Conseil Général, ce qui précarise la fonction. Un des agents du dispensaire est un Wayana qui fait office de traducteur.
Une fois par mois a lieu la tournée médicale en pays wayana, En quarante huit heures, un médecin et un infirmier visitent environ cinq villages, grâce à la pirogue et aux piroguiers du service de lutte départementale de désinfection ; souvent cette tournée n'est effectuée que tous les mois et demi, soit à cause d'un problème d'organisation (il faut que la pirogue soit libre), soit à cause d'un problème d'essence, En dehors de soins d'opportunité (traitement d'une crise de paludisme, d'une bronchite ou d'une conjonctivite purulente ... ), des vaccinations et d'éventuels rapatriements (pour tuberculose par exemple), le but de ces tournées est principalement relationnel : rassurer les responsables des postes de santé, dont les médecins savent qu'ils n'ont pas de formation, et montrer aux Wayana qu'ils seront les bienvenus au dispensaire.
Le service de lutte départementale antivectorielle, qui fonctionne indépendamment du CSI mais sous l'autorité de la DDASS-Guyane, effectue régulièrement des tournées de dépistage sanguin des hématozoaires, associées à des actions de lutte contre l'anophèle et de pulvérisation contre les puces chiques.
Du CSI dépendent deux postes de santé, l'un à Antecume, l'autre à Twenke, réalisés sur fonds privés puis intégrés dans le système. Les principaux problèmes de santé rencontrés dans ces centres sont des problèmes infectieux (paludisme au premier plan, quelques foyers de tuberculose), des diarrhées de l'enfant avec déshydratation, des problèmes dentaires, des blessures diverses et tout ce qui touche à la grossesse, à l'avortement et à l'accouchement. Les cas graves bénéficient d'évacuations sanitaires sur Cayenne. Cependant, les agents locaux sont unanimes à réclamer la création d'un poste spécifique à l'hôpital du chef-lieu destiné à réguler les séjours des gens des fleuves : en effet, les familles restent souvent sans nouvelles des malades durant l’hospitalisation, ce qui fait redouter ce mode de prise en charge.
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On est donc dans la situation, rare, d'une médicalisation réalisée de façon centrifuge et presque contre le gré des autorités sanitaires, qui ont néanmoins fini par accepter la fusion des soins privés "clefs en main" avec le système médical régional ; à ce processus, les médecins de secteur ont prêté leur bonne volonté. L'initiative locale a, en quelque sorte, forcé la main à l'institution, mise devant le fait accompli ; dans un second temps, cette dernière a récupéré le projet dont elle aurait dû être l'initiatrice. On comprend que les Wayana ne perçoivent pas la biomédecine comme un système homogène et organisé, mais comme un ensemble de recours éparpillés qu'il convient de ne pas négliger pour certains problèmes précis.
Depuis trois ans, les choses se sont bien améliorées à Maripasoula, dont le CSI est maintenant bien pourvu en personnel médical et paramédical. Par contre rien n'a changé en pays wayana (un des postes de santé, vétuste, menace ruine), mais aussi du fait de l'agent amérindien qui, pourtant fort bien rémunéré, s'en occupe peu et irrégulièrement. Cette situation a conduit certains responsables wayana à demander l'installation d'un véritable infirmier métropolitain sur place.
Qu'en est-il des problèmes spécifiques à la dentisterie ? Une rocambolesque compétition entre dentistes libéraux, contractuels et militaires, a fait rage dans la région de 1988 à 1993, les soins étant, en conséquence, donnés en dent de scie ; les tournées en pays wayana, devenues plus rares, ont été finalement supprimées, le seul recours restant André Cognat, fondateur du dispensaire d'Antecume, improvisé dentiste autodidacte par la carence généralisée. En 1995 on était arrivé à un délaissement complet de la zone en ce qui concerne les soins dentaires.
On l'a compris, nous sommes encore, en ce qui concerne la dentisterie, dans une logique de pays sous-développé, Aussi la solution qui est en train de se mettre en place dans ce département français est-elle une solution pour pays sous-développé : un accord a été conclu avec une ONG, l'Association Odontologique Internationale, afin qu'elle prenne ce secteur en charge. Un dentiste n'a pas manqué de souligner le problème éthique posé : "En mobilisant une ONG pour un département français, ne prive-t-on pas des populations bien plus nécessiteuses de cet avantage ?"
Les Wayana sont devenus familiers de l'emploi des principaux médicaments. Ils donnent l'impression d'une bonne santé, notamment les enfants, Il ne fait aucun doute cependant qu'ils demeurent une population vulnérable, et que si l'assistance médicale venait à leur manquer, ils retomberaient rapidement dans la situation critique dans laquelle ils se trouvaient dans les années 1950.
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On ne saurait en terminer avec la médecine dans le haut Maroni sans aborder la question de l'intoxication au mercure. Ce problème ancien (la région a connu une première ruée vers l'or à la fin du XIXe siècle), resurgit de façon singulièrement plus nette, aujourd'hui qu'une seconde ruée, beaucoup plus mécanisée et menée par des Aluku, défigure de nombreux cours d' eau (Grasmick & all., 1998 ; Fleury, 1998 ; Orru, ce volume). Il s'agit là d'un problème politique qui peut être posé de la façon suivante : comment les autorités françaises vont-elles :se positionner par rapport à l'orpaillage dont dépend la santé des Amérindiens et des Aluku ? Dans' ce contexte, les Wayana se montrent particulièrement attentifs à toute action de l'État. Par exemple, ils ont eu du mal à comprendre comment le Préfet, après avoir ordonné l'évacuation des barges du Tampok en 1997, a pu toléré leur retour quelques temps après...
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- Enseignement
Le développement inconsidéré de la scolarité est un autre pilier capital de la modernité. Sans tenir aucun compte de la spécificité culturelle des Wayana, on leur a imposé le système d'enseignement de la Métropole, les mêmes programmes et la même orientation. Après une période marquée par un enseignement ouvert aux aménagements, l'inadaptation triomphe aujourd'hui : on ne compte pas moins de six écoles de village et quinze enseignants, la plupart métropolitains, pour 360 enfants amérindiens. La francisation ayant été poussée à ses dernières conséquences, on a entrepris de verser dans le cycle secondaire, sans sélection, la totalité des adolescents.
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Le collège d'Antecume (de la Sixième à la Troisième, relié à la structure nationale de haut niveau qu'est l'enseignement par correspondance (CNED), tente aujourd'hui d'établir une contre-offensive nécessitant le soutien d'enseignants titulaires et un matériel pédagogique perfectionné, notamment informatique, avec cependant le risque d'une inégalité d'accès des jeunes Wayana à la culture occidentale.
Il n'en demeure pas moins que la suggestion exercée sur l'ensemble de la jeunesse est si profonde que la quasi-totalité d'entre eux sont persuadés d'entrer à l'âge adulte dans la fonction publique. A ce niveau, la rupture culturelle est irrémédiable : ils tendent à devenir des étrangers dans leur propre pays. Le petit Wayana apprend exactement les mêmes choses que le petit métropolitain, l'Education Nationale n'ayant pas voulu adapter l'enseignement. Parler de Charlemagne plutôt que du héros culturel Kaïlawa, [344] parler de la Guerre de Cent Ans plutôt que des guerres interethniques constituent un acte politique critiquable ; à côté de cela, ne pas profiter de cette occasion pour présenter les institutions de la République et leur fonctionnement est une ineptie ...
Le bilan est globalement négatif. Jusqu'en 1992, il n'y avait aucun adulte wayana réellement francophone, même si un certain nombre d'hommes jeunes parvenaient à formuler quelques phrases, résultant de leur salariat épisodique. Seuls deux adolescents pouvaient se targuer d'être bilingues ; après des études secondaires sur la côte, l'un jusqu'en seconde technique, l'autre jusqu'en Première, ils sont actuellement employés dans le cadre du Parc Naturel, sans avoir abouti à aucun diplôme.
L'école est très valorisée : on souhaite pour les garçons des diplômes débouchant sur des métiers précis leur permettant de travailler dans la communauté, comme infirmier, instituteur, agent d'entretien, employé du Parc Naturel. La création d'une maternelle a même été demandée par certains parents désireux d'être déchargés, pour quelques heures et en toute sécurité, de leur encombrante progéniture.
Depuis 1992, de nombreux jeunes des deux sexes capables de s'exprimer en français sont utilisés comme traducteurs. Tandis que l'immense majorité des garçons continue en Sixième à Maripasoula, beaucoup de filles arrêtent leur scolarité à la fin du primaire, lorsqu'il leur faudrait quitter le village : d'une part, les parents ne veulent pas prendre le risque de se séparer de leurs filles devenues nubiles, d'autre part, puisque dans cette société, il revient aux hommes de décider pour leur famille et de parlementer avec les étrangers, on préfère envoyer les garçons se perfectionner dans l'éducation occidentale considérée d'une certaine façon comme une discipline du contact.
Néanmoins, même si pour les garçons le séjour à Maripasoula tient désormais lieu d'initiation, au sens de passage au stade adulte et d'initiation à la modernité, il ne va pas sans poser des problèmes d'ordre financier, affectif et culturel : on invoque notamment l'alimentation exotique déséquilibrée qu'ils absorbent comme motif d'annulation des antiques cérémonies d'initiation. Cette éducation/initiation reçue à Maripasoula est devenue fondamentale dans la vie wayana : là les jeunes reçoivent une formation complexe, à la fois intellectuelle et existentielle, où se mêlent savoir scolaire et contacts interethniques ; au bourg, ils apprennent à manipuler d'autres langues que la leur ou celle de l'école (aluku, anglais, pidgin surinamien, portugais), à maîtriser d'autres techniques (football, poste, mairie...), d'autres pratiques sociales (débrouillardise, alcool, drogue...) et d'autres types de relations (négociation, soumission, coterie politique…) que celles qui sont codifiées par leur culture ; ils apprennent à situer ces savoirs et à les gérer, à se les représenter...
Le jeune scolarisé revient dans son village vecteur d'une image ambiguë de la modernité : ambiguïté car Maripasoula, village frontière, dangereux et sans loi, est une caricature de l'Occident ; ambiguïté car sur les épaules de l'adolescent déphasé reposent encore les espoirs des siens ; ambiguïté car son savoir scolaire au rabais a été dispensé par [345] un personnel peu qualifié ; ambiguïté enfin car le jeune ne peut totalement satisfaire l'attrait que lui procure ce mystérieux monde des Blancs, si éloigné qu'il en demeure frustré.
Les Wayana ont une connaissance approfondie du milieu forestier et ont développé des techniques remarquablement efficaces. Si ces connaissances ne sont pas acquises entre 8 et 14 ans, elles ne pourront plus l'être par la suite. L'individu est alors irrémédiablement handicapé. Il ne peut plus prétendre à une vie autonome et à des ressources suffisantes. Sans qualification ni argent, ni le plus souvent sans envie de vivre ailleurs que chez les siens, l'adolescent qui revient au village après une scolarité tronquée, vit un peu à la façon d'un poids mort, jusqu'à ce que ses parents ou lui-même décident de le marier.
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Deux tendances extrêmes se dessinent alors. Ou bien l'adolescent, armé de volonté, réintègre dans toute l'acception du terme sa qualité de Wayana : se marier, faire l'abattis, apprendre à construire un canot, compensant son déficit par un ensemble de connaissances étrangères devenues indispensables à la vie quotidienne et à la promotion sociale. Ou bien il se prend à rêver : travailler sur la côte ou en métropole, voire même épouser une blanche. Ceux-là ne font guère d'efforts pour acquérir le savoir traditionnel, alors qu'ils sont dépourvus de toute qualification qui leur permettrait de trouver un emploi à l'extérieur. Prisonniers de la situation, dans un entre-deux pénible tant sur le plan psychologique que social, ils ne peuvent pour autant rester d'éternels oisifs, Tel jeune homme, après deux années d'indolence, fut marié à une sienne cousine et mis en demeure d'assumer son rôle.
Des quelques adolescents qui ont pu suivre des filières techniques à Cayenne, aucun n'a encore obtenu de diplôme. Les conditions de leur séjour ne sont pas optimales, plongés qu'ils sont dans un univers inconnu plein d'interférences, sans soutien réel, livrés à eux-mêmes et démunis d'argent. Certains parents en viennent à désirer que leurs enfants, grâce à une bourse, s'expatrient en métropole où, placés dans un milieu stimulant, ils acquerraient véritablement une culture occidentale.
En conclusion, dans l'état actuel des choses, on ne peut que recommander cette dernière solution, qui paraît la moins mauvaise, et la suppression de l'étape de Maripasoula.
Les adultes, les femmes surtout, ayant marqué un grand intérêt pour une tentative d'alphabétisation de bon niveau ayant tourné court faute d'horaires suffisants, l'entreprise mériterait d'être réactivée sur des bases plus volontaristes. On reste persuadé qu'une information civique sur les institutions (mairie, département, Région, État...), les financements (allocations familiales, RMI... ) ou encore le projet de Parc Naturel, trouverait là un accueil favorable.
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Il est souhaitable que les Wayana maîtrisent les fonctions d'enseignement, de santé, et quelques fonctions techniques (mécanique moteur, électricité) qui leur permettront de fonctionner de façon relativement autonome, ce qui correspond à leur façon de voir. Tant que les Wayana manqueront non pas d’une élite interne à leur système, mais d'une élite qui ait acquis des savoirs et des savoir-faire scolaires, techniques et politiques suffisants pour négocier avec le monde extérieur, ils resteront tributaires soit des Aluku, soit des Çréoles, soit des Blancs, soit encore d'autres groupes, amérindiens dominants comme les Galibi : ils ne pourront guère influencer, pour autant que cela soit possible, leur propre devenir.
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- Économie
Les Wayana ont coupé leurs cheveux et sont désormais habillés comme tout le monde. Il leur est devenu impossible de se passer d'argent. Ils doivent se procurer de l'essence, acheter des moteurs hors-bord, des pièces pour les entretenir, les ingrédients culinaires devenus indispensables (huile, sel, sucre, café... ), se vêtir et vêtir leurs enfants, acheter les fournitures scolaires ... Pour autant, tous font encore leur abattis et fabriquent l'artisanat nécessaire au quotidien, puisque l' auto subsistance demeure la règle. Passons rapidement en revue les principales solutions que les Wayana ont mis en oeuvre pour gagner de l'argent :
• Chasser ou pêcher davantage, seul ou en groupe, pour revendre le surplus à Maripasoula, aux orpailleurs des placers, voire même, désormais, à d'autres familles ou la sienne propre (toujours au même prix), Cela nécessite l'achat d'un congélateur.
• Devenir pêcheur artisanal. La confluence Alitani-Marouini marquée par une zone de 20 km2 de rapides, concentre les poissons attirés par la végétation aquatique. Conjuguant les techniques, telles que arc traditionnel, lance-harpon, filet, pêche de nuit à la lampe branchée sur batterie automobile, quelques uns vendent quasi-quotidiennement le produit de leur pêche. De surcroît, on assiste en saison sèche à un abus des pêches au poison (nivrées) qui finissent par avoir un impact raréfiant sur le potentiel halieutique.
• Fabriquer de l'artisanat pour la vente ; authentique vitrine de la culture wayana sur la côte, c'est là une activité qui a beaucoup évolué au sein de deux structures concurrentes, l'une privée, l'autre coopérative, qui ont su rapporter des revenus non négligeables à un certain nombre de Wayana (entre 10.000 FF et 23.000 FF annuels). Soulignons que cette vente d'un artisanat qui a su garder un caractère authentique et une très bonne facture esthétique, combine deux particularités importantes : c'est la seule [347] activité économique qui permette aux femmes de gagner de l'argent, et la seule qui soit accessible aux personnes âgées.
• Etre salarié à temps plein. C'est une activité enviée, mais rare ! On comptait en 1998, pour le haut Maroni : trois agents de santé, trois agents pour le Parc Naturel, trois médiateurs culturels bilingues, quatre chefs traditionnels et un chef général (Grand Man) rétribués. Ce secteur est appelé à se développer avec la généralisation des écoles, celle des postes de ,santé et, peut-être un jour, la mise en place du Parc Naturel.
• Etre salarié épisodique. Il s'agit d'une activité plus répandue que la précédente, qu'il s'agisse de travailler quelques mois comme boussolier ou layonneur pour le BRGM ou toute autre compagnie minière, de collaborer avec le chercheur scientifique en mission, d'assurer des transports en pirogue, rarement de travailler à l'orpaillage avec des Brésiliens ... Une activité se détache ici : grâce à l'obtention de fonds divers (CES, LES ... ), A. Cognat développe, selon une politique qui lui est propre, son village de façon massive, ce qui nécessite de nombreux travaux (fabrication de bardeaux, de planches, construction de maisons, entretien ... ) pour lesquels il emploie les hommes du village ; il s'agit là quasiment d'une entreprise.
• Monter un petit commerce de détail. Nombreux sont ceux qui ont essayé, rares ceux qui ont persisté, La tendance est aujourd'hui à la concentration, contrairement aux années 95 où les points de ventes essaimaient : on y trouvait selon le cas quelques bières tièdes, des cartouches, des poulets soi-disant congelés, de l'essence, des sucreries ou des cigarettes ... En fait, beaucoup se constituaient comme agents de commanditaires de Paramaribo. A la suite d'une série de déconvenues de part et d'autre, il ne reste plus que cinq commerces, dont un conséquent (propriété d'un salarié permanent combinant ainsi deux sources de richesses, la première lui ayant permis de constituer la seconde). On trouve aussi quelques fournisseurs réguliers d'essence.
• Il faut ajouter à cette liste variée celle, naissante et profitant surtout aux femmes, des avantages sociaux. Ces dernières ont mis du temps à se rendre compte que les livrets de famille que leur délivre la municipalité de Maripasoula leur donnent droit aux allocations familiales et/ou aux allocations de parent isolé. Aucune information n'a été fournie aux Wayana sur l'origine de ces subsides, dès lors conçus comme des droits liés à la nationalité française. Depuis peu le RMI, qu'ils n'ont pas demandé mais qu'on leur impose, pénètre le monde wayana, sur le modèle des Aluku... Si l'on se réfère à ce qui se passe chez les Amérindiens de la commune de Camopi, on peut craindre que ce soit là le début de l'alcoolisme, dont on sait les effets désastreux sur les Amérindiens. On peut raisonnablement penser qu'en 1998 une vingtaine de foyers étaient concernés par ce mode de financement appelé à s'étendre par le processus de naturalisation en cours.
• La liste serait incomplète si l'on omettais de signaler l'octroi de bourses pour les jeunes qui vont en secondaire, ces dernières étant généralement considérées comme une forme d'allocations parmi d'autres. Il n'est donc pas étonnant de rencontrer tel [348] adolescent, bon élève, obligé d'interrompre sa scolarité à Cayenne car sa mère gardait pour elle cette manne inespérée.
On voit ainsi le large éventail de pratiques qui permettent aux Amérindiens de pourvoir à leurs besoins d'ordre monétaire. Les Wayana n'avaient demandé aucune forme d'assistance. À quoi bon redire après tant d'autres, que le RMI et les autres allocations sont des absurdités dans ce milieu socioculturel où ils sont distribués sans aucune contrepartie, Qui peut dire si, dans ces conditions, ils n'abandonneront pas, d'ici quelques années, leurs activités ? Il y a encore assez de bras pour cultiver et pêcher. Mais que l'assistanat conjugué avec l'éducation inadaptée continuent encore dix ans, et cette société ne produira plus sa nourriture, Elle sera encombrée de demi-intellectuels qui se refuseront à tout travail manuel et qui y vivront en parasites. En outre, les plus doués seront partis, absorbés par le milieu urbain. Le désastre ne sera perçu que quand il sera trop tard.
Il est évident qu'il serait bien plus productif et raisonnable d'aider les associations existantes afin de dynamiser une production artisanale actuellement en perte de vitesse. Cette aide comporterait un versant éducatif (formation des responsables d'associations), un versant économique (subvention pour la relance) et un versant logistique (acheminement des objets vers les points de vente...). À ce propos, un projet de maison commune à Cayenne, où chaque groupe ethnique de Guyane trouverait une vitrine en même temps qu'un 1ieu de promotion de sa culture et de son artisanat, n’a toujours pas vu le jour.
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Cela étant, trois éléments semblent dignes d'intérêt, à différents niveaux :
• Quelques rares personnes accumulent les sources de profit et commencent à capitaliser. L'argent procure prestige et pouvoir, alors que jusque là c'était l'excellence dans les activités traditionnelles - pêche et chasse principalement - qui primait. Il ne faudra donc pas s'étonner si, à court ou moyen terme, les jeunes s'orientent vers sa quête, au prix de l'abandon des activités vivrières traditionnelles. Le critère qui déterminera une élite dans quelques années risque fort d'être exclusivement économique, sans compter l'irruption des inégalités sociales dans une société qui en était jusqu'alors préservée.
• Les instituteurs, qui jouent généralement le rôle d'instigateurs, d'initiateurs et de préposés aux écritures, ont su favoriser l'émergence dans les villages d'associations à but culturel ou sportif. Leurs fonds proviennent du Conseil Général ou de l'État, à l'exception notable des associations artisanales. Une subvention versée par le Parc Naturel a permis de construire un tukusipan (grande case collective destinée aux visiteurs [349] et aux fêtes) au village Taluwen ; ce fut d'ailleurs un acte politique important de la part d'un jeune leader wayana. Pour l'instant, il faut bien dire que ce sont les Blancs (pour ne pas dire les instituteurs) qui dynamisent et soutiennent ces activités. En tout cas il y a là un réseau prêt à recevoir certains types de financements communautaires,
• Depuis quelques années les Amérindiens ressentent des difficultés croissantes à se procurer des aliments carnés. Il faut aller de plus en plus loin pour chasser et pêcher, en utilisant toujours davantage d'essence... Cette tendance avait déjà été signalée par Chodkiewicz (1980) à la fin des années 70, Le problème de l'espace et des ressources, généré par la sédentarisation, se pose de plus en plus vivement, contribuant à valoriser encore davantage les activités monétaires et induisant de nouvelles attitudes qui témoignent d'une crise du tissu social : apparaissent des tensions pour le choix de l'emplacement des abattis ; nécessitant de la nourriture en abondance, les fêtes s'espacent ; on commence à se vendre les produits de la chasse et de la pêche entre membres d'une même famille... Or c'est ce moment difficile que les instances oeuvrant à la création du Parc Naturel choisissent, pour dire aux Amérindiens qu'ils devront limiter leur périmètre agricole et leurs activités prédatrices, alors que dans le même temps, l'orpaillage sauvage induit des intoxications au mercure et des invasions de territoire. Sur ce problème aussi les Wayana réagissent : un chef de famille réclame une étude pour la pisciculture ; il est demandé de l'aide pour étudier, conseiller et mettre en place des élevages de poulets, de pécaris, pour implanter des plantes nouvelles... Aussi intéressantes que peuvent sembler ces suggestions, elles ne remplaceront jamais le mode d'exploitation équilibré et rationnel de l'écosystème, tel qu'ils le pratiquaient il y a encore une petite quinzaine d'années.
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2.3.4. Conclusion
Ce survol de la situation des Amérindiens aux confins d’un territoire français a permis de mettre en lumière les principaux problèmes existants et ceux qui risquent de se poser à brève échéance. À la base des rapports actuels que la société wayana entretient avec la modernité se rencontre une grave crise de confiance envers les représentants de l’État, générant incertitude sur l’avenir, méfiance pour le présent, perte de dynamisme…
Ce que les Wayana attendent de l’État, ce sont des actes, non des paroles. Leurs interrogations sont multiples : où est le pouvoir ? Entre les mains des Aluku, qui tiennent la municipalité de Maripasoula, exploitent l’or en bravant la législation, polluent et empiètent sur leurs terres ? Entre celles des Créoles, qui tiennent le Conseil Général et le Conseil Régional, les postes de députés et de sénateurs, et viennent, au moment des élections, distribuer quelques gadgets sans prendre la peine de faire de promesses (n’étant pas encore tous français, les Wayana ne représentent que peu d’électeurs) ? Ou bien entre celles des Blancs, qui passent rapidement faire de beaux discours dont on ne voit jamais les résultats ? Et quels Blancs : le Préfet ? Le responsable de la Mission pour la Création du Parc Naturel ? Des gens là-bas, à Paris ? Un ministre ? C’est quoi, à propos, un ministre ? Qui détient le pouvoir ? Qui décide ? Et finalement, qui croire ? Qui écouter ? À qui adresser des propositions ? Pour l’instant, les Amérindiens ne disposent d’aucune réponse claire à ces questions : le pouvoir partenaire dont ils ont l’expérience est émietté, changeant, variable, lointain, vague, inefficace…
On pourrait souhaiter, de leur côté, la création d’une sorte de conseil communautaire, composé de représentants de chaque groupe familial de chacun des villages (tout autre mode de représentation serait illusoire), qui serait l’organe chargé de proposer et de négocier. On préfère jusqu’à maintenant faire venir à Cayenne ou à Paris quelques jeunes non représentatifs et non mandatés par les adultes pour prendre la parole ou s’engager, et leur donner l’illusion d’un débat…
Une plus grande attention aux associations autochtones, qui sont un des pôles potentiels du dynamisme wayana, semble requise : formation, aide, valorisation sont les maîtres mots de cette intervention. Les Wayana ont conservé leur individualité ethnique, leur langue et l’essentiel de leurs coutumes. Ils auraient ainsi la pleine maîtrise d’un des modes de gestion du rapport à la modernité auquel ils sont le plus habitués et qui paraît le plus proche de leurs valeurs : laisser à chacun le choix de ses activités, de sa production, tout en restant dans le cadre traditionnel.
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