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Présentation générale de l'ouvrage
Anita Caron *
Dans la série des colloques consacrés à des leaders qui ont marqué la vie politique québécoise des cinquante dernières années, l'Université du Québec à Montréal a tenu à examiner, analyser et évaluer le rôle exercé par Thérèse Casgrain comme militante féministe et pacifiste et comme chef de parti au Québec.
Ce colloque, qui s'est tenu à l'Université du Québec à Montréal les 20, 21 et 22 mars 1992, a regroupé quelques centaines de personnes qui avaient connu Thérèse Casgrain ou qui s'intéressaient à l'un ou l'autre aspect de sa carrière politique. Neuf thèmes ont été abordés au cours de ce colloque.
Un premier atelier s'est appliqué à mettre en lumière certains traits de personnalité de cette femme remarquable, de même que les grands moments de son action militante et politique. La première section de cet ouvrage consacré à la personne et à la carrière de Thérèse Casgrain propose donc une brève biographie qui s'accompagne de témoignages de personnes qui, à un moment ou l'autre, ont partagé les luttes de cette leader politique.
Le deuxième atelier s'est plus précisément penché sur l'engagement féministe de Thérèse Casgrain qui peut, à juste titre, être considérée comme une pionnière du mouvement suffragiste au Québec. La deuxième section de cet ouvrage rend compte des témoignages et des analyses qui ont tenté de définir et de cerner les modalités de cet engagement.
C'est, pour une large part, en travaillant à la défense de droits fondamentaux dont les femmes étaient privées que Thérèse Casgrain a contribué à les introduire peu à peu dans la vie sociale et politique. C'est ce que met en évidence la troisième section de cet ouvrage qui [xiv] présente les multiples interventions de madame Casgrain pour l'obtention du droit de vote des femmes, pour leur égalité juridique et leur accès à la vie professionnelle.
Compte tenu de l'impact qu'a pu avoir sur la scène politique québécoise un événement comme celui des Yvettes, il a paru opportun, par ailleurs, aux organisatrices et aux organisateurs de ce colloque d'y consacrer un atelier. La quatrième section de cet ouvrage démontre donc comment, sans en avoir été l'initiatrice, madame Casgrain a apporté son appui au grand rassemblement de femmes qui s'est tenu à cette occasion.
Ce qui cependant fait l'unanimité des analystes qui examinent la carrière de cette dame courageuse et tenace, c'est son engagement à l'égard des droits individuels et sociaux. Il importait donc d'accorder une attention toute spéciale aux luttes menées par Thérèse Casgrain pour que les chèques d'allocations familiales soient, au Québec, versés aux mères comme cela se faisait dans les autres provinces canadiennes ; pour que les droits des consommateurs soient protégés ; pour que les travailleuses et les travailleurs aient des conditions décentes d'emploi ; pour que les femmes autochtones puissent conserver leur statut d'indiennes. La cinquième section de cet ouvrage retrace ces différentes interventions qui mettent en évidence l'option de Thérèse Casgrain pour la justice sociale. On y rappelle, en outre, que madame Casgrain fut l'une des membres fondateurs de la Ligue des droits de l'homme au Québec et qu'elle en a assumé la vice-présidence de 1966 à 1969.
L'action de Thérèse Casgrain ne s'est pas pour autant limitée aux frontières nationales. Elle a notamment été appelée à représenter la Co-operative Commonwealth Federation (CCF) sur des tables internationales. Elle a assumé, également, la présidence de l'aile québécoise de La Voix des femmes qui militait en faveur de la paix dans le monde. Son féminisme l'a ainsi conduite à devenir une militante pacifiste. La sixième section de cet ouvrage s'attache à analyser quelques facettes de cet engagement en faveur de la paix qui a mobilisé bon nombre de féministes de tous les pays et les continents.
Son adhésion au CCF a de toute évidence fortement marqué ses interventions au plan international. Il convenait donc qu'un atelier spécifique s'applique à cerner plus précisément l'apport de Thérèse [xv] Casgrain au cheminement de ce parti dont elle a assumé la direction au Québec et sous l'égide duquel elle s'est portée sept fois candidate. La dimension socialiste qu'elle fait sienne donne en effet une coloration particulière à l'action politique de cette femme issue de la classe bourgeoise. La septième section de cet ouvrage rend compte des analyses et des débats de cet atelier.
On serait tenté de croire qu'il ne s'agissait là que d'un « intermède » dans la vie de Thérèse Casgrain qui, au plus profond d'elle-même, serait restée fidèle à la pensée libérale dans laquelle ses relations familiales et sociales l'avaient baignée. La huitième section, qui aborde ce questionnement, montre pourtant qu'elle a cru bon, comme elle en témoigne elle-même dans ses mémoires, se distancer de cette idéologie en raison de l'impossibilité pour un parti de ce type de défendre efficacement les causes qui lui tenaient à cœur.
Les témoignages rassemblés dans la neuvième et dernière section font enfin ressortir comment cette femme, qui n'a jamais été élue comme représentante auprès d'un gouvernement, a joué, par ailleurs, un rôle politique de premier plan. Elle avait en effet un sens inné des leaderships formel et informel. Elle a su également utiliser tous les moyens mis à sa disposition dans les luttes qu'elle a menées tout au long de sa vie. Elle a connu des victoires et des échecs mais jamais elle ne s'est laissé abattre par les difficultés.
Voilà ce que le colloque a permis, entre autres choses, de mettre en évidence. En rassemblant dans cet ouvrage les communications présentées dans ce colloque, nous espérons contribuer à mieux faire connaître le rôle exercé par cette femme exceptionnelle dans différents domaines de l'histoire du Québec, et cela pendant plus d'un demi-siècle.
* Anita Caron est directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal et coordonnatrice du colloque.
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