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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Montréal, Le Devoir, le 21 janvier 2004, page A-7 - idées.

Le respect de la différence
Relativisme culturel, droit et démocratie

par Daniel Côté, anthropologue, candidat au doctorat, Université de Montréal.
[email protected]


Ce commentaire vise à apporter certaines nuances et précisions à la suite du texte du professeur Yao Assogba sur la dérive du concept de relativisme culturel, paru dans cette section du Devoir le 7 janvier dernier. Si je partage certaines idées présentées, la facture générale de ce texte laisse place à de nombreuses faiblesses que je vais tenter de souligner et de critiquer.

Depuis la constitution des sciences sociales au XIXe siècle, dont celle de l'anthropologie, le concept de culture a progressivement occupé une place importante, sinon fondamentale. Il est devenu le concept clé qui sert à aborder la question de la différentiation sociale sur la base des systèmes de pensée et des principes d'organisation sociale.

La culture se définit en effet comme un système de sens et de pratiques organisé autour de référents symboliques puissants qui ordonnent les rapports sociaux de manière cohérente. Elle se perpétue au moyen de l'éducation et, de par la nature changeante de notre condition matérielle et par le côté créatif de l'être humain, elle se présente aussi comme un principe d'adaptation aux aléas de la vie, que cela passe par des innovations technologiques ou par des élaborations philosophiques ou idéologiques complexes.
J'insiste donc sur l'ancrage historique de la culture, contrairement à l'idée lancée par le professeur Assogba, pour qui la culture apparaît comme un ensemble assez rigide, fixiste et figé dans le temps. Je le cite à cet effet : «[...] le relativisme culturel soutient que les membres d'une communauté et leurs valeurs sont enfermés de manière irrémédiable dans des systèmes culturels particuliers : à chaque communauté sa culture, et à chaque culture ses valeurs.» Or le relativisme ne soutient rien du tout en dehors de ce que certains individus soutiennent en son nom, et ce, à des fins intéressées et pas toujours très nobles, comme ce fut le cas de l'avocat Yves Boutillier, qui sert d'exemple au professeur Assogba.

Je suis de ceux qui défendent une vision processuelle et dynamique de la culture, contrairement à certaines écoles qui la présentent comme une sorte de folklore ou ce que j'appelle le syndrome de la bulle de verre, où on enferme des cultures dans un espace-temps stagnant et dépourvu de possibilité évolutive. [...]

Le relativisme culturel

Le professeur Assogba écrit : «Dans une société démocratique pluriculturelle, le relativisme pose des problèmes dès lors qu'en éthique on pose, d'une part, l'universalité des droits de la personne et, d'autre part, le droit à la différence des singularités culturelles [...] mais dont les pratiques portent atteinte à la dignité de la personne [...]. Cela peut renforcer les préjugés à l'endroit de certaines communautés et cultures et pérenniser leur stigmatisation.»

On pourrait considérer longuement les implications de cette affirmation, et c'est pourquoi je m'acharnerai sur un sous-entendu qui provoque ma stupéfaction : qu'est-ce qui, dans les cultures étrangères à la nôtre, porte atteinte à la dignité de la personne en permettant des actes de barbarie ? Le professeur Assogba demeure muet sur cette question.

D'un point de vue éthique, tout ce qui est répressif, ségrégationniste et discriminatoire doit disparaître des mœurs et coutumes en accélérant la mise à jour vers les grands principes éthiques de respect et de tolérance mutuelle qui régissent les rapports entre les États et les différents acteurs sociaux et politiques en présence. Toutes les aberrations commises dans le monde au nom d'une quelconque idéologie ou tradition n'invalident pas le principe du relativisme culturel nécessaire à la cohabitation pacifique entre des peuples de culture et de religion différentes. Sans le relativisme culturel, une société plonge inéluctablement dans l'intolérance et le clivage ethnique.

Le professeur Assogba prétend le contraire en parlant de l'«assemblage de ghettos» issu selon lui d'un «détournement d'un sain relativisme». La ghettoïsation est-elle vraiment causée par le relativisme, comme il le prétend, ou par la faillite d'une procédure d'intégration qui laisse à eux-mêmes les nouveaux arrivants qui s'en remettent à leur propre communauté culturelle dans l'indifférence presque générale ? [...]

Le professeur Assogba semble confondre l'attaque du relativisme utilisé par un avocat qui préfère la démagogie à la sagesse du discernement et le principe même du relativisme nécessaire au respect des différences et à la cohabitation pacifique de citoyens qui ne partagent pas nécessairement la même vision du monde. Qu'il précise alors en quoi cette différenciation ethnique menace la stabilité et la cohérence de nos institutions civiles et juridiques, à moins qu'il ne préfère sombrer à son tour dans la démagogie d'un discours qui renforce le mépris de nos principes démocratiques de respect de la différence.

En conclusion, je tiens à préciser qu'il est nécessaire de dresser des limites et qu'il faut en cela définir collectivement l'application du relativisme sur le plan juridique. Le relativisme culturel que dénigre le professeur Assogba concerne justement cet aspect qui régit notre vivre-ensemble en établissant des balises juridiques. Il faut cependant éviter le glissement d'un relativisme culturel vers un relativisme juridique. [...] Si une sentence judiciaire ne doit pas être modulée selon l'origine ethnique de l'accusé, qui doit se soumettre au même traitement que celui imposé aux membres de la majorité, cela n'invalide pas en revanche l'idée du relativisme culturel, qui présente de nombreuses applications en dehors du droit qui sont aussi constructives qu'élémentaires en démocratie.

Fin du texte.

Réponse à l'article du Dr. Assonba:

Dr Yao Assogba, sociologue et professeur au département de travail social et des sciences sociales de l'Université du Québec en Outaouais, “
Les effets pervers de l'hyperrelativisme culturel. Le droit et le contexte culturel peuvent-ils faire bon ménage ? ” Un article publié dans Le Devoir, Montréal, Édition du mercredi, le 7 janvier 2004 – page A6 - Idées. [Autorisation de reproduire accordée par l’auteur le 11 janvier 2004]

Voir la réplique de M. Aassongba, le 18 février 2004

Retour au texte de l'auteur: Daniel Côté, anthropologue, candidat au doctorat, U. de Montréal Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 19 février 2004 19:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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