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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du livre de M. Jean-Paul Desbiens (philosophe et essayiste québécois), “Ombrageux royaume”. Un article publié dans la revue Possibles, vol. 12, no 2, printemps 1988, pp. 31-43. [Autorisation accordée par l'auteur le 20 janvier 2005 de diffuser la totalité de ses publications.] Introduction La langue est maternelle ; La souche indo-européenne du mot région exprime le mouvement en droite ligne. De cette souche sont issus, entre autres, les mots : diriger, régler, régir, royaume, région. Deux idées se dégagent de cette ramure de sens : l'idée de limites et l'idée de droit. De là, on peut conclure que la région à l'état pur, la région par excellence serait, d'une part, un territoire naturel, c'est-à-dire délimité par la géographie et, d'autre part, un territoire politique, régi par un Droit propre. À l'intérieur des États contemporains, il n'existe plus de régions qui coïncident avec cette définition. C'est seulement en un sens très large que l'on peut encore parler de régions. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, cependant, réalise l'idée de région davantage que l'Estrie ou les Bois-Francs, par exemple (ou encore Trois-Rivières), en ceci d'abord que le Saguenay-Lac-Saint-Jean possède des frontières naturelles ; ensuite, parce qu'il conserve des traits culturels particuliers. La première des deux affirmations précédentes relève de l’évidence : les Laurentides délimitent la séparation naturelle entre le SaguenayLac-Saint-Jean et le reste du Québec. Jusque vers 1950, cette barrière constituait en fait un obstacle considérable qui refermait la région sur elle-même. De juin à octobre, on pouvait certes « monter » à Québec par voie de terre, mais cela représentait une expédition, et il y fallait une raison sérieuse. Quelques centaines de voyageurs pouvaient l'entreprendre chaque année. Le reste de la population restait sur place, c'est le cas de le dire. Ceux qui « revenaient » de Québec ou de Montréal étaient fort courus, à leur retour. Je me souviens d'un vague cousin qui était allé à Montréal. Une chose l'avait frappé surtout : « Mon Dieu qu'il y a du monde, à Montréal ! » Pour ma part, l'écoutant parler, je n'arrivais pas à comprendre comment les autos pouvaient arrêter ensemble aux feux de circulation. On m'assurait pourtant que la chose se faisait. La ville, pour moi, c'était Chicoutimi, Jonquière, Alma, Roberval, où je ne suis d'ailleurs jamais allé de toute mon enfance. Les Laurentides barraient l'accès vers le sud. Le nord demeurait ouvert, bien sûr, mais le nord est une frontière d'une autre sorte : la frontière de la culture au sens premier du terme. Passé Dolbeau, il n'est plus question de cultiver l'avoine ni, a fortiori, le blé. Au bout du compte, le SaguenayLac-Saint-Jean, c'est une couronne de terre cultivable d'une quarantaine de kilomètres de large autour du Lac, rattachée à deux bandes de terre au nord et au sud du Saguenay. Et voilà pour l'enfermement naturel. Il faudrait même parler de deux régions : le Lac-Saint-Jean, rural et forestier ; le Saguenay, industriel et commercial. Les gens de la région, d'ailleurs, ont toujours tenu à marquer la différence. Ils l'ont toujours sentie. En vérité, la distance entre Dolbeau et Chicoutimi est plus grande que celle qui existe entre Saint-Georges-de-Beauce et Québec ou encore, entre Québec et Trois-Rivières. Au-delà de la distance, toutefois, c'est le mode de vie et l'environnement institutionnel qui différenciaient les deux régions. Tout cela, aujourd'hui, s'estompe. Le développement des moyens de transport télescope les distances. De toute façon, les déplacements, temporaires ou permanents, se font davantage selon l'axe nord-sud que d'ouest en est.
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