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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Nicolas DESURMONT, “Biopsychiatrie, loi du marché et politique criminelle: les récentes tendances.” Un article publié dans la revue Psychologie clinique, 2017/1, no 43, pp. 152-170. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 22 août 2017 de diffuser ce texte en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[152]

Nicolas DESURMONT [1]

Consultant en criminologie, Belgique

Biopsychiatrie, loi du marché
et politique criminelle :
les récentes tendances
.”

Un article publié dans la revue Psychologie clinique, 2017/1, no 43, pp. 152-170.

Résumé / Summary [152]
Introduction [153]
Le règne de la biopsychiatrie dans la pratique policière [153]
Le fonctionnement de la chaîne de diagnostic [154]
De l'expertise aux abus de l'industrie pharmaceutique [156]
Prestige symbolique, appel à l'autorité : la biopsychiatrie comme forme exclusive d'expertise [158]
Fraude pharmaceutique et objectif des soins de santé : guérir ou vendre ? [161]
La gestion et la provocation de la peur dans le cadre du maintien de l'ordre... psychiatrique [164]
Conclusion [167]
Références [168]

Résumé

Plusieurs ouvrages font le point récemment sur la construction intellectuelle du doute et de l'occultation du savoir qu'organisent les multinationales. Il nous a semblé important de tracer un continuum théorique et polémique entre cette occultation et celle, en contexte judiciaire et policier, du mobile qui génère des violences morales sur des victimes en situation d'antagonisme juridique. Ce débat s'inscrit autour de la dynamique active entre les questions de santé et de thérapie et celles de l'ordre public. L'usage que font les industriels du discours scientifique comme instrument de propagande pour installer le doute ou valider leur paradigme scientifique a été abondamment traité par Stéphane Foucart (2013) mais aussi dans le domaine médical et pharmaceutique par Sauveur Boukris (2013) et dans l'ouvrage de J.-Claude St-Onge (2013), et celui de Van Duppen (2005), un classique en la matière pour le cas belge. Cette contribution se veut ainsi une revue d'ouvrages récents sur ces problèmes de société et tente de montrer qu'il existe bien des convergences au sein des nouvelles pratiques sociales.

Mots clés : Biopsychiatrie ; multinationales ; ordre public ; pratiques sociales ; violences morales.

Summary

Becently, several publications hâve reviewed the construct of doubt and the concealment of knowledge coordinated by multinationals. It seemed important to draw a controversial theoretical continuum between this concealment and, in the judicial and policing context, that of the motive giving rise to moral violence towards victims in situations of légal antagonism. This debate is part of the active dynamic between the issues of health and therapy and that of public order. Stéphane Foucart (2013) has extensively treated the use made by industrialists of scientific discourse as a propaganda tool to install doubt or validate their scientific paradigm. In the médical and pharma-ceutical fields there are books by Boukris Saviour (2013), J.-Claude St-Onge (2013) and Van Duppen (2005), a classic in the Belgian case. This contribution is intended as a review of recent literature on the problems of society and attempts to show that there are similarities among the new social practices.

Keywords Biopsychiatry ; moral violence ; multinational companies ; public order ; social practices.

[153]

Introduction

Le recrutement de faux experts afin de faire valider un paradigme scientifique est devenue monnaie courante et l'activité de certains scientifiques est même dénoncée comme étant à la solde des industriels, impliqués dans un climat qui crée la suspicion entre les savants et les citoyens (Thébaud-Mony, 2014). Ainsi Stéphane Foucart relate que les fabricants de tabac sont les premiers à avoir recruté de faux experts, fait publier des études biaisées (St-Onge, 2013 : p. 108). Ils ont aussi eu tendance à ne pas publier les résultats négatifs et organisé des fausses conférences scientifiques et corrompu des sociétés savantes afin de convaincre qui voudra que le tabac n'est peut-être pas responsable du cancer du poumon. Depuis, en ce qui concerne la Belgique par exemple, des études ont montré que la prévalence du tabagisme dans la population belge a nettement diminué tant chez les hommes que chez les femmes selon un sondage de la SOBEMAP entre 1963 et 2008 [2].  D'autres industriels liés à l'amiante, au gaz de schiste, aux problèmes des pesticides et à celui des perturbateurs endocriniens s'y sont ajoutés. Les conclusions de Bruce Levine, convergent avec celles des auteurs susnommés à propos de la corruption de sociétés pharmaceutiques, la recherche pseudo-scientifique, etc. Stéphane Marchand écrit que « certaines fraudes scientifiques ne relèvent ni de l'erreur de bonne foi, ni de la falsification volontaire, mais tout simplement de la corruption. Certains médecins signent en tant qu'auteurs "invités" des articles largement suggérés, voire rédigés par des laboratoires pharmaceutiques. Ces articles sont soumis pour publication à des revues médicales sans que soit révélée l'étendue de la participation desdits laboratoires [3]. »

Le règne de la biopsychiatrie
dans la pratique policière


L'invocation des troubles psychiatriques des justiciables par la police dans l'instruction des plaintes s'inscrit dans un courant épistémologique, sinon idéologique des politiques de sécurité qui concerne, bien au-delà du monde policier, judiciaire et médical, la question du rapport à la maladie et les conditions du pouvoir de l'expertise médicale. La biopsychiatrie pourrait être définie comme le fait de s'appuyer sur la biologie humaine, neuropsychiatrique avant tout mais pas uniquement, pour élaborer les causes et les traitements de la maladie mentale en s'appuyant essentiellement sur les symptômes. Les professionnels de l'industrie médicale et pharmaceutique adeptes de la biopsychiatrie, adoptent une confiance aveugle au paradigme biologique de la maladie mentale et sont persuadés que celle-ci doit être traitée au moyen de manipulations biologiques, c'est-à-dire par l'utilisation de médicaments psychoactifs. Le constat d'un déséquilibre chimique, neuropsychiatrique sur base de symptômes repose sur la subjectivité du premier maillon de la chaîne de diagnostic, l'agent de police. Autant dire que si souvent il s'agit d'utiliser la duperie et [154] autre technique d'interrogatoire pour générer le symptôme, le symptôme en soit n'a rien de très scientifique et évacue toute recherche de la causalité, ce qui évidemment serait du ressort de la police. Mais la tromperie des politiques de sécurité prend sa place dans une faille déterminante sur le plan méthodologique : le fait de substituer à la recherche des causes d'un symptôme la mission sociale de la police qui est celle de protéger la société, les individus contre eux-mêmes et contre les autres et éventuellement dès lors de considérer n'importe quel plaignant comme dangereux pour lui-même et pour les autres si, dans les faits, la recherche des causes et des faits ne s'insère pas au sein des priorités de l'organisation policière. Cette tromperie est caractérisée par le fait de déplacer l'origine du problème de l'organisation policière (la question des priorités et de l'absence de moyens pour rechercher les causes et les preuves de certains délits dénoncés) par un problème imputable au justiciable : celui d'une maladie, d'un désordre psychique reposant sur des symptômes que tout brave policier apprend à percevoir, parfois assez grossièrement, au fil de sa carrière et qui fera le bonheur des partenaires de la chaîne de diagnostic. Cette tromperie initiale a une incidence sur le déroulement du processus de la chaîne de diagnostic car elle repose ensuite sur une logique trompeuse dans l'ensemble : la manipulation de la recherche clinique par les industriels selon leurs intérêts financiers ; les tromperies sur les vertus des médicaments ; l'abus de la promotion des antidépresseurs ; la soumission des acteurs de la justice aux intérêts de l'industrie pharmaceutique et fait ainsi surgir une problématique plus profonde, qui n'a rien de militante en soi mais qui est objectivable : l'antagonisme juridique entre les plaignants et les policiers.

Le fonctionnement de la chaîne de diagnostic

S'il faut voir dans le constat policier une forme de manipulation des données scientifiques semblable aux faux experts que nous évoquions plus tôt, c'est que cette manipulation d'origine va servir toute une série de manipulations aboutissant à celle de l'opinion par l'industrie pharmaceutique. C'est ainsi que le secret de l'enquête judiciaire permet trop souvent des abus entraînant des déviances et des irrégularités dans le fonctionnement de la chaîne pénale lorsque les services de police font l'économie de la mention de leurs sources de renseignements, cette pratique étant courante surtout dans les domaines où les enjeux financiers sont importants pour les parquets. Les dommages collatéraux sont passés sous silence mais font l'objet d'une indifférence généralisée.

Dans le cadre d'une procédure judiciaire, l'examen, à l'occasion d'une expertise, de l'état mental d'une personne est souvent le résultat en amont d'un discours policier qui sert à objectiver des maladies là où il n'y a en fait que des troubles et symptômes qui exigeraient de la part des forces de l'ordre un constat de l'environnement psychosocial, familial, de voisinage, etc., des victimes. À la chaîne pénale se substitue la chaîne de diagnostic, constituée au premier rang des policiers, mais cela peut-être [155] aussi le maire (compétent en France pour réclamer une expertise), l'institution scolaire, la famille, les travailleurs sociaux, l'entourage professionnel. Dans certaines juridictions (c'est le cas du Québec) la police peut faire l'économie du magistrat pour emmener directement un futur patient ou client aux services d'urgence. Sinon le policier recours au deuxième maillon de la chaîne de diagnostic : le magistrat de la défense sociale, c'est lui qui ordonne l'exécution d'une mission aux policiers, réclamant qu'une vérification soit faite par une mise en observation, une expertise, etc. En résumé trois acteurs participent à la chaîne de diagnostic lorsque la psychiatrisation se substitue à la recherche et à la vérification des faits allégués par la victime : le policier, le magistrat et le psychiatre. D'autres acteurs de la chaîne de diagnostic vont s'ajouter par la suite : infirmiers, psychiatres, psychologues, etc. L'organisation policière clame souvent l'absence de moyens dans la recherche d'infractions, ce faisant elle devrait admettre que l'absence de recherche, de vérification, d'analyse des faits dénoncés ne peut conduire à un rapport objectif et scientifique comme le voudrait une enquête de terrain en sciences humaines. À défaut de faire ce travail, l'expédition des victimes vers le prochain maillon de la chaîne de diagnostic où le psychiatre dispose de peu d'indicateurs biologiques fiables pour parvenir à un diagnostic infalsifiable, ne peut, et ne saurait de toute évidence conduire à une enquête qui a des prétentions scientifiques.

À l'opposé, le répertoire doctrinal s'est développé autour des attentes associées à la tenue d'un procès pénal. Or la souffrance des victimes de gang-stalking n'est pas prise en compte dans le calcul des peines infligées, l'établissement des faits n'est pas considéré dans l'élaboration collective de la vérité judiciaire parles différents acteurs du procès pénal. Ainsi la doctrine ne s'est pas développée de telle manière à donner raison aux victimes de ces faits, estimant que les charges sont insuffisantes, que l'intention n'est pas avérée ou fermant tout simplement les yeux sur la commission des faits. Bien qu'il y ait des experts, qui enseignent les techniques de filature dans la majorité des organisations policières, le fait de déclarer être filé ou suivi par qui que ce soit équivaut le plus souvent à fonder le diagnostic du délire de persécution et ce en absence d'expert en matière de filatures près la Chambre des experts de Belgique.

L'absence de formes plurielles d'expertise enferme la magistrature dans un enclavement au lieu qu'elle apprenne à connaître le justiciable et qu'elle développe une conception élargie de l'objectivité. Malgré leurs réglementations et leur cadre de déontologie, c'est précisément ce travail que les policiers préfèrent éviter au profit de la recherche d'infractions incluses comme celle de consommation ou de trafic de stupéfiants, lesquelles rapportent plus au Ministère public. À la demande de constat d'une infraction, d'un délit que seul le tiers assermenté peut prouver, se substitue parfois, pour des raisons de facilité, le recours à la biopsychiatrie. L'absence de motivation dans la recherche de certains délits et infractions reflète la faillite de l'éthique et montre une logique similaire à celle du système de santé qui, initialement [156] construit pour le patient se retourne parfois, sinon assez souvent, contre lui [4]. Elle recourt pour ce faire, en situations de cas estimés procéduriers ou persona non grata (procédure vexatoire, absence d'indices, charges insuffisantes, problème de juridiction, conflit d'intérêt, dossier à toile de fond politique, etc.) à la biopsychiatrie, dont une partie de l'activité est concomitante à l'industrie juridique et policière. Cette dernière n'échappe donc pas à ce phénomène de société de la loi du marché qui se généralise et, dans ce contexte, on peut considérer les policiers comme constitutifs d'un des paliers de la construction diagnostique, ne voyant donc que ce qu'ils veulent bien voir...

De l'expertise aux abus
de l'industrie pharmaceutique

Au sujet des experts, Nortin M. Hadler écrit avec raison au sujet de l'expertise psychiatrique qu'il ne s'agit pas d'une rencontre thérapeutique : « la situation peut se révéler kafkaïenne. Gela fait des décennies, ajoute t-il, que je soutiens que les médecins participant à ces tribunaux ne se comportent pas en médecins mais en agents de l'État. Il n'existe pas de sciences valides qu'ils peuvent invoquer dans ce contexte et leurs préjugés ne sont pas plus éclairés que ceux du commun des mortels [5] ». Dirk Van Duppen a consacré ses efforts à accumuler des faits, trouver des chiffres (qu'on ne lui livrera pas sans résistance), « rassembler un grand nombre de références fiables et développer des analyses qui démontrent le grand jeu des firmes pharmaceutiques, les discours trompeurs sur les médicaments et sur la recherche, leur pouvoir sur les médecins, sur la politique de santé et sur ses budgets [6] ». S'intéressant au cas belge Van Duppen traite de l'attitude négligente des ministres à l'égard du marché pharmaceutique, le coût toujours plus élevé des médicaments le plus souvent prescrits, l'exagération de l'efficacité d'un médicament et la dissimulation de ses effets secondaires néfastes, notamment l'addiction [7]. La dénonciation des excès de la biopsychiatrie et du renoncement à une vision humaniste de la société vont dans le sens de la privatisation progressive de certains services publics au profit d'une logique du marché qui justifie et entretient les inégalités aux dépens d'un réel ordre policier comme l'explique Isabelle Stengers dans sa préface (p. 11) à l'ouvrage de Josep Rafanell i Orra En finir avec le capitalisme thérapeutique (2011). Régis Debray écrit « Sous couvert de "modernisation", rabaissement des services publics en entreprises commerciales et l'intérêt général partout remplacé par la seule logique de [157] rentabilité [...] [8] » Cette logique régit non seulement l'industrie pharmaceutique, étroitement liée aux hommes politiques, mais également les différentes organisations qui la nourrissent indirectement comme la police, les parquets et tribunaux. Ainsi, en clamant haut et fort qu'ils ont des priorités, une politique, des missions et un système, esquissant les grands traits d'une philosophie pénale inégalement appliquée selon le prestige symbolique et le réseau relationnel du suspect ou de la victime, les acteurs de la justice et de la politique criminelle évacuent de leur mandat la répression et la recherche de certains délits et dirigent souvent ce qui relève de la justice de paix ou la justice pénale vers la logique psychiatrique. Les allégations sont parfois variées et vont dans le genre : « vous avez vu l'épaisseur de votre dossier, réglez vos problèmes tout seul », sinon « ici c'est le criminel qui est servit en priorité », « on a autre chose à faire » ou tout simplement « vous ne nous intéressez pas ». La thèse que défend Jean-Claude St-Onge dans Tous fous ? L'influence de l'industrie pharmaceutique sur la psychiatrie va dans le même sens que celle de Van Duppen, elle pourrait se résumer à présenter le débat qui entoure la rivalité opposant les tenants de la moralité à ceux qui fabriquent la vérité par le recours à une probité qui repose sur une plus grande légitimité au sein du champ médical (crédibilité, prestige symbolique, appel à l'autorité) plutôt sur la base de mesures de laboratoire objectives (St-Onge consacre le chapitre 2 à la crise de validité du DSM [9] ; voir aussi Sauveur Boukris, 2013 : p. 17, 152 ss et les récentes prises de positions de Dr Thomas Insel, directeur du NationalInstitute ofMental Health). Pour appuyer ses dires, St-Onge cite psychiatres et psychopharmacologues montrant bien la direction qu'il donne à son ouvrage : « De toutes les maladies majeures qui affligent l'Occident, les seuls patients qui ont vu leur espérance de vie décliner sont ceux qui souffrent de maladie mentale grave ». (David Healy, psychopharmacologue dont les propos rappellent ici l'Ivan Illich de Némésis médicale (1975).

C'est sur la base du constat que des neuroleptiques approuvés pour le traitement de la schizophrénie ne tenaient pas les promesses annoncées dans les publicités des sociétés pharmaceutiques que St-Onge a décidé de consacrer un ouvrage au traitement chimique de la maladie mentale. St-Onge avait aussi constaté (p. 24) les nombreuses failles méthodologiques des essais cliniques pour tester les psychotropes et que par conséquent les industries pharmaceutiques surestimaient leur efficacité au détriment de leur danger [10]. Ce genre de constat est très parent du statu quo que les parquets et tribunaux essaient de véhiculer entourant l'efficacité de l'organisation policière par rapport au danger qu'entraîne la psychiatrisation par les mêmes services de certaines victimes d'attitudes et de comportement délictuels. Marc-Olivier Padis [158] écrit d'ailleurs que « [l]e programme de la psychiatrie biologique mobilise les budgets et valorise les carrières mais avec des résultats cliniques encore modestes [11] ».

Prestige symbolique, appel à l'autorité :
la biopsychiatrie comme forme exclusive d'expertise


Le devant de la scène est actuellement occupé par la biopsychiatrie héritée indirectement de la psychanalyse freudienne mais aussi du psychiatre allemand Emile Kraepelin de la fin du XIXe siècle qui postule que la maladie mentale serait causée par des déséquilibres chimiques dans le cerveau (St-Onge, 2013 : 25-26). Cette objectivation occulte évidemment les relations de pouvoirs entre l'analyste et l'analysé et le fait, selon le traditionnel discours de l'antipsychiatrie, que les maladies mentales sont des créations sociales qui permettent via l'action du psychiatre qui peut classer l'individu, avec l'aide de sa famille le plus souvent, d'insérer l'analysé dans une certaine catégorie normative et dogmatique [12]. La biopsychiatrie est devenue un outil de travail indirect des acteurs de la chaîne pénale qui participent au mode opératoire de la psychiatrisation des victimes de harcèlement moral et de violences morales au sens large (par exemple, selon les cas, propagande noire, manœuvres d'intoxication, décrédiblisation et disqualification mentale, etc., sont des actions régulières des forces de police qui recourent parfois au lynchage médiatique, souhaitant ne pas s'encombrer de plaignants non-rentables [13]). St-Onge arrive aux mêmes conclusions que nos observations au sein de l'organisation policière à propos de la psychiatrie diagnostique. Ainsi, la police [14] tentera souvent d'orienter son constat en fonction d'une série de symptômes alors que ceux-ci peuvent renvoyer à des causes très différentes d'une part et que, d'autre part, le DSM, dont le pseudo-scientisme repose sur l'hégémonie statistique normative, ne se prononce pas sur les causes de la maladie mentale, là où c'est la police qui devrait intervenir... Le psychiatre Patrick Landman, voit juste en précisant que les malades mentaux sont plus souvent victimes qu'auteurs des agressions et n'ont pas les mêmes droits en terme de parentalité, de justice. En outre leur plainte risque moins d'aboutir, sinon que leur plainte sera refusée au commissariat de police et ils peuvent être déresponsabilisés pénalement [15] et ajoute [159] que la réduction de la psychiatrie à la neurologie, pour l'objectivation des maladies, ne nous donne en rien la connaissance des causes.

Stéphane Marchand écrit à cet égard au sujet de la schizophrénie : « Non seulement nous ignorons la pathologie, mais nous ne comprenons même pas la biologie de la maladie. D'ailleurs, ce n'est peut-être pas "une" maladie. Ou bien c'est une maladie multiforme à laquelle nous avons, dans notre ignorance, donné un nom unique, faute de mieux. En fait, un patient est diagnostiqué schizophrène s'il présente un volet de symptômes appartenant à deux ou trois listes thématiques. Par conséquent, deux patients peuvent être diagnostiqués et n'avoir pourtant aucun symptôme en commun [16]. »

De la même façon, selon ce que nous en ont révélé le commissaire Pierre Patiny et Jean-Luc Noël, qui occupait à ce moment les fonction de directeur du Service judiciaire de l'Arrondissement de Nivelles au moment de nos enquêtes en milieu policier (entre 2003 et 2006), la police fait souvent l'économie d'apporter la preuve d'une relation de causalité entre un acte délictuel sur une victime et les conséquences que cela peut générer [17] ce qui, au demeurant, est plus facile. Procédant ainsi le plaignant se retrouve souvent à s'inscrire lui-même au sein d'une « justice expéditive de comparution immédiate pour compléter le processus de transvasement de la psychiatrie vers l'incarcération [18] » si nécessaire, sinon se voit tout au moins disqualifié mentalement ou perdre sa légitimité au sein de la chaîne pénale au profit d'une industrie sécuritaire au service des intérêts financiers des parquets et tribunaux et autres partenaires financiers. Ceci vaut évidemment pour le plaignant d'autant plus disqualifiable que la preuve des faits dénoncés est faible. Ce faisant en dirigeant les victimes de certains actes délictuels vers la psychiatrie au détriment de l'établissement des faits dans leur environnement, les policiers substituent ce qui relève de l'enquête pénale dans certains cas (la géocriminologie, les troubles de voisinage, les violences intrafamiliales qui seront une explication des causes de la dite maladie) par la recherche des déséquilibres chimiques du cerveau comme nous l'évoquions plus tôt. Si l'on considère le débat entourant les internements abusifs et le fait que dans une lettre d'accompagnement, le président de la Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale a élaboré des propositions de modification de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux (loi sur l'admission forcée remplaçant celle sur la collocation) écrit que pratiquement 50 % des demandes d'admission forcée par le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles reçoivent un avis négatif [19], il va de soit qu'il est loisible de s'interroger sur l'intention réelle des membres de la chaîne de diagnostic dans leur [160] emballement systématique qui les pousse à voir la maladie partout au lieu de chercher les causes ailleurs. Ceci étant sans compter les nombreuses mises en observation qui échouent et qui, dans certains cas, devraient de ce fait, susciter l'orientation du paradigme d'investigation des magistrats et policiers vers d'autres hypothèses. Gela donne l'impression d'assister indéfiniment aux oppositions paradigmatiques concernant le cas de Victor de l'Aveyron ; chez Philippe Pinel qui verrait chez le justiciable un déficit organique définitif au lieu de percevoir, comme chez Jean-Marc Gaspard Itard, un manque à être lié à son isolement, un déficit d'éducation qui peut être résorbé par une attention pédagogique particulière [20]. Les débordements démographiques dans les annexes psychiatriques et les hôpitaux psychiatriques cachent en définitive le problème de fond qui génère en soi la maladie, le déficit en matière d'attention pédagogique, phénomène qui se retrouve de plus en plus dans les services sociaux.

La proposition d'une vérité globale basée sur l'histoire individuelle des justiciables, pourrait permettre une meilleure appréciation des circonstances de la dénonciation. Malgré la tendance à voir la maladie partout, St-Onge fait pourtant remarquer, qu'« en médecine générale, un symptôme n'est pas une maladie » (p. 43) et poursuit : « [1]'identification de la ou des causes et une compréhension des mécanismes physiologiques impliqués sont essentielles pour parler de maladie » (p. 43). À cela il faut ajouter, fait remarquer l'auteur, que les membres des forces armées font partie des catégories vulnérables (p. 31). Parmi les nombreux spécialistes que St-Onge cite, mentionnons Paula Gaplan, psychologue réputée, qui dénonce avec raison les adeptes de la biopsychiatrie et écrit « To call the devastating effects of war "mental illness" is to make the colossal mistake of thinking that the problem springs solely from within the person's psyché » [21] Dans un contexte criminologique, où un dénonciateur subit les représailles d'une organisation (polycriminalité), ou un militaire en proie à des réactions consécutives de son activité sur un champ de bataille, la détresse psychologique qui s'en suit ne doit pas être confondue avec la maladie mentale même si la tendance va souvent à encourager l'acceptation par la victime du moule identitaire proposée par l'architecture nosographique « qui passe par l'adhésion au dispositif psychiatrique réorganisant son expérience de la souffrance [22] » affirme Josep Rafanell i Orra. « Autrement dit, [affirme quant à lui St-Onge], dans la pratique, la psychiatrie diagnostique ne tient pas compte du fait que certaines réactions sont prévisibles et attendues lorsqu'elles surviennent dans un contexte où la personne réagit à des facteurs de stress environnementaux, de sorte que les émotions sont transformées en symptômes ou en maladie. La détresse psychologique ne doit pas [161] être confondue avec la maladie mentale » (p. 45). St-Onge décrit bien le mécanisme de pensée qui sévit dans les tribunaux, les commissariats de police et dans l'industrie psychiatrique qui les domine : « Tout changement dans nos processus psychologiques et comportementaux trouve son origine dans le cerveau et il existe une correspondance terme à terme entre les deux » (p. 53). Bien que la biopsychiatrie règne au sein des industries pharmaceutiques, il n'empêche pas moins qu'en matière de santé mentale il existe aussi le modèle biopsychosocial mais sa composante se réduit souvent à une note de bas de page. Il existe aussi le modèle constructiviste qui postule que ce sont les institutions et les actions humaines qui construisent la réalité y compris la maladie mentale.

L'écrémage des résultats, la manipulation des preuves d'efficacité, la suppression de résultats gênants et la publication des seuls résultats positifs, la commercialisation de médicaments peu utiles sinon inutiles, tel est le devant de la scène de l'industrie pharmaceutique témoignant d'une série de conflits d'intérêts qui ne sont pas le fait de l'exception mais bien la règle. Le problème de la recherche orientée et perturbée, en somme la manipulation des recherches cliniques par les firmes sponsorisantes, est également un problème soulevé par l'auteur belge Van Duppen (2005) dénonçant à sa manière, comme Foucart et St-Onge, la fabrique des malades. La fluoxétine, mieux connue sous son nom commercial de Prozac et le Zyprexa remportent la palme des médicaments les plus administrés et médiatisés : les best sellers de l'industrie pharmaceutique, mais ce dernier a été détrôné par Abilify médicament qui rapporterait 6 milliards de dollars annuellement aux États-Unis [23]. Sauveur Boukris aborde également, exemples statistiques à l'appui, la question des profits liés à l'industrie pharmaceutique. Il écrit ainsi (p. 15) : « Gomment expliquer que l'industrie pharmaceutique dégage des profits nettement plus élevés que ceux de la plupart des autres industries ? » Il aurait aussi été bon de rappeler que la découverte d'un médicament miracle est beaucoup plus rare que celle d'un médicament qui s'avère nuisible [24]. Les effets secondaires des antidépresseurs font aussi partie des thèmes abordés par de nombreux auteurs comme St-Onge dans le chapitre 9 et le chapitre 10 (notamment les violences engendrées par la consommation du Prozac et du Zyprexa (p. 174, 193). Van Duppen soulève le problème de la consommation de l'antidépresseur Seroxat chez les enfants et adolescents [25].

Fraude pharmaceutique
et objectif des soins de santé :
guérir ou vendre ?


Le fort coût de certains produits pharmaceutiques, liés plus souvent au coût de la promotion qu'à la recherche comme telle (Van Duppen, 2005) entraîne aussi le problème de la fraude, de la corruption, de l'évasion fiscale et des amendes. St-Onge [162] évoque notamment l'existence de promotions illégales et de pots-de-vin versés à des médecins entraînés à poser de faux diagnostics (p. 186). À ce genre de pots-de-vin s'ajoute l'achat de fonctionnaires par des grands groupes pharmaceutiques afin d'adapter les listes de médicaments dans les prisons d'État et les hôpitaux psychiatriques aux États-Unis, ce qu'a révélé le New York Times du 1er février 2004 à propos de Janssen Pharmaceutica. La logique de marché qui régit l'activité de nombreux médecins fait conclure à la revue Prescrire que l'Agence européenne des Médicaments (EMEA) « n'est pas au service de la santé publique. Elle se comporte essentiellement comme un prestataire administratif au service des firmes pharmaceutiques [26] ». Pourrions-nous voir là l'objet de la mise en garde que nous adresse le docteur Nortin M. Hadler affirmant : « [q]uand ce sont les méthodes et les moyens censés appuyer cette préoccupation [le bien-être des patients] qui deviennent l'objectif central de la médecine, le patient est exposé au risque de devenir un prétexte plutôt que le bénéficiaire [27]. » Van Duppen écrit d'ailleurs : « Le budget consacré en Belgique à l'information scientifique indépendante à l'usage des médecins s'élève à moins d'un million d'euros ! [...] L'industrie des médicaments consacre un demi-milliard d'euros à la publicité et au marketing à l'adresse du corps médical, soit cinq cents fois plus ! [28] ». Il poursuit : « [l]es études commanditées sont surtout mises en exergue lors de symposiums, eux-mêmes généralement sponsorisés par les mêmes firmes [29]. » Il est aussi plus efficace de rédiger une prescription que de consacrer un long entretien avec le patient pour le convaincre qu'il est manipulé par la publicité [30]. Ce problème de partialité dans l'évaluation des résultats d'analyses des produits pharmaceutiques est aussi décrit par St-Onge, comme nous l'avons évoqué plus haut. Or il n'est pas interdit de penser que cette partialité fait partie du mécanisme légal qui permet aux tribunaux et aux policiers en amont, de se délester de toute initiative de constat en matière de violences morales, du moins celles qui ne laissent pas de trace et qui nécessitent le constat d'un tiers assermenté. De la même façon la recherche de profit et l'économie de l'effort de la recherche d'une infraction relevant de la sphère des violences morales régit une partie importante de l'inactivité policière obéissant ainsi à cette loi du profit, du marché, surtout dans le harcèlement consécutif à la dénonciation de trafiquants de stupéfiants ou de consommateurs, phénomène qui, au fil des ans, à pu démontrer l'indifférence totale des policiers aux dommages collatéraux que ce soit en Belgique, en France ou au Canada. La violence morale est souvent ce qui conduit la police à la recherche d'infractions incluses qui rapportent au ministère public sans que le plaignant, souvent relayé aux oubliettes, [163] n'ait son mot à dire dans la procédure aléatoire [31]. Il est intéressant d'ajouter ici que la déresponsabilisation pénale de la police par le recours indirect, notamment à la biopsychiatrie mais impliquant aussi l'atteinte à l'honneur, dans certaines affaires où elle commit des fautes est souvent assortie de la même façon de promotions professionnelles. Nos enquêtes conduites sur l'organisation policière nous ont permis d'observer que le supérieur hiérarchique va même couvrir les actes de son subordonné en transmettant aux autorités judiciaires un rapport adoptant les mêmes positions (source André Vandoren, président du Comité P. au moment des faits, 2003, 2004). Rien de très original en matière policière, de la même façon que dans l'industrie pharmaceutique, l'industrie policière valorise une politique de sécurité qui fait la promotion des affaires qui rapportent faisant souvent l'économie des faits non-probants ou peu lucratifs.

Si à plusieurs reprises St-Onge comme Van Duppen font état des vastes campagnes publicitaires et des méthodes de marketing que les grandes firmes pharmaceutiques utilisent pour encourager l'achat, la prescription de certains médicaments (voir St-Onge, 2013 : p. 206, Van Duppen, 2005 : p. 143), ils n'omettent pas non plus de mentionner la présence multiple de conflits d'intérêts dans l'industrie médico-pharmaceutique dans le cours de la promotion par les conférences, les consultations, sans compter la manipulation des médecins par les industries pharmaceutiques, etc. (St-Onge, 2013 : p. 200 ss ; voir aussi Boukris, 2013 : chap. 3). Bref, les excès de l'adoption du paradigme de la biopsychiatrie, les effets nocifs encourus par la consommation impertinente de certains médicaments (tentatives de suicides, décès, etc.) au sein d'une vaste entreprise commerciale liée aux grandes industries pharmaceutiques sont abordés sous toutes les coutures dans ces ouvrages.

St-Onge parle de l'impérialisme biopsychiatrique un peu comme d'un mouvement et ce non sans arguments si l'on considère l'augmentation drastique de ventes de neuroleptiques au Canada (p. 35), puis les ventes gigantesques de l'antipsychotique atypique [32] Zyprexa grâce à la publicité débridée et à la fraude des firmes pharmaceutiques (p. 34 voir aussi p. 55). L'augmentation des ventes des grandes firmes pharmaceutiques est aussi le fait de l'augmentation des maladies répertoriées par le DSM lequel décrète qui est malade et qui est sain d'esprit. Ainsi l'ignorance de « [...] toute contextualisation de la vie du psychotique virtuel, viendra balayer tous les doutes avec son système scientifique de classification d'indicateurs basé su un vaste travail statistique pour établir un consensus mondialisé [33]. » Bernard Rimé explique que « [l]e manuel diagnostic et statistique de l'Association américaine de psychiatrie (American psychatric association, 1994)   qui  définit le syndrome [état de stress [164] post-traumatique] se veut factuel dans les tableaux de diagnostic qu'il propose. Mais la notion d'objectivité est évidemment utopique, puisque l'appréhension du réel requiert toujours l'adoption préalable de l'une ou l'autre forme d’a priori. [...] Sans lunettes conceptuelles, l'observateur est aveugle [34]. » La modernisation des techniques de surveillance et de traçabilité, le développement de la vie urbaine et de la société de l'information, celui de la délinquance en réseau et des capacités de géo-localisation vont de pair avec le développement de prestations orientées dans une logique de marchés industriels et des télécommunications. S'en suit forcément une démultiplication des dites maladies, sinon des symptômes afin de satisfaire ce marché et faire tourner l'économie. Les troubles sont ainsi passés de 106 en 1952, année de la première édition du DSM, à environ 400 en 1994 (St-Onge, 2013 p. 42 et corr. personnelle, 8 mars 2014 ; sur l'évolution de la psychiatrie voir Boukris, 2013 : p. 147 ss et Nortin M Hadler, 2014 : p. 76 pour la Classification Internationale des Maladies de l'OMS). « Des études ont montré que sur les cinquante dernières années, dans toute la littérature adressée aux médecins généralistes en matière de psychiatrie, la psychose et la névrose ont disparu au profit des tableaux symptomatiques qui associent chaque fois un symptôme à un médicament. Les produits finissent donc par définir eux-mêmes les catégories [35]. » Cette multiplication des troubles mentaux répertoriés depuis une quarantaine d'années tout comme certaines formes de victimisations multiples, participe aux objectifs financiers non seulement des industries pharmaceutiques, mais aussi des fournisseurs indirects et directs de ces industries que sont les médecins-psychiatres, experts près des tribunaux et les services de police qui sont souvent en amont de la chaine de diagnostic. À cela s'ajoute que,

« [l]'équilibre trouvé avec la psychiatrie de secteur dans les années 1960 qui conjuguait continuité de soins et prise en charge pluridisciplinaire et qui pouvait convenir pour une population de malade chroniques à repères sociaux et familiaux stables a donné lieu à un dispositif institutionnel qui ne convient guère à une population en errance, dans la rupture des liens. Or c'est devenu la condition croissante de bon nombre de malades mentaux, dont une proportion croissante se retrouve en prison ou à la rue. Les orientations sécuritaires des politiques depuis quelques années renforcent cette tendance et contribuent à défaire ce que le secteur avait élaboré, en revenant à une doctrine de l'enfermement [36]. »


La gestion et la provocation de la peur
dans le cadre du maintien de l'ordre... psychiatrique


St-Onge fait aussi remarquer dans son ouvrage (p. 224) que considérer que la dépression n'est pas le fait d'une faiblesse de caractère ou d'un trait de personnalité mais [165] d'un cerveau détraqué, ou plus généralement que l'être humain est un acteur passif prisonnier de son corps, incapable d'adaptation devant les agressions extérieures qui arrangent les pouvoirs en place « qui doivent compter sur des individus malléables, obéissants, qui n'oublient pas de prendre des médicaments même s'ils n'en ont pas besoin. Et pour y parvenir, quoi de mieux que la peur : la peur des criminels, des "étranges" aux noms imprononçables ou aux comportements bizarres, peur de ne pas être à la hauteur, peur de la mort et de la maladie » (p. 224) (voir aussi le récent ouvrage du Dr Sauveur Bouikris (2013) et son allusion au personnage du Docteur Knock de Jules Romains au chapitre 1). [37] Le but consiste effectivement à créer un message de peur (maladies graves et répandues) et d'espoir (maladies curables). Ce raisonnement à double tranchant ne semble pas correspondre, dans la sphère des violences morales, au discours policier qui se contente soit de rassurer, soit d'éviter de se prononcer sur la gravité des faits qui vise une victime. Raison de plus, comme le signale Van Duppen (p. 137) pour que chaque multinationale possède son antidépresseur et que le chiffre d'affaires de ces médicaments n'est en rien lié aux réels besoins médicaux mais bien au marketing. De fait, en Belgique, le Seroxat est l'antidépresseur le plus vendu, avec en 2003, un chiffre d'affaires de 41 millions d'euros, ce qui représente 200 000 utilisateurs sur une population totale d'un peu plus de dix millions d'habitants (p. 145). Aussi Van Duppen n'omet pas de soulever la polémique entourant la prescription des antidépresseurs chez les enfants.

Bien que les causes des troubles mentaux ou des symptômes puissent être diverses, St-Onge ne va guère plus loin dans son argumentaire. Au-delà du fait de mentionner l'existence de l'école biopsychosociale l'auteur omet de signaler que les solutions qui, impactant la biologie, doivent d'abord se traiter sur le plan social, mais ne lui appartiennent pas. François Gonon écrit quant à lui avec raison :

« Il y a bien évidemment des cas où des symptômes d'apparence psychiatrique ont des causes cérébrales identifiables et traitables. Par exemple, une tumeur hypophysaire peut entraîner les symptômes d'une dépression bipolaire. Les progrès de la neurobiologie, de l'imagerie cérébrale et de la neurochirurgie permettent de traiter ces cas qui semblaient relever de la psychiatrie et apparaissent maintenant relever de la neurologie [la maladie mentale ne se voit pas à l'IRM]. Peut-on en déduire que, dans un futur proche, tous les troubles psychiatriques pourront être décrits en termes neurologiques puis soignés sur les bases de ces nouvelles connaissances ? Si cette ambition était fondée, la psychiatrie biologique représenterait effectivement une rupture épistémologique dans l'histoire de la psychiatrie. Pour qu'il en soit ainsi, il faudrait pouvoir constater un apport substantiel de la neurobiologie à la pratique [166] psychiatrique ou, du moins, une perspective réaliste d'un tel apport en ce qui concerne les troubles mentaux les plus fréquents [38] ».

Au-delà de l'échec des indicateurs biologiques fiables et infalsifiables afin d'étayer les nombreux diagnostics de troubles mentaux ; au-delà du fait que pour cette raison la psychiatrie n'est pas une discipline scientifique [39], s'ajoutent au fait que les victimes, parfois exploitées jusqu'au désespoir, en sont réduites à solliciter des thérapeutes (relations assistancielles selon l'expression de Rafanell i Orra), ou des services comme la police, qui, en définitive, dans certains cas, seraient plus compétents. La solution la plus facile s'exécute au niveau du troisième maillon de la chaîne de diagnostic, représenté par le psychiatre lui-même : l'assimilation entre le symptôme et la pathologie. O. Tarragano écrit à ce sujet : « Le réflexe initial est d'associer un symptôme à une pathologie, surtout si le symptôme est physique. On est dans une résolution de problème (problem solving) ce qui est totalement à contretemps de la réalité du champ psychiatrique. C'est une discipline dans laquelle il faut du temps, des gens, de l'investissement. Or, tout cela s'affaisse. La réponse médicamenteuse est simpliste et anesthésiante, mais, hélas ! satisfaisante économiquement et politiquement. Alors qu'elle manque en général son effet, car elle se substitue au sens de la conflictualité psychique [40]. » Elle cache souvent un soutien social négatif sous forme d'indifférence ou d'attitude critique, l'absence de soutien occasionne un risque de syndrome post-traumatique [41].

Parallèlement à ce problème existe le fait que les firmes estiment qu'une recherche indépendante et bien menée sur leurs produits leur coûte trop de temps. Elles veulent lancer le plus rapidement possible leurs produits sur le marché. Quand un médicament marche, le nombre de diagnostics monte en flèche (ce fut le cas de la Ritaline et du Prozac), ainsi en est-il de la recherche des infractions comme la détention ou le trafic de stupéfiants ; cela fonctionne donc et est valorisé par l'organisation policière, l'étalage des réussites en matière de saisies tant dans la presse policière que la presse quotidienne contraste avec la publicité faite autour des règlements de compte visant des dénonciateurs et indicateurs de la police. Ainsi en va-t-il des dossiers d'enquêtes policières que l'on souhaite rapidement élucider ou qui font état que l'on va au plus vite pour ce qui rapporte le plus [42]. Ce genre de méthode engendre [167] des résultats négatifs et une exagération ou un grossissement des effets bénéfiques de la politique de sécurité des policiers (faillite éthique en situation de conflit d'intérêt) comme de la prescription des médicaments. C'est inévitablement l'expertise psychiatrique qui est au centre des antagonismes et conflits d'intérêts des policiers, des parquets mais aussi de l'industrie pharmaceutique. Au cœur de ce dispositif se retrouvent les objectifs des uns et des autres. Ainsi, Nortin M. Hadler écrit : « [d]ans l'achat des livres il n'existe qu'un seul objectif : le livre. Les résultats des services de santé ne sont ni homogènes ni toujours objectifs. Le résultat varie quand l'effet recherché est la longévité, la fonction, l'emploi ou des aspects de la qualité de vie [43] ». De la même façon les objectifs du plaignant et ceux du policier censé servir ses intérêts sont souvent divergents : la loi ne s'applique pas de la même façon pour tous, la légitimité des uns n'est pas la même que celle des autres, ainsi en va la probité du discours, puis les allégeances politiques dans certains dossiers (les travaux de Karine Hamedi sur le suicide politique ont apporté certains éclaircissements pertinents dans les dossiers d'assassinats maquillés d'hommes politiques ou de dossiers à composante gouvernementale). Aussi faut-il considérer si le contenu de la plainte s'inscrit dans les priorités de la politique de sécurité de la police ou si, au contraire, le plaignant n'est pas seulement le prétexte pour permettre au policier d'élucider d'autres dossiers en recherchant des infractions incluses comme nous l'expliquions plus haut. Ce faisant le policier se situe souvent en situation d'antagonisme juridique avec le plaignant et n'a pas pour seul objectif de rechercher la vérité. Il en résulte des procès-verbaux et des ordonnances au contenu plutôt elliptique, cela va du simple policier jusqu'au magistrat de la Cour d'appel qui se contentera souvent, comme les failles d'un article lexicographique qui se répéterait depuis l'édition du Littré jusqu'au dernier millésime du Nouveau Petit Robert, de répéter, sans perspicacité, avec raccourci, les propos du procès-verbal d'origine.

Conclusion

Le discours sécuritaire et la diminution des moyens de l'industrie judiciaire que commentent les acteurs de la justice n'est hélas pas corollaire à l'augmentation, en France tout au moins, par dix du nombre de psychiatres entre 1970 et 1990 [44]. L'augmentation du nombre de psychiatres parallèle à la diminution des manques de moyens déclarés des acteurs de la justice ne se reflète t-il pas dans le réflexe plutôt régulier des magistrats à solliciter, dès lors où ils ne comprennent pas un discours, l'intervention d'un psychiatre, plutôt que de poser des questions pour mieux comprendre ? Poussé à l'extrême cette logique entraîne véritablement une faillite de l'éthique que nous évoquions aussi plus haut. S'il existe donc plusieurs façons de [168] servir les patients il existe tout autant de façons de servir les plaignants à tel point qu'il est permis de se demander en définitive qui est au service de qui ? L'occultation du mobile générant des représailles venant par exemple de suspects potentiels, la dénégation de la victimisation multiple, voire celle du sujet, par la valorisation à l'opposé d'une logique antagonique basée sur une nosographie en développement, en somme les problèmes fabriqués en commun, permet au néolibéralisme d'être une sorte de thérapeutique du système, « même si celle-ci ne s'applique qu'au monde rendu visible par le gouvernement [45] ». Cette thérapeutique non-désirée et formatée par ce monde visible existe en définitive parce que la souffrance de certains sert à la cristallisation des dispositifs de contrôle maniés par d'autres. En somme le malheur des uns profite au bonheur des autres. Olivier Labouret a produit une analyse de la politique d'autorité généralisée corollaire à l'emballement insensé du système économique. Il écrit notamment : « C'est ainsi que le système de domination néolibérale qui ne souffre aucun échec, exerce son ordre totalitaire mercantile, sécuritaire et psychoscientiste sur les hommes : le sujet n'a plus de valeur morale propre, mais est seulement un capital une force de travail à valoriser financièrement, à utiliser, à vider de ses forces, jusqu'au bout du rouleau [46]. » Aussi François Gonon écrit :

« Les causes des troubles mentaux peuvent être appréhendées de plusieurs points de vue qui ne sont pas mutuellement exclusifs et possèdent chacun leur pertinence : neurobiologique, psychologique et sociologique. Toute maladie, même la plus somatique, affecte le patient de manière unique. A fortiori la souffrance psychique ne peut trouver son sens et son dépassement que dans l'histoire singulière de la personne [47] ».



Références

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[170]

Archives, documents

St-Onge, Jean-Claude, correspondance personnelle, 8 mars 2014. Fineltain, Ludwig, correspondance personnelle, 16 juin 2013.



[1] Consultant en victimologie.

[2] Voir Guy De Backer et Marcel Kornitzer, 2012 : p. 102 ss et 136.

[3] Stéphane Marchand, 2012 : p. 180.

[4] Voir Philippe Batifoulier, 2014.

[5] Nortin M. Hadler, 2014 : p. 235.

[6] Axel Hoffman et Michel Roland, préface dans Dirck Van Duppen, 2005 : p. 6. Voir aussi Nortin M. Adler, 2014 : p. 72 : « La quête du médicament à grand succès exige l'élaboration d'études autorisant l'extrapolation de leurs résultats auprès de grandes populations de consommateurs potentiels. Ce qui entrouvre la porte à tous les abus [...] : abus dans le recrutement des patients, dans l'analyse des données, dans l'extrapolation, et dans le recours aux mesures de substitutions. »

[7] Dirck Van Duppen, 2005 : p. 10 et Patrick Landman, 2015 : p. 53.

[8] Régis Debray, 1996 : p. 478.

[9] Le D.S.M. est l'acronyme pour Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ou Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux. Il comprend la nomenclature classifiée de troubles mentaux la plus utilisée par les psychiatres et psychologues du monde entier. Le manuel vendu en libraire figure dans tout bon hôpital psychiatrique et cabinet du psychiatre aux côtés des récentes éditions du Compendium.

[10] Voir François Gonon, 2011 : p. 68.

[11] Marc-Olivier Padis, 2015 : p. 15.

[12] Voir Michel Laferrière, 1977 : p. 271.

[13] Ce que nous appelons plaignant non-rentable est le fruit d'une synthèse d'auditions de policiers, essentiellement de la Police locale en Belgique, plus prompte à donner son avis que dans certaines autres juridictions nationales, mais également de la GRC. Lorsque l'objet de la dénonciation est peu grave et nécessiterait le déploiement de moyens importants (recherche de l'ADN, appuis aériens, triangulations, contrôle visuel discret, etc.) dans le cadre d'une procédure pénale et que l'auteur des faits est au contraire plus rentable pour d'autres faits qui ne sont pas ceux dont la victime se plaint, ainsi peut-on affirmer que le plaignant, bien qu'instrumentalisé, est peu rentable et sert avant tout les intérêts des priorités policières. En somme, pour la police, comme pour bon nombre d'entreprises, il faut que cela rapporte.

[14] Source : conversation personnelle avec Pierre Patiny, Police fédérale, entretiens entre juillet et septembre 2003. Nos enquêtes se sont poursuivies auprès du commissaire Robert Verhemeldonck de la Police locale à Ixelles entre 2005 et 2009.

[15] Voir Patrick Landman, 2015 : p. 52.

[16] Stéphane Marchand, 2012 : p. 59.

[17] Voir à ce sujet, St-Onge, 2013 : p. 26.

[18] Josep Rafanell i Orra, 2011 : p. 46.

[19] Ordre des médecins de Belgique, « Avis du Conseil National de l'Ordre des médecins », 16 janvier 2010 publié dans Bulletin du Conseil National de l'Ordre des médecins, vol. XVII, juin 2010 : p. 4.

[20] Voir David Le Breton, 2011 : p. 112.

[21] Source : Caplan, Paula, « Vets aren’t crazy, war is », URL. Consulté le 15 juin 2013. Au sujet de la récente recherche médicale dans le domaine militaire on consultera : Alice B. Aiken and Stéphanie A.H. Bélanger 2013. Voir aussi Bernard Rimé, 2009 : p. 276-277, 279.

[22] 2011 : p. 50.

[23] Source : courriel Jean-Claude St-Onge, 8 mars 2014.

[24] Voir Nortin M. Adler, 2014 : p. 36.

[25] Voir Van Duppen, 2005 : p. 73 ss.

[26] Rédaction Prescrire, 2002 : p. 466.

[27] Nortin M Hadler, 2014 : p. 3.

[28] Van Duppen, 2005 : p. 120.

[29] Van Duppen, 2005 : p. 142.

[30] Frontline, novembre 2003.

[31] Source : conversation personnelle Bernard Michielson, Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles, Paul Van Der Straeten, Comité R, 20007.

[32] À propos des molécules neuroleptiques, le Dr Ludwig Fineltain nous écrit « On devrait dire "neuroleptique atypique" et non "antipsychotique" puisque les effets, quoique excellents, ne répondent pas aux promesses du nom ». (Source : courriel Ludwig Fineltain, 16 juin 2013).

[33] Rafanell i Orra, 2011 : p. 81.

[34] Voir Bernard Rimé, 2009 : p. 280.

[35] Jean-Luc Gallais dans Jean-Luc Gallais, Thiery de Rochegonde et Olivier Tarragano, 2015 : p. 65.

[36] Jacques Hochman, 2015 : p. 19.

[37] Le psychiatre David Kaiser (1996) écrit : « J'ai pu constater à maintes reprises que, dans le cas de la dépression par exemple, une fois les symptômes atténués par les médicaments, je demeure toujours confronté à un malade qui souffre et qui souhaite parler de son mal-être. Ce processus d'assimilation des symptômes aux maladies est le même dans chaque catégorie de diagnostics, culminant peut-être dans l'un des plus grands sophismes que la psychiatrie ait prononcé tout au long son illustre histoire de sophismes, à savoir la publication du Diagnostic and Statistical Manual (Manuel diagnostique et statistique) - qui en est actuellement à sa quatrième incarnation sous le nom de DSM-IV, la Bible de la psychiatrie moderne ».

[38] 2011 : p. 54.

[39] Voir Patrick Landman, 2015 : p. 56. Landman ajoute, page 58, que le diagnostic psychiatrique n'est ni très scientifique, ni très fiable. Le Dr David Kaiser écrit quant à lui : « C'est essentiellement une entreprise pseudo-scientifique issue du désir de la psychiatrie moderne d'imiter la science médicale actuelle, en dépit de la possibilité réelle que la douleur psychique, à cause de sa nature existentielle, pourrait éternellement échapper au discours et à la pratique médicale contemporaine » [...]

On retrouve là une marque sous-jacente d'une forme spécifiquement utopique nous annonçant jovialement que tous nos maux psychiques sont essentiellement d'ordre biologique et qu'ils peuvent être aisément éradiqués de nos vies, de façon à faire de nous des personnes mieux adaptées et plus productives. »

[40] O. Tarragano, 2015 dans Gallais, Rocheron et Tarragona, 2015 : p. 65.

[41] Voir Bernard Rimé, 2009 : p. 278.

[42] Voir Van Duppen, 2005 : p. 148.

[43] Nortin M Hadler, 2014 : p. 86.

[44] Voir Nicolas Henckes, 2015 : p. 36.

[45] Josep Rafanell i Orra, 2011 : p. 206, voir aussi p. 260, 277.

[46] Olivier Labouret, 2012 : p. 247.

[47] François Gonon, 2011 : p. 71.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 11 novembre 2017 9:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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