Pierrette Paule Désy
Spécialiste en histoire et en ethnologie
Professeure retraité du département d’histoire de l’UQÀM.
“Les Indiens du Nouveau-Québec”.
Un article publié dans l'ouvrage De l'ethnocide. Recueil de textes, pp. 259-278. Paris: UGE, 1972, 448 pages. Collection: 10/18, no 711.
- Introduction
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- Colonialisme et sédentarisation
- L'impasse économique
- La malentendu ethnique
Introduction
On trouve dans le Nouveau-Québec des groupes algonquins septentrionaux (dits Cris, Montagnais et Naskapi) qui sont demeurés marginaux par rapport aux réserves indiennes méridionales et à peu près ignorés de la société canadienne. Paradoxalement, ces groupes, loin de vivre en autarcie, sont au contraire en butte à de sérieuses difficultés, ayant subi au cours de leur histoire post-européenne, une agression constante de l'extérieur dont les, conséquences sont actuellement désastreuses. La destruction de ces groupes indiens a commencé avec l'arrivée des commerçants européens : du mode de production traditionnel, on passa au mode intermédiaire de la traite commerciale des fourrures pour aboutir à la situation actuelle qui se définit par une stagnation économique où la société indigène est profondément bouleversée.
COLONIALISME ET SÉDENTARISATION
La dévalorisation de la société indienne par les Européens a conduit peu à peu-les Indiens dans une impasse, un lieu sans issue où, par la suite, toute initiative, non inspirée par la façon d'être et de penser des Européens, était condamnée. Les premiers animateurs de cette mise en condition furent les trafiquants de fourrures et les missionnaires. La religion fut à la base d'une sédentarisation progressive des bandes algonquines nomades et semi-nomades. En ceci, les marchands et les missionnaires surent composer : les premiers trouvant intérêt à ce que les trappeurs rayonnent à partir d'un poste vers des territoires de chasse occupés la majeure partie de l'année ; les seconds désirant regrouper dans un endroit permanent les bandes indiennes afin d'exercer leur influence à demeure [1].
C'est donc à partir d'un point fixe, que les Européens appellent le poste, le fort ou le comptoir, et plus en raison de la loi de l'offre que de celle de la demande, qu'on construit d'une part, la chapelle et autre, le magasin. Dans la première, on offre de nouveaux rites socio-religieux, sous les signes du monothéisme et de la monogamie ; dans le second, des signes plus évidents à l'œil sont exposés : l'alcool (le fameux brandy que les Indiens surnomment l'eau de feu), quelques vêtements tels que des chapeaux dont on fera en sorte qu'ils portent la marque du prestige et qui sont fort recherchés, des contenants en métal qui permettent de faire bouillir l'eau plus facilement (remplaçant les récipients en écorce dans lesquels on faisait chauffer de l'eau en y immergeant des pierres brûlantes), du thé, du lard, etc. Bref un troc, qui dans certains cas peut se faire au nom de la technique mais qui, dans les autres et les plus nombreux, ne fait que remplacer une marchandise contre une autre marchandise au nom de la civilisation européenne. Par exemple, les vêtements en peau de caribou des Indiens étaient certes plus rationnels que quelques nippes vite déchirées ; les coureurs des bois l'avaient bien compris, eux qui se vêtaient uniquement à l'indienne.
De toute façon, que ce soit au XIXe siècle ou aujourd'hui, ce type de troc fait entre les trappeurs indiens et les Commerçants européens ne peut être réduit à une simple valeur d'échange où la notion de réciprocité entrerait en jeu. Au contraire, ce troc n'a de l'échange que les apparences extérieures car il participe de champs culturels asymétriques dont l'un introduit dans son propos la double notion débiteur-créancier, instaurant par là même, aux dépens de l'autre, la dette infinie [2]. D'ailleurs ce type de commerce dévoile rapidement ses buts avec l'introduction de la circulation de l'argent, en dépit du fait que ce dernier se présente sous des formes diverses, jetons, biens usagers et de consommation. En ce qui concerne certaines régions, les conditions n'ont pas tellement changé depuis l'époque où la Compagnie de la Baie d'Hudson échangeait des peaux de fourrure contre des biens manufacturés valant quelques shillings ou quelques cents [3].
Ainsi donc, le principe de cet échange repose sur la perte et le profit : le trappeur donne ses ballots de fourrure contre un baril d'alcool, des vêtements, de la nourriture ou des babioles et parfois contre des jetons avec lesquels il pourra se procurer de l'alcool, des vêtements, etc. Cet échange sans rapports réels n'est qu'une duperie visant à transférer la valeur réelle d'une chose sur une autre, étant entendu que la première est la fourrure, la seconde tout simplement du toc. Un échange qui crée des habitudes, transformant ce qui est inutile en besoin [4].
C'est ainsi que, entre l'église et le magasin, une nouvelle piste est habilement aménagée sous le signe de l'invitation non seulement à s'arrêter mais aussi à consommer.
Il n'est donc pas étonnant que certains facteurs aient contribué à consolider ce mouvement, à stabiliser cette trajectoire. À partir du moment où le mode de production traditionnel est abandonné au profit de la traite commerciale des fourrures, il y a une désagrégation du point de vue non seulement économique mais social. Le refus des Indiens de se laisser aliéner apparaîtra sporadiquement sous une forme de messianisme qui prédit toujours la disparition, à brève échéance, de l'homme blanc. Aujourd'hui, ce refus s'apparente plus à un phénomène-rejet des restes folkloriques et muséographiques présentés, et pour cause, par les ethnologues au bénéfice d'une restructuration de l'authenticité indigène par les intéressés eux-mêmes.
Les taux de morbidité et de mortalité allant en s'accroissant -car l'organisme des indigènes est mal prémuni contre des maladies inconnues - la famine prenant à certaines périodes de l'année des proportions alarmantes voire fatales, la désorganisation des grandes familles traditionnelles, ces raisons, et d'autres, vont obliger la bande à trouver un nouveau rythme d'organisation consistant notamment à laisser au poste des individus qui autrement auraient été à sa charge, à se séparer des personnes âgées et de celles qui refusent de faire le trafic des fourrures. Finalement, seuls les hommes partiront lors des chasses d'automne et de printemps, quittant les femmes et les enfants ; dans un deuxième temps, seuls les hommes et les femmes partiront lors de la chasse d'hiver, laissant au poste les enfants en âge d'aller à l'école.
Le temps aidant, on aboutira à une stagnation quasi totale. En effet, la dégradation des conditions du milieu écologique va être prédominante. Les faits sont, de plus, éloquents : il y a à peine dix ans, il a fallu exporter des milliers de castors de l'Abitibi-Témiscamingue afin de repeupler la région de la baie James. Dans cette même région, le caribou a complètement disparu depuis le début du siècle, à tel point qu'on envisagea sérieusement d'importer des rennes de Laponie en même temps que des familles lapones chargées d'enseigner les techniques de la domestication des rennes aux Indiens [5].
L'IMPASSE ÉCONOMIQUE
Il convient ici d'exposer schématiquement ce qui rend impossible à certains groupes d'échapper à un déterminisme historique qui les conduit à une situation intenable sur les plans socio-économique et culturel. Cette situation est entretenue par l'État, qui, ayant partie liée avec ce système impérialiste, n'a aucune envie de la modifier [6].
I. À l'époque pré-européenne, l'équilibre de l'exploitation économique dépend des Indiens qui ont rationalisé leurs rapports avec le milieu, tuant pour se vêtir et se nourrir, c'est-à-dire, chassant les animaux essentiels à leur subsistance [7]. Ceci d'ailleurs est assez évident si l'on se rappelle en outre quelle place tient (a tenu) la trilogie ours-castor-caribou dans la culture indienne, et quel respect les chasseurs ont (avaient) pour les animaux, appelant, par exemple, l'ours nemusum (grand-père). On peut donc établir une relation intime entre l'équilibre de l'espace écologique et l'entretien de la faune, de l'environnement maritime, lacustre et forestier, par l'homme.
II. Dès l'époque post-européenne, le conflit naît de l'opposition entre la mise en valeur économique traditionnelle et l'exploitation des peaux de fourrure dont la demande s'appuie sur un mode de production étranger aux Indiens et particulier au système économique européen.
III. La prolifération des armes à feu, des pièges en métal, des chausse-trapes, des filets (faune aquatique et aérienne) sert de garantie à l'incohérence de l'exploitation dans un environnement qui avait été préservé justement parce que ses habitants en connaissaient les difficultés (exemple, la famine), et que leur subsistance était liée aux cycles d'abondance et de disette de la faune, lorsque des animaux, comme le caribou, émigraient dans d'autres régions [8].
IV. La contradiction entre les Indiens chassant pour vivre et les Indiens servant de main-d'œuvre de base au marché des fourrures européen va être résolu au bénéfice du deuxième facteur : des fourrures d'abord, principe en vertu duquel les Européens modifieront, au fur et à mesure de sa désagrégation, la structure sociale et économique (phénomène que d'autres appellent acculturation).
V. Le caractère ambigu de cette situation persiste jusqu'à nos jours, dans certaines régions en particulier, là où l'aliénation des groupes est telle que, pour survivre et bénéficier d'une aide gouvernementale donnée à cette fin, les Indiens doivent continuer à trapper dans un milieu de plus en plus appauvri afin de coopérer, bon an, mal an, au commerce de la fourrure.
VI. Dans l'état actuel des choses, la conspiration du silence trouve paradoxalement un alibi fondé dans une exaltation mystifiée et mystifiante de l'état sauvage de la nature, prêtant à l'illusion que les Indiens, enfin laissés en paix, pourraient « vivre pour chasser ». On oublie volontairement ainsi que les conditions primitives ont subi depuis des métamorphoses considérables.
L'idée d'après laquelle les Indiens trapperaient pour eux dans un premier temps, pour vendre librement le produit de leur chasse dans le second, est aussi fausse qu'elle est répandue. En réalité, ils mettent leur force de travail à la disposition d'un employeur qui est le seul à régler les rouages du système. Le gouvernement intervient à la rescousse de l'employeur en offrant des rations de secours à ceux qui partent [9]. Il s'occupe des enfants qu'il nourrit, habille et éduque, des vieillards et des mères nécessiteuses auxquels il verse les allocations d'usage. Le gouvernement réglemente de plus la trappe des castors, fixant d'avance le nombre de peaux que le groupe de chasse sera autorisé à rapporter au magasin. S'il souligne par là son désir légitime de permettre une juste reproduction des castors exportés à grands frais (dans la logique d'un modèle impérialiste de rationalité économique), il dénie par là aussi aux Indiens le pouvoir de préserver eux-mêmes l'équilibre écologique. L'État tend à s'assurer, d'autre part, que les chasseurs seront en mesure de retourner sur leur territoire la saison suivante, pour que cette population flottante ne soit pas assimilée à celle des chômeurs. Toutes ces marques d'attention, tant de la part du gouvernement que de l'employeur, peuvent être louablement interprétées, et envisagées sous un angle moral, elles font figure d'intentions désintéressées. En réalité, l'employeur et le gouvernement se soutiennent, le premier réalisant une marge de profits confortable, le second faisant des économies considérables. En effet, l'employeur gère ce qui est en général l'unique magasin de la place, il achète à bon prix les peaux de fourrure, par le truchement d'une sorte de banque « d'épargne » qu'il dirige dans sa boutique, il change les chèques que ses clients reçoivent du gouvernement, et grâce à ceux-ci, il récupère les dettes contractées et vend les multiples objets exposés en évidence. De plus, grâce à une entente avec le gouvernement provincial, il entrepose les ballots de fourrures que les Indiens sont désireux de vendre aux enchères publiques. Bref, il « rend service » à tout le monde en y trouvant surtout largement son compte. Les gouvernements fédéral et provincial peuvent s'y fier, voyant en lui un intermédiaire qui fait le gros de la besogne.
On pourrait supposer maintenant que si les Indiens, qui après tout semblent dupés en apparence par ces procédés, refusaient en bloc de soutenir le système, le gouvernement serait confronté à de graves difficultés et ne pourrait plus masquer des pratiques d'exploitation sous l'étiquette frauduleuse de « développement » communautaire. Cela conduirait-il à un programme efficace de réforme ? L'expérience prouve qu'il faut rester des plus sceptiques à l'égard de l'éventualité d'une telle « solution » : les Montagnais et les Naskapi de Schefferville, qui ont refusé de suivre cette filière, ont une histoire extrêmement douloureuse. Celle des Naskapi, en particulier, vient étayer la thèse selon laquelle, lorsque les responsables gouvernementaux sont dépassés par les événements, ils préfèrent fermer les yeux et parler de déchéance morale et physique.
Ainsi donc ces facteurs, associés à la dégradation du milieu écologique, l'abandon des techniques traditionnelles qui n'ont pas trouvé de substituts adéquats jusqu'à présent, l'abdication progressive de l'autosubsistance en faveur d'un système coordonné de dons et d'aide gouvernementale, la détérioration des rapports qui réglaient les formes de coopération, et aussi de compétition, ont contribué à réunir les conditions et les éléments qui constituent actuellement un sous-prolétariat institutionnalisé.
Contrairement aux populations indiennes méridionales qui ont été « parquées » dans des réserves, toutes les populations indiennes nordiques ne l'ont pas été, la chose ne paraissant pas indispensable à l'époque. D'autre part, l'implantation de capitaux dans le Nord est un phénomène relativement récent, lié au progrès des techniques qui permettent de rentabiliser l'exploitation du sous-sol minier. Les Indiens vivent sur des « terres concédées par la Couronne », ce qui implique qu'ils pourraient en être délogés. Le cas des réserves est plus délicat car seuls les Indiens, légalement, peuvent décider s'ils les céderont ou non. C'est ainsi qu'il y a plusieurs années, une entreprise minière, la Iron Ore Company of Canada, avait choisi le site de la ville qu'elle se proposait de construire sur l'emplacement d'une réserve, celle de Sept-Îles. On demanda alors aux occupants de la réserve de se déplacer vers un endroit qu'on avait repéré bien à l'écart de la future ville près de la rivière. L'État promit aux Indiens de leur construire une maison. Mais une partie des Montagnais de la réserve se rebellèrent et refusèrent de bouger. Et l'on put voir par la suite une petite ville-champignon dont le centre, composé d'un îlot de cabanes, venait rappeler opportunément qu'un bidonville peut parfois présider à la naissance d'une ville.
Il y a d'autres cas où les Indiens, mécontents du lopin de terre qui leur est officiellement assigné, vont s'installer près d'une de ces nouvelles villes minières (comme les Montagnais de la « nouvelle » réserve de Sept-Îles qui ont abandonné leur maison de Maliotenam, c'est-à-dire Sainte-Marie, pour venir à Schefferville). L'équivoque conduisant à l'expropriation et au déplacement forcé (sinon par des voies psychologiques) ne peut que se perpétuer, car, alors que les Indiens se considèrent sur leurs terres, étant, de fait, sur un territoire de chasse, ancestral, l'État concède ces terrains à des compagnies minières chargées d'exploiter le minerai sur lequel il perçoit des redevances [10].
Les Indiens, qui pourraient servir de main-d'œuvre dans ces entreprises, ne sont pas employés - à quelques exceptions près -en raison des motifs fallacieux les plus divers invoqués par les responsables des compagnies : l'incapacité, l'échec subi lors du passage des tests d'admission prétendus d'un niveau primaire, tests composés dans une langue étrangère aux Indiens et dont les normes sont puisées dans la société occidentale, l'instabilité, « ( les beaux jours venus, ils disparaissent en forêt ») (sic), le fait qu'ils touchent des allocations et des rations de secours et que, en conséquence, il vaut mieux employer un chômeur blanc qu'un chômeur indien, ce qui, vu le taux de chômage en Amérique du Nord n'a rien d'étonnant, ni de rassurant.
Il ressort de tout cela qu'un barrage, tant réel que symbolique, est mis en place afin d'empêcher les Indiens de sortir effectivement d'un environnement défini. Ainsi, le seul lieu qu'ils puissent habiter est une terre réservée ; le seul milieu qu'ils puissent exploiter est la forêt continuant à pourvoir les marchands en fourrures. De ce point de vue, on pourrait s'interroger sur un exemple significatif : il est notoire que les entreprises recrutent de préférence les Mohawk pour les constructions très élevées, sous prétexte qu'ils ne connaissent pas le vertige. Nonobstant l'intérêt indiscutable des interprétations d'ordre culturel et historique qui veulent que les Mohawk ne soient pas venus par hasard à ce genre de travail, une enquête partielle il est vrai, a révélé qu'ils étaient tout autant que d'autres sujets au vertige et qu'ils choisissaient cette activité en raison de sa bonne rémunération.
Ainsi, à moins que des circonstances particulières ne s'y prêtent, permettant à un individu ou à un groupe d'émerger (exemples, l'absence de vertige chez les Mohawk la « découverte » d'un peintre de talent, le succès professionnel d'un médecin ou d'un ingénieur, etc.), le reste des Indiens, c'est-à-dire la masse, est encerclé par une barrière de préjugés qui contrecarrent et interdisent tout projet et toute initiative, quitte à ce que la société blanche récupère à l'occasion ce qui, à ses yeux, est facteur positif chez les indigènes. Cette conspiration, consciente ou non, suit une logique imperturbable ; elle est l'héritage apporté par la colonisation.
De même que l'image de la religion se maintient dans le cadre de l'apostolat (les Indiens ont un missionnaire parmi eux, ce qui se compare mal à un curé de campagne ou à un pasteur de paroisse), l'image du colonialisme est représentée par une compagnie omnipotente, la Hudson's Bay Company. De sorte que l'église et le magasin continuent d'être les deux centres principaux de polarisation le premier, socio-religieux (l'école fait partie de la Mission) le second, économique. Le revenu tiré de la vente des fourrures n'est jamais très élevé. On sait que les trappeurs doivent abandonner leurs pelleteries à la Compagnie de la Baie d'Hudson ou au ministère de la Chasse et de la Pêche. Dans le premier cas, ils sont payés directement, dans le second, ils doivent attendre, parfois une année, pour toucher une commission sur ces fourrures vendues aux enchères publiques de Montréal, de Toronto et de New York. Est-il besoin d'insister pour dire que les commissions, comme les prix fixés au poste, sont plutôt dérisoires, et qu'il est bien des raisons sans doute de demeurer rêveur devant un manteau de vison. En la matière, la mode constitue un élément déterminant [11]. Sur une période de cinq ans, le Prix moyen d'une peau de vison ou de castor est de $ 12.00 ; de renard roux ou croisé, de $ 10.00 ; de belette, de 0.50 cents ; de phoque, de $ 8.00, etc. Il est assez évident que la valeur de ces fourrures est sujette à une inflation pour le moins singulière et acquiert une plus-value absolument hors de proportion, en suivant la filière trappeur - pelletier - enchères - tailleur - fourreur - client.
Etre chasseur et trappeur aujourd'hui n'a rien de réjouissant, c'est être avant tout endetté. Pour rester sur un territoire de chasse pendant plusieurs mois de l'année, il faut un minimum d'Organisation, afin d'éviter la famine, on doit emporter le nécessaire, or pour se le procurer, il faut du crédit. Ce crédit est consenti par le magasin du poste et, du même coup, le trappeur se retrouve débiteur puisqu'il doit tout d'abord acheter des vivres et des munitions en investissant sur d'hypothétiques pelleteries. La boucle est bouclée une saison d'hiver après l'autre. Le système est organisé de telle sorte que la seule façon de ne pas être perpétuellement endetté, condamné à être trappeur et chasseur pour rembourser ses dettes, c'est de rester au poste et d'y chômer. Quant aux jeunes, ils sont de moins en moins familiarisés avec les techniques du piégeage puisqu'ils vont à l'école pendant la saison de chasse. Dans cette perspective, le certificat primaire terminé (quand il l'est), ils deviendront automatiquement de vrais chômeurs et devront s'exiler s'ils ont appris un métier.
Sans vouloir conjecturer gratuitement, il est sans doute permis de penser que tous ces problèmes risquent dans un proche avenir de se cristalliser et de s'exacerber davantage encore puisqu'un projet, venant du Gouvernement du Québec, vise à créer à partir de 1972, dans la région de la baie James, un immense complexe hydroélectrique [12] en vue des besoins industriels et domestiques d'une partie du Canada oriental et de l'État de New York. On pourrait difficilement trouver un rapport de force entre un projet aussi gigantesque et la situation évoquée plus haut. Il y a cependant des rapports de cause à effets : la mise en oeuvre de ce projet se fera dans l'hinterland, donc sur des territoires de chasse indiens ; la population des postes côtiers se verra augmentée sensiblement d'une population flottante étrangère sans que des moyens d'accueil adéquats soient institués ; une route par terre sera ouverte depuis l'Abitibi, alors que, jusqu'à maintenant, on circulait par la voie aérienne ; il n'y a pas de raisons particulières laissant croire que les Indiens seront embauchés, sinon à titre de guides ; le progrès, c'est que tous les indigènes du bassin de la baie James finiront par avoir de l'électricité au lieu de la traditionnelle lampe à gaz ; quant au reste, il faut se rapporter à ce qui s'est passé à Schefferville, par exemple.
LA MALENTENDU ETHNIQUE
D'une certaine manière, les mythes se référant à l'Indien impassible, félon, impénétrable, indifférent à tout, qui ont été largement répandus, se retrouvent dans les mythes modernes de l'Indien névrosé, taciturne, physiquement déchu, fataliste, en voie de disparition, et la formule sinistre, reprise par le cinéma western : « Un bon Indien est un Indien mort », est entrée dans les mœurs par des voies longuement jalonnées. Ces affabulations, à force d'être répétées, n'ont pas perdu de leur vigueur, bien au contraire, elles sont si bien ancrées que les principaux intéressés n'ont aucune envie de s'expliquer sur ces clichés. Cela relève, selon eux, de la pathologie des Blancs. Il faudra désormais également tenir compte de la nouvelle prise de conscience de la jeune génération, dans le sud du pays en particulier, loin de se laisser souffler la parole, elle l'articule à partir d'un interdit fondamental : défense aux Blancs de parler au nom des Indiens.
Mais le malentendu risque de durer encore longtemps car si les jeunes Indiens prennent la mesure de leur propre aliénation, il n'en va pas de même pour les Blancs. Le fonctionnaire qui s'étonne qu'un indigène sache réparer habilement le moteur de son embarcation, l'institutrice naïvement ravie que les enfants qu'elle enseigne soient, à tout prendre, aussi intelligents que les autres, l'infirmière qui vante la facilité naturelle de la femme indienne à accoucher par rapport à l'autre,. l'ethnologue qui harcèle son informateur de questions et qui, devant sa perplexité, n'hésite pas à mettre son porte-monnaie en évidence, le touriste qui s'émerveille de la perspicacité de son guide en forêt, toutes ces personnes ne participent-elles pas d'un système de représentations idéologiques grossières ?
Les Blancs arrivent mal à se départir d'un sentiment de condescendance à l'égard des Indiens et, à la limite, ils se croient tous investis d'une mission qu'ils se désolent de ne pouvoir, de fait, remplir le plus souvent. D'ailleurs, beaucoup de Blancs, qui vivent dans le Nord, savourent ostensiblement le plaisir de se repérer au sommet d'une stratification sociale imaginaire dont les Indiens n'ont que faire. Il est assez évident que si les Blancs ont reconstitué cette structure hiérarchique occidentale, s'ils l'ont transposée à leur avantage, c'est que le niveau qu'ils ont attribué aux Indiens - il va de soi, le plus bas - aurait de fortes chances d'être à peu près le leur s'ils retournaient dans leur milieu naturel : la ville.
Ces malentendus suscitent les réactions et les subterfuges les plus divers : le touriste qui affecte de se plaindre de ne pouvoir pêcher sans succès verra parfois le produit de sa pêche déposé inopportunément à un endroit accessible aux chiens affamés, ou se verra conduire par un guide vers un cours d'eau où jamais poisson ne mordit à l'appât, suscitant chez la victime le regret d'avoir payé d'un tel prix une telle expédition [13] ; l'informateur, que l'ethnologue presse de répondre, racontera n'importe quoi et s'amusera à noter que ses propos sont enregistrés scrupuleusement ; s'il y a au poste des missionnaires représentant des religions différentes, ce qui est le cas fréquemment, souvent on envoie ses enfants étudier chez le premier, on fréquente l'église du second et l'on rend visite au troisième de manière à ne vexer personne ; quand on trouvait sur place deux compagnies rivales de fourrures, ainsi qu'il en allait du temps de Revillon Frères ou de la North West Company [14], l'on s'endettait auprès de la première et l'on vendait ses fourrures à la seconde pour disposer d'un certain crédit ; de même l'on pouvait voir un homme ayant deux femmes, promettre au missionnaire scandalisé de se séparer de l'une d'elles, sans en rien faire, parce qu'il savait qu'en la quittant, il eût désorganisé la division du travail et la structure familiale, la femme en question, à supposer qu'elle y eût consenti, n'eût pu survivre seule dans un milieu hostile.
Les réserves ont au moins un intérêt, c'est que, en principe, l'accès en est interdit aux personnes indésirables, mais les Indiens du Nord québécois n'ont pas les mêmes prérogatives. Et l'on peut observer partout les mêmes contrastes, les Blancs jouissent tous du confort : eau courante, électricité, chauffage moderne et maisons construites sur des emplacements choisis : face à la rivière, sur une petite colline, etc. Les Indiens, qui avaient au moins l'avantage de la mobilité quand ils vivaient sous la tente, sont réduits maintenant à habiter des cabanes sans eau, sans électricité, avec chauffage au bois, ou des tentes en dehors des quartiers réservés aux Blancs. Cela n'empêche pas la Compagnie de téléphone, Bell Canada, d'avoir beaucoup d'abonnés...
D'autres exemples pourraient s'ajouter à ce tableau déjà tant mutilé des communautés indiennes nordiques dont la langue, toujours vivante, constitue sans doute le dernier refuge. Le prosélytisme religieux se multiplie, dans le passé, il n'y avait que le représentant d'une seule et même religion. De nos jours, l'on trouve tout à la fois l'apostolat catholique, anglican et évangélique. L'évangélisme n'est pas à proprement parler une religion mais, se réclamant de la Bible, il se rapproche tantôt du catholicisme, tantôt de l'anglicanisme, ce qui conduit à une plus grande surenchère encore, le prêtre et le pasteur. Les rites traditionnels, qui persistent sont mal identifiés par les Blancs mais l'on peut cerner du moins une forme de syncrétisme religieux assez combinée, pour inquiéter les missionnaires qui en viennent à se désoler du peu de ferveur de leurs ouailles.
Ces populations, loin de posséder un statut leur conférant même, et en dépit de la pauvreté, une sorte de rayonnement, sont au contraire en butte à un système de préjugés solidement ancré. Il n'est besoin que de comparer les Indiens nordiques avec les Esquimaux pour découvrir ce qui constitue la différence aux yeux des Blancs. S'il arrive que dans une communauté, Esquimaux et Indiens se côtoient, et que l'on ait besoin de main-d'œuvre (dans le cas de la construction d'une base militaire ou de bâtiments gouvernementaux, etc., comme à Fort-George ou Poste-de-la-Baleine), on emploiera de préférence les premiers et, en dernier recours, les seconds.
Dans certaines limites, les Blancs éprouvent en face des Esquimaux une forme d'admiration mêlée de curiosité. Les Esquimaux, en raison notamment de circonstances géographiques, ont réussi à tenir la colonisation européenne en échec plus longtemps, et les Européens leur attribuent, ipso facto, des qualités intrinsèques - ce qui au reste n'est pas faux -, mais cela prend un autre sens si ces qualités doivent servir à mesurer négativement celles des Indiens. Cela est typique dans les postes où les deux ethnies se côtoient : « Les Indiens sont paresseux »/ « Les Esquimaux sont débrouillards » ; « Les Indiens sont taciturnes »/ « Les Esquimaux sourient toujours », etc., et d'autres stéréotypes plus fâcheux encore qu'il est inutile de rapporter.
Est-il besoin d'ajouter que, fait notoire, le gouvernement mobilise, en faveur des Esquimaux, des sommes proportionnellement plus importantes - à remarquer que cette dépense est toute relative - que celles qu'il accorde aux Indiens (on compte au Canada 12 000 Esquimaux et 280 000 Indiens). Dans ces communautés interethniques, les Esquimaux habitent des maisonnettes banales et incommodes mais témoignant cependant d'une forme d'intérêt à leur égard de la part du gouvernement, alors que les Indiens ne disposent que de misérables cabanes construites par eux-mêmes. Ce fait, et d'autres du même ordre sont à l'origine d'une certaine tension entre les deux ethnies que les Blancs se plaisent à qualifier « d'ennemis héréditaires ».
Les Esquimaux, grâce à leurs techniques et leur audace, ont prouvé qu'ils avaient pu s'adapter à des conditions climatiques particulièrement difficiles, impressionnant les Blancs, obligés de convenir qu'ils n'auraient jamais pu survivre seuls dans un tel milieu. Les Indiens, en revanche, n'ont jamais joui de la même considération en dépit du fait que certaines régions nordiques qu'ils habitent ne le cèdent en rien aux territoires esquimaux pour ce qui est des difficultés et qu'un environnement hostile oblige à surmonter. Mais ces régions demeurent nécessairement situées plus au sud, dans l'imaginaire des Blancs, qu'un Pôle Nord légendaire fétichisé où nul jamais ne vécut.
On concéderait tout au plus aux Indiens l'invention des raquettes, du toboggan et du canoë, mais ces objets sont entrés dans les mœurs depuis si longtemps qu'ils ont perdu, comme les mocassins, leur certificat d'origine ; tandis que l'igloo, le kayak, l'oumiak rappellent dans l'esprit populaire quelque expédition prestigieuse tout comme la gravure ou la sculpture en stéatite trouvent leur place d'honneur dans les salons bourgeois. Ceci évidemment aux dépens des Esquimaux qui voient certaines de leurs créations, même récentes, commercialisées à outrance.
Ainsi donc, depuis le XIXe siècle, par un effet de stagnation et de piétinement, la mentalité des Blancs à l'égard des Indiens a peu évolué, mentalité où le mépris se trahit sous les bonnes intentions.
A ce point de l'analyse, il faut prendre en considération une donnée peu connue qui n'a rien de consolant : l'hostilité constante du Blanc ne laisse à l'Indien que l'issue dialectique d'un mépris souverain et croissant.
Les Indiens ont eux aussi leur opinion sur les Blancs qui est comme l'envers de la médaille. La seule faiblesse de cette opinion est de n'être pas largement diffusée et de rester ignorée des principaux intéressés, alors que les Indiens connaissent par cœur toutes les appréciations défavorables portées sur eux. Il est vrai que l'humour indien n'est pas l'humour blanc et que, en tout état de cause, tenir le haut du pavé, sur un tel plan, n'a jamais rien prouvé. D'ailleurs le rapport des forces se situant au niveau des possédants et des possédés, il suffit d'évoquer la facilité avec laquelle les Blancs, qui, un jour, ont connu des Indiens, missionnaires, fonctionnaires, ethnologues et autres, l'ont fait sous le mode de la négation des différences et de l'appropriation de l'autre ainsi privé de son identité. C'est ainsi que les Indiens sont devenus « nos » Indiens. Qui donc a déjà entendu des Indiens parler de « nos » Blancs ? Ils ont au contraire personnalisé la relation en donnant à chaque Blanc un surnom individuel qui a parfois d'étranges résonances, ironiques par leur pertinence même. De surcroît, ces surnoms sont en général jalousement gardés, et la victime est accompagnée où qu'elle aille de son double caricatural, la délicatesse consistant à lui laisser ignorer quel signe et quel symbole elle représente chez « ses » Indiens dont le plus souvent elle ne comprend pas la langue.
On pourrait donc conclure que, chez les populations algonquines nordiques, la situation sociale et économique, qui s'était déjà dégradée au XIXe siècle, a dans ce sens peu évolué en raison d'un ensemble de facteurs qui, associés les uns aux autres, n'ont fait que déplacer les problèmes à l'intérieur du cadre immuable Permanent des mêmes contradictions.
L'étroitesse de certaines conceptions et la rigidité de certaines institutions ont contribué à l'écrasement d'une culture originale, à la dislocation d'une société. On a interdit aux Indiens de disposer d'eux-mêmes. Davantage encore, ces institutions n'ont eu pour fonction que la réalisation des thèmes récurrents de l'intégration et de l'assimilation qui n'ont jamais été clairement définis et qui n'ont jamais été acceptés par les Indiens. Ces projets sont d'ailleurs suspects puisqu'ils offrent d'emblée une structure linéaire et ne visent, bien entendu, que l'écrasement de l'altérité irréductible de l'Indien, et jamais la transformation inverse du Blanc, à partir d'une remise en cause par l'Autre. Dans certains cas, ces mesures contraignantes ont semblé avoir raison des Indiens des réserves méridionales mais les autorités peuvent constater actuellement que ces résultats n'étaient qu'apparents. Cela n'est pas sans raison que le mouvement « Red Power » prend de plus en plus d'influence tant au Canada qu'aux États-Unis.
Il serait nécessaire de revenir en arrière pour examiner tes étapes qui ont mis en place des institutions aussi arbitraires et qui ne paraissent logiques que dans leur pérennité. Ni remises en question ni contestées, les conceptions des Blancs sont si bien ancrées dans les mœurs qu'elles semblent désormais indélogeables. Il est de bon ton de dire que « les réserves sont la mauvaise conscience des Blancs » ou d'ironiser par un « Mais que veulent donc les Indiens ? » Il faudrait aller plus loin et savoir si ce n'est pas là une façon de sonner l'alarme pour mieux la neutraliser. Au-delà d'une mauvaise conscience, en doit chercher au phénomène ses véritables causes d'ordre psychique : chez chaque Blanc (sous-entendu, descendant des colons ou des pionniers) n'y aurait-il pas une hostilité latente et de là une culpabilité inconsciente qui ne pourrait être supprimée en présence de l'Autre que si elle était combattue directement. Ce qui est à proprement parler irréalisable. Sinon par des psychothérapies de groupes magistralement dirigées.
C'est pourquoi il ne saurait être question ici de présenter ce qu'on appelle des solutions. Il n'y en a guère. On ne peut que se proposer d'analyser les mécanismes qui ont conduit à une telle situation pour prendre acte du fait accompli. En définitive, seuls les Indiens sont habilités à prendre les décisions qui les concernent ainsi qu'ils l'exigent. Aussi longtemps que, en la matière, la parole n'appartiendra pas aux seuls Indiens, le discours réformiste du Blanc cachera, sous une forme de justification, la compulsion inavouée à supprimer l'autre en tant qu'Autre.
[1] Bien que la péninsule du Québec-Labrador fût connue depuis fort longtemps, son hinterland resta « terra incognita » jusqu'au XIXe siècle. Cf. Davis, K. G. Ed. Northern Quebec and Labrador Journals and Correspondence 1819-35, The H.B.C. Record Society, Glascow, vol. XXIV.
[2] « Vient le temps où le créancier n'a pas encore prêté tandis que le débiteur n'arrête pas de rendre, car rendre est un devoir, mais prêter c'est une faculté - comme dans la chanson de Lewis Carroll, la longue chanson de la dette infinie : « Un homme peut certes exiger son dû, mais quand il s'agit du prêt, il peut certes choisir le temps qui lui convient le mieux » (Lewis Carroll, Sylvie et Bruno, chap. XI). Cf. G. Deleuze et F. Guattari, L'Anti-Oedipe, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 234.
[3] Cf. M. Dobb, Studies in the Development of Capitalism, Routledge Paperback, London, 1967, p. 208.
[4] Encore aujourd'hui, le pouvoir d'achat des Indiens est limité le plus souvent au seul magasin du poste qui vend des produits de base mais aussi beaucoup d'autres au prix fort. Ainsi les décorations et les cadeaux en vue des fêtes de Noël rapportent chaque année des profits très importants. Le rythme auquel sont vendus ces objets, les rassemblements que provoquent les fêtes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du magasin évoquent, à une échelle réduite, la densité des foules des grands magasins méridionaux à l'époque des fêtes de fin d'année. La distribution des cadeaux le jour de Noël fait penser en outre à un mini-potlatch où chacun a dépassé la limite de ses possibilités financières.
[5] L'instigateur de ce projet fut le Rev. W.G. Walton qui en a rapporté la chronologie dans Life Conditions of the Natives Races of the East Coast of Hudson's Bay. By Spectator, 1921 (?).
[6] Rappelons que la Hudson's Bay Company, qui obtint en 1670 une charte royale l'autorisant à exploiter le nord du Canada, n'a vu ses privilèges que légèrement mis en cause au XIXe siècle, lors de la formation politique du Canada. Elle continue de conserver, au Nouveau-Québec, des privilèges nettement exorbitants.
[7] Cf. Le cycle nourriture-territoire-densité humains analysé par A. Leroi-Gourhan, in Le Geste et la Parole (Technique et Langage), Éd. Albin Michel, 1964, p. 213, passim.
[8] Charle Elton a analysé ces cycles d'une façon magistrale dans Voles, Mice and Lemmings, Wheldon and Wesley, New York, 1965.
[9] Les rations sont parfois l'objet d'étranges marchés. Les trappeurs, qui ont des territoires de chasse éloignés du poste, parfois de plus de 500 miles, prennent toujours l'avion pour s'y rendre. Un fonctionnaire des Affaires indiennes, lors d'une rapide tournée dans les postes, incita les Indiens à se rendre sur leur territoire en canot, leur promettant, ce faisant, le double de rations. L'interprète (malicieux ?) traduisit aux Indiens que ceux des chasseurs qui prendraient l'avion auraient le double de rations. Ce que tous firent allégrement.
[10] La situation ne peut que se détériorer si on tient compte du projet d'aménagement hydro-électrique de la baie James qui va priver les Indiens de cette région du libre usage de leurs territoires.
[11] Beaucoup de postes de l'Arctique datent du début du siècle, lorsque le renard blanc devint un article très recherché tant sur le marché européen que nord-américain. La Compagnie de la Baie d'Hudson intensifia alors ses contacts avec les Esquimaux qui pouvaient lui rapporter la précieuse marchandise. Cf. Elton, C., 1965.
[12] Des experts avancent le chiffre de 6 milliards de dollars.
[13] Son séjour, organisé par une compagnie privée ou l'État, lui coûte environ 800 dollars pour une semaine.
[14] La North West Company fut assimilée par la Hudson's Bay au XIXe siècle. La société parisienne, Revillon Frères qui tenta de s'implanter dans le Nord au début du siècle, fut aussi la rivale malheureuse de la Compagnie de la Baie d'Hudson et dut plier bagage.
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