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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Diéyi DIOUF, “Les revues sénégalaises en ligne : quelques expériences concrètes.” In revue Bulletin de l’Institut Fondamental d’Afrique noire Cheikh-Anta-Diop, Série B — Sciences humaines, Tome 56, 2014, pp. 179-198.. [L’auteure nous a accordé le 12 novembre 2015 l’autorisation de diffuser en accès libre à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Diéyi DIOUF *

Titulaire du diplôme supérieur en sciences de l’information et de la communication
de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, Diéyi Diouf est
conservatrice à la bibliothèque centrale de l’UCAD.

“Les revues sénégalaises en ligne :
quelques expériences concrètes.”


In revue Bulletin de l’Institut Fondamental d’Afrique noire Cheikh-Anta-Diop, Série B — Sciences humaines, Tome 56, 2014, pp. 179-198.

Résumé [179]
Introduction [179]

1. Panorama des expériences de revues sénégalaises en ligne [181]
1.1. Typologie [181]

a) Revues exclusivement électroniques
b) Revues mixes (papier et électronique)
c) Revues africaines basées au Sénégal

1.2. Conditions d'émergence des revues sénégalaises en ligne [184]

2. Fonctionnement [186]
2.1. Avantages [188]
2.2. Difficultés et limites [190]
3. Stratégies de diffusion/Référencement [191]
4. Point de vue des enseignants-chercheurs sénégalais sur les revues en ligne [192]
5. Vision du Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES) [194]
6. Bilan et perspectives [195]

Conclusion et recommandations [195]
Références bibliographiques [197]


Résumé

Les multiples rapports sur la société de l'information attribuent à l'Internet le statut de réseau mondial de communication électronique. Avec les énormes avancées technologiques dont il bénéficie, l'Internet a donné de nouvelles dimensions aux revues électroniques. En effet, tout auteur connecté peut, aujourd'hui, envisager de diffuser ses textes de façon professionnelle sur le réseau mondial, levant ainsi la barrière économique, temporelle et autres pesanteurs de l'édition papier, ce qui fait que les modes de production, de traitement, de stockage, de diffusion et d'accès à l'information scientifique sont en pleine mutation, entraînant la remise en cause de l'entité « revue » au profit de banques d'articles édités électroniquement. Conscients de ce phénomène sans précédent, des éditeurs scientifiques et des chercheurs sénégalais ont entrepris la mise en ligne de leurs productions scientifiques sous forme de revues électroniques. Cependant, ces expériences butent encore sur une timide acceptation, eu égard à des réticences qui s'expliquent par le fait que de nombreux chercheurs ignorent que la plupart des revues électroniques suit la même ligne éditoriale que celles en format papier.

Mots-clés : Revues électroniques ; Production scientifique ; Accès libre ; TIC ; Sénégal

Introduction

La communauté des chercheurs a été affectée par la crise du coût des périodiques au même titre que les bibliothèques académiques et centres de recherche. Cependant, Jean-Claude Guédon estime que les causes ne sont pas qu'économiques ; « Il y a des choses plus perverses » (Guédon, 2004) [1].

En effet, les auteurs ne parviennent pas à tirer le maximum de profit de l'Internet car, ils ont besoin d'une connexion rapide et permanente, ce qui n'est souvent pas le cas. Pour cette raison, les éditeurs qui sont attirés par l'Internet sont de plus en plus nombreux à y placer une partie limitée de leurs publications à des fins surtout expérimentales, informatives, voire publicitaires, sans envisager pour autant d'adopter la formule électronique. [180] La réalité est que les éditeurs cherchent à développer des sujets émergents pour permettre aux chercheurs de créer de nouvelles revues, véritables instruments d'investissement à forte influence sur la politique de la recherche. Cependant, ce système est devenu vite insupportable financièrement sous l'influence des grandes maisons d'édition.

Face à ces difficultés, les scientifiques ont tenté plusieurs alternatives dont le premier résultat est la déclaration de Budapest, en février 2002, pour l'accès libre et gratuit à l'information. Ce mouvement a abouti à la création de revues électroniques dans de nombreux domaines. Les résultats issus de nos interviews nous font affirmer que la mise en ligne des revues sénégalaises puise sa force à partir de plusieurs sources de philosophie différentes parmi lesquelles, le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC), qui facilitent les échanges entre chercheurs à travers des portails, des sites collaboratifs, et le regroupement de certaines bibliothèques en consortia. En réaction à l'évolution des revues commerciales, d'autres types plus accessibles ont fait leur apparition : les revues électroniques.

Les investigations menées sur les revues sénégalaises en ligne démontrent que tous ces outils participatifs et leurs développeurs visent à promouvoir la Science en tant que « bien public » dont l'accès devrait être gratuit pour tous. En plus de ces paramètres, l'économie de l'édition a été complètement renouvelée par le désir des auteurs à mettre leurs travaux scientifiques sur l'Internet, d'où la formule « payer pour voir ou pour être vu ».

En effet, la diffusion des savoirs sur Internet atteste d'une richesse et d'une vitalité incontestables. Sont privilégiés dans cette étude, les revues sénégalaises en ligne issues de la démocratisation des réseaux numériques libres d'accès.

Nous avons opté pour ce sujet car, l'édition électronique demeure très différente tant en terme de prestige que de modèle de diffusion, notamment dans les pays du Sud, mais surtout parce que ces sources sont issues spontanément de l'avènement de la société de l'information. En plus de leur caractère incontournable dans la diffusion actuelle du savoir, les revues électroniques sont moins nombreuses au Sénégal au moment où les chercheurs y ont de plus en plus recours dans leurs investigations. Les principales raisons sont que ces revues posent des questions inédites d'accès au savoir et de diffusion de l'information, mais aussi de structuration des offres de contenus et, ce faisant, de politiques à la fois scientifiques et culturelles. Dans cet article, nous exposerons les conditions d'émergences et de fonctionnement d'expériences concrètes de revues sénégalaises en ligne après avoir abordé les stratégies de leur diffusion/référencement, de même que leurs avantages mais également les limites qui les affectent. Nous dégagerons aussi quelques pistes pour leur évolution, après avoir analysé [181] leur codification par les enseignants-chercheurs et les instances d'évaluation de l'enseignement supérieur.

1. Panorama des expériences
de revues sénégalaises en ligne


Les chercheurs africains sont souvent confrontés à de réelles difficultés d'édition et de diffusion de leurs travaux dont les causes sont la rareté des revues scientifiques ou l'irrégularité de leur parution. À ce sujet, nous convenons avec Jean-Pierre Diouf « qu'en Afrique, se voir publier relève du parcours du combattant » (Diouf, 2006) [2].

Par ailleurs, les revues en ligne pourraient largement contribuer à surmonter ces difficultés et à donner aux travaux scientifiques une plus grande visibilité au plan mondial, un large accès à l'information scientifique, des échanges collaboratifs soutenus avec d'autres chercheurs.

Les revues sénégalaises en ligne pourraient parfaitement jouer les mêmes rôles. Sur la base des données recueillies au cours des enquêtes menées auprès des directeurs de publication de revues sénégalaises en ligne, il nous a semblé important de procéder d'abord à leur catégorisation afin de dégager les éléments déterminants de leur mise en ligne.

1.1. Typologie

Selon l'initiative de Budapest, une revue électronique est « une publication dont la mise à disposition gratuite sur l'Internet public permet à tout un chacun de lire, de télécharger, de copier, de transmettre, d'imprimer, de chercher ou de faire un lien vers le texte intégral des documents, ou de s'en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l'accès et de l'utilisation d'Internet ». (Extrait de l'Initiative de Budapest pour l'Accès Ouvert ,14 février 2002).

Cependant, cette définition semble partielle car, elle ne prend pas en compte l'interactivité entre les acteurs mais aussi le fait qu'une revue en ligne puisse être gratuite ou payante. En effet, la définition qui semble répondre plus à nos préoccupations est celle donnée par A. M. J. Schakel : "un journal qui utilise un ordinateur pour les phases normales selon lesquelles il est écrit, certifié, accepté et publié. Avec un logiciel approprié, un auteur peut entrer un texte dans le système, l'éditeur, les membres du comité de sélection et les lecteurs tout comme l'auteur peuvent avoir accès à [182] l'article sur leur terminal". Ainsi, parmi les revues étudiées, nous distinguons plusieurs types :

a) Revues exclusivement électroniques

Ce type de publication existe dans certaines disciplines. Il s'agit principalement de la revue SudLangues, orientée vers les sciences du langage. (Voir tableau n° 1).

Tableau n° 1 : revues exclusivement numériques

Nom et adresse
du site de la revue

Editeur et date
de démarrage

Domaine
couvert

Circuit
de publication
et format des données

SudLangues

www.sudlangues.sn

Faculté des Lettres et Sciences humaines (UCAD). 2001

Sciences du langage

-   Comité de lecture et de rédaction ;
-   Format PDF en texte intégral ;
-   Accès et abonnement totalement gratuits.



b) Revues mixes (papier et électronique)

La catégorie la plus courante est celle dont les revues ont la particularité de combiner des articles sous format papier et électronique, avec un contenu identique. En fait, les articles en ligne sont la duplication de la version papier, seul, le support change. Parmi ces revues, nous pouvons citer : Journal des Sciences et Technologies (JST), précédemment publié sous le nom de Journal de la Faculté des sciences et techniques, Ethiopiques, la Revue africaine de gestion (RAG), Dakar médical, le journal des sciences pour l'ingénieur, Psychopathologie africaine etc. (voir tableau n° 2).

[183]

Tableau n° 2 : exemples de revues mixes

Nom et adresse
du site de la revue
Editeur et date
de démarrage
Domaine
couvert
Circuit
de publication
et format
des données
Ethiopiques

www.refer.sn/ethiopiques/
Fondation Léopold Sédar Senghor en partenariat avec l'AUF 2002 Littérature,
Philosophie et disciplines connexes
-   Comité de Rédaction

-   Format Word avec un accès gratuit au texte intégral
Revue africaine de gestion (RAG) http://www.rag.sn/ Centre de recherches économiques appliquées (CREA), UCAD. 2003 Gestion -   Comité de lecture ;

-   Revue internationale ;

-   Format PDF en texte intégral accessible gratuitement.

Dakar médical

http://www.dakarmedical.sn

Société médicale d'Afrique noire de langue française (UCAD) 2002

Médecine et disciplines connexes

-   Comité international de lecture.

-   Format Word, seuls le résumé et les références de l'article sont disponibles.

-   Payant

Journal des sciences
pour l'ingénieur (JSPI)

http://www.jspi.sn/

Ecole Supérieure polytechnique
(ESP). 2001

Sciences
de l'ingénieur

-   Comité international de lecture.

-   Formats PDF, Word. L'accès aux références et résumé requière la création d'un compte avec mot de passe.

-   Payant.

Psychopathologie africaine

URL.

Société de psychopathologie et d'hygiène mentale de Dakar (SPHMD), UCAD. 2004 avec le soutien de l'AUF

Psychiatrie, Psychopathologie, Hygiène mentale

-   Comité de Rédaction et Comité consultatif international.

-   Format PDF et Word en texte intégral, accès gratuit


[184]

c) Revues africaines basées au Sénégal

En plus des deux catégories précédentes, émerge une troisième dont le processus « éditorial » tourne autour d'une numérisation de leur version papier suivie d'une mise en ligne. Il s'agit notamment des revues publiées par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) comme Afrika Zamazi, Afrique et développement, la Revue africaine de Sociologie, la Revue africaine des relations internationales, la revue Identité, culture et politique, la Revue africaine des médias, la Revue de l'enseignement supérieur en Afrique (RESA), le Bulletin du CODESRIA et la Revue africaine des livres. Tous les articles paraissent en format PDF en texte intégral. Cependant, tous les numéros parus ne sont pas accessibles sur le site. Seuls ceux archivés sont gratuitement accessibles à partir de la rubrique « Numéros disponibles » signalés par la notification suivante : Pour consulter les numéros accessibles en ligne en texte intégral, cliquez sur la mention "Numéros en ligne". Nous estimons que cette méthode ne constitue qu'un procédé de mise en ligne d'articles numérisés et ne pourrait être citée comme un exemple de revue électronique à part entière. Même si ces revues disposent de site web ou d'un comité de lecture, cela ne leur confère pas le statut de revue électronique car, le processus éditorial n'est pas intégralement suivi. Si ces expériences ont eu du succès, cela signifie que la mise en ligne des travaux scientifiques correspond bien à un besoin latent qui est loin d'être résolu au moment où l'accès aux ressources électronique constitue le « nerf de la guerre » entre les chercheurs.

1.2. Conditions d'émergence
des revues sénégalaises en ligne


Au cours de cette étude, nous n'avons pas obtenu une bibliographie solide sur l'offre des revues sénégalaises en ligne. Le sujet ne semble pas déjà été abordé selon les recherches approfondies que nous avons effectuées. Afin de rendre compte de cet état des faits, nous nous sommes basés sur des interviews accordées par les directeurs de publication des revues sénégalaises et les données fournies sur leurs différents sites web.

Traditionnellement, la diffusion de l'information est une dimension importante dans la carrière et les activités des chercheurs. En effet, les universitaires sont des enseignants-chercheurs et les résultats de la recherche méritent d'être vulgarisés à travers leur publication. A cet effet, les revues électroniques constituent d'excellents supports permettant de faire cette vulgarisation et la diffusion requise. A notre avis, un travail scientifique n'est apprécié que s'il a fait l'objet d'une diffusion au niveau d'un support crédible. C'est pour cette raison que les communications des enseignants-chercheurs se faisaient, de préférences, dans des revues à comité de lecture, des revues dites « cotées ».

[185]

Les directeurs de publication des revues sénégalaises en ligne interrogés estiment que les éditeurs classiques ont longtemps tiré le plus de profit de la créativité des auteurs et cela fait penser à l'anecdote « Publish, I am perish » lancé par F. Nyamnjoh lors de l'interview qu'il nous a accordée en février 2008.

Selon cet auteur-éditeur, vaut mieux publier ses travaux sur son site web personnel que de passer par un éditeur classique qui ne garantit guère la visibilité. Au moins, sur les sites personnels, les auteurs sont sûrs d'être lus (ou précisément d'être visibles) alors qu'avec les éditeurs, la publication peut être lente, longue ou même trop tard. Un auteur peut donc bien publier et périr. La solution serait alors de profiter des possibilités qu'offrent les technologies, surtout en Afrique où les chercheurs sont dans l'invisibilité presque absolue, à quelques exceptions près. En effet, depuis la démocratisation de l'Internet en 1997, de nombreux acteurs indépendants ont su en profiter en tant que nouveau vecteur de diffusion de l'information. C'est ainsi qu'au Sénégal, quelques initiatives ont vu le jour grâce à l'appui et au soutien de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF). C'est le cas des revues SudLangues, la Revue Africaine de Gestion (RAG), Dakar médical, Ethiopiques, Psychopathologie africaine etc. D'autres revues telles que le Journal des Sciences et Technologies (JST), Journal des sciences pour l'ingénieur ainsi que celles publiées sur le site du CODESRIA, pour l'ensemble des pays africains membres, sont apparues également dans l'engouement des fastes de la révolution d'Internet. En fait, ces revues proposent des contenus à la jonction des univers sociaux, politiques et culturels africains.

Loin d'en dresser un profil commun, il nous semble important de faire noter que les éditeurs des revues sénégalaises en ligne sont pour l'essentiel des enseignants-chercheurs dont le souci majeur reste la visibilité, l'échange et le partage des résultats de la recherche. Mieux, certaines de ces revues alternent le papier et le numérique ou conservent en complément les deux modes de publication. Par ailleurs, ces revues ont pour caractéristiques communes, à l'exception du JSPI, de diffuser des contenus de façon gratuite, contrairement aux revues traditionnelles dont les coûts insupportables ont poussé les bibliothèques à se regrouper en consortia pour négocier des licences communes qui leur permettent de s'abonner ou de négocier de la documentation à moindre coût.

Tous ces nouveaux moyens de communication plongent le chercheur au cœur d'un processus de médiatisation inédit parce qu'ils permettent un accès immédiat aux ressources. Ils permettent également de partager et de communiquer le savoir et les expériences.

[186]

À ce sujet, le directeur de publication de la Revue africaine de gestion (RAG), nous a confié lors de l'interview qu'il nous a accordée, que « l'importance des revues en ligne réside dans le fait qu'un auteur cherche toujours à être lu et à susciter l'intérêt ou l'approbation de sa communauté de référence. C'est pour cette raison primordiale que les auteurs seront toujours obligés de trouver des lecteurs et de passer par des instances de validation de leurs œuvres ».

2. Fonctionnement

Les directeurs de publication des revues sénégalaises ont compris très tôt que la mise en ligne permettrait de réaliser une économie substantielle par rapport à ce qui se fait au niveau papier.

C'est ainsi que certains d'entre eux divisent leur budget en deux et la moitié leur sert à effectuer la mise en ligne. Ils mènent les deux processus (papier-électronique) en parallèle en vue d'augmenter le taux du virtuel. En effet, les revues sénégalaises en ligne fonctionnent essentiellement suivant un régime contributif dont le développement du site et le suivi sont entièrement bénévoles. Mieux, la plupart de ces expériences se présente comme une initiative intégrée à un projet global. Probablement par souci de pérennité ou de financement, ces revues en ligne sont structurées comme des plates-formes aux activités multiples et complémentaires. Parmi les revues étudiées, seule SudLangues semble répondre aux critères d'une revue entièrement électronique. En effet, cette revue est exclusivement électronique avec deux numéros par an, en juin et en décembre. Elle est semestrielle et gratuite ainsi que son abonnement. Dans chaque domaine, les articles proposés à la publication sont évalués par des pairs, suivant des critères scientifiques à la fois sur le plan du contenu que du respect des normes de publication.

Quant à la Revue africaine de gestion (RAG), elle constitue la version électronique des Cahiers de Recherche en Gestion. Sa parution est très distante, voire irrégulière car, son site révèle la parution d'un numéro pour 2003 et 2005 malgré l'existence d'un comité de lecture composé de scientifiques de renommée internationale. La revue publie plusieurs types d'articles, des données empiriques, des enquêtes, des interviews, des statistiques etc.). Ces articles sont évalués par des pairs suivant des règles et des critiques d'articles déjà publiés par les cahiers. Les articles peuvent être rejetés, acceptés sans modification, ou acceptés sous réserve de modifications qui seront soumises à nouveau à une évaluation.

Sous un registre plus luisant, Éthiopiques est l'une des revues dont la parution semble assez régulière. Au moment de la réalisation de cette étude, nous avons relevé sur son site, 80 numéros déjà publiés de façon régulière. Les textes proposés sont soumis à l'appréciation du comité de rédaction qui [187] se réserve la possibilité de solliciter, chaque fois que de besoin, l'avis d'un lecteur extérieur. Les manuscrits sont soumis en trois exemplaires accompagnés d'un résumé de quinze (15) lignes au maximum, en français et en anglais. Il faut également joindre aux textes, une version électronique sous format Word. Le comité de rédaction a la possibilité, sauf refus écrit de l'auteur, d'effectuer des corrections de forme, de décider du moment de la publication, d'éditer les articles soit dans les numéros ordinaires soit dans les numéros spéciaux en fonction de leur sujet.

Le Journal des sciences et technologies (JST) était publié uniquement sous format papier, de 1994 à 2004 sous le nom de Journal de la Faculté des sciences et techniques. À l'instar des autres institutions, l'engouement du partage et de la visibilité a pris le dessus pour permettre la création de la revue hébergée par le site de la Faculté des Sciences et techniques. Il parait deux fois par an (un volume annuel comportant deux numéros). Exceptionnellement, l'année 2008 a vu ses différents volumes publiés séparément, ce qui a donné quatre parutions au lieu de deux. Par ailleurs, la réglementation en matière de soumission semble assez stricte. En effet, les auteurs soumettant un article pour publication doivent garantir qu'il est original, qu'il n'a fait l'objet d'aucune publication antérieure à l'exception d'un résumé de moins de 400 mots, et qu'il n'est soumis simultanément pour publication à aucune autre revue. Tous les articles rédigés en français ou en anglais sont soumis pour acceptation au comité de rédaction. La décision, après avis de deux référés au moins, choisi pour leur compétence en la matière, est transmise aux auteurs. En cas d'acceptation, des suggestions peuvent être faites par le comité de rédaction aux auteurs. La parution des articles semble régulière depuis 2006. Cependant, le site marque une absence de parution pour l'année 2005 toutes les fois que nous l'avons visité. Cela est certainement dû au passage de l'édition exclusivement papier à l'édition combinée.

Dakar médical constitue la suite de la revue papier du Bulletin Médical de l'Afrique occidentale française (AOF). En 1959, l'appellation Bulletin de la Société médicale d'Afrique noire de langue française lui est attribuée. Depuis 1978, la revue est dénommée Dakar Médical et publie actuellement trois numéros par an. Les articles peuvent être soumis au comité international de lecture par voie postale ou par Email, suivant les normes et recommandations faites aux auteurs. Cependant, la parution des articles reste très distante et parfois irrégulière. C'est ainsi que nous avons relevé sur son site, deux numéros pour 2007 et 2003 alors que les années 2002 et 2004 n'ont bénéficié chacun que d'un numéro annuel.

Quant au Journal des sciences pour l'ingénieur (JSPI), il publie les travaux des chercheurs basés en Afrique en leur facilitant l'accès à une [188] expertise de qualité. A l'exception de l'année 2006, la revue publie un seul numéro par an depuis janvier 2001. Le JSPI dispose d'un comité international de lecture composé d'experts chargés de l'évaluation des articles. Depuis 2003, cette revue est agréée par le CAMES et a servi à promouvoir la carrière de plusieurs chercheurs. Dans la même foulée, la revue scientifique francophone Psychopathologie africaine, publiée à Dakar depuis 1965 par la Société de psychopathologie et d'hygiène mentale de Dakar (SPHMD), diffuse des travaux en psychiatrie, en psychopathologie et hygiène mentale en Afrique. Elle dispose d'un comité de rédaction et d'un comité consultatif international, composé de personnes-cibles chargées de l'évaluation des articles. Présentement, la revue publie en version papier et de manière très irrégulière. Elle n'est pas une revue électronique à part entière même si elle dispose d'un site Web et nourrit la forte ambition de numériser et de mettre en ligne toute sa collection en sollicitant l'appui de partenaires. Les quelques articles disponibles sur son site sont d'anciens textes numérisés et mis en ligne.

2.1. Avantages

Le développement d'Internet a entraîné de profonds bouleversements dans la communication scientifique. C'est ainsi que des projets initiés dans le monde entier sont venus ébranler l'ordre établi, depuis des décennies, dans la diffusion des résultats de la recherche et le processus de partage des connaissances.

À l'origine, le serveur de prépublications initié en 1991 par Paul Ginsparg, chercheur à Los Alamos, dans le domaine de la physique, constitue la pierre angulaire de ce vaste mouvement. A la même époque, les premières revues électroniques, créées par des chercheurs, voient le jour. Tout ceci bouscule les habitudes prises par l'ensemble de la communauté scientifique. Ce faisant, la propriété intellectuelle des résultats, les processus d'évaluation et les pratiques de communication des résultats de la recherche sont remises en question.

Par ailleurs, plusieurs facteurs ont permis l'intégration des revues électroniques dans les pratiques des chercheurs, particulièrement ceux liés à la complémentarité entre le papier et l'électronique.

En effet, les fonctions traditionnelles de l'édition (valider, fabriquer, diffuser, etc.) se trouvent désormais entre les mains des communautés de chercheurs et des établissements de toute nature. Les usages des chercheurs sont en nette croissance avec le développement rapide des sites et la production multiforme en pleine expansion de la documentation scientifique. Ce nouveau positionnement des services a largement enrichi le travail d'édition. Au registre des avantages, on inscrira la présence en ligne d'outils performants [189] gratuits qui permettent d'élaborer, de constituer plus facilement et de mettre en ligne des textes scientifiques.

En effet, avec une économie à la recherche de ses points d'équilibre et l'augmentation considérable des coûts de la documentation, les établissements sont simultanément producteurs et acquéreurs. Par ailleurs, l'un des avantages les plus favorables à l'édition numérique est sans doute la fin des frontières traditionnelles entre l'informatique, l'édition et la documentation. Les revues électroniques représentent une opportunité pour les pays africains en permettant, par exemple, aux chercheurs, de contourner les insuffisances locales pour accéder aux richesses de l'information mondiale et pour y contribuer eux-mêmes en publiant sur le réseau. Dans cette perspective, nous estimons aussi qu'à l'image de l'Internet qui les a propulsées, les revues en ligne permettent d'abolir les barrières du temps et de l'espace, d'établir un sentiment de communauté plus fort chez les chercheurs, de soustraire la communauté scientifique aux logiques marchandes des maisons d'édition commerciales.

Par ailleurs, il existe beaucoup plus de facilités à éditer une revue en ligne qu'une revue en format papier au plan coût, matériel et travail. La possibilité d'obtenir des articles scientifiques sans être contraint de souscrire un abonnement à la revue constitue un atout majeur pour le chercheur africain à travers des revues complètement électroniques dans toutes les phases de production, de diffusion et de lecture, impliquant des échanges électroniques entre tous les acteurs (auteurs, éditeurs, comité de sélection, lecteurs).

En effet, la chaîne éditoriale est rendue plus facile car, certaines étapes telles que la communication entre pairs, la mise en page et l'impression peuvent être traitées plus rapidement. En plus du coût réduit de la production, la diffusion et la consultation sont désormais indépendantes du lieu et du temps. Tout ceci est davantage rendu plus moderne par l'apparition de nouvelles fonctionnalités dans la recherche documentaire sur les articles (navigation hypertextuelle, liens directs avec les articles référencés en bibliographie...) publiés dans des revues électroniques. A côté de ces avantages certains, se développe une grande interactivité entre auteurs, lecteurs et comité éditorial, dans les phases de prépublication et de postpublication. En définitive, nous estimons que pour donner une visibilité globale à l'information scientifique, il urge de la mettre en ligne en vue d'avoir une ouverture globale sur le monde car, l'Internet n'a pas de frontières ou de restriction.

[190]

2.2. Difficultés et limites

Pour analyser le paysage des revues sénégalaises en ligne il nous semble nécessaire de repérer, au préalable, les différentes lignes de fracture qui les parcourent. Cette fracture s'effectue suivant un axe principal qui demeure le type de support utilisé pour véhiculer les résultats de recherche. Dans le but de lever certaines équivoques sur les questions liées aux revues sénégalaises en ligne, nous avons interrogé des chercheurs expérimentés et spécialisés dans l'édition électronique (personnes ressources, éditeurs, directeurs de publication et rédacteurs en chef de revues en ligne).

Les éditeurs ont mis un accent particulier sur les difficultés méthodologiques, environnementales, économiques, sociales et politiques auxquelles, ils sont confrontés dans cet exercice. Certains directeurs de publication comme celui de la Revue Africaine de Gestion (RAG), sont confrontés au problème de révision. En effet, la quantité d'articles reçus, une diligence pas toujours évidente des référistes. Quelquefois, des difficultés techniques peuvent surgir à tout moment du processus éditorial. Aussi, certains articles sont envoyés tardivement par les auteurs et l'éditeur est obligé de se faire un point d'honneur pour que chaque article soit validé par les membres du comité et c'est seulement après le feu vert de deux réviseurs anonymes au moins, que les articles peuvent être mis en ligne.

Nous pouvons noter la minimisation des fonctions de l'éditeur, le risque de cloisonnement des disciplines scientifiques et, à l'inverse, le risque de « perversion » de la science lorsqu'elle est diffusée librement et gratuitement sur l'Internet. En effet, l'une des caractéristiques de l'internet qui constitue à la fois sa force mais aussi sa faiblesse, est l'extrême facilité qu'il offre à la publication. Pratiquement, toute personne peut publier et/ou avoir accès à une audience mondiale. En outre, l'édition électronique ne coûte pas très cher et n'exige pas toujours des connaissances techniques spécialisées.

D'aucuns pensent même que les revues en ligne constituent un mode de diffusion artisanal fort éloigné de celui des revues dont les responsables mettent en avant le professionnalisme et la rigueur. Ceci a été perçu par de nombreux éditeurs déjà bien assis et qui n'ont guère encouragé l'expérience numérique, manifestant à son égard des réactions de frilosité, voire d'hostilité. S'il est vrai que ces revues offrent des avantages certains au point de devenir incontournables pour les chercheurs, force est de constater qu'il règne une forte inégalité d'accès au réseau Internet en fonction des continents, des pays, des villes et même des communautés scientifiques. Dans les pays en développement ; par exemple, même si l'accès existe, la connexion est souvent sujette à des délestages intempestifs.

De plus, les pays africains comme le Sénégal sont menacés par un clivage social entre les élites branchées et le reste de la population, [191] l'écrasante majorité, mais exclue de la marche du progrès. À ce sujet, Ghislaine Chartron affirme : « le risque est donc de créer un monde à deux vitesses : les technologiquement riches et les autres se contentant d'accès appauvris ou écartés définitivement du support » (Chartron, 2003) [3].

Par ailleurs, avec la facilité même de la publication, les sites web et portails sont parfois très volatils. Ils apparaissent et disparaissent en peu de temps, leurs adresses changent et la qualité de l'information véhiculée est très variable. L'excellent coexiste avec l'exécrable et les auteurs des pages peuvent être aussi bien des spécialistes compétents que des amateurs éclairés ou des novices. C'est pour ces raisons qu'au Sénégal, la mise en ligne gratuite des revues est encore entravée par une forte réticence de la part de certains chercheurs. En plus du manque de moyens financiers commun à tous les directeurs de publication, se pose la question du droit d'auteur et de la protection des œuvres, principales sources de la crainte et de la méfiance des chercheurs face au plagiat. À cet effet, le directeur de publication de la revue Éthiopiques se pose d'abord la question de savoir « si l'on peut réellement parler de droit d'auteur dans le Web ». D'après cet éditeur, le droit d'auteur n'est pas encore décrit de façon claire dans le Web. D'autres éditeurs sénégalais sont confrontés à des difficultés techniques ou technologiques (manque d'ordinateur, de connexion, de formation, etc.) pendant que les contenus existent déjà et attendent d'être mis en ligne. Au stade actuel, ces éditeurs mènent les deux processus (papier et électronique) en parallèle en jouant sur un budget initialement alloué au seul mode de publication papier et espèrent fortement le soutien de la tutelle. L'une des difficultés que la quasi-totalité des directeurs de publication a soulignées, demeure l'hébergement, le référencement et le manque de compétences pour les mises à jour des sites, d'où l'énorme irrégularité dans la parution des numéros de leur revue. À ces difficultés, s'ajoutent celles liées à la sécurité dans le web (Web Security) et qui requièrent parfois une demande d'autorisation pour être protégé et sécurisé.

C'est pour cette raison que l'éditeur F. Nyamnjoh, interrogé sur la question des difficultés, nous confie que : « la même hiérarchie quotidienne existe aussi dans le web. Les sites qui sont plus aptes à être financés ont beaucoup plus de visibilité que d'autres ».

3. Stratégies de diffusion
/Référencement


Avant de décliner le processus de « référencement » des revues sénégalaises en ligne, il semble important de définir le concept pour en faciliter la [192] compréhension. L'encyclopédie en ligne Wikipédia définit le référencement comme « l'ensemble des techniques permettant d'améliorer la visibilité d'un site Web ». En effet, le référencement constitue un acte de vulgarisation qui permet d'améliorer la place d'un site dans les réponses fournies par les moteurs de recherche.

L'objectif visé dans le référencement d'un site web est de permettre aux internautes de le retrouver plus facilement à travers les moteurs de recherche ou par des liens. C'est ainsi qu'un site bien référencé sera plus facilement accessible aux internautes qui s'y intéressent. Dans un cadre plus général, l'hébergement de publications scientifiques sur le serveur d'une institution est une garantie de qualité. Cependant, la plupart des universités ne sont pas favorables à l'hébergement, ce qui fait que beaucoup de sites cherchent refuge auprès de fournisseurs privés. Habituellement, d'aucuns estiment qu'il suffit d'avoir un site Internet pour être automatiquement visible, mais il en est autrement car, le référencement peut être naturel (soumission de son site aux moteurs de recherche et annuaires) ou payant (payer des moteurs de recherche ou des annuaires pour qu'ils acceptent d'ajouter le site).

À défaut d'un référencement automatique, les directeurs de publication des revues sénégalaises en ligne se contentent de publier leurs revues sur le site de leur institution mais, certaines comme Dakar médical, SudLangues ou Ethiopiques sont aussi signalées grâce à l'AUF qui en assure l'hébergement en tant que revues soutenues depuis la création de leurs sites. Lors des interviews effectuées, aucun directeur de publication n'a fait mention d'un référencement payant pour sa revue. Nous en déduisons qu'aucune des revues étudiées n'a fait l'objet d'un référencement payant mais d'une simple mise en ligne sur le site de leur tutelle. Pour ces raisons, nous ne pouvons guère parler d'un référencement digne de ce nom pour les revues sénégalaises étudiées.

4. Point de vue des enseignants-chercheurs
sénégalais sur les revues en ligne


Les chercheurs invités au cours de nos investigations à « cliquer » sur les véritables enjeux des revues sénégalaises en ligne ont émis un avis favorable quant à la mise en ligne gratuite de leurs travaux ou à l'utilisation des revues en ligne. Par ailleurs, la plupart d'entre eux estiment que même si ces revues sont le véhicule d'avantages certains, ils demeurent convaincus qu'elles drainent également des limites et/ou butent contre des obstacles d'origine diverses car, l'édition est « à portée de souris ». Selon le directeur de publication du Journal des sciences pour l'ingénieur, les autorités politiques africaines n'ont pas encore mesuré l'enjeu réel que constitue l'accès libre aux travaux scientifiques. C'est l'une des raisons qui font que beaucoup de scientifiques africains sont restés sur les schémas classiques [193] d'une revue. En effet, le faible nombre de revues électroniques au Sénégal s'explique par diverses raisons parmi lesquelles :

- l'ignorance ;

Dans la partie consacrée au panorama des revues sénégalaises en ligne, nous avons souligné que la plupart d'entre elles sont soutenues par l'AUF ou, dans des cas rares, par les tutelles. Certains chercheurs pensent que les ressources en ligne ne font pas l'objet de validation par les pairs comme dans les revues papier à comité de lecture. Pourtant, dès qu'un article en ligne est imprimé, l'exemplaire obtenu rejoint le domaine de l'imprimé et, donc, de la revue papier.

- la méfiance ;

Au cours des enquêtes réalisées à propos de l'utilisation des revues électroniques, s'est dégagée une méfiance constante vis-à-vis des revues en ligne puisque certains chercheurs nous ont confié leur souci de se heurter à un manque de sérieux dans la sélection des textes mais aussi au plagiat, à un problème de droits d'auteur ou simplement, doutent de l'audience que les instances de validation de l'enseignement supérieur accordent aux publications électroniques.

- la défiance ;

Sous un registre plus rude, l'édition électronique fait face à la défiance des éditeurs classiques restés longtemps maîtres des lieux. D'aucuns estiment que les revues en ligne menacent le système éditorial classique et qu'il faut mener une croisade contre son expansion.

En Europe par exemple, des éditeurs avaient vigoureusement protesté et signé une pétition contre les nouvelles formes de publication sur Internet, en vue de contrecarrer l'évolution du phénomène.

- le manque de compétences ;

Au cours des interviews, des éditeurs nous ont fait part du manque de ressources humaines ou de compétences pour bien conduire une revue électronique ou une politique éditoriale numérique cohérente. Parfois, il se pose même un problème de mise à jour des données du site.

- le manque d'équipement ;

Pour les directeurs de publication qui disposent des compétences nécessaires, ils ont fait grief d'un manque chronique de moyens techniques et d'outils qui leur permettent de pratiquer convenablement un processus cohérent d'édition électronique.

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5. Vision du Conseil africain et malgache
pour l'enseignement supérieur
(CAMES)


Le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES) est une institution au service de la coopération interuniversitaire africaine dont les premiers jalons ont été posés en 1966 à Paris. Le programme d'activités du CAMES comprend entre autres tâches : l'équivalence et la reconnaissance des diplômes (titres et grades) d'enseignement supérieur et professionnel délivrés dans les différents pays membres. Il supervise les comités consultatifs interafricains et les concours d'agrégation. Cependant, des directeurs de publication interrogés estiment que les organismes comme le CAMES, appelés à accréditer et à valider les travaux des chercheurs pour leur permettre d'en tirer profit, demeurent encore extrêmement timides en ce qui concerne une accréditation forte, une reconnaissance sans ambiguïté dite des contenus en ligne. Pourtant, dès que le contenu d'un document en ligne est imprimé, il confère exactement la même valeur scientifique que la version papier. Contrairement à ce que pensent ces chercheurs, le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES) reconnaît la scientificité et la valeur incontournable des articles publiés dans des revues électroniques.

En effet, d'après les réponses aux questions que nous avons envoyées au conservateur du Centre d'information et de documentation (CID) du CAMES en juillet 2008, à propos de l'accréditation que la structure fait des articles publiés dans les revues électroniques, il affirme que la question a déjà été posée au niveau des instances scientifiques. La réponse a été que les articles en lignes sont tout aussi valables que ceux des revues papiers. Par conséquent, la reconnaissance de ces articles se pose dans les mêmes termes et conditions que ceux publiés dans les revues traditionnelles. Cependant, pour que ces articles soient reconnus, la revue électronique dans laquelle ils ont été publiés doit disposer d'un comité de lecture ou d'un comité scientifique. Le responsable du CID nous a signalé d'ailleurs, que le CAMES vient de signer une importante convention avec le CIRAD pour la numérisation et la mise en ligne de ses thèses qui probablement, seront visibles sur l'Internet sous peu de temps. Par ailleurs, au moment où nous avons interrogés ce responsable, le CAMES n'avait pas encore élaboré un document officiel pour la reconnaissance des articles publiés dans les revues électroniques. Ce sont des questions qui ont été abordées au niveau des réunions du Comité consultatif général et auxquelles des réponses ont été données et consignées dans des rapports. Nous estimons, qu'à l'image des structures de codification des travaux scientifiques du Nord, le CAMES devrait soutenir les initiatives de revues électroniques pour encourager les chercheurs africains à publier gratuitement en ligne en vue de bénéficier davantage du facteur d'impact mais aussi d'être évalués par leurs pairs. Pour ce faire, la structure devrait mener une politique rigoureuse de vulgarisation pour accompagner ce modèle encore à l'état de balbutiement en Afrique sub-saharienne.

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6. Bilan et perspectives

Ce bilan est fondé sur les résultats d'une enquête portant sur les pratiques et usages d'une cible de directeurs de publication de revues sénégalaises en ligne. En effet, ces interviews ont révélé que les revues électroniques sont devenues d'indispensables, voire d'incontournables instruments de travail pour les chercheurs. Avec les possibilités offertes par les TIC, les revues papier sont devenues moins indispensables pour les chercheurs que dans le passé. C'est ainsi que certains auteurs ont déjà pris les choses en mains et se sont libérés de leur tutelle avec l'aide éventuelle de jeunes maisons d'édition dynamiques misant sur le numérique. L'acquis majeur à noter pour l'avenir des revues électroniques africaines en général et sénégalaises en particulier, demeure l'adhésion grandissante des chercheurs mais aussi le gigantesque bond que vient de faire le CAMES avec la signature d'une convention de numérisation et de mise en ligne de son fonds documentaire mais surtout, la reconnaissance et l'accréditation de ces revues au même titre que celles en format papier. Cette décision devrait permettre le développement de revues électroniques dans toutes les autres disciplines mais surtout de les hisser au même rang que celles du Nord.

En définitive, qu'elles aient réussi à s'inscrire dans les pratiques des chercheurs ou non, il est certain que les revues sénégalaises en ligne ont permis de souligner les points forts de ce mode de publication qu'il ne faut pas sous-estimer ou systématiquement remettre en cause. A notre avis, ces revues peuvent contribuer largement à la visibilité des résultats de recherche afin de combler l'écart (fracture numérique) dont l'Afrique est sujet. Cet écart a longtemps été créé par les jeux de pouvoirs, de sorte que l'Afrique soit défavorisée même avant que ses compétences ne soient prises en considération et/ou évaluées. Dès lors, la difficulté est de distinguer, parmi les revues électroniques, celles qui pratiquent le contrôle par les pairs et celles qui s'en passent. La détermination des auteurs, des éditeurs et des décideurs, ponctuée des opportunités qu'offrent les TIC, augure un avenir luisant pour les revues sénégalaises en ligne.

Conclusion et recommandations

À l'image des autres chercheurs du Sud, même si la production des résultats est une chose aisée pour le chercheur sénégalais, la difficulté demeure dans l'identification d'une revue nationale à haut facteur d'impact car, les revues en ligne déjà étudiées font face à des obstacles d'ordre financier ou organisationnel, ce qui engendre beaucoup d'écarts et d'irrégularité dans leur parution. Les chercheurs seront amenés au fur et à mesure à augmenter le taux du virtuel mais, il serait important que les professionnels de l'information [196] documentaire, les autorités directes, les responsables aux niveaux les plus élevés puissent s'intéresser à ce domaine, afin d'aiguiser les stratégies mises en place par les auteurs et / ou les éditeurs de ces revues en ligne.

À la suite des auteurs qui se sont penchés sur la problématique des revues en Afrique, nous suggérons et recommandons ce qui suit :

  • que les chercheurs s'approprient tout d'abord des TIC et leurs pratiques éditoriales ;

  • la sensibilisation des auteurs et des décideurs pour les amener à assurer une crédibilité à l'information en accès libre, mais aussi à mettre à la disposition de ces éditeurs-chercheurs les moyens qui permettent d'encourager la publication et l'accès gratuit à l'information scientifique ;

  • la recension et le regroupement de toute la production intellectuelle des chercheurs sénégalais voire africains, au sein d'une grande bibliothèque virtuelle (portail collaboratif) accessible à tous et de façon gratuite ; le bénévolat et la mobilisation des auteurs pour s'investir personnellement et ensemble sans s'attendre à une contrepartie financière pour les efforts consentis au plan scientifique ou technique, eu égard à l'appui dérisoire et au manque de motivations de la part des tutelles ; Au point de vue technologique, porter l'information sur tous les types de supports et de médias (CD-ROM, Internet, émission de radio, télévision etc.) pour une meilleure vulgarisation ; le développement d'une synergie entre éditeurs, auteurs et professionnels de l'information documentaire, de sorte qu'ils parviennent à mettre en place une stratégie commune permettant de rapprocher les contenus et les contenants ;

  • la redéfinition des contrats d'engagement avec les chercheurs afin que les universités aient plus de contrôle sur la recherche et la production scientifique des chercheurs, même s'il faut observer une période d'embargo ;

  • l'appui substantiel en moyens juridiques, financiers, humains et matériels des hommes politiques aux éditeurs de revues en ligne etc.

Aux antipodes de ces idées, une voie particulièrement intéressante pour l'utilisateur, en tout cas, est celle que suivent depuis plusieurs années déjà, les responsables d'Éthiopiques, une revue dont l'intégralité est accessible gratuitement en ligne, parallèlement à la version papier, ce qui constitue une formule séduisante pour les chercheurs. Pourrait-elle faire école ?

En tout état de cause, il serait périlleux pour les chercheurs africains, de croire que les portails, les sites personnels ou de revues, ne publient que de très rares articles sérieux et peu intéressants car, dans leur très grande majorité, ces articles en ligne existent aussi en version imprimée et, le plus souvent, ils sont déjà validés par des pairs. Il serait dommage que les [197] universités et les universitaires boudent les énormes possibilités culturelles qu'offre l'internet. Ce serait tout aussi qu'ils s'en désintéressent par mépris, par ignorance ou par crainte. Une révolution culturelle a vu le jour et tout auteur devrait y participer activement à son niveau et à sa manière.

Références bibliographiques

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 [198]

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* Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

[1] Guédon, Jean-Claude, Revues scientifiques en accès libre : Pourquoi, comment, des modèles libres pour l'accès à l'information, Journée ADBS, 2004.

[2] Diouf, Jean-Pierre. La publication académique en panne : Quelles perspectives pour l'Afrique ? p.6. [En ligne]

[3] Revues scientifiques et Internet : quelques repères. Paris, URFIST, 2004. [En ligne]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 2 octobre 2016 19:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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