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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Les illusions du pouvoir. Les erreurs stratégiques du Gouvernement Lévesque. (1981)
Épilogue


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Robert Barberis et Pierre Drouilly, Les illusions du pouvoir. Les erreurs stratégiques du Gouvernement Lévesque. Montréal: Les Éditions Sélect, 1981, 238 pp. [Autorisation accordée par l'ayant-droit de l'oeuvre de Pierre Drouilly, son épouse, Madame Francine Bombardier-Drouilly, la veuve de Pierre le 12 décembre 2021.]

[234]

Les illusions du pouvoir
Les erreurs stratégiques du Gouvernement Lévesque

Épilogue

LA DÉFAITE NÉCESSAIRE

Robert Barberis

Après la victoire du 15 novembre 1976, la très grande majorité des intellectuels indépendantistes n’ont exercé aucun esprit critique devant les stratégies étapistes du gouvernement Lévesque. Ces inconditionnels à la remorque du gouvernement refusent d’admettre que l’étapisme a paralysé le mouvement indépendantiste. Cet étapisme, faut-il le rappeler, a mis l’accent sur l’association (la stratégie du trait-d’union), sur un mandat de négocier puis sur un deuxième référendum, en un mot sur la démarche. Il a ainsi négligé gravement d’expliquer les raisons militant en faveur de la souveraineté. Ce déplacement d’accent est la cause des trois ans d’immobilisme qui suivirent la victoire du 15 novembre, et est en grande partie responsable de l’échec du 20 mai 1980, ainsi que de l’indifférence des jeunes, de la morosité des militants souverainistes et du scepticisme qui est en voie de se généraliser par rapport à l’option indépendantiste.

Or, voilà qu’au moment des prochaines élections, nous aurons l’occasion d’assister à la dernière étape vers le lent mais certain abandon de la lutte pour l’option souverainiste. Le gouvernement Lévesque demandera à la population de défendre les droits menacés du Québec, d’affirmer le caractère distinct de la société québécoise, en somme, de négocier avec le gouvernement fédéral et les autres provinces le renouvellement du fédéralisme pendant les quatre prochaines années. Somme toute, il s’agit de tenir le coup jusqu’à ce que Trudeau parte.

Pour faire avaler aux militants cette mise en veilleuse de l’option de base du PQ, des ministres ont laissé planer l’hypothèse d’une élection référendaire en 1985. Comment croire à cette vague promesse écrite nulle part et soumise aux aléas d’une conjoncture que nous ne pouvons [235] prévoir ?

Pour l’instant, ce qui frappe le citoyen moyen, c’est qu’il n’est plus question de l’indépendance du Québec et que l’enjeu de la prochaine élection sera le choix d’un gouvernement provincial qui ira négocier le renouvellement du fédéralisme (si négociations, il y a).

À ce propos, le témoignage de Mme Lise Payette est intéressant. En quittant la scène politique, elle a fait des affirmations qui méritent l’attention. « J’ai besoin, dit-elle, de redevenir une militante de la souveraineté, besoin de militer en faveur d’un Québec libéré de tutelles politiques et économiques ». Elle affirme que le gouvernement « fait du fédéralisme renouvelé » et déplore « qu’il n’y ait plus personne pour parler de souveraineté-association ». Et elle ajoute : « Ce n’est surtout pas le moment de cesser de parler de souveraineté. Il faut en parler plus que jamais. Pour plus tard, pour après, pour dans quatre ans. »

Ainsi donc, le gouvernement fera du fédéralisme renouvelé pendant 4 ans. Devant l’agression unilatérale de Trudeau et les menaces à la Loi 101, a-t-on pensé un seul instant à foncer et à proposer au million et demi de Québécois qui ont voté OUI, et aux NON déçus et trompés, une véritable alternative en faisant des élections référendaires? Pas du tout. On a préféré utiliser le sophisme du respect des résultats du 20 mai et renoncer à son option. Ce qui importe à tout prix, c’est de garder le pouvoir.

À la réflexion, il n’y a pas à s’étonner que les étapistes en soient rendus à essayer de renouveler le fédéralisme. Le cercle est ici parfaitement vicieux. On est étapiste parce que les Québécois ne sont pas majoritairement indépendantistes. Et les Québécois ne sont pas majoritairement indépendantistes principalement parce que ceux qui devraient exercer un leadership dans la promotion de l’indépendance ne le font pas et préfèrent l’étapisme. Le gouvernement Lévesque n’a pas favorisé l’action des milliers de militants et de souverainistes, qui ne demandaient pas mieux que de servir de relais. Mais pour servir de relais, encore faut-il qu’il y ait autre chose à transmettre qu’un trait-d’union, un mandat de négocier, une démarche. À cette action militante, les dirigeants péquistes ont préféré nous enliser dans des ruses politiciennes.

Lors de la campagne électorale, les dirigeants péquistes essaieront de démontrer qu’ils furent un bon gouvernement, ce [236] qui est vrai, en gros, à l’intérieur des limites imposées par la constitution canadienne à un gouvernement provincial.

Plus les ministres prouveront qu’ils sont bons, plus les gens seront portés à se dire, qu’après tout, un régime politique qui permet à un gouvernement d’être si bon ne saurait être si mauvais que cela. C’est ainsi que s’évanouit la critique du système fédéral, qui est un des éléments moteurs de la promotion de l’option indépendantiste. Il y a donc une contradiction entre la promotion de l’indépendance et la plateforme électorale du bon gouvernement et du renouvellement du fédéralisme.

Puisque la défaite du 20 mai n’a pas réussi à sonner le glas de cet étapisme néfaste, il est peut-être préférable que les technocrates rusés subissent la décisive leçon de la défaite électorale pour que le mouvement indépendantiste se réveille enfin. Avec le PQ de nouveau au pouvoir, est-il possible d’envisager une relance du mouvement souverainiste? Le petit train étapiste continuera son ronron quotidien d’administrateur à la petite semaine d’un État provincial, pendant que les utopistes indépendantistes sans instrument d’action politique regarderont passer ce train comme la vache célèbre. Puisque les dirigeants péquistes ont refusé de faire une élection référendaire au printemps ou à l’automne 81, il semble bien qu’un séjour dans l’opposition pourrait s’avérer bénéfique, si on se place d’un point de vue indépendantiste.

Bien que la perspective d’un gouvernement Ryan soit un peu cauchemardesque, la possibilité d’une défaite aux élections n’apparaît donc pas comme une catastrophe. Au contraire. En 1966, la défaite du Parti libéral avait attristé René Lévesque. Pourtant, cette défaite a provoqué son engagement en faveur de la souveraineté. À court terme, c’était une défaite pénible. A plus long terme, c’était une défaite nécessaire.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 17 octobre 2022 13:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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