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Fernand Dumont et Fernand Harvey
Respectivement sociologue, Département de sociologie, Université Laval.
Institut québécois de recherche sur la culture, d’une part,
et sociologue et historien, IQRC, d’autre part.
“La recherche sur la culture.”
Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 26, no 1-2, 1985, pp. 85-118. pp. Numéro intitulé : “Situation de la recherche, 1962-1984.”
- Résumé [85]
- Introduction [85]
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- A) L’identité [86]
- B) Les idéologies [88]
- C) La conscience historique [92]
- D) L’imaginaire collectif [100]
- E) Genres de vie et communautés [104]
- F) Opinions, attitudes, comportements [111]
Résumé de l'article
L'histoire de la culture québécoise et des recherches qui ont porté sur elle depuis 1960 se ramène à une défection de la référence : religion, conscience historique, langue, État, attestent de l'identité incertaine de cette culture. Ayant ainsi perdu ses repères, la société a fait place aux spécialistes de la culture. Sur la base de ce diagnostic, les auteurs proposent un bilan de la recherche, construit autour de quelques foyers de lecture : les idéologies, la conscience historique, l'imaginaire collectif, les genres de vie, les attitudes et comportements. En renouant le dialogue entre disciplines et à travers l'entrecroisement des préoccupations, la recherche scientifique sur la culture pourrait déboucher sur des considérations d'ensemble, qui actuellement lui font défaut.
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Introduction
Les responsables de ce colloque ont voulu que cet exposé constitue un inventaire de la recherche des vingt dernières années sur la culture québécoise. Dès le départ, nous avons mesuré la difficulté de la tâche, et plus encore lorsque nous nous sommes mis au travail. La littérature est considérable en la matière. On y dénombre des livres et des articles dans des disciplines fort diverses, et qui ne relèvent pas tous du genre dit « scientifique » ; il arrive que des essais soient plus suggestifs que des monographies. En dresser un catalogue s'avérerait fastidieux. D'autant plus qu'il existe des bilans nombreux sur telle ou telle question et qui sont parfois copieux ; nous mentionnerons, en note, ceux qui nous semblent les plus importants. À nos risques et périls, nous optons plutôt pour une sorte de survol. L'impressionnisme n'en sera pas absent.
Par contre, se pose un problème de frontière. La culture (pas plus, du reste, que l'économie ou la politique) n'est pas un « secteur » ou un « palier » de la société : c'est un foyer particulier de lecture qui concerne la réalité collective tout entière. Dès lors, comment ne pas empiéter sur les propos que tiendront d'autres auteurs de communications au cours de ce colloque ? Au lieu d'encercler un territoire illusoire, et sans respecter les frontières des disciplines, nous répartirons nos analyses suivant une série de six thèmes, foyers de lectures eux aussi, et dont la complémentarité est susceptible d'éclairer un ensemble : [86] 1. l'identité de la culture ; 2. les idéologies ; 3. la conscience historique ; 4. l'imaginaire collectif ; 5. les genres de vie et les communautés ; 6. les opinions, les attitudes et les comportements.
Enfin, nous nous sommes souvenus que, dans la présentation du premier colloque de Recherches sociographiques en 1962, on avait invité les auteurs à s'inspirer de la maxime d'Henri Berr : « travail fait, travail à faire ». Il nous arrivera donc de déborder quelque peu la recension de la recherche accomplie pour entrevoir des tâches à venir. Ce seront, bien entendu, des indications partielles et partiales.
A) L'identité
Dans la revue des thématiques qui ont inspiré l'étude de la culture québécoise depuis les années soixante, on conviendra que le problème de l'identité de cette culture doive venir en premier lieu. Parce qu'il s'agit, somme toute, de la délimitation de l'objet. De quelle culture s'agit-il ? Certes, cette interrogation n'a pas été au centre de toutes les investigations. Elle a été parfois la préoccupation essentielle. Dans d'autres cas, elle constitua un horizon. Et il arriva qu'elle ne fût que présupposée plus ou moins implicitement. En outre, cette interrogation s'est profilée non seulement dans les travaux qui se voulaient scientifiques mais surtout dans des essais, dans la trame de plusieurs romans, aux détours de poèmes. C'est que nous sommes ici en un lieu de passage, incessamment retraversé, entre les suggestions de la société et les hypothétiques parcours de la science.
Cette interrogation sur l'identité, présente dans toutes les cultures, est particulièrement lancinante au Québec depuis toujours. Au point où on pourrait y reconnaître le trait caractéristique de notre culture. Identité incertaine : telle est la définition que l'on serait tenté paradoxalement de proposer de l'identité québécoise. Dès lors, on ne s'étonne pas que son étude en soit marquée, à son tour, dans son originalité foncière.
Pour une culture, si on la considère du moins dans son ensemble, l'identité n'est pas la liste de ses différences par rapport à d'autres cultures. Encore que, comme l'a suggéré Berger, il soit saisissant de dresser pareille liste, à l'occasion. Une culture est un système de référence, qui confine au discours explicite, surtout quand et c'est le cas pour la nôtre l'identité est vécue en tant qu'elle est problématique.
L'histoire de la culture québécoise et des études qui ont porté sur elle depuis 1960 se ramène à la défection de la référence. Dans cette défection, les investigations scientifiques ont trouvé le vide propice à leur essor ; en retour, ce vide, elles ont contribué à l'élargir et elles ont tenté de le combler à leur façon. Cette défection de la référence, il est aisé d'en repérer sommairement les avatars.
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La religion, la référence traditionnelle et la plus importante, est devenue affaire privée. Remarquons qu'il ne s'agissait pas là simplement d'un transfert de pouvoir de l'Église à l'État, mais de la dissolution d'une symbolique, d'un imaginaire collectif. Ainsi, mis à distance, le catholicisme traditionnel a donné lieu à des recherches et à des essais de toutes espèces. [1]
Pour rester au plus près de cette symbolique et de cet imaginaire, la référence de toutes les cultures reporte à une conscience historique. Le mythe (entendons ici cette expression dans un sens positif) des origines communes et d'un destin commun nourrit partout le sentiment de l'identité culturelle. « Avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire de nouvelles à l'avenir » : telle est, à peu près, la définition que Renan donnait de la nation. Cette conscience historique a été particulièrement présente tout au long de notre passé. Groulx n'était que le lointain écho des générations quand il écrivait, dans la préface de la deuxième édition de La naissance d'une race : « Si vivre est persévérer dans son être, les Canadiens français ont besoin de savoir quel est leur être national, et comment, à travers l'histoire, il s'est formé. » [2] Cet axiome, qui fut longtemps une évidence, a été irrémédiablement compromis dans les années soixante. La Révolution dite « tranquille » s'est voulue une rupture. Et, pour s'en assurer, à l'exemple de bien du monde, les scientifiques ont tenté de le démontrer. La conscience historique est devenue « malheureuse », pour employer avec un peu d'humour le mot célèbre de Hegel. De ce malheur procède la plus grande portion de la production idéologique et scientifique des vingt dernières années.
En apparence, la langue demeurait une plus solide référence que la religion ou l'histoire. En fait, tout au long de notre passé, ce critère n'a jamais été cohérent. On le vérifie particulièrement dans notre littérature. Déjà, Crémazie regrettait que nous parlions une langue qui ne nous soit pas singulière ; notre littérature eût été davantage entendue, disait-il, si nous avions parlé huron ou iroquois. Écrire en français, ce fut toujours pour nos écrivains tenir le regard sur leur pays et sur la France. Aussi, on ne s'étonne pas que des années soixante ait surgi une extraordinaire polémique à propos du jouai ; le dossier en est abondant et révélateur. On y trouve des polémiques, mais aussi la source d'un essor extrêmement fécond des études sur la langue québécoise. [3] Encore là, la science est inspirée de l'incertitude inhérente à son objet.
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Restait un dernier repli de la référence, et ce fut le plus manifeste. L'affirmation du Québec comme État : telle a été, on le sait, la grande espérance et l'ultime recours des années soixante. L'État et ses experts y ont trouvé leur garantie. La science politique y a puisé son inspiration. Les spécialistes de la culture y ont contribué. C'était là un pari risqué, aussi bien pour les idéologies que pour la science qui prétend s'en défendre. Parler de l'identité des Canadiens français, sans trop s'arrêter aux frontières politiques ainsi que le faisaient les anciens, cela pouvait s'entendre assez facilement, et cela s'entend encore sans peine. Parler des Québécois, cela devenait plus compliqué : il y a des anglophones au Québec et on ne les englobe pas facilement dans une commune référence.
Il n'y a pas que des anglophones. Il y a aussi des autochtones, d'autres communautés ethnoculturelles. Il y a des classes sociales. Il y a des régions. Et puis, en quoi sommes-nous aussi des Américains ? En quoi, par ailleurs, appartenons-nous à une civilisation plus vaste encore que certains ont appelé la « nordicité » ? L'éclatement de la référence s'est produit dans toutes les directions. Chacune de ces directions a donné lieu à des débats idéologiques et politiques ; chacune a engendré aussi des cheminements de l'investigation scientifique. Nous aurons à y revenir dans la suite de cet exposé.
Au total, si l'on cherche les inspirations profondes de l'étude de notre culture depuis les années soixante, ce n'est pas d'abord dans la croissance des institutions et du nombre des chercheurs, dans les convergences ou les conflits d'interprétations qu'on les trouve. C'est dans la problématisation de la culture par elle-même, dans une société qui a perdu ses repères et qui, par là, a fait place aux spécialistes de la culture. On le verra mieux à l'examen des autres thèmes que nous allons envisager. Car ils ne sont que des variations sur le premier que nous venons d'évoquer.
B) Les idéologies
Depuis des siècles, la société québécoise a fait grande dépense de discours idéologiques. Affrontant sans cesse le péril de sa disparition, on y a porté au plus haut le désir de cohérence, la volonté de vivre en esprit ce qui paraissait compromis dans la pratique. Les années soixante n'ont pas rompu avec cette tendance traditionnelle ; il se pourrait même que celle-ci se soit alors renforcée.
Les explications qui viennent à l'esprit sont nombreuses. Retenons les deux plus évidentes. D'abord, l'attitude de refus envers le passé devait engendrer des projets : repenser une société, lui redonner un sens nouveau, lui définir un avenir, cela ouvrait large carrière au discours. Par ailleurs, au cours des mêmes années, l'intelligentsia a vu s'agrandir brusquement ses effectifs : la croissance [89] rapide des universités, la multiplication des collèges à la suite de la réforme de l'éducation, l'expansion des médias de masse, le développement de l'État et des entreprises parapubliques ont requis la mobilisation d'une multitude d'intellectuels, de professeurs, d'experts en tous genres. Le marché du discours s'est ainsi prodigieusement étendu.
On le sait : c'est le propre des idéologues que de dissimuler leur emplacement singulier sous la figure d'un sujet universel. Autrefois, la nation y pourvoyait le plus souvent. Elle a encore rendu le même service au cours des années soixante ; les travailleurs s'y sont ajoutés en bien des cas. Une autre caution est venue en complément : la dénégation du passé permettait censément d'assurer les discours du présent et, en retour, l'étude supposément « objective » ou « critique » des discours d'antan. Manœuvre classique, qui se trouve au départ de la recherche scientifique en beaucoup de cas semblables. À partir de ce constat, trois tendances semblent se dégager dans les études sur les idéologies.
La recherche empirique a fourni des travaux nombreux. Sur les penseurs un peu importants du passé, nous disposons maintenant d'études assez variées, parfois considérables. Les journaux et périodiques ont fait l'objet, sinon d'examens exhaustifs, du moins d'inventaires et de coups de sonde. On nous permettra de rappeler, à titre d'échantillon et sans en exagérer la portée, la série d'ouvrages sur les Idéologies au Canada français publiés sous la direction de Dumont, Hamelin, Montminy. [4] Compilation assez disparate, surtout en ses derniers volumes, et dont l'origine fort modeste remonte à des séminaires organisés avec des étudiants. La plupart de ces études se sont maintenues au niveau de la description empirique ; à une pareille entreprise collective, il était impossible d'imposer des cadres d'analyse qui eussent fait appel à des schémas théoriques dictés d'autorité. Quoi qu'il en soit, à ces investigations et à bien d'autres poursuivies depuis vingt ans, on doit d'avoir distendu les frontières où s'était longtemps confinée la considération de l'histoire de la pensée québécoise.
L'élargissement du corpus est un acquis. Mais il faudra étendre plus encore l'investigation empirique, notamment du côté des idéologies libérales. Certes, la pensée des Rouges des années 1840 a été étudiée ; celles d'Arthur Buies, de quelques autres. Celle de Jean-Charles Harvey a fait aussi l'objet de publications et nous disposons maintenant d'un livre excellent de Victor Teboul sur Le Jour. Mais tout un courant de pensée, à coloration économique, n'a pas cessé de se développer depuis le début du siècle et que la prédominance des idéologies conservatrices plus officielles a contribué à masquer. [5]
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Une deuxième tendance dans l'étude des idéologies peut être isolée, il nous semble. Il s'agit, cette fois, de reconstitutions de champs idéologiques particuliers, de synthèses encore partielles, mais qui ont le mérite de cerner un moment déterminé de la production idéologique. C'est là sans doute la voie la plus féconde de la recherche. Signalons seulement quelques études exemplaires. D'abord celle de Jean-Paul Bernard sur les Rouges : [6] l'auteur y reconstitue l'édification d'un discours à un tournant décisif de notre histoire où se sont affrontées les options d'ensemble sur le destin de notre société ; il en montre la genèse, la diffusion, l'échec, en insistant sur les divergences à l'intérieur du groupe définiteur. Mentionnons, en second lieu, le livre de Nadia Fahmy-Eid sur les ultramontains : [7] il est peut-être un peu trop inspiré par des schémas théoriques, mais la finesse de l'analyse et la richesse de la documentation constituent un apport indéniable. Enfin, rappelons les beaux travaux d'André-J. Bélanger sur les années trente où, là encore, les schémas théoriques de départ peuvent être contestés mais qui, sur cette période charnière, restent des modèles de recherche rigoureuse. [8]
Il est une troisième tendance, celle des synthèses globales. Celles-ci sont toujours nécessaires, comme vues d'ensemble provisoires : en principe, elles permettent de mieux discerner les tâches à poursuivre pour l'avenir de la recherche. Malheureusement, à notre sentiment, dans beaucoup de ces tentatives, on a surtout procédé à la mise en système des idéologies d'autrefois. La plus connue de ces tentatives, la plus volumineuse aussi, est celle de Denis Monière. [9] Ne nous prononçons pas sur la valeur des analyses que l'auteur propose. Retenons seulement les présupposés qui sont fort instructifs sur une certaine manière, naguère répandue, de pratiquer l'étude des idéologies du passé : « Jusqu'à présent, sauf quelques exceptions, écrit l'auteur, l'histoire des idéologies a été restreinte à l'histoire des idées de la classe dominante et malheureusement nous n'avons pas réussi à éviter ce biais, étant dépendant des sources qui le véhiculent. » En fait, l'auteur n'avait guère le choix : les idéologies [91] étant des discours, elles relèvent de la parole officielle, du pouvoir de parler. Néanmoins, Monière a tenu à marquer partout les décalages entre ces discours et les « attitudes » ou la « mentalité » de la population ; ce qui constitue pour lui, si on comprend bien, la critique essentielle que l'on doive faire des idéologies.
Depuis que sont retombés en pluie monotone les idéologies et les bons sentiments des années soixante, le moment semble venu pour la recherche de passer à un autre palier : celui où on pourrait éclairer la condition de l'idéologue. Entre la « classe dominante », qui parle, et la « classe ouvrière », qui ne parle pas, il doit y avoir quelque emplacement à explorer où se trouve celui qui confectionne les idéologies ou celui qui les conteste. Il nous faudrait une bonne étude sur l'intelligentsia des années soixante ; à partir d'elle, on pourrait remonter vers une sociologie historique des intellectuels du passé québécois. Après avoir ainsi pris quelque repos à distance des systèmes et donné un peu plus d'horizon à la lente procession des monographies empiriques, on aura tout le loisir de reprendre le décompte des « fractions » de bourgeoisies...
Les idéologies étant déjà des interprétations de la société, elles sont toutes proches des sciences qui en prennent le relais. Aussi, on devrait ranger ici les études sur l'histoire des sciences humaines au Québec poursuivies depuis les années soixante ; celles-ci marquent, en cette matière, un commencement. Mentionnons au moins les travaux de Jean-Charles Falardeau, de Marcel Fournier, d'Yvan Lamonde, à titre d'exemples encore. [10] Et souhaitons que ce genre de recherche s'amplifie à l'avenir ; car elles sont, répétons-le, un complément obligé à l'étude des idéologies et elles contribuent, en même temps, à donner à nos disciplines des assurances de relativisme et d'objectivité.
Enfin, les idéologies étant institutions de discours dans une société, leur étude nous paraît indissociable de celles qui portent sur les modes officiels d'apprentissage. L'éducation scolaire n'est-elle pas elle-même une mise en forme de la culture portée au niveau de l'idéologie et, du même coup, l'idéologie devenue socialisation ? Aussi, il est indispensable de mentionner brièvement, à cette place, les orientations principales de la recherche sur l'éducation au cours des deux dernières décennies. Un très remarquable bilan proposé tout récemment par Pierre Dandurand nous y aidera. [11]
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Ces travaux ont pris un essor considérable après 1960. Cela est dû, pour une large part, à la réforme scolaire qui a suscité dans tous les milieux un vif intérêt pour les problèmes de l'enseignement, particulièrement pour l'évaluation des conséquences de cette réforme. Dandurand ramène la plus grande partie des recherches à deux courants principaux : l'étude de l'accès différentiel des groupes sociaux à l'enseignement ; les rapports de l'éducation et de l'emploi.
Le premier courant a donné lieu d'abord à des études sur les incidences des classes sociales quant à la fréquentation scolaire ; elles ont élargi ensuite la considération aux sexes, aux âges, aux ethnies. L'essor extraordinaire de « l'éducation des adultes » au cours de cette période a suscité l'intérêt des chercheurs. De même, le phénomène de l'analphabétisme a retenu l'attention,
Le deuxième courant s'est traduit particulièrement dans de grandes enquêtes, dont la recherche ASOPE est sans doute la principale. Des monographies sur l'enseignement professionnel ont aussi été produites. À ce propos, Dandurand note judicieusement à quel point la crise économique actuelle, qui écarte de nombreux jeunes du travail, bouleverse les conceptions naguère encore convenues de la formation.
- « Certains analystes voient dans les politiques de création d'emploi pour les jeunes, ou plus exactement dans la généralisation sous différentes formes de stages en milieu de travail, l'émergence d'un nouveau lieu institué entre l'école et le travail, lieu qui ne servirait à toutes fins pratiques qu'à maintenir dans un "entre-deux" des fractions importantes de la jeunesse que le marché du travail ne réussit plus à absorber. Il y a là un champ important de recherches à développer. » [12]
Il se pourrait même, suggérons cette hypothèse, que ce soit là une mutation aussi importante dans ce secteur de recherche que celle qui a poussé, dans les années soixante, à s'intéresser aussi vivement qu'on l'a fait à l'éducation scolaire.
C) La conscience historique
Parmi les thèmes de ce survol de la recherche sur la culture, la conscience historique occupe une place importante dans la mesure où elle est un élément constitutif de cette identité culturelle dont nous parlions au début de notre analyse. Ce thème touche de près à celui des idéologies que nous venons d'évoquer : les idéologies ne sont-elles pas, en tant que discours systématiques, des représentations plus ou moins globales de la société ?
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Aussi, nous nous limiterons à deux ordres de considérations. Nous évoquerons d'abord l'évolution de la science historique, non pas pour elle-même, mais en tant qu'elle est symptomatique des transformations plus larges de la conscience historique. Après tout, ce sont les historiens qui font ouvertement le lien entre ce qui fut et ce qui est ; travail dialectique sans cesse repris puisque le changement de la conjoncture sociale incite l'historien à reconstruire la cohérence du passé en fonction des nouvelles manifestations de l'identité d'un peuple. Ce qui nous intéresse donc ici, c'est moins la teneur scientifique des travaux que leurs rapports avec les conjonctures des années soixante, plus particulièrement avec les aléas des idéologies. C'est pourquoi, en second lieu, nous aurons à considérer brièvement les études poursuivies sur l'historiographie elle-même.
Une chose frappe d'abord l'observateur : c'est la courbe quasi géométrique de la production historiographique. À titre d'indice, il suffit de savoir que la banque bibliographique d'histoire canadienne HISCABEQ, alimentée par Paul Aubin et son équipe, compte environ 12 000 titres pour les vingt années qui vont de 1946 à 1965. Le nombre passe à 22 000 titres pour les dix années qui vont de 1966 à 1975. [13] Pour les cinq années qui suivent, on compte également près de 22000 titres ! Il faudrait extraire la part du Québec de cet ensemble canadien. Mais l'indice ne trompe pas. Il témoigne d'un prodigieux développement de l'historiographie depuis les années 1960, et encore davantage depuis les années 1970. Les causes de ce phénomène ont souvent été soulignées. Certaines tiennent au développement des universités. Mais la cause déterminante a sûrement été le besoin de comprendre et d'analyser le changement social qui rend caduque la vision du monde relativement simple et statique de jadis.
Une question domine le paysage de l'historiographie québécoise au cours des années 1960 : c'est le débat autour du problème national. Quelles ont été, se demandent les historiens, les conséquences de la conquête anglaise sur la société canadienne-française, particulièrement au cours de la période qui s'étend de 1760 à 1840 ? Conséquences tragiques pour le développement normal d'un peuple en puissance, affirment Maurice Séguin, Michel Brunet, Guy Frégault et les tenants de l'École néo-nationaliste de Montréal. Ce à quoi s'objecte Fernand Ouellet, pour qui les véritables changements relèvent avant tout des structures économiques qui se modifient au tout début du XIXe siècle, sans que les [94] Canadiens français réussissent à s'adapter à ces changements. Du coup, le débat allait provoquer une vague de ressac jusqu'en Nouvelle-France, où les historiens s'interrogeaient sur l'existence ou non d'une véritable bourgeoisie sous le régime français. [14]
Au-delà de ces débats historiographiques où les partisans de la primauté du politique et ceux de la primauté de l'économique s'affrontent, se profilent en filigrane les préoccupations sociales des années 1960. D'une façon différente des sociologues, qui eux opposent société traditionnelle et société technique, les historiens participent également au vaste débat social sur la modernisation du Québec en cherchant à expliquer les causes du « retard » et de l'infériorité économique des Canadiens français. On est loin de l'histoire-épopée du chanoine Groulx, axée sur les grandeurs d'une Nouvelle-France mythique !
Mais la fin du mythe engendre chez la génération d'historiens qui succèdent à Groulx une conscience malheureuse. « Indépendance politique du Canada français nécessaire mais impossible », affirme avec une pointe d'humour noir Maurice Séguin. « Infériorité économique liée au retard des mentalités », soutient pour sa part Fernand Ouellet.
Bien sûr, on ne saurait ramener toute la production historique des années 1960 au seul débat que nous venons d'évoquer. Il faudrait aussi parler de la production historique comme telle, de ses diverses avenues, de l'évolution de ses approches méthodologiques. Encore une fois, faute d'espace, nous nous limiterons à quelques indices tirés d'une analyse quantitative de la production de la Revue d'histoire de l'Amérique française entre 1947 et 1972. [15]
Par rapport aux années antérieures, la décennie soixante marque un déclin relatif de l'histoire religieuse et des études biographiques au profit de l'histoire politique, culturelle et économique. De même, l'époque de la Nouvelle-France, qui occupait la moitié du terrain avant 1963, doit désormais céder la première [95] place aux études sur le régime anglais, période qui sera à son tour reléguée au second rang au profit de la période du Québec post-Confédération au cours des années 1970. Le développement progressif de l'histoire économique, sociale et culturelle, avec des historiens tels que Fernand Ouellet, Jean-Pierre Wallot, Jean Hamelin, Claude Galarneau et Pierre Savard, va s'accroître considérablement. [16]
Mais l'accroissement de la production ne saurait nous limiter à des considérations quantitatives. Cette production historique s'est transformée pour des raisons qui tiennent à la fois à l'évolution de la société et aux changements dans la pratique historienne. De toute évidence, la radicalisation des rapports sociaux dès le début des années 1970, illustrée par les luttes syndicales, politiques et linguistiques, n'a pas été sans influencer les historiens. Il en va de même du mouvement féministe et des débats sur le développement régional ou sur la qualité de l'environnement urbain.
À ces facteurs sociaux il faut en ajouter d'autres en rapport direct avec la pratique historienne. Ainsi, il est certain que l'apparition relativement nouvelle de l'approche marxiste dès 1970 est venue colorer bien des travaux, sans que tous les auteurs influencés par ce courant de pensée se soient considérés comme marxistes pour autant. Au plan de l'histoire globale et de l'histoire politique, la nouvelle dialectique entre les classes sociales et la question nationale a transformé profondément les vieux débats historiographiques des années 1950 et 1960. [17]
Il ne faudrait pas négliger non plus l'influence successive de différents courants scientifiques étrangers ou autochtones ; au cours des années 1970, l'interpénétration entre les sciences sociales et l'histoire a également changé la pratique des historiens. [18]
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Parallèlement, on observe un éclatement de l'historiographie générale en une multiplicité de champs de recherche qui se structurent peu à peu durant la décennie. L'histoire de la Nouvelle-France et l'histoire religieuse, qui ont une longue tradition, consolident leurs acquis tout en renouvelant leurs perspectives. [19] Parmi les nouveaux champs de recherche, l'histoire des travailleurs s'impose assez tôt, en suite des initiatives de Jean Hamelin à Laval et des travaux qui s'amorcent à l'UQAM autour de Stanley Ryerson. [20] L'histoire urbaine se développe, principalement à Montréal, autour de Paul-André Linteau et de Jean-Claude Robert. [21]
L'histoire régionale connaît des développements semblables à Chicoutimi, Sherbrooke, Trois-Rivières et Rimouski. Les travaux de Gérard Bouchard, de Normand Séguin et de René Hardy en témoignent à leur façon. [22] L'histoire des femmes commence à se manifester de façon significative à la fin des années 1970. [23]
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Des secteurs demeurent sous-développés. Songeons à l'histoire des autochtones, à l'exception des ouvrages de Donald Smith, Denys Delage, Sylvie Vincent et quelques autres. [24] Il en va de même de l'histoire des communautés ethnoculturelles, qui ont fait l'objet de peu de travaux jusqu'ici. [25] Et que dire de l'histoire rurale qui, paradoxalement, demeure le parent pauvre de l'historiographie québécoise. [26] Ce sont là des champs de recherche auxquels il faudra accorder beaucoup plus d'attention dans l'avenir.
Quant à l'histoire culturelle proprement dite, elle a connu des progrès intéressants depuis une quinzaine d'années dans des secteurs tels que l'éducation, les associations culturelles, l'imprimé, les médias de masse, le loisir urbain, les [98] sports, etc., comme l'a fort bien décrit Yvan Lamonde dans un bilan récent. [27] Mais ces recherches spécialisées n'ont pas encore permis l'émergence de travaux majeurs comme en histoire économique et sociale à l'exception peut-être de ceux de Claude Galarneau. On peut néanmoins escompter que les travaux entrepris dans les différentes universités et à l'Institut québécois de recherche sur la culture contribuent à cette émergence. Peut-être pouvons-nous espérer pour bientôt une première synthèse de l'histoire culturelle du Québec qui, tout en se démarquant de l'histoire économique et de celle des idéologies, permettrait de faire certains liens entre l'évolution de la culture savante et celle de la culture populaire.
Si, d'une façon générale, l'historiographie s'est rapprochée des sciences sociales, on observe dans le sens inverse un intérêt soutenu pour l'histoire dans certaines sciences sociales en particulier. Le développement de la sociologie historique est particulièrement marquant, sous la double influence de l'École de sociologie de Laval et de la sociologie marxiste de l'UQAM. L'histoire des travailleurs québécois a pour sa part influencé l'étude des relations industrielles, jusque-là plutôt limitée à une perspective fonctionnaliste. La géographie historique connaît présentement un nouvel essor avec les travaux de Serge Courville sur le village québécois. [28] II en va de même de l'ethnologie historique, qui émerge depuis peu de l'ethnographie avec des travaux tels que ceux de Marcel Moussette, Jean Simard et Sophie-Laurence Lamontagne. [29]
L'essoufflement de la question nationale observable au Québec depuis le début des années 1980, de même que la baisse du militantisme, auront-ils une influence sur l'historiographie québécoise des prochaines années ? Il serait étonnant que la montée de nouvelles formes d'individualisme, de même que les transformations culturelles que laissent présager les nouvelles technologies, ne provoquent pas l'émergence de nouveaux champs historiographiques. L'historien québécois osera-t-il se hasarder dans une histoire des sentiments et des passions, dans le sens de certains travaux européens ? Ne faudrait-il pas [99] également entreprendre des recherches sur l'histoire des rapports entre culture et technologie au Québec, particulièrement sous l'angle du changement social ? [30]
À un second niveau d'analyse, il convient de souligner le développement des études historiographiques comme telles. Les travaux sur l'histoire de l'histoire se polarisent autour de deux grands noms : François-Xavier Garneau et Lionel Groulx. Dans Le Québec et ses historiens de 1840 à 1920, Serge Gagnon veut mettre en lumière les rapports entre l'évolution sociale et le type de « mémoire collective » à laquelle ont œuvré les historiens amateurs, de Garneau à Groulx. [31]
Par ailleurs, la multiplicité des ouvrages consacrés à Lionel Groulx depuis sa mort ne manque pas d'étonner. Il semble que cet intérêt doive être mis en relation avec le désir de connaître la conscience historique du Québec traditionnel, dont il fut l'un des plus illustres représentants. L'édition critique des œuvres de Groulx est en cours et permettra, souhaitons-le, des travaux plus poussés sur celui que Michel Brunet qualifiait de « dernier historien national du Canada français ». [32]
D'une façon générale, l'histoire de l'histoire est une approche qu'affectionnent les historiens québécois. Depuis les années 1960, on a vu se multiplier les bilans de recherche, les débats historiographiques et les textes de problématiques qui indiquent bien la volonté de chacun de se situer à l'intérieur de l'historiographie québécoise. À cet égard, la série des trois articles de Jean Blain sur l'évolution de l'historiographie de la Nouvelle-France constitue un modèle du genre, où l'on voit évoluer la perception de la Nouvelle-France chez les historiens, du début du siècle aux années 1970. De tels articles historiographiques, dont le niveau dépasse la simple description d'une production déterminée pour plonger d'emblée dans les conditions sociales de la production historique, mériteraient d'être multipliés. [33]
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D) L'imaginaire collectif
Sous le thème de l'imaginaire collectif, nous aurions voulu grouper les recherches relatives à la littérature, au cinéma, aux arts plastiques, aux médias de masse. Faute de place et de compétence, nous nous bornerons à la littérature. [34] D'ailleurs, pour ce qui est des médias, un inventaire considérable des travaux québécois sur la question vient de paraître. [35] Ici encore, on doit chercher l'impulsion première de l'investigation scientifique en deçà de ses intentions propres, dans réclusion au sein de la société québécoise elle-même d'un nouvel imaginaire littéraire, que l'on peut faire remonter aux années cinquante.
Comme il se devait sans doute, cette éclosion s'est produite d'abord dans la poésie. À cet égard, l'Hexagone a été exemplaire. Il est révélateur que ce groupe n'ait pas débuté par un manifeste ; il n'a pas imposé une esthétique commune. « Poésie du pays », ce ne fut pas une poésie de la prédication nationale. Grâce à ce mouvement, écrit Gilles Marcotte, « la poésie accédera à la conscience collective, ce qui ne veut pas dire qu'elle sera sociale ou historique. » [36] Et ailleurs :
- « On voit s'enrichir ici, et se préciser, l'idée d'une action commune dans les "mille contraires de la poésie" ; une action qui s'accomplit d'abord dans et par l'œuvre elle-même, mais de surcroît assigne à celle-ci une fonction sociale et nationale qui, bien que nécessairement imprécise, n'en est pas moins considérée comme essentielle [...] Il apparaît nettement que [101] cette poésie ne se conçoit plus comme une culture du langage et de la confidence en vase clos, qu'elle a choisi son lieu, ses relations, sa communauté. » [37]
Le roman, de soi et par la conjoncture, offre un cas différent. Son essor fut plus tardif que celui de la poésie. Mais sa mutation fut convergente en fin de compte. Au cours des années 1950-1960, on y constate un suspens des formes traditionnelles, une défection de ses appuis dans la culture d'avant, qui se traduisent par une quête plus subjective dont les héros sont les meilleurs indices. Jean-Charles Falardeau l'a bien noté :
- « Il y a une faille dans l'évolution du héros romanesque ; on le voit tout à coup cesser de croire à ses modèles pour s'épuiser dans un espace de détresse et être remplacé par un nouveau type de héros, intellectuel et urbain. Cette faille correspond à une prise de conscience, dans la société, du fait que celle-ci ne coïncidait plus avec les idéaux traditionnels et qu'elle devait dorénavant s'accommoder, à sa façon, des impératifs de la civilisation urbaine. » [38]
L'imaginaire collectif a donc subi, par la médiation littéraire, un changement radical au cours de ces années. Peut-on parler d'un nouvel imaginaire ? Prise dans un sens trop strict, la formule serait sans doute inexacte. Il s'agit plutôt, à la fois par la mutation conjuguée de la culture et de la littérature, de l'émergence d'une couche de l'imaginaire longtemps plus ou moins censurée et grâce à laquelle la création a pu s'engager dans des voies nouvelles.
Dans ce contexte, les études sur l'imaginaire littéraire ont connu un prodigieux développement. Il est impossible de procéder à un inventaire, d'autant plus que les schémas d'analyse se sont multipliés : à côté de l'histoire littéraire, la sociologie, l'analyse structurale, la sémiologie, la psycho-critique, d'autres encore. Nous voudrions plutôt dégager, du point de vue de la considération d'ensemble de la culture, trois grandes avenues.
Ce qui frappe, en premier lieu, c'est l'élargissement du corpus. À rencontre de ce que proposaient des manuels longtemps classiques, nous sommes maintenant, pour ce qui concerne la littérature québécoise, devant un paysage extrêmement vaste et varié. Les inventaires, les monographies, les éditions critiques (qui n'ont pas toutes été publiées) ont proliféré. Le Dictionnaire des œuvres, fruit d'un travail d'équipe animé par Maurice Lemire, en est un exemple éclatant. [39] Non seulement le paysage a été reconnu, mais des déplacements de perspectives en ont résulté : on songe, par exemple, à Louis Fréchette, à Aubert Loranger ou à Albert Laberge. De sorte qu'il y a là, davantage qu'un progrès de l'érudition, la possibilité d'une redécouverte d'une culture en tant que rêve porté sur une société.
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Aussi et c'est la deuxième avenue qui nous retiendra de divers côtés on a commencé à esquisser les traits d'ensemble de ce corpus, à chercher les articulations de ce rêve. Nous en sommes encore à des hypothèses, mais elles sont singulièrement stimulantes. Mentionnons, à titre d'exemples encore, des essais de Jean-Marcel Paquette, de Georges-André Vachon, de Jean-Charles Falardeau, de Gilles Marcotte. [40] Mentionnons aussi de grandes anthologies, celles qui ont été dirigées par Gilles Marcotte ou par Michel Le Bel et Jean-Marcel Paquette pour l'ensemble de la littérature, par Laurent Mailhot ou John Hare pour la poésie, par Marcotte encore pour la critique : ce ne sont pas là de simples compilations, mais des efforts pour faire voir un univers imaginaire dans sa configuration et sa dynamique. [41]
Nous croyons discerner enfin une troisième avenue, moins explorée celle-là, mais plus propice aux démarches sociologiques et sans doute favorable à l'élucidation des enracinements de l'imaginaire littéraire dans le tuf de notre société. Il s'agit d'études sur l'institution de la littérature. À ce propos, nous devons des vues très suggestives à tel article de Gilles Marcotte, à un petit ouvrage sur le manuel de Camille Roy et surtout, peut-être, à des articles remarquablement originaux de Georges-André Vachon, qu'il faut souhaiter voir réunir en volume. [42]
À partir de là, on croit entrevoir ce que pourra être l'orientation de la recherche à venir, du moins pour ce qui concerne la contribution des études sur l'imaginaire littéraire à l'analyse d'ensemble de la culture québécoise. Il nous semble qu'il faudra d'abord pousser vigoureusement la recherche sur les conditions de l'institution de la littérature dans l'histoire passée et présente de la société québécoise : conditions de l'écrivain et conditions de lecture, idéologies qui ont présidé à la délimitation du champ littéraire, stratégies de l'écriture dans le plus vaste espace des politiques de l'expression, etc. On ouvrirait ainsi et [103] on empêcherait qu'ils se referment trop tôt par la vertu pressée des systèmes les chemins de passage entre la structure sociale et l'imaginaire. On verrait mieux les façons dont les sociétés conditionnent l'imaginaire collectif ; on verrait surtout comment cet imaginaire déborde ses conditionnements pour faire des rêves autre chose que le dernier étage de la pyramide sociale. Du même coup, de semblables investigations auraient une répercussion sur l'étude des autres thèmes dont nous avons fait la revue. Elles dénonceraient l'éternelle tentation de figer les idéologies dans des systèmes auxquels le chercheur en oppose aisément d'autres, les siens ; elles feraient voir comment la conscience historique n'est pas la propriété des historiens, qu'elle oscille entre l'idéologie et l'imaginaire et que la science doit se mettre à l'écoute d'une culture qui, avant d'être son objet, est son origine et son dépassement.
Cependant, la littérature n'est pas à elle seule l'imaginaire collectif, pas plus que les idéologies ou l'histoire n'épuisent les représentations collectives. Les thèmes que nous avons envisagés jusqu'ici ramènent toutes les représentations à l'écriture. La recherche des vingt dernières années ne s'est pas bornée à cela. Les travaux ethnologiques ou folkloriques ont connu une expansion prodigieuse qui a trouvé aussi son inspiration première dans le vide créé par les changements sociaux, vide générateur de distance et de nostalgie envers les cultures populaires. La langue québécoise, non pas seulement celle des élites mais aussi celle du peuple, a donné lieu à des travaux comme ceux de Gaston Dulong, par exemple, ou à la recension d'un corpus comme celui de l'immense thésaurus dont Marcel Juneau a été l'un des principaux artisans. [43] Les religions dites populaires ont suscité des colloques, des inventaires, des monographies, des vues d'ensemble, où Benoît Lacroix a joué un rôle primordial. [44] Si la littérature est restée au centre des préoccupations pour l'imaginaire collectif, elle est maintenant débordée partout dans ses marges. Entre elle et les autres manifestations de l'imaginaire, les liens tardent à s'établir. Des voies de communications restent à baliser ; certaines études de Jean Du Berger, de Conrad Laforte, en particulier, ont déjà indiqué des pistes. [45] Néanmoins, beaucoup reste à faire.
[104]
Il faut en revenir à la lacune principale que nous signalions ci-dessus. Faute de compétence, disions-nous, nous avons écarté le cinéma, les médias de masse. Incompétence mise à part, il y a là une béance considérable de la recherche sur la culture, la plus étonnante sans doute. L'imaginaire littéraire a occupé une telle attention, mobilisé tant d'énergies, donné lieu à des publications si nombreuses qu'on ne peut que s'étonner de la minceur des recherches consacrées à cet univers foisonnant de l'imaginaire où se conjuguent les médias de masse. Des travaux existent, des publications les recensent. Mais un effort particulier doit être consacré à ce territoire à peine exploré. À notre avis, il faudrait y mettre ensemble cinéma, radio, télévision, journaux, et ne pas y séparer d'emblée ce qui ressort de la fiction et ce qui relève de l'information. Une même problématique devrait réunir ces domaines disjoints par des conventions. Nous n'osons nous aventurer plus avant à dessiner des perspectives de travail pour ce domaine encore en friche.
C'est qu'il ne s'agit pas simplement d'étendre horizontalement l'analyse des discours par lesquels une culture se manifeste ouvertement dans son dire. Ce vaste univers de la parole imaginaire, on doit évidemment le confronter avec des genres de vie et des attitudes qui ne s'achèvent pas toujours dans la parole sinon dans celle du chercheur.
E) Genres de vie et communautés
Au début des années 1960, sous la poussée de la Révolution tranquille, l'obsession de la modernité avait fait basculer dans un passé obscur la culture dite « traditionnelle ». Plus que tous les autres, les sociologues ont contribué à créer une dichotomie entre société traditionnelle et société technique, au grand dam des historiens néo-nationalistes qui refusaient l'étiquette de « folk society » pour la société canadienne-française du XIXe siècle. Amorcé au milieu des années 1950, ce débat s'est poursuivi une douzaine d'années, sans qu'il ait été étayé pour autant par de solides études empiriques. [46]
Par un curieux retour des choses, on observe, à partir de la fin des années 1960, un regain d'intérêt impressionnant pour l'étude sur la culture traditionnelle, notamment sous l'angle des genres de vie et des communautés. Ces études sont surtout menées par des ethnologues et ethnographes héritiers des folkloristes, et par des anthropologues. Tout se passe comme si l'approfondissement [105] de l'identité québécoise provoqué par la Révolution tranquille avait suscité un retour à l'étude de la tradition.
Dans cette quête de la société traditionnelle, ethnographes et anthropologues, tels des cousins issus d'un aïeul commun, ont mené leurs recherches dans des perspectives parallèles mais différentes. Fidèles à leur tradition descriptive, les ethnographes héritiers de folkloristes ont multiplié les études sur la civilisation matérielle et les genres de vie. Qu'il suffise ici d'énumérer certains thèmes de recherche concernant la cueillette et l'alimentation, l'agriculture traditionnelle, le milieu forestier, la pêche et la chasse, les vêtements et tissus, l'architecture, le mobilier et la décoration, l'artisanat et les métiers et les cycles saisonniers. [47]
L'essor remarquable des études sur la culture matérielle et les genres de vie au cours des années 1970, en plus de répondre au besoin d'identité, n'est pas sans rapport avec l'institutionnalisation de l'ethnographie québécoise par le biais de l'université et de l'État : la création du CELAT à l'Université Laval, autour de Jean Duberger et Jean-Claude Dupont, qui prennent la relève de Luc Lacourcière, instigateur des Archives de folklore, la création d'un centre d'ethnologie à l'Université du Québec à Trois-Rivières autour de Robert-Lionel Séguin, la recherche à la Division du patrimoine du Ministère des affaires culturelles, sans oublier les activités de Parcs Canada à Québec et du Musée national de l'Homme à Ottawa. [48]
Face à cette vogue de publications sur la culture matérielle et les genres de vie, qui ont littéralement inondé les librairies depuis une quinzaine d'années, se pose la question de la fonction sociale de cette production. Dans la mesure où ces recherches ont contribué à objectiver la culture traditionnelle en la plaçant dans des contextes nouveaux et en y attachant des significations nouvelles, on peut se demander si cette culture n'a pas été modifiée dans sa rationalité originelle par l'action même des chercheurs et si le Québec a déjà constitué une « folk society » homogène et isolée.
Si les ethnographes et les ethnologues se sont intéressés à la société traditionnelle, surtout par le biais de la culture matérielle et des genres de vie, [106] les anthropologues, pour leur part, ont mis l'accent sur l'étude des communautés. En fait, l'étude des communautés ne s'est pas limitée à celle des isolats de la Côte-Nord, de l'Acadie ou d'ailleurs. On s'est aussi intéressé aux milieux ruraux en processus de changement, aux villages et aux petites villes. Sensibles aux changements observés dans l'étude de la société canadienne-française en milieu rural et régional, des sociologues tels que Gérald Fortin [49] et Colette Moreux [50] ont ajouté le fruit de leurs recherches à celles d'anthropologues tels que Marc-Adélard Tremblay, Marcel Rioux, Gérald Gold, Michel Verdon. [51] Plusieurs se sont plus particulièrement attardés aux problèmes de déstructuration du milieu rural et ont étudié la décomposition de la paysannerie traditionnelle dans une perspective marxiste. [52] Nombre des études de communautés ont une dimension régionale. Il nous faudrait insister ici sur le développement des études régionales, qui concernent évidemment l'étude des genres de vie. [53] Mais ce serait allonger indûment cet exposé ; d'ailleurs une autre communication doit porter sur la lecture de l'espace. On nous permettra cependant deux observations.
La préoccupation culturelle régionale a surtout été assumée par les anthropologues et les historiens, auxquels sont venus se joindre depuis quelques années des géographes convertis à la géographie culturelle. Plusieurs recherches en anthropologie ont été consacrées à l'étude de communautés régionales. De l'aveu de Marc-Adélard Tremblay, le Québec contemporain n'est plus une société homogène et il importe désormais de tenir compte du processus de différenciation sociale qui alimente les cultures régionales. Aussi, c'est à un vaste projet d'ethnographie des différentes régions du Québec qu'il convie les [107] chercheurs. [54] Depuis la fin des années 1970, des géographes québécois, portés par les nouveaux courants de la géographie culturelle, s'intéressent de plus en plus à la territorialité de la culture et à la lecture culturelle du paysage. Mentionnons, au passage, les noms de Marcel Bélanger, Luc Bureau, Serge Courville, Christian Morissonneau, Éric Waddell, Dean R. Louder. [55]
Au risque de demeurer impressionnistes, il faut ici mentionner l'important développement des études sur les communautés amérindiennes et inuit de la part des chercheurs québécois francophones, au cours des années 1970. Deux revues ont été créées pour canaliser la production dans ce secteur : Recherches amérindiennes, depuis 1969, et Études Inuit, depuis 1977. Prolongement de cette quête de l'identité, l'abondance de cette production de livres et d'articles sur les premiers habitants du pays n'est pas le propre des seuls chercheurs franco-québécois. La même dynamique est observable chez les Anglo-Canadiens, quoique les deux communautés scientifiques aient des problématiques et des cadres théoriques fort différents, comme le souligne Marc-Adélard Tremblay. [56]
Parallèlement aux études sur les Amérindiens et les Inuit et en complémentarité avec celles-ci, mentionnons le développement des études nordiques concernant le Nouveau-Québec. On trouvera dans les publications du Centre d'études nordiques de l'Université Laval certains travaux ayant une dimension culturelle. [57]
Venons-en aux communautés ethnoculturelles. Dans un récent bilan de la recherche qui porte sur les études ethniques au Québec, Gary Caldwell constate [108] fort pertinemment que, si de telles études existent depuis la fin des années 1950, ce n'est qu'à la toute fin des années 1970 qu'on assiste à la structuration de ce champ de recherche, du moins au Québec. Le bilan qu'il dresse nous permet de constater que ce sont les perspectives économiques et démographiques qui dominent. Les études culturelles de communautés et celles sur l'intégration sociale sont à peine amorcées. [58]
Il nous reste à aborder le cas des « exclus » de la nouvelle territorialité culturelle définie par la Révolution tranquille : ceux que les nationalistes traditionnels appelaient « nos minorités » et qu'on a qualifié plus froidement par la suite de « francophones hors Québec ». Préoccupés par la modernisation de leur État et de leur société, les Québécois des années 1960 et 1970 n'ont porté qu'une oreille distraite à la « diaspora » francophone en Amérique du Nord, prenant pour acquis qu'à l'exception des Acadiens et des Franco-Ontariens vivant à la frontière du Québec, le rouleau compresseur de l'assimilation rendait illusoire la vieille idée de la survivance. En 1958, au crépuscule de sa longue carrière, le chanoine Lionel Groulx publiait L'empire français en Amérique du Nord, 1535-1760, auquel faisait écho en 1963 L'empire français d'Amérique, un ouvrage de l'abbé Paul-É. Gosselin consacré à la description sommaire des foyers culturels francophones en Amérique du Nord. [59] C'étaient les derniers feux d'une époque. Il faudra attendre une vingtaine d'années pour que paraisse, en 1983, l'ouvrage collectif dirigé par Dean R. Louder et Éric Waddell, intitulé, par un certain retour des choses : Du continent perdu à l'archipel retrouvé. Le Québec et F Amérique française. [60]
Il serait trop long d'expliquer ces mouvements de flux et de reflux de l'identité francophone en Amérique du Nord autour du foyer québécois. Nous [109] nous bornerons à quelques remarques. C'est un fait qu'au cours des années 1960 et jusqu'autour de 1976, les chercheurs québécois se sont désintéressés des francophones hors Québec, à l'exception peut-être des Acadiens qui ont continué de faire l'objet d'intérêt. [61] Pendant ce temps, dans les Provinces maritimes, les études acadiennes poursuivaient leur développement, plus particulièrement au Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton, créé en 1968. Il suffit, pour se convaincre du degré de maturité que ces chercheurs ont maintenant atteint, de prendre connaissance de l'ouvrage collectif et interdisciplinaire publié par ce centre de recherche en 1980, sous le titre : Les Acadiens des Maritimes : études thématiques. [62]
Dans la même veine, il convient de souligner le rayonnement du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, qui, à partir de 1975, accentue ses recherches sur les Franco-Ontariens et sur les francophones hors Québec. Sans porter de jugement sur l'état de santé des minorités francophones dans les autres provinces, force nous est de constater que la recherche s'y est développée jusque dans l'Ouest, comme en témoignent les bilans de recherche publiés depuis la fin des années 1970. [63]
Même les Franco-Américains, dont on avait perdu jusqu'au souvenir et qui tentaient eux-mêmes d'oublier leur double identité au profit d'une assimilation sans condition à la culture américaine, sont l'objet d'un renouveau d'intérêt chez les chercheurs tant québécois que franco-américains. [64] Cet intérêt pour ce [110] que d'aucuns ont appelé « le Québec d'en-bas » marque-t-il une prise de conscience de l'américanité profonde de la culture québécoise ou correspond-il plutôt à une fascination qu'engendre la distance à l'égard de la beauté du mort ? Les mécanismes psychologiques et sociaux de l'identité ont de tels retournements qu'il ne faudrait pas se hâter de conclure. Même la Louisiane continue de fasciner les chercheurs... [65] De quoi surprendre Etienne Parent, qui écrivait dans Le Canadien des années 1830 : « Le sort de la Louisiane nous fait trembler ! »
Les études liées à la territorialité québécoise et celles concernant la diaspora francophone en Amérique du Nord ne sauraient épuiser les avenues possibles de recherche sur l'identité québécoise. Il importe, en effet, de tenir compte plus qu'on ne l'a fait jusqu'ici des rapports culturels entre le Québec et la communauté internationale. Nous disposons de quelques bonnes études sur les relations entre le Québec et la France. Encore que la question soit loin d'être épuisée en ce qui concerne la dimension interculturelle. [66] II en va de même des rapports culturels entre le Québec et les États-Unis et on peut s'étonner qu'un tel champ de recherche ne se soit pas structuré jusqu'ici. [67] D'une façon plus générale, des politicologues ont mis en évidence le développement des relations internationales du Québec. Il faut espérer que l'impact culturel de cette ouverture au monde fasse l'objet de recherches spécifiques, depuis l'époque où l'activité missionnaire constituait une composante majeure de l'action internationale de la société canadienne-française jusqu'à l'émergence relativement récente de l'État québécois dans ce domaine. [68]
[111]
F) Opinions, attitudes, comportements
En abordant les opinions, les attitudes et les comportements comme dernier volet de notre vaste tour d'horizon de la recherche culturelle au Québec depuis vingt-cinq ans, nous débordons du cadre adopté dans les étapes antérieures de notre analyse pour nous situer au point de jonction entre les composantes individuelles et les composantes collectives de l'identité culturelle. Il n'est pas facile de faire un bilan de ce secteur de recherche qui touche à la microsociologie, à la psychologie, à la problématique du vécu, et où les frontières entre l'analyse et les pratiques ne sont pas toujours clairement définies. En l'absence de bilans de recherche déjà existants dans ces secteurs, du moins à notre connaissance, nous nous risquerons à des remarques préliminaires qui mériteraient un approfondissement ultérieur.
L'opinion est un concept qui relève avant tout de la psychologie. Mais on ne saurait nier la dimension culturelle des études sur ce thème, surtout lorsqu'elles prennent la forme de vastes enquêtes d'opinion publique. On connaît à cet égard la grande utilisation que nos sociétés technologiques et bureaucratiques font des sondages d'opinion depuis une vingtaine d'années. Au Québec, comme dans le reste de l'Amérique du Nord, il n'est pas d'enjeux sociaux qui ne fassent l'objet d'un sondage. En fait, il s'agit là d'une forme de recherche scientifique bien rodée, devenue en outre, par un effet de retour, une véritable pratique culturelle.
Les débats sur la pertinence des sondages en période électorale sont bien connus, même si peu de recherches semblent avoir été faites sur l'impact réel qu'ils ont sur le comportement des électeurs. Par ailleurs, cette pratique ne se limite pas à l'opinion électorale ; elle s'étend désormais à toutes les questions qui touchent à l'économie et à la culture, du chômage aux armes nucléaires, en passant par l'avortement. À sa façon, le sondage d'opinion est ainsi devenu un type de recherche sur la culture et son évolution, puisque l'accumulation de données sur les mêmes questions depuis deux décennies permet, non seulement de saisir des instantanés culturels, mais également d'observer l'évolution de tendances. Des recherches sur les sondages comme pratique culturelle sont à [112] faire ; elles éclaireraient bien des points obscurs sur les transformations de l'opinion publique. [69]
Les recherches sur les attitudes et les comportements permettent des observations encore plus poussées. L'évolution des analyses dans ce secteur, qu'il ne faut pas disjoindre de celle des pratiques et de la conjoncture sociale, est passablement révélatrice des transformations culturelles de la société québécoise. En 1970, Léandre Bergeron publiait son Petit manuel d'histoire du Québec, dont la célébrité tient surtout au débat public qu'il suscita. Douze ans plus tard, le même auteur récidivait avec, cette fois, un Petit manuel d'accouchement à la maison. [70] Un tel déplacement du public vers le privé n'est qu'un exemple parmi tant d'autres du changement de comportements observable dans la société québécoise depuis quelques années. Ces changements se reflètent dans une partie importante de la production scientifique.
Pour se convaincre des transformations des attitudes et des comportements, il suffit d'observer l'évolution des pratiques de l'intervention sociale au Québec depuis le début des années 1960. À cette époque, cette pratique scientifique naissante favorisait, sous une forme ou une autre, l'intégration sociale des individus et des groupes, face à la modernisation rapide de la société. Sessions de groupe à l'intention de communautés religieuses ou d'ex-religieux éclopés de la Révolution tranquille, ou à l'intention de la nouvelle armée des enseignants laïcs qu'il fallait former en vitesse, animation sociale pour favoriser la participation au développement régional : ces types d'intervention s'inscrivaient dans le cadre d'une société à la recherche d'un nouveau consensus. Au cours des années 1970, la radicalisation des rapports sociaux entraîne aussi celle de l'intervention sociale. Les animateurs se transforment en militants, l'intégration sociale cède l'avant-scène aux luttes populaires d'opposition, tant sur le plan social que national. Cet élan social et national finit par s'essouffler au tournant des années 1980 et commencent à apparaître certains signes de marginalité sociale dans les pratiques d'intervention sociale, à moins qu'il ne s'agisse là de jalons d'une nouvelle culture. [71]
La nouvelle marginalité sociale n'est pas nécessairement géographique, comme à la belle époque des communes. Elle s'inscrit au sein même de la société [113] industrielle et prend la forme d'un nouvel individualisme axé sur l'épanouissement personnel, ou celle des pratiques sociales « alternatives » en rapport avec l'égalité des sexes et des âges, un meilleur équilibre entre la nature et la culture, l'environnement et la production. Aussi n'est-il pas surprenant d'observer que la montée de l'individualisme s'accompagne de la multiplication des nouvelles thérapies sur le plan corporel, affectif et sexuel, dont le but avoué est de « déprogrammer les résultats de l'intériorisation des schèmes autoritaires et répressifs nécessaires au bon fonctionnement de la société industrielle », selon les adeptes de ces techniques. Parallèlement, les techniques d'expansion de la conscience veulent prendre le relais des nouvelles thérapies pour revaloriser l'imagination et l'intuition, dont les capacités auraient été sous-exploitées jusqu'ici au profit de la rationalité et de la technique. [72] Pour ce qui est des pratiques sociales alternatives, les années récentes fourmillent d'exemples de vécus parallèles sur le plan de l'économie et du travail, de la vie culturelle et artistique, sans oublier l'important secteur de la santé et de la médecine comme en témoigne le volumineux Traité d'anthropologie médicale, publié par l'I.Q.R.C. en 1985. [73]
Comment ces transformations de la conjoncture sociale affectent-elles les sciences de la culture, au Québec comme ailleurs ? Par le choix de nouveaux objets de recherche, bien sûr, mais également par la transformation des problématiques et des méthodologies. Les préoccupations des années 1970 ne sont pas disparues, tant s'en faut, non plus que les problématiques qui s'y rattachent, mais de nouvelles approches font leur place au soleil. Sur le plan des méthodes, l'approche quantitativiste de la décennie précédente est nuancée par une approche plus qualitative dans plusieurs cas. Des sociologues ont mis de côté l'enquête par questionnaire au profit de l'histoire de vie ; [74] des géographes préfèrent l'étude des perceptions du paysage et de l'espace vécu à l'analyse factorielle ; des ethnologues travaillent à une ethnologie du quotidien, pendant que des historiens s'intéressent à l'histoire orale. [75] La littérature, source privilégiée pour l'analyse du vécu, élargit son corpus pour s'intéresser aux écrits [114] intimes et personnels. [76] En psychologie sociale, une étude récente de Danielle Riverin-Simard jette un éclairage inédit sur les étapes de la vie au travail chez l'adulte. [77]
Toutes ces remarques sur la transformation des attitudes et des comportements en rapport avec la société et la pratique scientifique mériteraient évidemment une analyse beaucoup plus approfondie. Souhaitons, en particulier, qu'une recherche nous éclaire davantage sur le mouvement de vulgarisation de la psychologie et sur les nouveaux comportements proposés, qu'il s'agisse de la sexualité, de la santé, des thérapies, des rapports entre les individus, de la conscience personnelle, etc.
En ce qui concerne la production scientifique disponible concernant les attitudes et les comportements, on peut identifier au passage trois champs d'études particulièrement importants : la famille, les pratiques sexuelles et les jeunes,
Il existe au Québec une longue tradition de recherche sur la famille. Les études de Philippe Garigue et l'enquête Tremblay-Fortin au début des années 1960 sont bien connues. [78] Après une certaine éclipse, qu'il faut peut-être attribuer à une sorte de mépris pour un objet jugé à tort « traditionnel », on observe ici un renouveau d'intérêt, lequel n'est pas sans rapport avec les mutations de l'objet lui-même. Les analyses de Lazure, Sévigny, Beaugrand-Champagne et Pineau illustrent chacune à leur façon cette mutation des rôles sexuels, du cadre juridique, du pouvoir et des valeurs au sein de la famille québécoise depuis la fin des années 1970. [79] Les historiens ne sont pas en reste, puisqu'un colloque de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, tenu à l'automne 1984, venait consacrer ce champ de recherche en émergence qui [115] intègre l'histoire de la famille, la démographie historique et les cycles de vie. [80] Pour sa part, Denise Lemieux apporte un éclairage inédit sur l'histoire de l'enfance, un sujet jusque-là peu étudié au Québec. [81]
En prolongement des études sur la famille, celles qui touchent à la sexualité connaissent depuis dix ans une faveur jusque-là inconnue. Problèmes liés non plus à la « planification » des naissances comme dans les années 1960, mais bien plutôt à l'avortement et à la chute de la natalité. La pornographie et l'homosexualité apparaissent également dans le champ des études sur la sexualité, de même que l'analyse des stéréotypes sexuels entre hommes et femmes. [82]
Les jeunes, depuis les enfants chéris de la Révolution tranquille jusqu'aux chômeurs de la société technologique, font aussi l'objet d'analyses. Encore qu'il faille s'étonner de l'état de sous-développement de ce secteur, hormis quelques travaux, dont ceux bien connus de Jacques Lazure et la grande enquête ASOPE. [83] Depuis les années 1980, on observe cependant un nouvel essor des recherches descriptives sur la situation des jeunes en rapport surtout avec le chômage ; elles ont surtout été le fait jusqu'ici d'instances gouvernementales. [84] [116] Mais certains chercheurs dans les universités et ailleurs commencent à s'intéresser à la question sous l'angle économique, psychologique et culturel. [85]
D'autres études en rapport avec les comportements peuvent être mentionnées au passage. Le déclin de la pratique religieuse chez les catholiques a attiré l'attention de certains chercheurs, alors que d'autres se sont intéressés aux sectes et aux mouvements charismatiques. [86] La culture de la pauvreté et les pratiques émancipatoires mériteraient, par ailleurs, de nouvelles recherches, à la suite des travaux de Marcel Rioux, Gabriel Gagnon et quelques autres. [87] II en va de même de certaines questions qui s'avéreront sans doute décisives pour l'avenir : la culture urbaine contemporaine, le phénomène de la post-modernité et l'impact culturel des nouvelles technologies, pour ne citer que celles-là. [88]
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Un inventaire comme celui que nous avons proposé n'appelle ni ne permet de véritables conclusions. Tout en tâchant de couvrir au mieux un champ [117] immense de recherche, nous avons sûrement méconnu des travaux importants ; aussi bien, nous le disions au départ, nous ne voulions pas confectionner un catalogue, encore moins esquisser un palmarès. Mais ces lacunes ne s'expliquent pas seulement par nos oublis ou notre incompétence ; elles tiennent aussi au champ d'étude considéré. À ce propos, faute d'une conclusion, quelques remarques paraissent utiles.
Le plan que nous avons suivi dans notre exposé comporte, nous l'espérons, une certaine logique. Mais il ne correspond guère aux perspectives effectivement épousées dans le déroulement de l'étude de la culture québécoise. Il y a peut-être une science de l'économie québécoise ; il ne s'est pas dessiné une science de la culture québécoise. De notre culture, on a beaucoup parlé depuis vingt ans ; des essais, des polémiques se sont multipliés ; les uns et les autres ont été suggestifs ; mais le souci d'une préoccupation d'ensemble n'a pas, à notre sentiment, pénétré intimement la recherche scientifique.
On le perçoit d'abord à l'inégal défrichement des chantiers de travail. Que l'on compare, par exemple, la masse énorme des travaux consacrés à la littérature et au folklore avec la rareté des études sur les médias de masse et la culture urbaine ; on se convaincra sans peine qu'a fait défaut une problématique qui eût pu mettre en évidence des carences et des urgences.
Des frontières de convention se sont plutôt établies, d'après, la plupart du temps, la cartographie des facultés ou des départements universitaires. Le dialogue entre disciplines, qui fut si magnifiquement symbolisé par le premier colloque de Recherches sociographiques en 1962, s'est perdu au cours des décennies suivantes. Sans doute, des théories ont pénétré chacun des domaines : le fonctionnalisme, le marxisme, la sémiologie, etc., ont partout circulé et selon des modes successives. Mais cela n'aura pas permis que se dégagent, à partir de l'objet étudié, la culture québécoise, un débat serré qui eût pu influencer efficacement la recherche empirique et, par voie de retour, le développement d'une science de la culture.
Pourtant, des convergences se dessinent et qui devraient prendre forme. Retenons un exemple parmi tant d'autres : quand Pierre Dandurand souhaite que l'on « se remette à analyser le discours de l'école comme un discours idéologique et un discours de pouvoir », [89] son vœu ne rejoint-il pas les préoccupations de chercheurs qui, dans nos facultés de lettres, analysent les discours écrits des étudiants des collèges classiques d'antan ? Au-delà, ne rejoint-il pas aussi les études en cours sur l'institution de la littérature, de la science, de l'information ? Et quand le même auteur souhaite encore que l'on étudie « les processus sociaux tels qu'ils se présentent dans la marche ordinaire des écoles et des classes », insistant en somme sur ce qu'on appelait naguère la microsociologie, ne faut-il pas regretter l'isolement progressif, depuis vingt ans, [118] des sociologues et des psychologues, isolement que quelques rares chercheurs, comme un Robert Sévigny, parviennent encore à surmonter ?
Ce n'est là qu'un exemple de ce que, à partir du travail d'un spécialiste, on est susceptible de tirer de notre inventaire. Il faudrait poursuivre dans ce sens, montrer l'entrecroisement des préoccupations, leurs possibles aboutissements dans des collaborations qui surmontent les monographies pour en mieux faire voir la fécondité quant à la considération d'ensemble de notre culture. Nous n'aurons pas la prétention de nous attaquer ici à pareil programme. Souhaitons seulement que ce soit, au cours des années prochaines, l'une des préoccupations majeures des chercheurs.
Fernand Dumont
Département de sociologie, Université Laval.
Institut québécois de recherche sur la culture.
Fernand Harvey
Institut québécois de recherche sur la culture.
[1] Excellent bilan de Stewart Crysdale et Jean-Paul Montminy : La religion au Canada. Bibliographie annotée des travaux en sciences humaines des religions (1945-1972), Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1974. Analyses pénétrantes dans les volumes récemment parus de l’Histoire du catholicisme québécois. Le XXe siècle, tome I, par Jean Hamelin et Nicole Gagnon, tome II, par Jean Hamelin, Montréal, Boréal Express, 1984, 507p. et 425p.
[3] Dossier bibliographique réuni par Lise Gauvin : « Littérature et langue parlée au Québec », Études françaises, X, 1, février 1974 : 80-119. Voir aussi : Claude-Marie Gagnon, Bibliographie critique du joual, 1970-1975, Québec, Institut supérieur des sciences humaines, Université Laval, 1976, 117 p. (« Instruments de travail », 19.)
[4] Sous la direction de F. Dumont, J. Hamelin, J.-P. Montminy (et de F. Harvey pour le tome II), Idéologies au Canada français, I. 1850-1960 ; II. 1900-1929 ; III. 1930-1939 ; IV. 1940-1976 ; V. 1940-1976 ; VI. 1940-1976, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1971, 1974, 1978, 1981.
[5] Nous n'avons retenu qu'un exemple. On trouvera les éléments d'un inventaire dans les travaux suivants : Nadia Fahmy-Eid, « L'étude des idéologies au Québec : bilan et perspectives de recherche », Revue d'histoire de l'Amérique française (R.H.A.F.), XXV, 4, mars 1972 : 558-565. Jean-Paul Bernard (éd.), Les idéologies québécoises au XIXe siècle, Montréal, Boréal Express, 1973. Serge Gagnon, « L'histoire des idéologies québécoises : quinze ans de réalisations », Histoire sociale/Social History, IX, mai 1976 : 17-20. Sur Jean-Charles Harvey : Victor Teboul, Le Jour, Émergence du libéralisme au Québec, Montréal, H.M.H., 1984.
[7] Nadia Fahmy-Eid, Le clergé et le pouvoir politique au Québec : une analyse de l'idéologie ultramontaine au milieu du XIXe siècle, Montréal, H.M.H., 1978.
[10] Jean-Charles Falardeau, L'essor des sciences sociales au Canada français, Québec, Ministère des affaires culturelles du Québec, 1964 ; Léon Gérin et l'habitant de Saint-Justin (avec P. Garigue), Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1968 : « Antécédents, débuts et croissance de la sociologie au Québec », Recherches sociographigues, XV, 2-3, mai-août 1974 : 135-165 ; Etienne Parent, Montréal, La Presse, 1975. Marcel Fournier, « L'institutionnalisation des sciences sociales au Québec », Sociologie et sociétés, V, 1, mai 1973 : 20-42 ; « La sociologie québécoise contemporaine », Recherches sociographiques, XV, 2-3, mai-août 1974 : 167-199. Yvan Lamonde, La philosophie et son enseignement au Québec, 1665-1920, Montréal, H.M.H., 1980.
[11] Pierre Dandurand, « La recherche en sociologie de l'éducation au Québec », Prospectives, XX, 1-2, février-avril 1984 : 69-76. Ce numéro entier de la revue est consacré à la recherche sur l'éducation au Québec.
[12] Id., p.73. Nous ne croyons pas utile de signaler ici les travaux qui ont illustré les deux tendances mentionnées au texte. L'article de Dandurand comporte toutes les références essentielles ; on s'y reportera.
[13] Paul Aubin, Bibliographie de l'histoire du Québec et du Canada (1966-1975), 2 tomes, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (I.Q.R.C), 1981. Deux autres tranches sont en préparation, soit les ouvrages publiés de 1946 à 1965 et ceux publiés de 1976 à 1980. Dans la même perspective, on note un développement quantitatif considérable du nombre de titres d'ouvrages publiés au Québec dans tous les domaines. Les statistiques de la Bibliothèque nationale du Québec indiquent un total de 7 088 titres publiés en 1982, comparé à 1310titresen 1970. Voir : Pierre Allard, Statistiques de l'édition au Québec en 1982, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1983, p. 17.
[14] Serge Gagnon, « Pour une conscience historique de la révolution québécoise », Cité libre, XVI, 83, janvier 1966 : 4-19. Jean-Pierre Wallot, « Notes bibliographiques », R.H.A.F., XX, 3, décembre 1966 : 486-497. Ramsay Cook, « Some French-Canadian interpretations of the British Conquest : une quatrième dominante de la pensée canadienne-française », Société historique du Canada. Rapport annuel, 1966 : 70-83 ; « French-Canadian interpretations of Canadian History », Journal of Canadian Studies/Revue d'études canadiennes, II, 2, mai 1967 : 3-17. Robert Mandrou, « L'historiographie canadienne-française. Bilan et perspectives », Canadian Historical Review, LI, 1, mars 1970 : 5-20. Sur le débat concernant la bourgeoisie en Nouvelle-France : Robert Comeau et Paul-André Linteau, « Une question historiographique : une bourgeoisie en Nouvelle-France », dans : Robert Comeau (dir.), Économie québécoise, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1969 : 311-323.
[15] Fernand Harvey et Paul-André Linteau, « L'évolution de l'historiographie dans la Revue d'histoire de l'Amérique française, 1947-1972. Aperçus quantitatifs », R.H.A.F., XXVI, 2, septembre 1972 : 163-183. Jean-Paul Coupal, « Les dix dernières années de la Revue d'histoire de l'Amérique française, 1972-1981 », R.H.A.F., XXXVI, 4, mars 1983 : 553-567.
[16] Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850, Montréal, Fides, 1966 ; Le Bas-Canada, 1791-1840. Changements structuraux et crise, Ottawa, Éditions de l'Université d'Ottawa, 1976. Jean-Pierre Wallot, Un Québec qui bougeait. Trame socio-politique du Québec au tournant du XIXe siècle, Trois-Rivières, Boréal Express, 1973, 345p. Jean Hamelin, Économie et société en Nouvelle-France, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1960 ; (avec Yves Roby), Histoire économique du Québec, 1851-1896, Montréal, Fides, 1970. Claude Galarneau, Les collèges classiques au Canada français, Montréal, Fides, 1978. Pierre Savard, Jules-Paul Tardivel, la France et les États-Unis, 1851-1905, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1967.
[17] Soulignons ici la parution en 1970 du livre de Gilles Bourque, Classes sociales et question nationale, 1760-1840, Montréal, Parti pris, 1970. Sur la production concernant les classes sociales : Gilles Houle et Fernand Harvey, Les classes sociales au Québec et au Canada : bibliographie annotée, Québec, Institut supérieur des sciences humaines, Université Laval, 1979. Nicole Laurin-Frenette, « La sociologie des classes sociales au Québec de Léon Gérin à nos jours », dans : Guy Rocher et al. (dir.), Continuité et rupture : les sciences sociales au Québec, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1984 : 531-556.
[18] Sur la génération d'historiens des années 1970 : Paul-André Linteau. « La nouvelle histoire du Québec vue de l'intérieur », Liberté, 147, juin 1983 : 34-47.
[19] Soulignons particulièrement l'important livre de Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIIe siècle, Paris/Montréal, Pion, 1974. Pour un bilan des études sur la Nouvelle-France : Serge Gagnon, « The Historiography of New France, 1960-1974 : Jean Hamelin to Louise Dechêne », Journal of Canadian Studies/Revue d'études canadiennes, XIII, 1, printemps 1978 : 80-99. Voir aussi la série d'articles de Jean Blain cités à la note 33. Pour un bilan sur l'histoire religieuse : Nive Voisine, « La production des vingt dernières années en histoire de l'Église du Québec », Recherches sociographiques, XV, 1, 1974 : 97-112. Raymond Brodeur, « L'histoire de l'Église du Québec. État et orientations des travaux québécois », Revue de l'histoire de l'Église de France, LXVII, 178, 1981 : 91-110. Louis Rousseau, « Religion in French America », Religious Studies Review, X, 1, janvier 1984 : 33-46. Deux synthèses récentes doivent être mentionnées ici : Jean Simard (dir.), Le grand héritage. L'Église catholique et la société du Québec, Québec, Musée du Québec, 1984, xix + 209p. ; celle de Jean Hamelin citée à la note 1.
[20] Fernand Harvey, « L'histoire des travailleurs québécois : les variations de la conjoncture et de l'historiographie », dans : Fernand Harvey (dir.), Le mouvement ouvrier au Québec, Montréal, Boréal Express, 1980 : 9-48. Hélène Espesset, Jean-Pierre Hardy et D. Terence Ruddell, « Le monde du travail au Québec au XVIIIe et au XIXe siècles : historiographie et état de la question », R.H.A.F., XXV, 4, mars 1972 : 499-539. On trouvera, parallèlement, plusieurs bilans de recherche sur l'historiographie ouvrière du Canada anglais dans la revue Labour/Le Travailleur, (voir : III, 1978 et VII, 1981).
[21] Annick Germain, « Histoire urbaine et histoire de l'urbanisation au Québec : brève revue des travaux réalisés au cours de la décennie », Revue d'histoire urbaine/Urban History Review, III, 1978 : 3-22. Paul-André Linteau et Alan F.J. Artibise, L'évolution de l'urbanisation au Canada : une analyse des perspectives et des interprétations, Winnipeg, University of Winnipeg, Institute of Urban Studies, 1984, 50p. Alan F.J. Artibise et Gilbert A. Stelter, Canada's Urban Past. A Bibliography to 1980 and Guide to Canadian Urban Studies, Vancouver, University of British Columbia Press, 1981, (« Introduction » : xiii-xxxii).
[22] Gérard Bouchard, « Un essai d'anthropologie régionale : l'histoire sociale du Saguenay aux XIXe et XXe siècles », Annales E.S. C, XXXIV, 1, 1979 : 106-125. Normand Séguin, La conquête du sol au XIXe siècle, Montréal, Boréal Express, 1977. René Hardy et Normand Séguin, Forêt et société en Mauricie, Montréal, Boréal Express, 1984. Christian Pouyez, Yolande Lavoie et al, Les Saguenayens, Sillery, Presses de l'Université du Québec, 1983.
[23] Marie Lavigne et Yolande Pinard, Travailleuses et féministes. Les femmes dans la société québécoise, Montréal, Boréal Express, 1983. Nicole Thivierge, Écoles ménagères et instituts familiaux : un modèle féminin traditionnel, Québec, I.Q.R.C, 1982. Denise Lemieux et Lucie Mercier, La recherche sur les femmes au Québec : bilan et bibliographie, Québec, I.Q.R.C, 1982. Nadia Fahmy-Eid et Micheline Dumont, « Les rapports femmes/famille/éducation : bilan de la recherche », dans : Maîtresses de maison, maîtresses d'école. Femmes, famille et éducation dans l'histoire du Québec, Montréal, Boréal Express, 1983 : 5-46.
[24] Donald B. Smith, Le « Sauvage » pendant la période héroïque de la Nouvelle-France (1534-1663) d'après les historiens canadiens-français des XIXe et XXe siècles, Montréal, H.M.H., 1979. Denys Delage, Le pays renversé : Amérindiens et Européens en Amérique du Nord-Est, 1600-1664, Montréal, Boréal Express, 1985. Sylvie Vincent et Bernard Arcand, L'image de l'Amérindien dans les manuels scolaires du Québec, Montréal, H.M.H., 1979. Olive Patricia Dickason, Louisbourg et les Indiens : une étude des relations sociales de la France : 1713-1760, Ottawa, Parcs Canada, 1979, 236p. (« Histoire et archéologie », 6.) Au Québec, ce sont surtout les anthropologues qui se sont intéressés aux Amérindiens et aux Inuit. Cette pauvreté historiographique contraste avec une abondance relative au Canada anglais : Robin Fisher, « Historical writing on native people in Canada », The History and Social Science Teacher, XVII, 2, hiver 1982 : 65-72. James W. St. G. Walker, « The Indian in Canadian historical writing, 1972-1982 », dans : Ian A.L. Getty et Antoine S. Lussier (éds), As Long as the Sun Shines and Water Flows. A Reader in Canadian Native Studies, Vancouver, University of British Columbia Press, 1983 : 340-361.
[25] Gary Caldwell, Les études ethniques au Québec. Bilan et perspectives, Québec, I.Q.R.C, 1983. Bruno Ramirez, « La recherche sur les Italiens du Québec », Questions de culture, 2, 1982 : 103-111. En comparaison, l'histoire des groupes ethniques est beaucoup plus développée au Canada anglais : Roberto Perin, « Clio as an ethnic : The third force in Canadian historiography », Canadian Historical Review, LXIV, 4, 1983 : 441-467. Howard Palmer, « Canadian immigration and ethnic history in the 1970's and 1980's », Journal of Canadian Studies/Revue d'études canadiennes, XVII, 1, printemps 1982 : 35-50.
[26] Au Québec, les recherches ont davantage porté sur le milieu agro-forestier que sur le milieu rural agricole proprement dit. Outre les travaux de Serge Courville, qui seront évoqués plus loin, citons deux ouvrages récents : Normand Séguin (dir.), Agriculture et colonisation au Québec, Montréal, Boréal Express, 1980. Jean-Pierre Kesteman et al. Histoire du syndicalisme agricole au Québec, U.C.C.-U.P.A., 1924-1984, Montréal, Boréal Express, 1984. Bruno Jean, Agriculture et développement rural dans l'Est du Québec, (à paraître aux Presses de l'Université du Québec en 1985 ; couvre la période 1901-1981). Également : Claude Beauchamp, « Les débuts de la coopération et du syndicalisme agricole, 1900-1930 : quelques éléments de la pratique », Recherches sociographiques, XX, 3, 1979 : 337-381.
[27] Yvan Lamonde, « La recherche sur l'histoire socio-culturelle du Québec depuis 1970 », Loisir et société/Society and Leisure, VI, 1, printemps 1983 : 9-41 ; « Histoire, sciences humaines et culture au Québec (1955-1970) » ; R.H.A.F,m XXV, 1, juin 1971 : 106-113 ; « La recherche récente en histoire de l'imprimé au Québec », dans : Yvan Lamonde (dir.), L'imprimé au Québec. Aspects historiques (18e-20e siècles), Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1983 : 9-24 ; « La recherche sur l'histoire de l'imprimé et du livre québécois », R.H.A.F., XXVIII, 3, décembre 1974 : 405-414.
[28] Voir le numéro spécial : Rangs et villages du Québec : perspectives géo-historiques, Cahiers de géographie de Québec, XXVIII, 73-74, avril-septembre 1984 : 5-332.
[29] Marcel Moussette, Le chauffage domestique au Canada des origines à l'industrialisation, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1983. Jean Simard et al., Un patrimoine méprisé, Montréal, H.M.H., 1979. Sophie-Laurence Lamontagne, L'hiver dans la culture québécoise (XVIIe-XIXe siècles), Québec, I.Q.R.C, 1983.
[30] Le livre de Jean-Pierre Charland constitue une percée intéressante dans ce sens : Histoire de l'enseignement technique et professionnel [au Québec], Québec, I.Q.R.C., 1982.
[31] Serge Gagnon, Le Québec et ses historiens de 1840 à 1920. La Nouvelle-France de Garneau à Groulx, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1978.
[32] Michel Brunet, « Lionel Groulx, historien national », Canadian Historical Review, XLVIII, 3, septembre 1967, p. 305.
[33] Jean Blain, « Économie et société en Nouvelle-France : le cheminement historiographique dans la première moitié du XXe siècle », R.H.A.F, XXVI, l, juin 1972 : 3-31 ; « Économie et société en Nouvelle-France. L'historiographie des années 1950-1960. Guy Frégault et l'École de Montréal », R.H.A.F., XXVII, 2, septembre 1974 : 163-186 ; « Économie et société en Nouvelle-France. L'historiographie au tournant des années 1960. La réaction à Guy Frégault et à l'Ecole de Montréal. La voie des sociologues », R.H.A.F., XXX, 3, décembre 1976 : 323-362. Voir aussi l'étude historiographique de Jean-Paul Bernard, Les Rébellions de 1837-1838. Les patriotes du Bas-Canada dans la mémoire collective et chez les historiens, Montréal, Boréal Express, 1983.
[34] Il est impossible de citer ici tous les bilans et toutes les revues critiques qui sont, par définition, innombrables. Afin de ne pas multiplier les notes, renvoyons à trois sources : Livres et auteurs québécois (publié annuellement depuis 1963), les chroniques de la revue Études françaises (Les Presses de l'Université de Montréal), la revue Histoire littéraire du Québec (premier fascicule, Montréal, Bellarmin, 1979). Mentionnons également une bibliographie récente sur le théâtre : Pierre La voie, Pour suivre le théâtre au Québec : les ressources documentaires, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1985. (« Documents de recherche », 4.)
En ce qui concerne les études sur le cinéma, citons au passage le numéro spécial de la revue Sociologie et sociétés : Pour une sociologie du cinéma, VIII, 1, avril 1976 ; et le livre de Jean-Pierre Tadros, Marcia Coueu.e et Connie Tadros, Le cinéma au Québec : bilan d'une industrie, 1975, Montréal, Cinéma Québec, 1975, 304p.
Sur la télévision : Annie MÉAR (dir.), Recherches québécoises sur la télévision, Montréal, Albert Saint-Martin, 1980, 210p. Jean-Pierre Desaulniers, La télévision en vrac. Essai sur le triste spectacle, Montréal, Albert Saint-Martin, 1982, 200p. Bruno Jean, Danielle Lafontaine et Benoît Lévesque, Consommation des mass médias, régions et classes sociales, Rimouski, U.Q.A.R./GRIDEQ, 1985, 375p. (« Cahiers du GRIDEQ », 15.)
Sur la pratique de l'art, une recherche empirique a été réalisée par Léon Bernier et Isabelle Perrault à l'Institut québécois de recherche sur la culture et sera publiée à l'automne 1985.
[35] Jean-Guy Lacroix et Benoît Lévesque, L'état de la recherche en communication au Québec, publication du Groupe de recherche sur les industries culturelles et l'information sociale, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal, 1984, 85p.
[36] Gilles Marcotte, Le temps des poètes, Montréal, H.M.H., 1969, p.26.
[39] Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Montréal, Fides, 4 tomes parus, 1978, 1980, 1982, 1984.
[40] Un bref échantillon : Jean-Marcel Paquette, « Écriture et histoire. Essai d'interprétation du corpus littéraire québécois », Études françaises, X, 4, novembre 1974. Georges-André Vachon, « Le domaine littéraire québécois en perspective cavalière », dans : Pierre de Grandpré (dir.), Histoire de la littérature française du Québec, 1, Montréal, Beauchemin, réimpression, 1971 : 27-33, Jean-Charles Falardeau, Notre société et son roman, Montréal, H.M.H., 1967. Gilles Marcotte, Une littérature qui se fait, Montréal, H.M.H., 1972.
[41] Gilles Marcotte, Anthologie de la littérature québécoise, Montréal, La Presse, 1978, 4 vols. Michel Le Bel et Jean-Marcel Paquette, Le Québec par ses textes littéraires (1534-1976), Montréal, France-Québec, 1979. Laurent Mailhot, La poésie québécoise, des origines à nos jours, Québec, Presses de l'Université du Québec/L'Hexagone, 1980. John Hare, Anthologie de la poésie québécoise du XIXe siècle (1790-1890), Montréal, H.M.H., 1979. Gilles Marcotte, Présence de la critique, Montréal, H.M.H., 1966.
[42] Gilles Marcotte, « Institution et courant d'air », Liberté, 134, mars-avril 1981 : 5-14. Lucie Robert, Le manuel d'histoire de la littérature canadienne-française de MV Camille Roy, Québec, I.Q.R.C, 1982. André Vachon, un article parmi plusieurs et qui précède une remarquable anthologie : « Naissance d'une écriture », Études françaises, IX, 3, août 1973 : 191-197.
[43] Voir : Marcel Juneau, « L'ethnographie québécoise et canadienne-française en regard des visées de la philologie et de la dialectologie », dans : Mélanges Lacourcière, Montréal, Leméac, 1978 : 243-261. Gaston Dulong et Gaston Bergeron, Le parler populaire du Québec et de ses régions voisines, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1980, 10 vols.
[44] Signalons une toute dernière parution : Benoît Lacroix et Jean Simard (éds), Religion populaire, religion de clercs ?, Québec, I.Q.R.C, 1984 ; ainsi qu'un remarquable instrument de travail : Benoît Lacroix et Madeleine Grammond, Religion populaire au Québec, typologie des sources. Bibliographie sélective (1900-1980), Québec, I.Q.R.C, 1985.
[45] Jean Du Berger, « Luc Lacourcière : quête du sens », dans : Mélanges Lacourcière, Montréal, Leméac, 1978 : 165-175. Conrad Laforte, La chanson folklorique et les écrivains du XIXe siècle, Montréal, H.M.H., 1973.
[46] À titre d'exemple de ce débat : Léon Dion, « Le nationalisme pessimiste : sa source, sa signification, sa validité », Cité libre, 18, novembre 1957 : 3-18. Hubert Guindon, « Réexamen de l'évolution sociale du Québec », dans : Marcel Rioux et Yves Martin (éds), La société canadienne-française, Montréal, H.M.H., 1971 : 149-171 ; (article publié originellement en anglais en 1960). Marcel Rioux, « Remarques sur les concepts de Folk-Société et de société paysanne », Anthropologica, 5, 1957 : 147-160. Philippe Garigue, « The social evolution of Quebec : a reply », Canadian Journal of Economic and Political Sciences, XXVII, 2, mai 1961 : 257-260.
[47] Paul-Louis Martin, « L'ethnographie au Québec. Bilan critique d'une période (1970-1980) », Questions de culture, 5, 1983 : 149-182. Richard Handler, « In search of the Folk Society : nationalism and folklore studies in Québec », Culture, III, 1, 1983 : 103-114. Gaston Miron, « Robert-Lionel Séguin, historien de l'identité et de l'appartenance », L'Action nationale, LXV, 8, avril 1976 : 539-546.
[48] Les travaux de la Division du patrimoine du Ministère des affaires culturelles du Québec ont été diffusés principalement dans la collection : « Les Cahiers du patrimoine » (16 numéros parus en 1982) et dans la collection « Dossiers » (54 numéros parus en 1982). Les travaux de la Division de l'histoire du Musée national de l'Homme à Ottawa ont paru dans la collection « Mercure », publiée par le Musée. Quant aux travaux réalisés par Parcs Canada, on consultera : Bibliographie. Travaux inédits, 1-430, Manuscrits inédits des divisions de recherche de Parcs Canada, Ottawa, Parcs Canada, décembre 1981, 83p.
[51] L'ouvrage le plus significatif de cette production anthropologique a été publié sous la direction de Marc-Adélard Tremblay et Gérald Louis Gold : Communauté et culture. Éléments pour une ethnologie du Canada français, Montréal, H.R.W., 1973. Voir aussi : Marcel Rioux, Belle-Anse, Ottawa, Musée national du Canada, 1961. Marc-Adélard Tremblay, Paul CHAREST et Yvan Breton, Les changements socio-culturels à Saint-Augustin. Contributions à l'étude de la Côte-Nord du Saint-Laurent, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1969. Michel Verdon, Anthropologie de la colonisation au Québec. Le dilemme d'un village du Lac-Saint-Jean, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1973, 288p.
[52] Voir le numéro spécial d'Anthropologie et sociétés : L'agriculture au Québec, I, 2, 1977, notamment : Pierre Durand, « L'étude de l'agriculture québécoise. Commentaires et bibliographie » : 5-21.
[53] Bruno Jean et Danielle Laeontaine (dir.), Région, régionalisme et développement régional. Le cas de l'Est du Québec, Rimouski, Université du Québec à Rimouski, 1984. (« Cahiers du GRIDEQ », 14.) Danielle Lafontaine (dir.), La recherche en développement régional à l'Université du Québec. Répertoire 1980-/983, Rimouski, Université du Québec à Rimouski, 1984.
[54] Marc-Adélard Tremblay, « L'ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent », Recherches sociographiques, VIII, 1, janvier-avril 1967 : 81-87. Richard Dominique, « L'ethno-histoire de la Moyenne-Côte-Nord », Recherches sociographiques, XVII, 2, mai-août 1976 : 189-220. En anthropologie, soulignons également l'effort de lecture culturelle de l'aménagement du territoire de Guy Dubreuil et Gilbert Tarrab, Culture, territoire et aménagement, Sherbrooke, Georges Le Pape, 1976.
[55] On consultera notamment le numéro spécial des Cahiers de géographie de Québec intitulé Paysages et culture, XXI, 53-54, septembre-décembre 1977 : 117-318. Dans le secteur de la géographie culturelle, l'influence du géographe français Claude Raffestin qui collabore du reste aux Cahiers est manifeste à l'Université Laval. De Christian Morissonneau, on lira : La terre promise : le mythe du Nord québécois, Montréal, H.M.H., 1978, 212p. Aussi : Luc Bureau, Entre l'Éden et l'utopie. Les fondements imaginaires de l'espace québécois, Montréal, Québec/Amérique, 1984.
[56] Marc-Adélard Tremblay, « Les études amérindiennes au Québec, 1960-1981 : état des travaux et principales tendances », Culture, II, 1, 1982 : 83-105. Louis-Jacques Dorais, « La recherche sur les Inuit du Nord québécois : bilan et perspectives », à paraître dans Études Inuit Studies en 1985. L'Institut québécois de recherche sur la culture prépare également un bilan de la recherche sur les Amérindiens et les Inuit, sous la direction de Richard Dominique et Jean-Guy Deschênes, qui sera achevé au cours de 1985 sous le titre provisoire : De la recherche sur la culture en milieu autochtone au, Québec. Bibliographie critique.
[57] La collection « Nordicana » rend compte des principaux travaux réalisés sous l'égide du Centre d'études nordiques de l'Université Laval. (Quarante-six numéros parus en 1982.)
[58] Gary Caldwell, Les études ethniques au Québec. Bilan et perspectives, Québec, I.Q.R.C., 1983. Mentionnons quelques ouvrages récents publiés par l'I.Q.R.C. dans une perspective ethnoculturelle : Gary Caldwell et Éric Waddell (dir.), Les anglophones du Québec : de majoritaires à minoritaires, 1982 ; David Rome et al, Les Juifs du Québec. Bibliographie rétrospective annotée, 1981 ; Gary Caldwell et Pierre Anctil (dir.), Juifs et réalités juives au Québec, 1984 ; Tina Ioannou, La communauté grecque du Québec, 1984 ; Migrations et communautés culturelles, Questions de culture, 2, 1982. Sur les Grecs, voir aussi : Stéphanos Constantinides, Les Grecs du Québec, Montréal, O'Metoikos/Le Métèque, 1983.
Les communautés culturelles ont fait l'objet, depuis 1980, de numéros spéciaux de plusieurs revues politiques, culturelles et scientifiques. C'est en soi un événement. Mentionnons le numéro de Sociologie et sociétés intitulé Enjeux ethniques. Production de nouveaux rapports sociaux, XV, 2, octobre 1983 et celui des Cahiers québécois de démographie intitulé Les migrations, XII, 2, octobre 1983. Voir aussi : Victor Piché, « La sociologie des migrations au Québec », Canadian Studies in Population, V, 1978 : 37-53. Mikhael Elbaz, « La question ethnique dans la sociologie québécoise : critiques et questions », Anthropologie et sociétés, VII, 2, 1983 : 85-90.
[59] Paul-É. Gosselin, L'empire français d'Amérique, Québec, Ferland, 1963.
[60] Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1983. Sur le même sujet, on lira : Raymond Breton et Pierre Savard (dir.), The Québec and Acadian Diaspora in North America, Toronto, The Multicultural History Society of Ontario, 1982.
[61] À titre d'exemple : Micheline Dumont-Johnson, Apôtres ou agitateurs. La France missionnaire en Acadie, Montréal, Boréal Express, 1970. Marc-Adélard Tremblay et Marc Laplantf, Famille et parenté en Acadie, Ottawa, Musée de l'Homme, 1967. Jean-Paul Hautecœur, L'Acadie du discours, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1975.
[62] Jean Daigle (dir.), Les Acadiens des Maritimes : études thématiques, Moncton, Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton, 1980. Pour un bilan des études acadiennes, voir aussi : Jean Daigle, « La recherche en Acadie », Actes du colloque sur les Archives et recherches régionales au Canada français, Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Université d'Ottawa, 1977 : 25-34.
[63] On trouvera des bilans de recherche sur les Franco-Ontariens et les francophones de l'Ouest canadien dans : Actes du colloque sur les Archives et recherches régionales au Canada français, op. cit. Aussi : Situation de la recherche sur la vie française en Ontario, Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Université d'Ottawa, 1975. Il existe depuis peu un Regroupement des Centres de recherche en civilisation canadienne-française au Canada. On trouvera la description de leurs activités dans : René DlONNE (dir.), Quatre siècles d'identité canadienne, Montréal, Bellarmin, 1983. Voir aussi : L'état de la recherche et de la vie française dans l'Ouest canadien, Edmonton, Institut de recherche de la Faculté Saint-Jean, 1983.
[64] Parmi les études récentes sur les Franco-Américains, signalons : Situation de la recherche sur la Franco-Américanie (Premier colloque de l'Institut français du Collège de l'Assomption, Worcester (Mass.), 15 mars 1980), Québec, Le Conseil de la vie française en Amérique, 1980. Claire Quintal (dir.), L'immigrant québécois vers les États-Unis : 1850-1920, Québec, Le Conseil de la vie française en Amérique, 1982 ; The Little Canadas of New England, Worcester, French Institute/Assumption College, 1983. Normand Lafleur, Les « Chinois de l'Est », ou la vie quotidienne des Québécois émigrés aux États-Unis de 1840 à nos jours, Montréal, Leméac, 1981.
[65] À titre d'exemple, le récent ouvrage de Réginald Hamel qui tente de cerner le corpus des imprimés français de cet État : La Louisiane créole littéraire, politique et sociale, 1762-1900, Montréal, Leméac, 1984, 2 vols.
[66] Pierre Savard, Jules-Paul Tardivel, la France et les États-Unis, 1851-1905, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1967. Armand Yon, Le Canada français vu de France (1830-1914), Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1975. Pierre Savard, Le consulat général de France à Québec et à Montréal de 1859 à 1914, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1971, 133p. ; « Les Canadiens français et la France de la "cession" à la "révolution tranquille" », dans : Paul Painchaud (dir.), Le Canada et le Québec sur la scène internationale, Québec, Centre québécois de relations internationales, Université Laval, 1977 : 471-495.
[67] Sur les rapports Québec/États-Unis : Claude Savary (dir.), Les rapports culturels entre le Québec et les États-Unis, Québec, I.Q.R.C, 1984, 353p. P. Alfred O. Hero jr et Marcel Daneau (éds), Problems and Opportunities in U.S./Quebec Relations, Boulder (Cal.), Westview, 1984, 320p., (plusieurs chapitres touchent à la dimension culturelle). Jean-Louis Roy, « Les relations du Québec et des États-Unis (1945-1970) », dans : Paul Painchaud, Le Canada et le Québec sur la scène internationale, Québec, Centre québécois de relations internationales, Université Laval, 1977 : 497-514. Paul-André Linteau, Les relations entre le Québec et les États-Unis au XIXe et au XXe siècle : historiographie et perspectives de recherche, Département d'histoire, Université du Québec à Montréal, février 1983, 35p. (Miméo.). Guildo Rousseau, L'image des États-Unis dans la littérature canadienne-française de 1775 à 1935, Sherbrooke, Naaman, 1981, 360p. Signalons par ailleurs l'existence de The Northeast Council for Quebec Studies, qui publie depuis 1984 la revue Québec Studies (Darthmouth Collège, Hanover, N.H.).
[68] Sur l'histoire de l'action missionnaire canadienne-française dans le monde, on lira le chapitre de Sophie-Laurence Lamontagne qui ouvre des perspectives nouvelles : « La mission sans frontières », dans : Musée du Québec, Le Grand héritage. L'Église catholique et la société du Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 1984 : 171-209.
Sur l'action internationale de l'État québécois : Louise Beaudoin, « Origines et développement du rôle international du gouvernement du Québec », dans : Paul Painchaud (dir.), Le Canada et le Québec sur la scène internationale, op. cit. : 441-470. Gérard Hervouet et Hélène Galarneau (dir.), Présence internationale du Québec. Chronique des années 1978-1983, Québec, Centre québécois de relations internationales, Université Laval, 1984. Georges Cartier et Lucie Rouillard, Les relations culturlles internationales du Québec, Québec, Centre d'études politiques et administratives du Québec, École nationale d'administration publique, 1984, (« Bilan et perspectives », 3.)
[69] Jean Blouin, « Les sondages en question », L'Actualité, VI, 3, mars 1981 : 52-60. Voir aussi le numéro spécial de Relations sur les sondages : 457, mars 1980 : 72-82, notamment : Vincent Lemieux, « Les sondages et la démocratie » : 74-75. Raymond Hudon, « Les études électorales au Québec : principales orientations et quelques débats », Recherches sociographiques, XVII, 3, septembre-décembre 1976 : 283-322.
[70] Petit manuel d'histoire du Québec, Montréal, Éditions québécoises, 1970 ; Petit manuel d'accouchement à la maison, Montréal, V.L.B., 1982.
[71] Voir à ce sujet : Luc Racine, « Nouvelles thérapies et nouvelle culture », Sociologie et sociétés, IX, 2, octobre 1977 : 34-54. Luc Morissette, Yves St-Arnaud, Robert SÉVIGNY et Roger Tessier, « Table ronde : le métier de psychosociologue au Québec », Id. : 148-180.
[72] Luc Racine, op. cit., p.35.
[73] Voir à ce sujet : Les cultures parallèles, Questions de culture, 3, 1982. Il est notamment question des écoles parallèles, de la paralittérature, des groupes d'auto-santé, de la parascience et de la parareligion, des croyances alternatives, des personnes âgées et des jeunes, de la politique parallèle, etc.
[74] À titre d'exemple, la recherche sur les histoires de vie dirigée par Nicole Gagnon, au Département de sociologie de l'Université Laval, qui a donné lieu à plusieurs publications, dont un numéro sur Le vécu de Recherches sociographiques, XIV, 2, mai-août 1973.
[75] René Bouchard (dir.), La vie quotidienne au Québec. Histoire, métiers, techniques et traditions, Sillery, Les Presses de l'Université du Québec, 1983. David Millar, dans : N. Gagnon et J. Hamelin (dir.), L'histoire orale, Saint-Hyacinthe, Edisem 1978. Jos.-Phidyme Michaud, Kamouraska de mémoire, Montréal et Paris, Boréal Express/Maspero, 1981.
[76] Françoise Van Roey-Roux, La littérature intime du Québec, Montréal, Boréal Express, 1983. Yvan Lamonde, Je me souviens. La littérature personnelle au Québec (1860-1980), Québec, I.Q.R.C, 1983. (Il s'agit d'une bibliographie sur le sujet.)
[77] Danielle Riverin-Simard, Étapes de la vie au travail, Montréal, Albert Saint-Martin, 1984, 232p.
[79] Jacques Lazure, Le jeune couple non marié, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1975. Robert Sévigny, Le Québec en héritage. La vie de trois familles montréalaises, Montréal, Albert Saint-Martin, 1979. Maurice Beaugrand-Champagne, La famille et l'homme à délivrer du pouvoir, Montréal, Leméac, 1980. Jean Pineau, Mariage, séparation et divorce, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1976. Mentionnons également l'ensemble des recherches en cours à l'I.Q.R.C, sous la direction de Denise Lemieux, dans le chantier « Conditions féminine et masculine, générations, familles » ; en particulier la recherche de Renée Dandurand et Lise Saint-Jean sur les familles monoparentales.
[80] Voir le « Programme » du colloque dans la R.H.A.F., XXXVIII, 2, 1984 : 331-333. Voir aussi : Gérard Bouchard, « L'étude des structures familiales pré-industrielles : pour un recensement des perspectives », Revue d'histoire moderne et contemporaine, XXVIII, octobre-décembre 1981 : 546-549. Yves Landry et Jacques Légaré, « Le cycle de vie familiale en Nouvelle-France : méthodologie et application à un échantillon », Histoire sociale/Social History, XVII, 33, mai 1984 : 7-20.
[81] Denise Lemieux, Une culture de la nostalgie. L'enfant dans le roman québécois de ses origines à nos jours, Montréal, Boréal Express, 1984 ; Les petits innocents. L'enfance en Nouvelle-France, Québec, I.Q.R.C, 1985.
[82] Colette Carisse, Planification des naissances en milieu canadien-français, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1964. Ligue des droits de l'homme, La société québécoise face à l'avortement, Montréal, Leméac, 1974. Jacques Henripin et Evelyne Lapierre-Adamcyk, La fin de la revanche des berceaux : qu'en pensent les Québécoises ?, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1974. Lise Dunningan, Analyse des stéréotypes masculins et féminins dans les manuels scolaires au Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1977. Jacques Therriault, Homosexualité et vie à deux, Montréal, Leméac, 1981.
[83] Jacques Lazure, La jeunesse du Québec en révolution, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1970 ; L'Asociété des jeunes Québécois, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1972. Pierre Roberge, La recherche ASOPE à mi-chemin. Promesses et réalisations, Québec, Ministère de l'éducation, Secteur de la planification, août 1979, 131p.
[84] (Canada, Ministre d'État à la jeunesse), Céline Hervieux-Payktte, Jeunesse/Youth. Un nouveau profil statistique des jeunes au Canada, Ottawa, Secrétariat d'État, [1984], 451p. En collaboration, Les jeunes Québécois et le travail, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1979. Suzanne Dumas et al., Une génération silencieusement lucide ? Vers un profil socio-culturel des jeunes de quinze à vingt ans, Québec, Ministère de l'éducation, Direction de la recherche, 1982, 78p. (On trouvera aux pages 43 à 57 un bilan de la recherche sur « Les jeunes face au travail ».)
[85] Pierre Fortin, « Le chômage des jeunes au Québec. Aggravation et concentration, 1966-1982 », Relations industrielles, XXXIX, 3, 1984 : 419-447. Marie Demers, « Chômage chez les jeunes. Conséquences psychologiques et sociales », Relations industrielles, XXXVIII, 4, 1983 : 785-813. On consultera également deux numéros spéciaux de revue : Les jeunes et le travail, Critère, 29, automne 1980 ; Les jeunes et le chômage, Revue internationale d'action communautaire, 8-48, automne 1982. Mentionnons aussi la recherche en cours de Madeleine Gauthier de l'I.Q.R.C. sur les dimensions culturelles du chômage, particulièrement chez les jeunes.
[86] Robert Sévigny, L'expérience religieuse chez les jeunes, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1971. Colette Moreux, Fin d'une religion ?, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1969. Jean-Paul Gélinas, La pratique religieuse des étudiants de l'Université Laval, Québec, Garneau, 1975. Roland Chagnon, Les charismatiques du Québec, Montréal, Québec/Amérique, 1980. Madeleine Gauthier-Beauchamp, « Parascience et para-religion. Une gnose "made in Québec" », Questions de culture, 3, 1982 : 67-84. Jacques Zylberberg et Jean-Paul Montminy se sont particulièrement intéressés au vécu religieux des Québécois. Citons de leurs travaux : « L'esprit, le pouvoir et les femmes. Polygraphie d'un mouvement culturel québécois », Recherches sociographiques, XXII, 1, 1981 : 49-104 ; « Existences excentriques. Les croyances alternatives au Québec », Questions de culture, 3, 1982 : 97-121 ; « Reproduction socio-politique et production symbolique : engagement et désengagement des charismatiques catholiques québécois », The Annual Review of the Social Sciences of Religion, IV, 1980 : 31-60.
[87] Yves Lamarche, Marcel Rioux et Robert Sévigny, Aliénation et idéologie dans la vie quotidienne des Montréalais francophones, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1973, 2 vols, 993p. Marie Letellier, On n'est pas des Trous-de-cul, Montréal, Partis pris, 1971, 221p. Marcel Rioux, Gabriel Gagnon et al., Les pratiques émancipatoires en milieu populaire, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1982, 176p.
[88] Les colloques se sont multipliés depuis 1983 sur l'impact des nouvelles technologies au Québec, y compris dans leur dimension culturelle. À titre d'exemple : La culture contemporaine face aux industries culturelles et aux nouvelles technologies, Rencontre franco-québécoise sur la culture, Québec/Montréal, du 4 au 8 juin 1984. Rapport-synthèse rédigé par Gabrielle Lachance, Québec, I.Q.R.C, 1984, 145p.
[89] Pierre Dandurand, op. cit., p.74.
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