[447]
- Introduction [447]
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- L'édifice religieux traditionnel des Mossi [452]
- Devins et techniques divinatoires [454]
- Le lexique divinatoire [456]
- Les recours à la divination et le contenu des énoncés divinatoires [459]
- Maladie et divination [464]
- L'institution divinatoire : interface entre les mondes profane et religieux [466]
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- Références bibliographiques [472]
La place du religieux dans l'explication et le traitement de la maladie en pays mossi au Burkina Faso est importante et évidente. Elle l'est même de diverses manières puisque comme ailleurs, et notamment en Afrique de l'Ouest, le pluralisme religieux est une réalité qui résulte de l'implantation récente ou du développement plus ancien de religions variées. Au sein de chacune d'entre elles, des interprétations de la maladie sont énoncées et diverses formes de thérapies se déroulent telles que les messes charismatiques de l'Église catholique, les recours aux marabouts chez les musulmans ou encore les prières thérapeutiques collectives des « Assemblées de Dieu » ou des « pentecôtistes ». Malgré cette diversité de référents spirituels, les représentations magico-religieuses étroitement liées à la culture des Mossi restent au centre des discours et des pratiques, en particulier dans le champ de la maladie. À ce titre, la divination demeure un recours ordinaire et fréquent. Or, l'institution divinatoire est un lieu privilégié de rencontre entre santé et religieux. Que les liens qui s'établissent entre ces deux champs soient de nature causale, propitiatoire ou thérapeutique, ils conduisent à une réflexion sur le statut et la fonction sociale du devin et plus particulièrement [448] sur sa place dans le système de soin et sur son rôle religieux dans la société mossi.
L'abondance de la littérature consacrée à la divination, en particulier en Afrique, témoigne de l'intérêt que l'anthropologie lui accorde, mais également de la complexité de l'objet. Cet intérêt pour la divination est double. Celle-ci peut être considérée comme objet de recherche ethnologique [1], en sachant que le terme divination désigne à la fois l'institution sociale, les pratiques qui s'y déroulent et les techniques qu'elle utilise. Mais la divination est également un « moyen de connaissance des objets dont elle traite [2] ». Les itinéraires qui mènent usagers et ethnologues chez le devin sont en effet multiples et les énoncés divinatoires renvoient celui qui les écoute vers divers lieux de la société, en particulier ceux qui sont liés au pouvoir, au religieux ou à la santé. La divination fournit ainsi à l'ethnologue un « vaste commentaire sociologique des événements [3] » et donne accès à une interprétation émique (parmi d'autres) des faits de société. La revue de la littérature sur la divination dévoile la difficulté de circonscrire l'objet et de définir les limites d'une institution et d'une pratique. Explorer en particulier les liens entre la divination et les autres institutions sociales est une tâche d'autant plus ardue dans une approche anthropologique que la nature de ces liens est extrêmement variable d'une société à l'autre. Alfred Adler et Andras Zempleni soulignent ainsi l'absence d'élaboration d'une « théorie anthropologique de cette institution dont les formes sont si variées que même une classification élémentaire fait défaut [4] ».
La divination a été définie comme un « système d'interprétation culturellement codifié des événements passés, présents et futurs [5] ». Néanmoins, il serait plus exact de [449] soutenir qu'elle utilise ce système, socialement reconnu et valorisé, mais sans pour autant avoir l'exclusivité de cet usage et sans pouvoir prétendre l'avoir produit. Certes, la divination apparaît comme le lieu de prédilection auquel les individus ont recours lorsqu'ils estiment avoir besoin d'une explication causale des faits passés et présents ou d'une prévision des événements futurs. Néanmoins, lorsqu'un événement survient ou qu'une décision doit se prendre, d'autres personnes que le devin peuvent être reconnues aptes à fournir une explication et une orientation des choix, qui utilisent ce même registre d'interprétation culturellement codifié. Les énoncés divinatoires peuvent d'ailleurs être discutés et critiqués lorsqu'ils ne corroborent pas les modèles étiologiques produits, ou même simplement ébauchés, en d'autres lieux [6]. Ainsi, en société mossi, les statuts de forgeron, de « chef de terre » ou de porteur de masque funéraire, offrent à ceux qui le détiennent le pouvoir et même souvent le devoir de fournir des réponses et des solutions aux problèmes qui concernent son domaine de compétences. Par contre, certaines activités de type divinatoire telles que la gallinomancie ou l'oniromancie ne suffisent pas en pays mossi pour être reconnu comme devin. L'usage de ce système d'interprétation culturellement codifié n'est donc pas uniquement réservé aux devins.
Cette remarque s'applique en particulier au champ de la maladie. La littérature anthropologique oppose fréquemment thérapeutes (guérisseurs et professionnels du secteur biomédical) et devins, les premiers « consultés au titre de leurs fonctions thérapeutiques », les seconds sollicités pour « leur faculté d'élaborer un diagnostic sur la maladie » et une « recherche en profondeur des causes de l'événement [7] ». La réalité, en particulier en pays mossi, est néanmoins plus contrastée. Certes, le devin reste le recours privilégié pour établir un diagnostic, mais il s'agit essentiellement d'un diagnostic causal qui n'implique pas nécessairement une identification de la maladie. En fait, la nature même du mal importe peu ; elle est souvent ignorée lors des consultations, [450] mais cela n'empêche nullement le devin d'identifier pour reprendre la terminologie proposée par Andras Zempleni [8] les causes efficientes et ultimes de l'événement. À l'inverse, l'identification de la maladie est une étape indispensable à l'exercice des fonctions de thérapeutes, le traitement prescrit étant étroitement déterminé par la reconnaissance d'une entité nosographique. Ainsi, comme le remarque Sylvie Fainzang, « le traitement administré par le guérisseur est toujours identique face à des symptômes semblables, tandis que les prescriptions du devin varient selon l'individu et le cas en présence [9] ». Contrairement à ce qui a pu être décrit à propos de certaines populations, le recours au devin chez les Mossi n'a rien de systématique en cas de maladie et d'autres personnes sont habilitées à fournir une interprétation causale, voire proposer un traitement non seulement de la manifestation, mais aussi de l'événement. Certes, les thérapeutes se contentent dans certains cas de proposer un traitement symptomatique, mais l'étape d'identification de l'affection s'accompagne fréquemment d'un diagnostic causal puisque de nombreuses maladies ont un modèle étiologique culturellement bien défini [10], parfois constant, d'autres fois simplement évoqué a priori. Il n'est donc pas toujours nécessaire de consulter un devin pour connaître les causes du mal et les traiter. Inversement, les statuts de devin et de guérisseur ne sont pas nécessairement antinomiques [11] comme le laisse parfois penser la trop rigide dichotomie opposant fonction d'investigation et fonction thérapeutique.
La dimension religieuse du devin est parfois occultée [12], mais elle est également sujette à controverses. Ainsi, par exemple, Bernard Maupoil confère au devin Bokono du Dahomey le statut de prêtre [13] bien que ses fonctions ne soient en rien comparables à celles des membres du « clergé » de la religion vodu dont il donne une description au début de son [451] ouvrage, de laquelle les devins sont d'ailleurs absents [14]. Quelques auteurs assimilent la divination à une fonction religieuse et certains qualifient la consultation divinatoire d'acte religieux [15]. À l'inverse et en d'autres lieux, Alfred Adler et Andras Zempleni présentent la divination comme « l'auxiliaire plus ou moins subordonné de la religion [16] ». Si le devin a la faculté de savoir ce qui se passe en dehors du monde des hommes, il n'a pas pour autant le pouvoir d'adresser des prières ou d'intercéder auprès des divers acteurs du monde religieux. La capacité du devin de « voir » ne suffit pas à définir sa fonction comme religieuse. Il est selon Anne Stamm « un simple interprète du destin, il n'est pas prêtre [17] ». Evoquer pour autant un rapport de subordination entre devins et détenteurs d'une fonction religieuse paraît difficile surtout lorsque les seconds sont tenus d'exécuter les offrandes et les sacrifices prescrits par les premiers.
Les difficultés et les questions que soulève l'étude de la divination apparaissent donc comme une incitation à multiplier les descriptions et les analyses ethnologiques qui seules permettront à terme d'affiner l'analyse anthropologique de cette institution. Mon objectif ici est de contribuer, à partir d'informations ethnographiques issues d'une enquête réalisée dans la région du Bazega au Burkina Faso [18], à mieux comprendre la place que le devin occupe entre maladie et religion, entre thérapie et croyance.
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L'édifice religieux traditionnel des Mossi
La divination fait explicitement référence aux croyances et aux pratiques religieuses traditionnelles. L'analyse des liens entre les deux impose donc un rapide survol de l'édifice religieux. L'organisation religieuse traditionnelle des Mossi est bien structurée mais elle est également fragmentée, cloisonnée et dispersée. Des parcelles de pouvoir sont détenues par différents lignages, voire, pour certaines, par chaque unité familiale. Les « enfants de la terre [19] », les teng-biisi, parmi lesquels sont choisis les « chefs de terre », ont certes plus de pouvoirs que d'autres. Ils ont ainsi la charge d'assurer pour chaque unité territoriale le culte à Tenga. Ils sont les seuls à pouvoir effectuer les rituels sur l'autel qui porte le nom de cette divinité chtonienne féminine et ils partagent avec d'autres l'accès à certains « autels de la Terre » tels que Tanga, la « Colline » ou Kuilga le « Marigot ». Généralement, ils assument aussi pour les « gens du pouvoir » la responsabilité cultuelle au niveau de l'autel du village.
D'autres lignages ont des pouvoirs religieux plus restreints mais très spécifiques. Les forgerons sont les seuls à pouvoir s'occuper de l'« autel de la Terre » nommé Kudgu, la « Forge », pour toutes les questions concernant leur lignage mais également pour l'ensemble des gens de l'unité territoriale lors de problèmes relatifs au feu, à la foudre et aux événements qui y sont liés, notamment certaines maladies. Les Wend-damba s'occupent plus particulièrement des cérémonies du pardon en cas de mésentente, de malédiction, voire de sorcellerie, et disposent pour cela de « l'autel de la Terre » nommé Goama, le « Granit ». Les Yonyonse, parmi lesquels existent différents lignages qui sont chargés de l'organisation des funérailles, ont leurs propres lieux et objets sacrés, en particulier les masques funéraires ainsi que les fétiches et les haches rituelles qui leur correspondent.
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Des officiants religieux, issus de lignages déterminés, assurent ainsi des responsabilités cultuelles spécifiques pour l'ensemble des résidents d'une unité territoriale donnée. En plus de cette organisation religieuse commune existent des lieux et des objets sacrés propres à chaque unité familiale, en particulier l'autel et les fétiches lignagers, l'autel Tempelem destiné à Tenga et érigé par le « chef de terre » lors de la construction de la cour familiale ou encore des autels destinés à certains génies. Dans chacune de ces unités territoriales, les pouvoirs religieux sont donc partagés et complémentaires les uns des autres. On retrouve ici un principe de partage du pouvoir et du savoir particulièrement développé en société mossi.
Au-delà du réfèrent villageois, l'édifice religieux est construit par la juxtaposition d'unités territoriales qui reproduisent chaque fois une organisation similaire avec une hiérarchie des lieux qui obéit autant à des questions de généalogie qu'à des logiques politiques et historiques propres à l'empire mossi [20]. On constate donc une double arborescence du religieux, à la fois territoriale et lignagère. Dans le quotidien, pour les gens du commun, la religion traditionnelle est essentiellement affaire de villages et de lignages, en particulier par le jeu des alliances. C'est une religion sans cérémonies collectives avec des lieux de culte dispersés. La principale fête religieuse traditionnelle des Mossi, le Basga ou Rayuuga, en est une parfaite illustration. Le rituel religieux est fait dans l'intimité, sans ostentation, loin du regard des visiteurs, en général tôt le matin bien avant l'arrivée des premiers convives.
Dans ce contexte, les devins apparaissent comme des acteurs sociaux, sans lien institutionnel direct ou explicite avec les détenteurs d'une fonction religieuse, qui réactivent la foi, les rituels et actes cultuels qui lui sont liés. Ils renvoient en effet les consultants dans les différents lieux de l'édifice religieux. L'institution divinatoire apparaît alors comme un ciment qui consolide cette organisation fragmentée. Elle produit du lien entre les divers lieux et les diverses personnes qui la composent.
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Devins et techniques divinatoires
En moore, la langue des Mossi, le terme générique baga (pl. : bagba) désigne un devin, et ce, quelle que soit la méthode divinatoire qu'il utilise. La polysémie du mot bagre permet d'évoquer aussi bien la pratique, c'est-à-dire la divination, que la consultation ou la fête annuelle des devins. Les techniques pratiquées en pays mossi sont nombreuses et une dizaine d'entre elles ont été mentionnées ou décrites dans la littérature [21]. Trois procédés divinatoires (divination par la souris, par les génies et par le bâton), plus particulièrement observés lors de l'enquête, fourniront le support ethnographique de ce chapitre.
Le yongr-bagre (yongre : souris) utilise une table divinatoire en sable sur laquelle une souris, en s'y déplaçant, laisse des traces [22] qui permettent au devin d'apporter des réponses au consultant. Peu répandue, elle est reconnue en région voltaïque comme une technique étroitement liée aux Mossi. Chaque matin, la table divinatoire est préparée par le devin qui dépose du sable en tas de différentes grosseurs et de différentes formes (ronds, ovales, en lignes, en cercles, en croissants, en V, etc.). Après avoir déposé les tas constitutifs d'une rangée ou d'une figure complète, il procède à leur aplatissement partiel puis à l'impression d'empreintes à l'aide des doigts ou d'un morceau de calebasse triangulaire. Certains symboles complexes sont la résultante d'inclusions concentriques, de superpositions de tas de diamètres décroissants, voire quelquefois d'un enchevêtrement complexe de plusieurs formes. À mesure que le dessin se construit, le devin racle le sable perdu devant lui et se recule pour continuer sa sculpture. Une fois terminée, elle comprend plus de trois cents symboles et occupe la presque totalité du sol de la case. Elle servira pour l'ensemble des consultants de la journée grâce à l'effacement des traces par le saupoudrage du [455] dessin avec du sable ou la ventilation avec un éventail traditionnel en raphia tressé [23].
Le kinkir-bagre (kinkirse : génies de brousse) repose sur la communication orale directe entre génies et consultants. Le devin est assis face au mur d'une petite case circulaire, devant un autel contenu dans une concavité délimitée par un muret d'argile et recouvert d'un tesson de poterie. Divers objets sacrés sont déposés à proximité ou suspendus au-dessus. Le consultant est adossé au mur derrière le devin. Après l'incantation, « si les génies sont disposés à travailler », la voix aiguë et quelque peu criarde de l'un d'entre eux se fait entendre pour commencer des salutations avec le consultant. Les génies sont alors censés utiliser le corps du devin pour produire leurs paroles. Le cou de ce dernier se gonfle et le son émis par ventriloquie emplit la case. Sur invitation des génies, le consultant devra dans un premier temps exposer brièvement la nature de sa demande, puis il sera tenu à répondre à leurs questions jusqu'au terme de la séance. Majoritairement pratiqué par des femmes, le kinkir-bagre est la seule technique divinatoire qui ne soit pas exclusivement masculine.
Le tond-toaga (toa = percuter) utilise un bâton de soixante centimètres environ, fourchu dans sa partie supérieure, équipé d'un manchon métallique à l'autre extrémité. Cette divination se déroule généralement en plein air, aux abords des marchés. Le devin est assis à même le sol et dépose devant lui un tas d'objets divinatoires (cailloux, cornes, griffes, plumes, etc.) ayant chacun une signification déterminée. De l'autre côté sont alignées trois pièces métalliques carrées. Lors de la consultation, le devin maintient le bâton de la main gauche, en plaçant le pouce et le majeur sous les deux branches de la fourche et l'index à l'intérieur de celle-ci. Le consultant, assis face au devin, tient l'extrémité métallique [456] dans sa main droite. Le devin appelle « ses génies » qui sont alors susceptibles de mettre en mouvement le bâton qui « s'exprime » de quatre manières différentes. Il peut en effet sélectionner un objet divinatoire en le touchant ou en le poussant hors du tas. Il peut également percuter les pièces métalliques, apportant alors des réponses en terme binaire comme dans la géomancie. Il peut enfin dessiner des figures sur le sol et désigner une partie du corps du consultant.
Le lexique divinatoire
Quelle que soit la technique pratiquée, le lexique utilisé par les devins rencontrés et observés est sensiblement le même. Néanmoins, la description qui est faite ici se réfère principalement à la méthode de divination par la souris. La table en sable fournit en effet un accès à l'ensemble du vocabulaire divinatoire. Tous les termes élémentaires potentiellement mobilisables y sont inscrits même si lors des consultations, seuls ceux qui ont été « sélectionnés » par la souris serviront à construire les énoncés. Dans une moindre mesure, les objets utilisés lors de la divination par le bâton permettent un travail similaire mais qui reste incomplet puisqu'une partie du vocabulaire est également produite par d'autres procédés. Pour les kinkirse-bagba en revanche, le lexique divinatoire est uniquement accessible par un travail de décomposition des énoncés produits lors des consultations ou lors d'entretiens avec les devins eux-mêmes.
Par ailleurs, la table divinatoire du yongr-baga est ordonnée et compartimentée, ce qui permet d'avoir d'emblée un accès à un classement émique du vocabulaire [24]. Globalement, quatre registres sont identifiables et leur description sera par ailleurs l'occasion de présenter quelques éléments du système de pensée des Mossi, utiles pour comprendre les analyses ultérieures.
Le premier registre est d'ordre religieux. Ainsi, toute la partie supérieure de la table divinatoire offre au regard une [457] représentation graphique du monde. Le symbole que le devin réalise toujours en premier figure Wende, l'être suprême, celui qui est à l'origine de toute chose, de tout être et de tout événement. Il est identifié au soleil que les Mossi désignent par le même terme. Il est placé au centre de « sa maison » (Wend-yiri) dans laquelle sont représentés une vingtaine de faits qui peuvent survenir dans la vie d'un individu : la maladie (baaga), l'alliance matrimoniale (kadem), le potentiel génésique des femmes (rogem), la tristesse (su-saanga), etc. Les différents événements de la destinée de chacun sont en effet soumis à une prédétermination divine (Wend-pulemde), susceptible néanmoins d'être modifiée ultérieurement par l'intervention d'autres acteurs.
La « Terre » (Tenga) est placée juste à côté de la « maison de Wende », son mari. Elle joue un rôle primordial dans la vie religieuse des Mossi car elle est le principal interlocuteur divin pour la plupart de ceux qui adhèrent toujours aux pratiques religieuses traditionnelles. Ils s'adressent à elle par l'intermédiaire d'autels (la « Terre », la « Colline », le « Rocher », le « Marigot », la « Forge », l'« Arbre », le « Granit », etc.), littéralement appelés « les pierres de la Terre » (Teng-kuga). Ils apparaissent en divers endroits de la table divinatoire selon qu'il s'agit des autels du village paternel, maternel ou de ceux du village de la grand-mère paternelle.
Les génies de brousse, les kinkirse, sont également présents. Ils sont considérés dans les mythes mossi comme les premiers enfants de Wende et de Tenga. Véritables démiurges, ils ont par leurs critiques envers leurs géniteurs pleinement participé à l'agencement du monde [25]. Ils sont décrits comme de petits êtres invisibles qui vivent en brousse, éleveurs et cultivateurs des espèces animales et végétales sauvages. Ils réalisent les actes du quotidien à l'inverse de ce que font les hommes (en particulier dans le registre de l'opposition droite/gauche) et l'image de monde en miroir décrite par Doris Bonnet en fournit un excellent reflet [26]. Ils tiennent une place importante dans les représentations de la procréation et chaque enfant qui naît est considéré comme [458] un génie en cours de métamorphose, son « humanisation » complète s'effectuant progressivement jusqu'au sevrage qui survient vers l'âge de deux ans [27].
Cette partie de la table contient ensuite un ensemble de symboles, représentant des animaux sauvages ou domestiques, des aliments d'origine animale ou végétale, des habits et des bijoux, mais également des catégories d'individus désignés par des caractéristiques physiques (sexe, taille, intensité de la pigmentation cutanée), des liens de parenté ou un statut matrimonial (petits-enfants, neveux, veuve, etc.). Ils sont considérés, selon leur emplacement, leur nature et le contexte, comme l'essence divine des différents éléments qui composent l'environnement des hommes, comme objets de sacrifice sur les divers autels et objets sacrés, ou enfin comme cause ultime ou efficiente d'un incident donné.
Le second registre offre un vocabulaire événementiel qui permet de formuler un diagnostic sur la nature des événements, fastes ou néfastes, qui surviennent ou surviendront dans la vie d'un individu, que ce soit le consultant lui-même ou un membre de son entourage. Une première rangée de symboles fournit une série de termes tels que la foudre, une blessure, une morsure de serpent, une maladie, la sorcellerie, un gain ou une perte, la richesse ou la pauvreté, la joie ou la tristesse et enfin une querelle. Une seconde rangée permet de préciser différentes catégories de maladies, essentiellement sur un critère de localisation (mains, pieds, oreilles, yeux, ventre, etc.). Néanmoins, de rares noms d'entités nosologiques populaires précises sont fournis, telles que les fausses-couches ou avortements spontanés, le su-baaga (maladie à étiologie sorcellaire dont les manifestations sont essentiellement thoraciques et respiratoires), le kapoga (maladie à étiologie sorcellaire dont le principal symptôme est une ascite).
Le troisième registre permet de décrire l'environnement familial et social du consultant. On y trouve en particulier sa cour ainsi que les lieux et objets rituels qui s'y trouvent. Les épouses et les enfants qui y résident sont présents et tous associés à deux symboles, le premier matérialise la [459] santé (laafi) et le second représente une éventuelle maladie (baaga). Enfin, diverses circonstances de la survenue d'un événement sont détaillées, notamment un voyage, le travail, un déplacement en mobylette ou en voiture, le rêve, etc.
Le quatrième registre est d'ordre rituel et thérapeutique. Il fournit un inventaire des différents éléments susceptibles d'entrer dans la composition des offrandes (noix de cola, arachides, œufs, préparations culinaires, plumes, objets, etc.). Il recense les animaux éventuellement nécessaires à des sacrifices. Il permet également de préciser les lieux et les destinataires de ces actes rituels (autels de la terre, génies, mendiants, fourmilières, etc.). Enfin, divers produits participant à l'élaboration de médicaments ou d'amulettes sont répertoriés (plumes, os, charbons ou braises, morceaux de tissus, phanères de divers animaux, etc.).
Cette présentation du lexique divinatoire permet déjà de distinguer les dimensions religieuses et thérapeutiques du devin. Les énoncés produits lors des consultations vont en effet permettre d'établir des liens entre les quatre registres qui viennent d'être évoqués. Les événements susceptibles de survenir dans la vie d'un individu seront ainsi mis en relation avec l'ensemble des éléments qui composent l'univers religieux et diverses solutions d'ordre à la fois rituel et thérapeutique lui seront proposées. L'étude des motifs et du déroulement de la consultation permet alors de mieux comprendre les circonstances où le recours à un devin apparaît nécessaire et quelle place la maladie occupe réellement parmi l'ensemble des infortunes possibles.
Les recours à la divination
et le contenu des énoncés divinatoires
Même s'il existe généralement un ou plusieurs devins à proximité, voire au sein même de chaque village, les consultations divinatoires se font le plus souvent au-delà d'un certain périmètre à partir du lieu de résidence. L'une des raisons avancées est la nécessité de la discrétion, car nul n'a envie que l'existence même du recours divinatoire soit divulguée ou connue par le voisinage et parfois par la famille. [460] Le choix d'une technique divinatoire particulière ou la préférence pour un devin déterminé interviennent aussi comme explication de la consultation à distance. Pour les femmes en particulier, il est habituel de les voir consulter à proximité de leur village paternel ou de l'un des villages alliés de ce dernier, à l'exclusion le plus souvent de celui de leur propre mari [28].
Les situations qui incitent à faire usage de la divination correspondent à deux démarches de nature très différente [29]. La première est utilisée à titre propitiatoire, en prévision de l'exécution d'un acte individuel ou collectif, profane ou sacré. Il peut alors s'agir de projets aussi variés que la construction d'une maison, une alliance matrimoniale, un voyage, un examen, la réunion de l'assemblée générale d'une association ou l'organisation d'un rituel, etc. La seconde s'intègre dans une recherche de causalité en référence à un événement passé ou en cours, qui s'inscrit le plus souvent dans le champ du malheur. Une querelle avec un voisin, un ami ou une épouse, une perte d'argent, un vol, un accident, un échec professionnel ou scolaire sont alors autant de motifs de consultation. Mais, même si toute infortune peut motiver un recours au devin, la maladie occupe dans ce registre une place particulièrement importante. Elle est, chez tous les devins observés, la première cause de consultation.
Par ailleurs, quel que soit le motif initial du recours, le devin est tenu de révéler au consultant « tout ce qu'il voit ». Systématiquement, des problèmes autres que celui qui a motivé initialement la démarche vont alors être évoqués. L'exemple qui suit illustre le déroulement d'une séance de divination.
Le consultant, un homme d'une quarantaine d'années, vient voir le « devin par la souris » parce qu'il projette de reconstruire sa cour sur un nouveau terrain. Il pénètre une première fois dans la case où se déroulent les consultations et [461] s'assoit sur un petit siège à côté de celui du devin. Celui-ci lui pose les questions habituelles sur sa situation familiale, à savoir le nombre de ses épouses et de ses enfants, informations qui sont alors inscrites dans le sable. Le consultant dépose 200 francs CFA [30] sur le sol, puis place l'extrémité de ses doigts à côté de la table en sable en formulant intérieurement la question qui l'a amené à consulter. Le devin récite ensuite une incantation divinatoire puis les deux hommes sortent de la case. Environ une demi-heure plus tard, « lorsque la souris a fini de parler », ils reviennent s'asseoir et le devin commence l'interprétation des traces de la souris. Comme pour toutes les consultations, il va dans un premier temps énumérer les lieux sacrés que « la souris a interrogés » pour pouvoir fournir les réponses aux questions qui lui ont été posées :
« Dans le village de votre père, elle (la souris) a demandé à la "Terre", elle a demandé à la "Colline", elle a demandé à l'autel du lignage (buud-piiga = rocher du lignage ou segment de lignage), elle a demandé au "Marigot", à la « Forge", à 1'"Arbre", au "Granit", elle a demandé aux "génies-nés ». Elle a aussi demandé à propos du kankalga (un arbre). C'est ce qui se trouve sur la terre de votre famille. Chez votre grand-mère paternelle, elle a demandé [...]. ça, c'est dans le village des oncles maternels de votre père. Dans le village de votre mère, elle a demandé... [etc.]. »
Systématiquement énoncée sous cette forme, cette litanie introductive a pour effet de replacer l'individu dans son contexte social et religieux traditionnel. C'est pour lui un rappel de sa généalogie et des lieux sacrés susceptibles d'intervenir dans le déroulement de son existence, dans son village paternel mais également dans les deux villages alliés les plus importants pour lui. Dès le début de la consultation, l'individu retrouve ainsi toute sa dimension sociale. C'est également de la part du devin un moyen de produire un argument d'autorité et de légitimer ses énoncés divinatoires puisqu'il s'est adressé à tous ces lieux sacrés et qu'il s'exprime ensuite en leur nom.
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Aussitôt après cette étape introductive, le devin commence l'interprétation des signes laissés par la souris. Dans un premier temps, il va révéler tous les événements fastes ou néfastes visibles sur la table divinatoire. Le motif initial de la consultation se trouve alors dilué au cœur d'un ensemble plus vaste de préoccupations.
Cette étape d'identification des événements se déroule toujours de la même manière, par une série d'interrogations que le devin énonce afin d'obtenir une confirmation. Dans cet exemple-ci, l'homme qui consulte est venu pour une prise de décision relative à un déménagement de sa cour sur un terrain qui pose des problèmes de propriété foncière au sein de sa famille. Mais l'interprétation des traces de la souris fait ressurgir d'autres événements passés, en particulier des problèmes de santé affectant ses épouses et ses enfants, la mort d'un nourrisson, le décès d'un frère et des querelles familiales sur des questions d'argent. D'une manière le plus souvent implicite, un lien est alors créé entre les différents faits qui sont évoqués. Le devin fait ainsi émerger un « enchaînement d'événements néfastes » considérés comme « autant d'effets d'une même chaîne causale [31] », qui, même si elle n'est pas toujours exprimée ou ressentie comme telle par le consultant, renforce la légitimité d'une interprétation dans le registre magico-religieux. Le souci qui a motivé la démarche est donc replacé dans un contexte plus large dans lequel il est habituel de voir apparaître des questions de santé, et ce même si le motif de la consultation est initialement d'une toute autre nature.
La dernière phase de la consultation permet de proposer un traitement causal de ces événements. Systématiquement des offrandes et des sacrifices sont alors prescrits sans que leur nombre ne dépasse généralement la dizaine. Dans le cas particulier proposé ici, le devin continue l'interprétation des traces de la souris pour établir les prescriptions :
« Devin : Vous allez chercher un poulet pour votre santé et celle de votre famille. Vous allez le donner à cet autel "Kuilga" dont vous parliez. Puis vous allez chercher un poulet. Vous allez vous asseoir dans la cour et vous allez le donner à votre père [décédé] pour qu'il le donne à [463] son tour à votre grand-père. Si vous demandez à propos de la "Forge" qui se trouve dans le village de votre grand-mère et que l'on vous dit que cet autel existe, vous allez chercher un poulet mâle pour qu'il soit donné à la "Forge".
Consultant : [mémorise à haute voix les prescriptions].
Devin : Puis vous cherchez des galettes, des beignets, du fura (mil concassé, bouilli et aigri). Vous les mettez ensemble et vous les offrez aux petits-enfants dans la cour. Après ça, vous allez faire préparer du tô (pâte de farine de mil) [32] avec une "sauce blanche". Si vous n'obtenez pas de la viande de pintade, cherchez de la viande de mouton ou de la viande de bœuf pour la mettre dans la sauce. Vous ferez sortir le plat dans la cour pour que tous les gens qui y résident mangent. Il faudra faire ça un jeudi. Ensuite vous allez partir acheter un poulet au marché. Vous le mettrez dans la main de tous les gens qui vivent dans votre cour et vous le sacrifierez à votre père pour qu'il le donne à votre grand-père. Vous devrez l'acheter au marché. Même si vous avez un poulet à la maison, même si une personne vient vous vendre un poulet à la maison, ne prenez pas ceux-là. Vous devrez acheter un poulet au marché.
Consultant : [mémorise à haute voix les prescriptions]
Devin : Quand vous allez déménager, il faudra le faire un jour de "lune blanche" (lune descendante). Si la lune est "rentrée" la veille (le premier jour après la pleine lune), c'est encore mieux. Si ce n'est pas un jeudi que vous déménager, faites-le un samedi. Ce sont les deux jours comme ça. Quand vous allez déménager, faites appel à un Peul, pour qu'il vienne sur le terrain afin de "tracer la maison" (protection) avant que vous ne rentriez. Vous chercherez alors un poulet blanc et vous lui remettrez avant de vous installer. Voilà ! Si vous faites ainsi, il y aura la paix et la santé et ce que vous demanderez vous [464] l'aurez. Allez faire l'ensemble des offrandes et des sacrifices comme je vous l'ai indiqué. [Résume toutes les prescriptions.] Ça ne dépasse pas ça. Que Wende aide, que Wende participe, que Wende accepte. »
Dans cet exemple, le devin recommande donc au consultant la réalisation de quatre sacrifices : deux dans sa propre cour qu'il pourra réaliser lui-même ; un sur l'autel Kuilga de son village pour lequel il devra faire appel au « chef de Terre » ; le dernier au niveau de la forge située dans le village de sa grand-mère paternelle qui sera nécessairement exécuté par des forgerons. Il lui est par ailleurs conseillé d'offrir des friandises aux enfants de sa cour et un repas à l'ensemble des gens qui y résident. Enfin, le recours à un Peul lui est recommandé pour assurer la protection de sa maison lors du déménagement qu'il envisage. Les prescriptions permettent ainsi d'adresser des requêtes à la « Terre », aux ancêtres (père et grand-père) mais également aux génies par les offrandes aux enfants en bas âge [33]. Ainsi fait, et avec l'aide et la volonté de Wende précise bien le devin, la santé et la paix devraient revenir dans la famille et les vœux devraient pouvoir s'exaucer.
Maladie et divination
L'institution divinatoire est donc un lieu où plusieurs fois par jour, pour chaque consultant, les questions de santé rencontrent le religieux. Certes, le domaine de compétence du devin dépasse largement le champ de la maladie. La diversité des causes possibles de consultations divinatoires montre en effet qu'elle n'est pas le seul événement qui puisse déterminer un tel recours. Inversement, la consultation d'un devin n'est pas systématique en cas d'altération de la santé. De nombreuses maladies, considérées comme banales, c'est-à-dire conformes à l'ordre du monde tel que Wende l'a créé, sont diagnostiquées et traitées dans la sphère familiale et éventuellement par un recours à des thérapeutes spécialisés [465] sans consultation divinatoire préalable. En règle générale, la divination n'est jugée nécessaire que lorsque la situation suscite des interrogations ou des inquiétudes auxquelles l'individu et ceux qui l'entourent n'arrivent pas à répondre de manière certaine ou satisfaisante. Néanmoins, quel que soit le motif initial de la consultation, il est rare que la maladie ne soit pas évoquée, soit parce qu'elle s'est déjà manifestée, soit parce qu'elle est susceptible de survenir en une occasion déterminée ou en l'absence de protection.
L'étude du lexique divinatoire a permis de décrire au sein du registre événementiel un ensemble de termes se référant à la santé ou à la maladie. Dans la table en sable du devin par la souris, la maladie apparaît en effet vingt-huit fois et en particulier deux fois en alignement transversal, ce qui rend la probabilité que la souris vienne marcher dessus particulièrement élevée. La sorcellerie, qui se manifeste la plupart du temps par une altération de la santé, apparaît quant à elle dix fois et la santé douze fois. En tout cinquante symboles (sur environ quatre cents) se réfèrent plus ou moins explicitement à la santé ou à la maladie.
Au-delà de cet aspect purement probabiliste - non négligeable dans le cadre de la divination -, l'analyse des motifs de sollicitation du devin a également montré que les altérations de la santé y occupent une place privilégiée. Dans l'éventail des événements qui peuvent jalonner la vie d'un individu, la maladie est celui qui apparaît le plus fréquemment. Inévitable, imprévisible, fidèle dans sa survenue répétitive dans un contexte épidémiologique particulièrement défavorable, inacceptable par les souffrances qu'elle génère, inquiétante par ses conséquences, la maladie reste, de tous les événements tragiques qui peuvent affecter la vie d'une famille, la principale occasion d'inquiétude et par conséquent de recours.
L'analyse des énoncés divinatoires a enfin permis de montrer qu'indépendamment du motif initial de consultation, la maladie émerge presque toujours lors de l'identification de cet « enchaînement d'événements néfastes » présenté par le devin. Ainsi, même si la divination n'est pas une institution spécifique au champ de la maladie, celle-ci reste parmi tous les malheurs potentiels celui qui apparaît le plus souvent dans le lexique, les motifs de consultation et les énoncés [466] divinatoires. De toute façon, l'institution divinatoire est pleinement intégrée au système médical puisqu'elle est une étape déterminante de nombreux itinéraires de soins.
Le lexique divinatoire, par-delà la place de la maladie dans la divination et la dimension thérapeutique du devin, met également en relief de nombreux éléments permettant de cerner sa dimension religieuse.
L'institution divinatoire :
interface entre les mondes profane et religieux
L'activité divinatoire en pays mossi est présentée comme étroitement liée aux « génies de brousse » (kinkirse). Sans leur concours, aucune divination ne serait possible. L'élection d'un devin et l'apprentissage de la technique seraient ainsi l'œuvre des génies. Les devins disent en effet avoir été « choisis » puis avoir reçu un enseignement par ces êtres invisibles venus de la brousse. Le « devin par la souris » explique ainsi comment son instruction s'est déroulée par étapes successives lors de son sommeil :
« La première fois qu'ils sont venus m'instruire, j'étais endormi. Un jour, ils m'ont dit que je devais chercher du sable, et le tamiser, pour qu'ils viennent me montrer une pratique. J'ai cherché du sable, je l'ai tamisé puis ils sont revenus quand il faisait nuit. Ce sont eux qui sont venus prendre le sable avec le morceau de calebasse pour l'étaler. Ils sont venus avec les leurs, les ont réunis dehors, afin de choisir ensuite les personnes pour chaque consultation. Quand ils ont fini les consultations... ha ! Ils m'ont montré ce qui se passait : la souris sort les rejoindre et ceux qu'ils ont fini de consulter se lèvent pour sortir. Après ce jour, ils sont revenus me montrer le "médicament" (tiim [34]) que je [467] dois aller chercher pour pouvoir pratiquer. À chaque fois que je vais le chercher, ils m'accompagnent. Quand je suis couché et une fois que je m'endors, je les suis. Là où se trouvent leurs habitations, je me promène avec eux là-bas. »
Ce discours sur l'apprentissage en rêve est classique en Afrique de l'Ouest, en particulier dans le domaine de la divination mais parfois aussi chez les guérisseurs [35]. Le verbe zamse signifie d'ailleurs rêver mais aussi apprendre.
Cependant, le rôle des génies ne s'arrête pas à l'élection et à l'instruction du devin puisqu'ils sont également les principaux acteurs de la consultation. Au début de chacune d'entre elles, ils sont appelés selon diverses modalités en fonction de la méthode divinatoire pratiquée. Dans le kinkir-bagre et le tond-toaga, l'officiant utilise une petite calebasse en forme de sphère, prolongée d'une partie effilée qui sert de manche. À l'intérieur sont introduites des graines de kankalga (Afzelia africana), l'un des arbres préférés des génies, tant pour y résider que pour se délecter des fruits qu'il produit [36]. Cet instrument est désigné par le terme silsaka, mot utilisé dans la vie courante pour nommer les hochets fabriqués avec de la paille tressée et des cailloux pour les enfants en bas âge [37]. Le devin saisit le silsaka dans la main droite et par un mouvement circulaire du poignet, il produit un son rythmé auquel les génies sont censés être particulièrement sensibles. Durant toute la consultation, le son du silsaka se fait entendre afin de maintenir le contact avec eux.
Dans la divination par la souris, le devin utilise un morceau de calebasse en forme de triangle isocèle fait d'un demi-fuseau découpé dans la sphère végétale. Cet outil sert à confectionner la table divinatoire et il permet aussi de produire, lors de l'incantation divinatoire, l'appel de la souris envoyée par les génies. La calebasse sert ainsi à établir le contact avec le monde de la brousse et son rôle d'outil de passage [468] et de communication entre mondes visible et invisible est attesté dans bien d'autres situations [38].
Selon les devins eux-mêmes, leur capacité à pratiquer la divination repose sur leur faculté d'établir le contact avec « leurs » génies. Lorsque ces derniers ont répondu à l'appel, ils s'expriment et fournissent les réponses divinatoires : le devin n'est qu'un intermédiaire, qu'un relais dans la communication entre les génies et les hommes [39]. Il apparaît comme un outil d'expression, que ce soit par le bras dans le tond-toaga, ou par les organes de la phonation du kinkir-baga, ou encore par la réalisation graphique du yongr-baga [40]. Par ailleurs, les devins rencontrés avaient tous un autel destiné à ces génies qui les aident dans leur pratique divinatoire. Ils sont tenus d'y faire régulièrement des sacrifices et d'y déposer des offrandes, en particulier lors de la fête annuelle des devins.
Le lien privilégié avec les génies est susceptible de s'articuler pour tous les devins rencontrés avec un événement dans le registre de la parenté, en particulier le fait d'être orphelin ou celui d'être stérile. Ainsi, les deux femmes pratiquant le kinkir-bagre, âgées de plus de trente ans, n'ont pas de descendants. Toutes les deux appellent les génies qui viennent lors des consultations « mes enfants » et d'autres auteurs ont déjà rapporté ce fait [41]. L'hypothèse d'une relation entre [469] infécondité féminine et pratique du kinkir-bagre apparaît alors particulièrement séduisante compte tenu des résonances qu'elle provoque avec les représentations de la procréation. Le kinkir-bagre a en effet cette particularité d'être la seule technique divinatoire qui puisse être pratiquée par une femme. Si celle-ci n'a pas la capacité d'accueillir en son sein un kinkirga pour ensuite en assurer la métamorphose lui permettant de donner naissance à un enfant [42], elle conserve néanmoins cette capacité d'attirer chez elle des génies en leur permettant de s'exprimer à travers son propre corps. L'hypothèse d'un lien entre divination et infécondité pour les femmes n'est donc pas à exclure. Socialisation de la stérilité, preuve que ce ne sont pas ses capacités à séduire les génies qui sont en cause, l'exercice de la divination apparaîtrait ainsi comme un substitut de procréation.
L'enfance du devin pratiquant le tond-toaga est marquée par le décès de ses parents qui imposera un recours à l'adoption dans un village voisin. Le yongr-baga se présente également comme orphelin de père et de mère. Ainsi, ces deux hommes ont perdu précocement leurs parents [43]. Au regard de ce qui vient d'être analysé pour les femmes, l'hypothèse qu'un statut d'orphelin implique le maintien d'un lien privilégié de l'enfant, puis plus tard de l'adulte, avec ses parents ou ses frères génies, apparaît alors cohérente avec les représentations de la procréation et de la personne humaine. Infécondité et mort précoce des parents, c'est-à-dire « une perturbation de l'ordre naturel de l'enchaînement des générations [44] », éventuellement aussi gémellité [45], pourraient donc être autant de situations, tant biologiques que sociales, favorisant l'accès à la pratique divinatoire.
[470]
Cette version, pour ainsi dire théologique, de l'élection, de l'apprentissage et de l'exercice de la divination assigne au devin une place particulière. Il se situe entre monde terrestre habité et cultivé, celui des humains, et le monde de la brousse, celui des génies. Le « bâton de divination » du tond-toaga qui relie la main gauche du devin - l'univers non visible des génies, des ancêtres, du sacré - à la main droite du consultant - le monde des humains [46] - symbolise bien cette position du devin à cheval entre deux réalités et son rôle de relais dans la communication entre les deux.
En permettant ainsi à des génies de s'exprimer d'une manière intelligible par l'intermédiaire du devin et pour l'ensemble des hommes, la divination présente une analogie avec les phénomènes de possession rituelle [47]. Sur ce point, le kinkir-bagre est particulièrement éloquent car bien qu'il n'y ait ni transe ni amnésie totale de l'événement [48], le génie prend néanmoins « possession » temporairement du corps de l'officiante qui l'a appelé, utilisant ses organes de phonation pour s'exprimer avec une voix totalement transformée. Oger Kabore décrit par ailleurs un mode d'élection particulier des kinkir-bagba débutant par une possession-maladie appelée le kindri et qui, une fois traitée et guérie, permet éventuellement à ces femmes de pratiquer la divination [49]. Certains auteurs évoquent d'ailleurs explicitement la notion de possession dans le cadre de la divination [50].
Les devins, par leurs capacités à voir ce qui se passe dans des mondes normalement inaccessibles aux hommes, par les « voyages » qu'ils effectuent dans l'univers des génies, présentent également quelques similitudes avec les chamanes. Certes, c'est en rêve qu'ils partent visiter le monde de la brousse, mais il s'agit justement alors d'un phénomène de séparation du corps et de l'« âme ». Pour les Mossi, le sommeil [471] est en effet expliqué par un départ du siiga, l'une des trois composantes de la force vitale, qui quitte l'enveloppe charnelle [51] et qui se déplace, parle et agit alors pour son propre compte.
Au même titre qu'un chamane et un possédé, qui sont également susceptibles d'exercer une activité divinatoire, le devin est un intermédiaire entre les hommes et les génies. Ils ont tous cette même capacité d'entrer directement en contact avec des êtres surnaturels, « expérience religieuse primordiale » de toutes les religions [52]. Ils occupent dans les représentations du monde cette même place entre univers profane et religieux. Le devin apparaît alors pleinement comme un type particulier de spécialiste religieux. Néanmoins, le devin n'est ni un prêtre ni un officiant religieux. Il n'a pas pour rôle d'organiser ou de réaliser un culte ou une cérémonie particulière envers l'une des divinités ou sur les différents lieux sacrés auxquels il fait référence lors des consultations.
La divination permet d'interpréter les événements passés ou présents, éventuellement d'agir sur leur évolution, mais aussi de prévoir des événements futurs et d'orienter les actions quotidiennes ou rituelles de demain. Les divers espaces du monde tel que les Mossi se le représentent, les divers acteurs de l'univers religieux, sont alors mis en relation avec les événements qui affectent - ou affecteront - la vie d'un individu. En révélant ces articulations entre épisodes de vie et monde religieux, l'institution divinatoire renouvelle lors de chaque consultation la démonstration de la puissance des êtres divins, des génies ou des ancêtres. En soulignant ce pouvoir de provoquer l'événement et cette capacité d'en réparer éventuellement les effets lorsqu'elle prescrit offrandes ou sacrifices, elle a pour conséquences de renforcer les représentations du monde et d'actualiser des rituels religieux.
Le devin produit donc du religieux à partir de l'expérience individuelle de chacun dans le sens où il entretient [472] des croyances et des rituels socialement valorisés en milieu traditionnel. Lorsqu'il énonce ses prescriptions, il incite le consultant à renouer ou à renforcer ses liens avec certains lieux ou objets sacrés et, par conséquent, avec les différents individus qui en ont la charge. Pour les sacrifices sur certains autels de la « Terre », l'exécution des prescriptions l'obligera en effet à solliciter ceux qui ont seuls le pouvoir d'y effectuer les rituels. Il en va ainsi dès que le lieu sacré désigné se trouve dans un village allié ou lorsque l'autel destinataire de l'offrande est sous la responsabilité cultuelle d'un lignage spécifique. Pour les femmes, qui ne peuvent en aucun cas mettre à mort un animal et encore moins effectuer des actes à caractère religieux tels que des sacrifices, ce type de prescriptions divinatoires impose alors le recours systématique à un intermédiaire masculin. Mais cette règle est également vraie pour des hommes qui adhèrent à une religion qui leur interdit d'effectuer des actes sacrificiels. Les devins, dès qu'ils ont la conviction ou la suspicion que celui qui les sollicite ne pratique pas la religion traditionnelle, associe leurs recommandations relatives à un sacrifice d'une formule du type : « si vous ne pouvez pas tuer, donner l'animal à quelqu'un pour qu'il le fasse pour vous ». Le devin ne cherche donc pas explicitement à convertir. Nombre de musulmans ou de chrétiens consultent les devins, dans une démarche généralement très pragmatique visant à mettre un terme au déroulement d'un événement ou à une incertitude. La divination apparaît ainsi comme une instance de légitimation des pouvoirs religieux détenus par d'autres. À la fois instrument d'analyse, de réparation et de reproduction sociale [53], elle utilise l'histoire individuelle de chacun - et en particulier la maladie - pour valider un système de représentations culturelles partagé par tous.
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[476]
[1] Anthropologue-médecin, chercheur au Laboratoire d'écologie humaine et d'anthropologie, université d'Aix-Marseille II.
À titre d'exemples, cf. Evans-Pritchard E., 1937 ; Maupoil B., 1943 ou encore Adler A. et Zempleni A., 1972.
[2] Adler A. et Zempleni A., 1972 : 12.
[6] Sur cette remise en cause possible de la parole divinatoire en pays mossi, cf. Tiendrebeogo Y., Pageard R., 1975.
[7] Fainzang S., 1986 :116.
[8] Zempleni A., 1985 : 21.
[9] Fainzang S., 1986 : 117.
[10] À titre d'illustration cf. Egrot M. et Taverne B., 2001.
[11] Cf. par exemple Taverne B., 1997b : 179 ; Kalis S., 1997 : 199 ou Egrot M., 1999 : 271.
[12] Evans-Pritchard E.E., 1972 ; Fainzang S., 1986.
[13] Maupoil B., 1943 : 116 et 679.
[14] Maupoil B., 1943 : 64-66.
[15] Kalis S., 1997 : 199-200 ; Vincent J-F., 1971 : 78-79.
[16] Adler A. et Zempleni A., 1972 : 12.
[17] Stamm A., 1995 : 65.
[18] Cette enquête s'est déroulée entre 1994 et 1996, soit en dix-huit mois de terrain en pays rural mossi. Les informations utilisées ici ont été obtenues par entretiens enregistrés et observation directe des consultations chez trois devins. Le film ethnographique fut dans ce cadre un outil particulièrement adapté à l'objet d'étude. La préparation des lieux de divination, les techniques utilisées et plus de vingt consultations ont ainsi pu être filmées. Par ailleurs, de nombreux entretiens ont été menés avec des hommes et des femmes résidant dans les quatre villages enquêtés, en particulier à propos de leur recours à l'institution divinatoire.
[19] La distinction entre « gens de la terre », autochtones et détenteurs des pouvoirs religieux et « gens du pouvoir », descendants des conquérants et détenteurs des pouvoirs politiques, est l'une des caractéristiques majeures de l'organisation sociale des Mossi. À ce propos se référer à Izard M., 1985 et 1992.
[20] Concernant ce point, cf. Izard M., 1985.
[21] Voir en particulier Dim Delobson A., 1934 : 39 et suivantes ; Tiendrebeogo Y. et Pageard R., 1975 : 37 et suivantes ; Egrot M., 1999 : 217-271.
[22] L'utilisation à des fins divinatoires de traces laissées par des animaux existe dans d'autres régions d'Afrique, en particulier en pays dogon (renard pâle) et au Cameroun (crabe).
[23] Ce procédé d'effacement de la table permet au devin de voir plus d'une dizaine de consultants par jour. D'autres techniques divinatoires utilisant des représentations graphiques inscrites sur le sol ne permettent pas cette performance. Ainsi par exemple, chez les Moundang du Tchad, le kindani ne peut réaliser qu'une seule divination par jour (Adler A. et Zempleni A., 1972 : 49) et la divination par le renard pâle des Dogon ne peut se faire qu'une seule fois par nuit (Griaule M., 1937 et Paulme D., 1937).
[24] Pour une description précise de cette table divinatoire, se reporter à Egrot M., 1999 : 239-258.
[25] Schweeger-Hefel A., 1986 : 17-21.
[27] Sur procréation, petite enfance et génies, cf. Bonnet D., 1988 et 1994.
[28] L'organisation sociale des Mossi repose sur un système de parenté patrilinéaire avec des alliances régies par un principe de patri-viri-localité.
[29] Les exemples de motifs de consultation fournis dans ce chapitre correspondent tous à des situations réelles constatées lors de l'enquête. Une quarantaine de consultations chez trois devins différents ont en effet été observées et plus de la moitié enregistrées ou filmées.
[30] Équivalent à 2 FF, dans un contexte où le salaire minimum était officiellement de 350 FF environ en 1996.
[31] Favret-Saada J., 1977.
[32] Le tô est préparé à base de farine de mil, d'eau et de condiment produisant une pâte blanchâtre très épaisse. Il constitue l'alimentation de base des Mossi et seule la sauce permet d'apporter chaque jour un peu de variété.
[33] L'offrande de friandises à des petits-enfants est en effet un moyen de s'assurer la bienveillance des génies.
[34] Le mot tiim (pl. tito) est difficile à traduire. Il recouvre à la fois la notion de médicaments, de remèdes, de préparation support d'un pouvoir, que ce soit pour ensorceler quelqu'un, se protéger contre les sorts ou d'autres forces, acquérir le pouvoir de soigner, de faire la divination, de porter les masques, etc. Il peut s'agir aussi bien d'un produit à boire, d'une préparation à manger, d'un liquide de lavement, d'un liquide pour se laver, d'un onguent mais également d'un objet tel qu'une bague, un bracelet, une amulette recouverte de cuir, etc.
[35] Maupoil B., 1943 : 10 (note 1) et ch. IV ; Bonnet D., 1988 : 61-67 ; Kalis S., 1997 : 189 et 212.
[36] Dim Delobson A., 1934 : 48-50 ; Tiendrebeogo Y., Pageard R., 1974 : 32.
[37] Alexandre G., 1953 : 360. Rappelons qu'il existe un lien privilégié entre les enfants en bas âge et les génies et que le rôle du hochet dans une éventuelle communication entre eux reste alors une hypothèse à étudier.
[38] Elle est utilisée pour tous les sacrifices et les offrandes aux forces de l'au-delà, à l'exclusion de tous les autres récipients. Les soins aux petits-enfants s'effectuent pendant deux ans environ avec une calebasse réservée à ce seul usage, le yaam-wamde. Or les enfants jusqu'à leur sevrage sont considérés comme des kinkirse en métamorphose. Dès que la rupture avec les génies est attestée, le yaam-wamde est alors enterré. Le linga, calebasse à double renflement, est un récipient rituel du lignage qui servira soit pour certaines cérémonies de l'alliance au cours desquelles elle semble symboliser la fécondité (c'est-à-dire la faculté de séduire les génies), soit pour les funérailles au cours desquelles elle se déplace en tête de cortège sur la tête d'une fillette lors du tour de la case du défunt, de la tombe et plus tard du marché. Enfin, les veuves d'un défunt se couvrent la tête pendant toutes les funérailles avec de vieilles calebasses brisées.
[39] Simone Kalis parle de « canal de transmission », op. cit. : 199.
[40] Ce rôle des génies de brousse dans la divination est souligné ailleurs par d'autres ethnologues. Cf. notamment Adler A. et Zempleni A., 1972 ; Dieterlen G., 1988 ; Fainzang S., 1986 ; Maupoil B., 1943.
[41] Dim Delobson A. 1934 : 51-73 ; Tiendrebeogo Y. ; Pageard R., 1974 : 32.
[42] À propos des représentations de la procréation et du rôle des génies cf. Bonnet D., 1988 et 1994.
[43] Tant qu'il est petit, l'enfant est redouté par ses parents du fait des liens particulièrement étroits qui l'unissent au monde de la brousse. Le statut de l'enfant orphelin peut alors être interprété comme un parricide commis par l'enfant avec l'aide de ses parents génies. Cf. Taverne B., 1997a : 7-8.
[45] C'est le cas pour les Seerer Siin du Sénégal où « un couple de jumeaux compte toujours un voyant ». Kalis S., 1997 : 211.
[46] L'opposition droite/gauche est fortement marquée chez les Mossi.
[47] Sur l'opposition entre possession-maladie et possession rituelle, cf. Heusch (de) L., 1971.
[48] Si elle se souvient avoir fait une consultation, elle dit néanmoins ne pas se souvenir des paroles des génies.
[50] Fainzang S., 1986 : 123 ou Stamm A., 1995 : 65.
[51] Toute inconscience est interprétée de la même manière, qu'il s'agisse du sommeil, d'un coma ou d'une inconscience plus transitoire.
[52] Sales (de) A., 1992.
[53] Fainzang S., 1986 : 173 ; Kalis S., 1997 : 214 et Rivière C, 1997 : 109.
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