Banque aux idées

Note introductive

Dans un monde où tout se vend et tout s’achète, la finance semble régner en souveraine plénipotentiaire. Seules importent les valeurs de l’argent. Les échanges portent sur les biens matériels, alors que le royaume de l’intériorité se rétrécit comme une peau de chagrin. Or, comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry, « L’empire de l’homme est intérieur ». Un univers où l’emporte la cote des intérêts bancaires court le risque de se dépersonnaliser et de reléguer l’essentiel au rang de l’accessoire, voire de l’inutile.

D’où le titre un peu provocateur de Banque aux idées. Il s’agit de ramer à contrecourant et de construire une autre banque, une banque durable, qui investisse dans l’esprit plutôt que dans le fictif fiduciaire…

Plus de vingt mille textes courts, de tous les temps et de tous les horizons, sont proposés ici pour donner à penser. Penser c’est peser. Oui, les mots ont un poids ! Ils doivent être soupesés dans le silence du cœur pour ouvrir à chacun un chemin de réflexion personnel et personnaliste. Ils ont été sélectionnés à cette fin, au cours d’une cinquantaine d’années de lectures variées. Ce florilège est offert comme un testament de vie, de ma vie. J’y suis présent puisque ces témoignages m’ont touché à un moment de mon existence et que je n’ai pu m’empêcher de les recueillir. Découvrir, retenir et transcrire, telle a été la mission que je me suis donnée. Selon Rûmi, mystique persan du 13^e siècle, la perle est offerte mais il faut un plongeur pour la trouver. J’ai été ce plongeur. Par milliers, d’autres perles attendent encore d’être découvertes. Celles rassemblées ici ne prétendent à rien d’autre que d’offrir un échantillon aléatoire prélevé parmi les multiples splendeurs produites au cours des siècles par la pensée de l’homme, réfléchissant sur son essence la plus profonde.

Philologue, linguiste et lexicologue, j’ai toujours été amoureux des mots. Mon grand respect pour les textes m’impose de leur être rigoureusement fidèle. Aussi ai-je pris toutes les précautions nécessaires pour les transcrire le plus correctement possible et ne trahir aucun d’eux par des coupures susceptibles d’en dénaturer le sens. Chacun est fourni avec le nom de son auteur et le titre de l’œuvre (lorsqu’ils sont connus). De plus, pour faciliter la recherche, a été établi un classement par mots thèmes. Presque toujours, l’entrée est un vocable appartenant au texte. Mais il faut reconnaître un certain arbitraire dans le choix de ce mot-clé. Lequel retenir pour cette phrase de Théophile Gautier « En général dès qu’une chose devient utile, elle cesse d’être belle » ? Ici « beau » a été préféré à « utile », qui aurait pu aussi convenir. Quant à ce proverbe d’Afrique noire « Doucement, doucement, mûrit le régime de bananes. », j’aurais pu opter pour « doucement », mais je lui ai préféré « patience », jugeant que ce substantif, qui ne figure pas dans le texte, permettrait plus aisément au lecteur d’atteindre le thème recherché. Et, lorsque Ben Harper, dans une interview de 1995, énonce ce précepte : « […] tu ne dois laisser personne entraver ton chemin », c’est le caractère impératif de la vocation qu’il invoque. Aussi est-ce « vocation » qui apparaît comme mot-vedette, bien que non explicite dans ce passage. Mais ce n’est que très exceptionnellement qu’il a ainsi fallu me résoudre à choisir comme entrée un vocable absent dans la citation.

On ne cherchera aucune objectivité ni dans la sélection des œuvres dépouillées ni dans le degré de représentativité des auteurs. En effet, ce corpus est simplement celui de mes lectures, au fil du temps. Cela explique, par exemple, que Georges Bernanos, Albert Camus, Julien Green, Emmanuel Mounier, Antoine de Saint-Exupéry, Simone Weil… soient si largement présents dans cette anthologie. Il ne faut pas y voir une précellence qui leur serait reconnue, mais seulement un reflet de mes goûts et de mes intérêts, voire parfois le fruit d’une rencontre fortuite ou d’une découverte de pur hasard.

Je suis très reconnaissant au professeur Jean-Marie Tremblay, fondateur et président-directeur général de la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, de l’Université de Chicoutimi, de l’honneur qu’il me rend en acceptant d’intégrer cette Banque aux idées à sa monumentale entreprise éditoriale. Une pérennité est ainsi assurée à mon travail de compilation, qui, je le souhaite, pourra être utile à tous les lecteurs qui, de par le monde, sont les heureux bénéficiaires de ce précieux outil documentaire dont Jean-Marie Tremblay est le pionnier et l’inlassable maître d’œuvre.

Sully FAÏK

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Ancien vice-doyen de la Faculté des Lettres
de l’Université Nationale du Zaïre (Congo)

Directeur honoraire du Ministère de l’Éducation
de la Communauté française (Belgique)