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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gérald Fortin, “Structure des occupations : évolution et état actuel.” Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 7: “Le monde du travail”, pp. 210-221. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp. [Autorisation formelle accordée le 4 mai 2010, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[210]

Gérald Fortin (1928-1997)

Politologue, département des sciences politiques,
Université Laval

Structure des occupations :
évolution et état actuel
.” [1]

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 7: “Le monde du travail”, pp. 210-221. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp.


Charnière entre l'organisation économique et l'organisation sociale d'une société, la structure des occupations est un indice privilégié de la situation globale de cette société, de même que de son évolution. L'importance relative de chaque groupe d'occupation est à la fois un reflet du développement économique et la base effective de la structure des classes sociales. Par ailleurs, les taux de participation de la population active au monde du travail indiquent les conceptions sociales de la société par rapport au travail féminin, à l'éducation, au chômage, etc.

Pour mieux comprendre la situation du Québec il est utile de comparer les données de cette province à celles de l'Ontario et à celles du Canada tout entier. Dans l'étude de la structure des occupations, cette comparaison doit se faire. 1) au niveau de la main-d'œuvre et des taux de participation, 2) au niveau de l'emploi et du chômage, 3) au niveau de la structure industrielle des occupations, et enfin 4) au niveau de la structure verticale des occupations (qualification).

Main-d'œuvre et participation

Globalement, la composition de la main-d'œuvre selon l'âge et le sexe est la même dans la province de Québec qu'au Canada ou qu'en Ontario. Ce parallélisme existe en fait depuis au moins 1961 comme l'illustrent les données du tableau I.

Le taux de participation des hommes de la province de Québec est au cours des 60 dernières années pratiquement égal à celui qui s'applique au Canada tout entier.

Toutefois le taux de participation ontarien est de façon constante supérieur au taux de participation québécois. La différence qui était assez minime jusqu'en 1951 devient assez importante (4%) en 1961.

[211]

Tableau 1

Pourcentage de la main-d'œuvre dans la population de 14 ans et plus
(taux de participation)

Hommes

Femmes

Québec

Ontario

Canada

Québec

Ontario

Canada

1901

83.33

83.57

83.37

14.71

14.08

13.51

1911

85.26

88.09

87.96

16.07

17.52

16.04

1921

84.92

86.95

86.69

18.30

18.73

17.20

1931

85.07

84.66

85.31

21.28

20.09

19.11

1941

83.35

84.66

83.85

22.31

21.86

20.19

1951

83.16

84.14

82.17

24.48

26.07

23.60

1961

76.7

80.7

77.7

31,60

35.70

31.90

Source : Recensements du Canada.


La diminution générale du taux de participation masculin est expliquée ordinairement par le prolongement de la scolarité d'un côté et par l'avancement de l'âge de la retraite d'un autre côté. Ces explications ne sont pas toutefois suffisantes en ce qui concerne les différences entre Québec et l'Ontario. Ainsi que l'indiquent les données du tableau II la différence dans le taux de participation québécois et ontarien se vérifie dans tous les groupes d'âge. La seule explication qu'on puisse fournir étant donné l'absence de recherches poussées dans ce domaine, est le taux plus élevé de chômage dans la province de Québec. Moins d'emplois étant disponibles un plus grand nombre de personnes s'excluent elles-mêmes de la main-d'œuvre en refusant de chercher du travail. L'on sait en effet que d'après les définitions du bureau fédéral de la statistique pour être considéré membre actif de la main-d'œuvre il faut qu'un travailleur se cherche de façon active un emploi s'il est chômeur. Dans certaines industries comme l'industrie forestière ou dans certaines régions rurales défavorisées il arrive assez souvent qu'un travailleur sachant qu'il n'y a pas d'emploi disponible déclare aux enquêteurs ne pas chercher activement du travail ; à ce moment il est considéré comme ne faisant pas partie de la main-d'œuvre ou ne participant pas à la main-d'œuvre.

Du côté féminin la province de Québec a un taux de participation en général supérieur à celui de l'ensemble du Canada et jusqu'en 1941 égal à celui de l'Ontario. Depuis cette date, le taux ontarien est devenu plus important que celui de la province de Québec. La différence entre les deux taux est surtout considérable en 1961.

[212]

Tableau II

Taux de participation par âge (1961)

Age

Québec

Ontario

Canada

Québec

Ontario

Canada

15

8.2

11.8

11.5

6.0

6.2

5.1

16-17

31.2

33.3

32.2

29.2

27.0

25.8

18-19 

62.1

65.9

64.8

61.6

57.5

57.1

20-24

83.5

89.0

86.5

50.7

51.5

49.1

25-29

91.7

94.7

93.5

29.7

35.4

31.2

30-34

93.5

95.7

94.5

23.9

32.3

27.6

35-39

92.6

95.7

94.5

23.7

34.7

29.9

40-44

92.7

95.5

93.7

25.0

37.5

32.0

45-49

91.4

95.1

92.7

27.0

39.0

33.8

50-54 

89.0

93.1

90.5

25.4

36.7

32.6

55-59

84.0

89.4

86.5

21.9

32.3

27.6

60-64

74.0

77.7

85.5

16.9

23.6

20.3

65-70

43.8

51.2

47.1

8.3

7.4

11.7

Source : Recensements du Canada.

Si l'on examine les années du tableau II, donnant le taux de participation selon les âges, on s'aperçoit que pour les travailleuses de moins de 20 ans le taux de participation québécois est supérieur à la fois au taux canadien et au taux ontarien. Entre 20 et 24 ans le taux québécois est à peu près égal au taux comparé tandis que dès l'âge de 25 ans le taux québécois devient considérablement inférieur à la fois au taux canadien et au taux ontarien. Ces comportements différents selon l'âge semblent indiquer clairement que la grande différence entre Québec et Ontario ou Québec et le Canada réside dans le taux de participation des femmes mariées. Les données du Tableau III viennent confirmer largement cette hypothèse.

En effet alors que dans le Québec seulement un tiers des femmes qui travaillent sont mariées, en Ontario on trouve près de 60% de femmes mariées et au Canada 50%. Au Québec, de plus, même les veuves et les femmes séparées ou divorcées ont tendance à moins travailler qu'en Ontario et au Canada en général.

[213]

Tableau III

État civil des Femmes dans la main-d'œuvre (1961)

Québec

Ontario

Canada

Célibataires

62.7

32.9

42.3

Mariées

31.4

58.2

49.7

Veuves ou divorcées

5.4

8.9

7.9

Source : Recensements du Canada.

Il s’agit là au niveau occupationnel d'une première différence majeure entre la province de Québec et le reste du Canada. Cette différence qui s'exprime par un taux de participation est quand même plus fondamentale dans ce sens qu'elle met en question toute la définition de la vie familiale et du rôle de la femme dans la société. Les enquêtes sociologiques montrent clairement qu'il existe une opposition culturelle sinon idéologique au travail de la femme mariée. Cette opposition qui prend ses racines au niveau religieux s'appuie sur une conception du rôle de la femme défini exclusivement en termes d'épouse et de mère. Elle s'appuie aussi sur une définition du rôle de l'homme qui doit être le seul pourvoyeur de la famille. L'homme qui laisse travailler son épouse se voit blâmer et se blâme lui-même comme un incapable, comme quelqu'un qui ne réussit pas à assurer aux siens le bien-être qu'ils sont en droit d'exiger de lui. Une enquête récente nous montrait que c'est peut-être surtout cette dernière raison qui empêche les femmes de participer à l'univers du travail. Un très grand nombre de mères de famille interviewées exprimaient le désir de travailler mais admettaient qu'elles ne travaillaient pas parce que leur mari le leur défendait.

Par ailleurs même si l'opposition y est plus forte qu'ailleurs, l'on remarque dans le Québec une tendance de plus en plus grande vers le travail de la femme mariée. La résistance à la norme traditionnelle semble venir de facteurs particuliers. Premièrement, de plus en plus la jeune fille qui a eu l'expérience de 5 ou 6 ans dans l'univers du travail a de la difficulté à s'adapter à la vie du foyer où elle s'est jetée à sa première ou ses premières années de mariage. Quelques mois à peine après le mariage elle va exiger du mari de retourner au travail au moins jusqu'au moment où le premier enfant apparaîtra. De plus, dès que les enfants seront à l'école, elle exigera que le mari la laisse travailler afin qu'elle puisse retrouver l'atmosphère du milieu de travail qui lui a manqué assez profondément au moment de sa jeunesse. Le deuxième facteur est, lui, non plus d'ordre psychologique mais d'ordre économique. Etant donné les besoins de plus en plus pressants créés per la publicité, le salaire de l'époux ne suffit pas à procurer le niveau de vie désiré par la famille. Le salaire ou le travail de l'épouse apparaît [214] bientôt comme un complément nécessaire afin de se procurer certains biens ou certains services jugés absolument essentiels à la famille.

Ainsi il apparaît assez clairement que la main-d'œuvre de la province de Québec est soumise aux mêmes influences que la main-d'œuvre canadienne ou même que la main-d'œuvre nord-américaine. Du côté masculin, on ne remarque aucune différence vraiment majeure du côté féminin, il demeure une différence dans le taux de participation des femmes mariées, mais les mêmes facteurs qui ont accéléré la rentrée des femmes mariées dans le marché du travail jouent dans la province de Québec et semblent conduire vers la norme générale nord-américaine en dépit de la résistance assez forte au niveau culturel. À mesure que les jeunes filles vont participer à l'univers du travail et que les masses médiocres vont réussir à créer les mêmes besoins qu'ailleurs le taux de participation des femmes mariées va tendre à suivre l'évolution globale nord-américaine.

Emploi et chômage

Si en général le comportement de la main-d'œuvre est assez semblable dans la province de Québec à celui de l'ensemble du Canada et même de l'Amérique du Nord, cette similitude est encore plus vraie lorsqu'il s'agit de l'emploi et du chômage. Au niveau de l'emploi, les courbes québécoises, ontariennes et canadiennes sont presque totalement parallèles. Les seules variations qu'on puisse observer de façon constante, c'est que les variations saisonnières sont plus importantes dans le Québec que dans l'Ontario mais sont plus faibles dans le Québec que dans l'ensemble du Canada. La situation est un peu différente en ce qui concerne le chômage. La courbe des taux de chômage de la province de Québec est à la fois plus élevée que la courbe ontarienne et que la courbe canadienne. Les cycles par ailleurs sont exactement les mêmes. La différence préside donc au niveau de l'intensité plutôt qu'au niveau de la nature même du chômage. Les mêmes facteurs économiques qui semblent jouer au niveau de l'Ontario et du Canada jouent au Québec mais l'effet de ces facteurs s'y fait sentir de façon plus prononcée.

Cette plus grande "inhability" au chômage est sans doute due à la structure industrielle caractéristique de la province de Québec. L'assiette principale de l'économie est en effet au niveau des industries d'extraction plutôt qu'au niveau des industries de transformation. Par définition, les industries d'extraction sont plus sujettes au seul chômage saisonnier et en général réagissent plus vite aux conditions des marchés internationaux. Par ailleurs, on constate dans la province de Québec des variations très grandes dans le taux de chômage selon les régions. Une enquête effectuée en 1958 indiquait par exemple que alors que seulement 20% des travailleurs urbains étaient affectés un moment ou l'autre au cours de l'année par le chômage, 50% des travailleurs du milieu rural chômaient en moyenne 4 mois par année. Des sondages récents semblent indiquer que la situation s'est encore aggravée dans le milieu rural en particulier dans des régions [215] telles que celles de la Gaspésie, de l'Abitibi et du Lac St-Jean. Cette situation du milieu rural est d'autant plus alarmante que l'agriculture joue un rôle économique dont l'importance décroît à un rythme beaucoup plus accéléré que dans l'ensemble du Canada. Et que le rythme du progrès technologique est très rapide dans les industries d'action traditionnelle : mines, forêts.

C'est donc au niveau de la structure des occupations selon l'industrie qu'il nous faudra chercher une explication des caractéristiques de l'emploi et du chômage dans la province de Québec.

Structure industrielle des occupations

Jusqu'à très récemment, le futur économique de la province de Québec a été défini par ses propres leaders comme un futur agricole. Selon l'idéologie officielle, l'agriculture devait non seulement permettre aux Canadiens français de rester fidèles à leur entité technique, mais encore la base de l'économie de la province de Québec serait cette agriculture. Cette définition collective que le Québec se donnait de lui-même a été partagée par les habitants des autres provinces du Canada. Le Québec a été souvent défini à l'extérieur comme une province où l'économie était retardataire où le mode de vie était resté traditionnel et où l'importance du monde rural était prédominante.

Comme c'est souvent le cas, cependant, la réalité a été et continue d'être indifférente à cette définition idéologique. Soumis aux mêmes facteurs d'industrialisation que le reste du Canada ou même que l'ensemble de l'Amérique du Nord, la province de Québec a réagi globalement de la même façon que toutes les sociétés modernes. La loi de Colin Clark sur la structure industrielle des occupations s'y vérifie aussi bien que dans tous les pays industrialisés. Les occupations de type primaire diminuent, les occupations de type secondaire ont augmenté de même que les occupations de type tertiaire.

Les données des tableaux IV et V illustrent bien en effet que la transformation de la structure industrielle des occupations dans la province de Québec, loin d'être retardataire sur l'ensemble du Canada, est plus accélérée que cette dernière. Depuis 1901, la proportion des travailleurs masculins employés dans le secteur primaire est inférieure de façon constante dans la province de Québec à la proportion canadienne ; elle n'est que très légèrement supérieure à la proportion de l'Ontario. L'écart entre le Québec et l'Ontario s'étant surtout manifesté à partir de 1941 et ayant tendance à disparaître en 1961. Dans les secteurs secondaires et tertiaires, on retrouve exactement la même situation. Légèrement en retard sur l'Ontario, le Québec devance l'ensemble du Canada.

Un point intéressant, c'est que dans le Québec, aussi bien que dans l’Ontario, on semble assister depuis 10 ans à une croissance très rapide du secteur secondaire aux dépens de la croissance du secteur tertiaire. Selon Colin Clark, dans [216] une économie dont le développement est normal, la proportion des travailleurs employés dans le secteur secondaire devrait se stabiliser autour de 30% alors que la proportion des employés dans le secteur tertiaire devrait croître à mesure que le secteur primaire diminue. Au Québec, comme en Ontario, on semble assister depuis 1951 à une nouvelle vague d'investissements industriels qui a pour effet de stabiliser la croissance du tertiaire et d'augmenter considérablement l'importance du secondaire. On peut se demander toutefois si ce phénomène sera persistant ou s'il n'est pas plutôt un phénomène transitoire. Pour répondre à cette question, il faudrait pouvoir connaître de façon plus précise la structure technique de l'industrie secondaire. Les études sur ce point sont très fragmentaires et ne nous permettent pas de conclure d'une façon ou d'une autre, pour l'instant. Tout au plus, ces études nous laissent-elles soupçonner que notre structure industrielle n'est pas aussi automatisée qu'elle pourrait l'être et que pour autant, la productivité par homme n'y est pas maximum. Si les efforts des divers comités d'étude sur la productivité sont couronnés de succès, on pourrait bien assister, au Québec comme en Ontario, à une diminution de la main-d'œuvre dans le secteur secondaire. Ainsi le développement de ces deux provinces deviendrait-il plus conforme à la loi générale de Colin Clark.

L'étude plus détaillée des divers types d'industries à l'intérieur de chacun des trois grands secteurs montre elle aussi un parallélisme constant entre le Québec et l'Ontario. (Tableau V). Importance à peu près égale de l'agriculture, plus grand nombre de travailleurs forestiers dans le Québec, plus grand nombre de travailleurs des mines dans l'Ontario. Cependant la proportion des travailleurs qui sont engagés dans ces deux domaines est relativement négligeable. Ces deux industries sont sans doute celles où le progrès technique s'est fait sentir le plus fortement, aussi bien au Québec qu'en Ontario. La diminution des travailleurs agricoles qui s'est accélérée en 1951-61 a continué depuis 1961. Le relevé mensuel de la main-d'œuvre effectué par le bureau fédéral de la statistique indiquait que durant l'été 1963, à peine 6% des travailleurs étaient employés dans l'agriculture dans la province de Québec. Ce dernier taux était même légèrement inférieur à celui de l’Ontario. Ainsi la province de Québec peut être considérée à l'heure actuelle comme la moins agricole des provinces du Canada ou tout au plus, comme une des deux provinces les moins agricoles du Canada. Ces transformations des industries secondaires : agriculture, forêt et pêche, ne sont pas sans poser des problèmes très aigus dans le milieu rural québécois. En effet, le passage des travailleurs de l'industrie primaire aux autres secteurs d'activités secondaire et tertiaire ne se fait pas de façon automatique. Pour changer de secteur industriel, le travailleur doit à la fois acquérir des qualifications nouvelles et émigrer du milieu rural vers la ville. Dans une conjoncture où les emplois urbains sont relativement rares, le travailleur rural hésite à émigrer et constitue ainsi un réservoir de la main-d'œuvre inactive dans le milieu rural. Il y a là un problème de plus en plus important pour les gouvernements qui doivent ainsi supporter de leurs deniers une population rurale qui, de plus en plus, a de la difficulté à se tailler une place sur le marché du travail. Le Bas St-Laurent et

[217]

Tableau IV

Répartition proportionnelle de la main-d'œuvre masculine
selon les secteurs industriels, 1901-1961

Québec

1901

1911

1921

1931

1941

1951

1961

Industries primaires

47

40

36

31

32

21

14

Industries secondaires

23

21

21

21

26

30

37

Industries tertiaires

23

27

34

39

41

47

47

Non-déterminé

7

12

9

9

1

2

2

Ontario

Primaire

49

40

33

30

27

16

12

Secondaire

23

22

23

24

29

33

38

Tertiaire

23

29

36

41

43

51

47

Non-déterminé

5

9

8

5

1

2

3

Canada

Primaire

49

44

41

38

37

24

17

Secondaire

21

18

18

18

23

27

32

Tertiaire

20

25

30

31

33

42

47

Non-déterminé

10

13

11

13

7

7

4

Source : Recensements du Canada.

[218]

Tableau V

Main-d'œuvre masculine par l'industrie (1961)

Ontario

Québec

Canada

Agriculture

8.5

8.9

12.0

Forêt

1.0

3.3

2.2

Pêcheries

.1

.3

.8

Mines

2.5

1.9

2.5

Manufacture

29.7

27.2

23.4

Construction

8.8

9.6

8.9

Transport

9.7

10.9

11.1

Commerce

14.7

14.3

14.6

Finance

3.0

2.8

2.6

Services

11.3

11.5

10.9

Services publics

8.3

6.3

8.4

Inconnu

2.5

2.8

2.5

Source : Recensements du Canada.

la Gaspésie, l'Abitibi et le Lac St-Jean constituent ainsi des postes de sous-développement où l'assise économique est encore trop fortement de type primaire.

Au niveau secondaire, les activités de la construction sont un peu plus importantes au Québec qu'en Ontario ou dans l'ensemble du Canada.

La différence vient sans doute des activités dans le domaine de la construction de type industriel comme, par exemple, les barrages hydro-électriques et des développements miniers du Nouveau-Québec. Dans l'industrie manufacturière, [219] même si la différence est assez faible entre le Québec et l'Ontario au plan numérique, il faut signaler une différence importante dans la structure manufacturière elle-même. En général, le Québec est doté d'une industrie manufacturière plutôt légère. Les entreprises de transformation des métaux y sont particulièrement faibles. Sans doute la création d'un complexe sidérurgique viendra-t-elle remédier, du moins en partie, à cette situation.

Dans le secteur tertiaire, parallélisme presque constant. On note cependant une plus grande importance du secteur des transports et communications dans le Québec et une importance moindre dans les services publics. Alors que le premier phénomène s'explique par la présence la plus importante de l'énergie hydroélectrique, la faiblesse du secteur du service public s'explique peut-être par une opposition idéologique plus forte à l'intervention de l'État dans la vie économique.

La structure verticale des occupations

Le parallélisme entre le Québec et l'Ontario se vérifie encore lorsque l'on examine la structure verticale des occupations, c'est-à-dire le degré de qualification des travailleurs. Les données du Tableau VI illustrent bien ce fait. La plus grande faiblesse du Québec semble être au niveau des administrateurs. Cette faiblesse, d'ailleurs, n'est que très relative et ne constitue pas nécessairement un handicap sérieux. On constate aussi une légère faiblesse au niveau des professions. Cette faiblesse est surtout vraie des professions de type technique plutôt que des professions de type libéral. Il en va de même au niveau des services.

Ainsi pourrait-on formuler l'hypothèse que, ayant refusé non pas dans les faits mais de façon idéologique les transformations économiques qui se sont opérées, la province de Québec s'est mal préparée à ces transformations. Ce manque de préparation se manifestant surtout par l'absence relative de cadres administratifs et techniques, l'idéologie traditionnelle accordait plus d'importance aux professions de type libéral qu'aux professions techniques et administratives. Cette dévalorisation, on dit technique de l'administratif, a certainement contribué à rendre plus faibles les superstructures économiques capables d'orienter et de développer l'essor de la province. Il semble bien toutefois que les retards acquis sont de courte durée puisque depuis déjà quelques années, un effort est fait pour revaloriser les fonctions de type administratif et technique. Cet effort, toutefois, n'est pas que verbal mais se traduit dans des réalités concrètes comme une augmentation sensible du nombre étudiant dans les facultés de Sciences sociales, de Génie et de Commerce et une augmentation du nombre de spécialistes dans l'administration publique.

Sur un plan plus global, la province de Québec est aux prises avec les mêmes difficultés que les autres provinces canadiennes. Les transformations rapides

[220]

Tableau VI

Répartition des occupations par professions (hommes - 1961)

Québec

Ontario

Canada

Administrateurs

9.5

11.1

10.2

Professionnelles libérales et techniques

7.8

8.4

7.5

Employés de  bureau

7.8

7.6

6.9

Vendeurs

5.7

5.9

5.6

Service et Récréation

7.5

8.6

8.4

Transports et Communications

8.1

7.2

7.5

Agriculteurs

9.1

8.8

12.1

Bûcherons

2.5

.7

1.7

Pêcheurs

.2

. 1

.8

Mineurs

1.0

1.5

1.4

Ouvriers

30.9

31.5

28.7

Manœuvres

6.7

6.1

6.2

Source : Recensements du Canada.

des techniques dans l'agriculture, l'industrie forestière, l'industrie minière et la pêche exigent de plus en plus de qualifications de la part des travailleurs. Dans le secteur secondaire, la création d'industries lourdes et l'automation imminente des entreprises déjà existantes vont aussi exiger une transformation des qualifications des travailleurs. Il en va de même dans le secteur tertiaire où la complexification des opérations et des services devient de plus en plus grande surtout à mesure que les lois de sécurité sociale comme l'assurance-hospitalisation deviennent en force. Mais sur ce plan, la province de Québec n'est pas dans une situation différente de celle du reste du Canada, de l'Amérique du Nord ou même de tout le monde occidental. Cette nécessité de transformer la structure de qualification des travailleurs se pose en effet dans tous les pays où il y a progrès technique et industrialisation. Il se pose dans tous les pays où plus récemment, [221] l'automation est en train de s'instaurer ou est sur le point de l'être. Et sur ce point, la province de Québec n'accuse pas le même retard que celui que nous venons de voir au niveau des cadres. La province de Québec possède déjà depuis plusieurs années un réseau d'écoles techniques. Plutôt que d'avoir à créer dans ce domaine, la province de Québec a seulement à s'assurer que la formation reçue par les étudiants est adéquate aux exigences du marché du travail et à permettre, à un nombre toujours plus grand de jeunes et de moins jeunes travailleurs, l'accès à ces écoles d'information technique.

Conclusion

Malgré ses réticences, malgré même sa volonté d'être différente, la province de Québec est une province comme les autres au niveau de la structure occupationnelle. Les grands facteurs économiques nord-américains y ont joué de la même façon que dans les autres parties du Canada. On pourrait même dire qu'en général, le développement industriel et économique s'est fait plus rapidement dans la province de Québec que dans l'ensemble du Canada, sauf peut-être pour l'Ontario. L'originalité de la province de Québec consisterait peut-être dans ce fait que, malgré un handicap idéologique, l'élite a fini par assumer le nouveau visage industriel du Québec et entend améliorer la qualité de sa main-d'œuvre. Cette nouvelle orientation est d'autant plus significative que l'élite a reconnu non seulement le caractère nouveau de sa vocation économique mais a perçu les retards qu'elle marquait. On cherche donc maintenant à reprendre le temps perdu et à orienter rationnellement les efforts vers l'obtention d'une structure des occupations pleinement fonctionnelle dans une société industrialisée. Sauf peut-être en Saskatchewan, l'idée de planification n'est pas plus forte au Canada qu'au Québec.



[1] Gérald FORTIN, "Structure des occupations : évolution et état actuel", présenté par Le Réseau français des Quotidiens, Montréal, avril 1964.



Retour au texte de l'auteur: Gérald Fortin, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le mardi 12 novembre 2013 9:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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