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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alain G. Gagnon Alain-G. Gagnon et François Rocher, “Faire l’histoire au lieu de la subir.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon et François Rocher, Réplique aux détracteurs de la souveraineté du Québec, pp. 27-48. Montréal: VLB Éditeur, 1992, 507 pp. Collection: Études québécoises. [Autorisation accordée par l'auteur, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser tous ses travaux dans Les Classiques des sciences sociales.]

[27]

Première partie.
LE PROJET POLITIQUE

Faire l'histoire
au lieu de la subir
.” [1]

ALAIN-G. GAGNON et FRANÇOIS ROCHER


Le fédéralisme canadien : une fiction
Convergences ou divergences ?
Continuité et rupture
Le choc des identités
Conclusion


Le rapatriement de la Constitution en 1982 et l’échec de l'« entente » du lac Meech constituent deux moments clés de l'histoire récente. Ces deux moments recèlent des éléments de rupture qui mettent en évidence jusqu'à quel point les projets de société proposés par les deux communautés vivant au sein du Canada sont en nette opposition. D'une part, la vision dominante au Canada hors Québec veut que tous les citoyens soient des sujets semblables, interchangeables, sans égard pour les différences de culture et de valeurs. D'autre part, la vision dominante au Québec veut que les différences inhérentes aux communautés soient non seulement respectées mais qu'elles trouvent concrètement leur expression dans le champ politique.

La Charte canadienne des droits et libertés est responsable dans une large mesure de la cassure entre le Québec et le Canada hors Québec puisqu'elle rejette dans son application toute modulation qui puisse favoriser l'expression de la spécificité québécoise. Par exemple, la Charte canadienne limite les pouvoirs de l'Assemblée nationale dans le domaine linguistique et ne reconnaît pas de droits collectifs aux Québécois alors qu'elle le fait pour les autochtones et les groupes multiculturels. Ce n'est pas que [28] les Québécois soient contre le respect des droits et des libertés [2] ; rappelons à cet égard que dès le 27 juin 1975, donc sept ans avant Ottawa, l’Assemblée nationale dotait le Québec de sa propre Charte des droits et des libertés de la personne, beaucoup plus extensive d'ailleurs que la Charte canadienne. La Charte québécoise constitue un témoignage fort éloquent du respect que les Québécois ont pour les valeurs démocratiques et pour les droits des citoyens.

De tout temps, les Québécois ont accepté de fonctionner dans le contexte canadien en autant qu'il leur était possible d'exprimer leur spécificité. Le respect de la spécificité québécoise est au cœur de l’expérience du « fédéralisme » canadien et est fondamentalement remis en question, depuis la conférence constitutionnelle de novembre 1981, par les Canadiens hors Québec et par le gouvernement fédéral. Ce dernier a profité du fait que le Québec se trouvait politiquement affaibli par une combinaison d'événements aussi divers que l’échec du OUI au référendum de mai 1980 et la décision de la Cour suprême qui a conclu à l’inexistence d'un droit de veto pour le gouvernement du Québec, ce qui a donné un élan à ceux qui désirent centraliser davantage les pouvoirs à Ottawa.

C'est ainsi qu’Ottawa, avec l’appui des neuf provinces anglophones, décida de procéder au rapatriement du BNA Act et d'y adjoindre une formule d'amendement qui, dans la très grande majorité des cas, ne nécessite pas le consentement du Québec. Le principe de l’asymétrie fut brutalement mis en échec. Selon Guy Laforest « l'esprit de 1982 se ramène à celui d'une constitution illégitime mais aussi injuste car elle demande aux Québécois de renoncer à leur identité nationale, d'être des Canadiens vivant au Québec et rien d'autre [3] ».

D'élément-définisseur, le principe de la dualité canadienne se voyait rabaissé au rang d'une simple caractéristique de la spécificité canadienne parmi tant d'autres. Comment a-t-on pu espérer dans les officines fédérales ou dans les capitales provinciales hors Québec faire accepter aux Québécois une telle manifestation d'indifférence, sinon de mépris à leur égard ?

[29]

Il semble que graduellement le Canada hors Québec et le pouvoir politique à Ottawa ont confondu les principes attenants à l’établissement d'une fédération avec ceux sous-tendant le respect et l’expression du fédéralisme.

Le fédéralisme canadien : une fiction

Fédéralisme et fédération ne vont pas nécessairement de pair. Une société fédérale, avec toute la diversité sociale que cela sous-entend, évolue parfois dans un cadre institutionnel de type unitaire, parfois totalitaire, comme ce fut le cas en Union soviétique. Les Québécois n’ont jamais rejeté les principes fondamentaux du fédéralisme ; ce qu'ils ont rejeté c'est l'interprétation qu'en donnent les Canadiens hors Québec, définition d'ailleurs qui nie le droit à la diversité.

Au Canada hors Québec, fédéralisme et fédération sont utilisés indistinctement alors qu'au Québec, ces concepts réfèrent respectivement aux éléments sociétaux et aux institutions. Au Canada hors Québec, le fédéralisme est défini comme un arrangement institutionnel plutôt que comme une caractéristique sociétale. Les Canadiens hors Québec n’ont pas intérêt d'ailleurs à ce qu’il en soit autrement car ce serait reconnaître au Québec un rôle essentiel dans la protection des intérêts de la nation québécoise. Les Québécois seraient en fait de véritables fédéralistes alors que les Canadiens hors Québec trahissent l’« esprit fédéral » puisqu'ils ne respectent pas le droit à la diversité [4].

En bref, le fédéralisme est surtout perçu chez les Canadiens hors Québec comme une forme d'organisation politique (lire fédération) alors qu'il correspond essentiellement aux fondements mêmes de la société chez les Québécois. Cette différence d'interprétation est au centre de la controverse qui bat son plein au Canada. D'une part, les Canadiens hors Québec croient que toute solution au mal canadien passe par des réaménagements des institutions politiques centrales et par la définition des normes « nationales » permettant à Ottawa d'agir dans des domaines [30] aussi diversifiés que ceux de l’éducation, de la culture et de la formation de la main-d'œuvre. D’autre part, les Québécois insistent surtout pour que l'on trouve une façon de respecter la diversité sur laquelle se fonde le Canada. De la même manière, le fédéralisme exige un partage clair des compétences et un respect de celles-ci par les deux ordres de gouvernement. Comme le rappelle, la juriste Andrée Lajoie, l'autorité ne se partage pas [5]. Or, les Canadiens hors Québec ne veulent pas d'un Canada où se côtoient plusieurs identités collectives impliquant des modulations régionales dans l'application des politiques. Nous reviendrons sur ce point.

Le gouvernement du Québec, surtout à partir de la Révolution tranquille, a exercé le double rôle de protecteur et de représentant des intérêts des Québécois sur les scènes provinciale, fédérale et internationale. S’inspirant de la doctrine Gérin-Lajoie, les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis le milieu des années 1960 ont insisté pour assumer la pleine responsabilité des champs de compétence provinciale exclusifs et ce même à l'étranger. Le respect des compétences de même que l'ajout de nouveaux champs ont toujours été des demandes importantes de la part du Québec afin de contrer les intrusions fédérales et d'éviter qu'Ottawa impose sa ligne de conduite. Il en allait du droit du Québec à promouvoir sa spécificité.

L’approche du Québec se distingue nettement de celle adoptée par Ottawa en ce qu'elle rejette l'« intrafédéralisme » au profit de l'« interfédéralisme » ou du « fédéralisme bilatéral » comme moyen d'assurer la gouverne [6]. Le gouvernement du Québec a surtout favorisé les solutions bilatérales aux problèmes qui confrontent le Canada. Les ententes de réciprocité en matière de politique linguistique qui furent proposées par le gouvernement de René Lévesque à la rencontre des Premiers ministres provinciaux, tenue à St-Andrews au Nouveau-Brunswick en 1977, en sont un exemple.

L’interprétation différente que les experts donnent du fédéralisme, selon qu'ils appartiennent à l'école québécoise [31] ou à l’école canadienne-anglaise, complique l'analyse. Alan C. Cairns et Edwin Black reconnaissaient dès le début des années 1960 l'existence de ces deux traditions au Canada. Selon eux, la différence principale oppose une vision « continentale », A mari usque ad mare, à une vision « nationale » appuyée sur les deux peuples fondateurs [7].

Dans les documents portant sur cette question, les spécialistes anglophones ont largement ignoré la vision québécoise du fédéralisme, se contentant de présenter la lecture étriquée que Trudeau offrait de la réalité québécoise. Le fédéralisme et la société canadienne-française est devenu le catéchisme politique des Canadiens hors Québec qui cherchaient une solution pratique à la question du Québec. Trudeau dénonçait le supposé manque de respect des Québécois pour la démocratie et proposait, comme panacée, leur intégration à l’ensemble canadien. Il rêvait d'un fédéralisme unitaire qui aurait par surcroît consacré le principe de l'égalité des provinces afin de mettre fin aux prétentions du Québec sur son statut particulier [8].

Depuis de nombreuses années, le gouvernement fédéral trahit l'esprit fédéral qui a inspiré l'édification du Canada. Ottawa utilise par exemple son pouvoir de dépenser pour imposer son diktat aux États-membres de la fédération canadienne. Les tenants et les aboutissants de cette stratégie étaient jusqu'au début des années 1980 mal connus au Canada. Parfois, mentionnons-le, avec la complaisance du gouvernement du Québec, les politiciens n'ayant pas toujours échappés à l'attrait de l'argent. Mais voici que le rapatriement de la Constitution et ses conséquences sur la société québécoise, et cela sans que l'on ait eu la décence de s'assurer de l'appui de l’Assemblée nationale du Québec, remettent fondamentalement en question le pacte confédéral et viennent jeter un éclairage nouveau sur les intentions réelles du gouvernement fédéral et des provinces anglophones. Il y a ici un problème au niveau des symboles. Il ne s'agit plus uniquement d'en arriver à de nouveaux arrangements mais il faudra aussi accommoder le Québec sur les fronts économique, culturel et social.

[32]

Contrairement à ce que nous serions en droit de nous attendre, le gouvernement fédéral n'est pas neutre dans le conflit qui oppose les deux principales visions du Canada puisqu'il a fait sienne l'une de ces visions et qu'il tente depuis plusieurs années de l'imposer au Québec. La vision proposée par le gouvernement fédéral s'inspire de la tradition américaine selon laquelle le fédéralisme consiste, d'abord et avant tout, à construire un État-nation, sans égard pour la diversité, tandis que la vision proposée par le Québec s'appuie sur la tradition européenne qui fonde la construction du pays sur le respect des communautés et de la diversité. L’unité dans la diversité résume bien l’idée que les Québécois ont du fédéralisme mais se situe aux antipodes de celle que les Canadiens hors Québec en ont.

L’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés vient confirmer cette interprétation en ce qu'elle constitue, selon le politologue Alan C. Cairns, un document anti-fédéral qui nie dans l'ensemble le droit des communautés territorialement concentrées, comme c'est le cas pour les Québécois, de protéger et de promouvoir leur diversité. Par surcroît, la formule générale d'amendement [9] de la Constitution canadienne se satisfait de sept provinces, représentant 50% de la population canadienne, pour procéder à des changements constitutionnels [10]. Toute une protection pour le Québec !

Comme partie prenante au compromis ayant conduit à l'Acte constitutionnel de 1867, le Québec ne saurait se satisfaire d'une telle formule d'amendement adoptée par les provinces anglophones et le gouvernement fédéral, et ce contre sa volonté. La formule d'amendement actuelle fait du Québec un acteur parmi d'autres, sans égard à la place et au rôle historiques qu'il a tenus dans la construction du pays. En outre, la formule d'amendement de 1982 abolit le droit de veto que la pratique constitutionnelle lui avait confirmé. Ceux et celles qui avaient cru que le rapatriement de 1982 allait permettre au Canada de sortir de la crise constitutionnelle se sont trompés puisque le train de mesures qui a été mis de l'avant fait davantage ressortir les [33] points de divergence entre le Québec et le Canada hors Québec que les éléments de convergence entre les deux entités politiques.

Convergences ou divergences ?

Le rapport de la Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay) déposé en 1956 constitue un plaidoyer de grande envergure en faveur de la diversité : « La dualité des cultures est la donnée centrale du problème politique canadien quel que soit l'angle sous lequel on l'aborde [11]. » Le respect de cette différence fondamentale entre les deux principales cultures incitait les commissaires à réclamer une plus grande autonomie fiscale pour le Québec dans le but de lui permettre de répondre plus adéquatement aux besoins de la province et de la communauté canadienne-française. Tous les gouvernements québécois ont dès lors fait du règlement de cette question le pilier central de leur position en matière de relations fédérales-provinciales.

Depuis le début des années 1960, le gouvernement du Québec défend l'idée que la province constitue rien de moins qu'une entité politique dont la spécificité linguistique, culturelle et sociale est unique en Amérique du Nord. Cette spécificité a besoin pour se développer d'instruments politiques et économiques lui permettant de préserver et de promouvoir ces caractéristiques essentielles [12]. Toute réforme constitutionnelle qui ne saurait prendre en compte les obligations de l’Assemblée nationale à l'égard de la protection de la seule société de culture majoritairement française en Amérique du Nord ne pourra être une solution satisfaisante et permanente à la crise constitutionnelle canadienne.

Tous les efforts de réconciliation depuis la Commission Laurendeau-Dunton se sont révélés vains. Cette commission fut instituée par le gouvernement fédéral afin de trouver une solution à ce qui apparaissait être à l'époque la [34] pire crise constitutionnelle que le Canada ait connue depuis la création de la fédération canadienne. La commission Laurendeau-Dunton était mandatée pour « recommander les mesures à prendre pour que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples qui l'ont fondée [13] ». Dans les pages bleues du rapport préliminaire, on note la volonté d'établir un nouveau rapport de force entre les deux principales majorités au Canada ; ce qui devait fondamentalement changer les relations de pouvoir qui avaient jusqu'à ce jour, si bien servi les intérêts de la communauté anglophone. « Il ne s'agit plus selon nous du conflit traditionnel entre une majorité et une minorité. C'est plutôt un conflit entre deux majorités ; le groupe majoritaire au Canada et le groupe majoritaire au Québec [14]. »

Ce désir de faire du Québec un partenaire égal dans la fédération canadienne s'est éteint. Nous sommes bien loin de l'époque où nous discutions de propositions d'entente entre les deux principales majorités au pays et de la reconnaissance du droit à l'autodétermination du Québec. Certains acquis historiques du Québec sont remis en question, d'autres, comme le droit de veto, disparaissent. Il est donc ironique que trente ans après que le Premier ministre canadien, Lester B. Pearson, eut constaté que le Québec n'a jamais été traité équitablement dans l'ensemble canadien et qu'il fallait trouver de toute urgence une solution pour réparer cette injustice en répondant à ses aspirations, les Québécois soient toujours sur le pas de la porte. Cette situation de crise commandait qu'Ottawa propose des formules de partenariat. Soulignons que le même constat fut fait dix ans plus tard, soit en 1977, au moment de mettre sur pied la Commission Pépin-Robarts.

Le Québec ne se reconnaît plus dans les changements constitutionnels qui lui ont été imposés avec le rapatriement de 1982 puisque la dualité culturelle, sur laquelle le pays avait été fondé, a été mise au rancart. Les changements apportés à la Constitution sont de quatre ordres. Premièrement, le concept du fédéralisme ne se réfère plus, [35] selon les partenaires du Québec dans la fédération canadienne, à une division étanche des responsabilités entre ordres de gouvernement mais plutôt à un partage entre niveaux de gouvernement, confirmant Ottawa comme instance supérieure. Deuxièmement, le régionalisme est devenu un élément-définisseur de la fédération. Selon cette interprétation, le Québec ne serait plus le porte-parole d'une nation, mais celui d'une entité régionale. Troisièmement, le principe de l'égalité des provinces fait des gains rapides au Canada, comme l'ont démontré les négociations constitutionnelles entourant l'échec de « l'entente » du lac Meech. Sous prétexte qu'il faille en arriver à un traitement plus juste, les provinces anglophones se disent prêtes à renoncer au principe de la représentation des États-membres selon la population. Ainsi, la formule selon laquelle l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec et l'Ontario auraient la même représentation advenant la réforme du Sénat est envisagée. Dans un pays comme le Canada, avec ce que cela suppose de compromis historiques, ce changement est inacceptable pour le Québec en ce qu'il diminuerait à la fois sa présence et son influence au sein de la nouvelle Chambre haute. Quatrièmement, l'imposition de la Charte canadienne des droits et libertés au Québec - qui s'en était donné une dès 1975 - cherchait beaucoup moins à protéger les citoyens du Québec qu'à affaiblir l'Assemblée nationale en permettant au gouvernement fédéral de s'immiscer dans des secteurs aussi divers que la culture, la langue et la formation.

Le Québec ne pourra conserver sa spécificité que s'il contrôle les leviers économiques, culturels et politiques qui sont à la mesure de cette responsabilité. Dans le passé, le Québec s'est contenté d'une certaine forme de fédéralisme asymétrique, ce qu'Ottawa et les provinces anglophones ont accepté, parfois avec une grande réticence. La formule de péréquation qui répond aux besoins différents des États-membres, la représentation pondérée des provinces au Sénat, ou même la reconnaissance du Common Law et du Code civil dans l'exercice de la justice confirment l'existence [36] d'un fédéralisme asymétrique au Canada. L’utilisation de la formule asymétrique se retrouve aussi dans l'administration de plusieurs politiques gouvernementales, comme c'est le cas dans les champs de l'immigration, du développement régional, des télécommunications ou encore de la gestion du régime de rentes.

La question n'est plus ici d'accommoder le Québec en forçant par exemple, les autres États-membres de la fédération canadienne à faire des concessions, mais plutôt de savoir si l'entité québécoise et l'entité canadienne hors Québec peuvent continuer de vivre ensemble. À défaut de pouvoir vivre ensemble, il faut envisager de façon constructive de vivre côte à côte.

Continuité et rupture

Pendant de nombreuses années, les spécialistes du fédéralisme, des relations fédérales-provinciales et des relations intergouvernementales ont cherché à faire ressortir la continuité dans la dynamique Québec-Canada. Mais depuis quelques années, c'est plutôt l’image de la rupture entre le Québec et le reste du Canada qui se précise et se confirme. Deux visions de la réalité politique, ancrées dans l'expérience quotidienne des citoyens, se font nettement concurrence.

Il n'y a pas lieu d'avancer que l'une ou l'autre de ces deux visions est supérieure puisqu'elles reflètent des cheminements distincts, des orientations politiques différentes et des projets de société de moins en moins conciliables. Le temps est-il venu pour le Québec de constater l'échec de l'expérience canadienne et de proposer l'établissement, autant que faire se peut, sur des bases nouvelles, d'un nouveau partenariat ? Si rupture il y a, elle peut et doit se faire dans le plus grand respect des collectivités qui occupent le territoire, tout en prenant en compte les nouveaux ingrédients découlant des multiples transformations qui ont façonné le nouvel ordre mondial.

[37]

Le Québec n'a pas le droit d’empêcher ses partenaires actuels dans la fédération canadienne de faire ce qu'ils croient bénéfique pour eux, mais il ne peut accepter que ces mêmes partenaires lui dictent une conduite qui ne saurait respecter ses propres ambitions et reconnaître son projet de société. Les commentaires de Jean-Louis Roy, à la suite de l'élection du Parti québécois en 1976, nous semblent toujours justes :

Le fait le plus décisif intervenu depuis 1960 dans les relations du Québec et du Canada est constitué par l'acceptation générale par une majorité de Québécois, du statut de nation pour leur collectivité. Le refus du Canada anglais, tout au moins de ses porte-parole au niveau fédéral et à celui des provinces anglophones, de reconnaître ce fait a précipité la rupture psychologique du Canada [15].

Les Québécois ont pris plusieurs années pour constater que cette rupture était irréversible et qu'il faudrait tôt ou tard réinventer l'espace politique. Le pacte confédéral auquel les Québécois avaient adhéré s'est effrité au fil des années, s'est vidé de sa substance pour ne conserver que son apparence initiale alors que les règles de fonctionnement ont été profondément transformées au point d'être méconnaissables. Il appartient aux Québécois seuls de se prononcer sur leur avenir politique, libres de toutes menaces et de toutes contraintes que certains acteurs politiques pourraient vouloir exercer ou utiliser contre eux.

Le respect de la diversité a toujours été central dans la vision que les Québécois ont du pays dans lequel ils vivent. Cette diversité n'est plus acceptable pour les Canadiens hors Québec comme le révèlent aussi bien la volonté d'appliquer la Charte canadienne des droits et libertés, sans égard à la diversité et la popularité grandissante du concept d'égalité des provinces, que le vœu exprimé de se doter d'un gouvernement central fort pour contrer l'expression des tendances centrifuges. Or, [38] comme le constatait René Lévesque, il y a déjà près de vingt-cinq ans :

Le régime [fédéral] empêche tout aussi bien la majorité anglophone de simplifier, de rationaliser et de centraliser comme elle le voudrait des institutions qui lui apparaissent, à elle aussi, désuètes. Épreuve qu'elle endure avec des efforts qui paraissent de plus en plus pénibles et qu'elle attribue aux inquiétudes exagérées et à l'incorrigible intransigeance du Québec.

Il est clair, quant à nous, que cette frustration risque de devenir intolérable. Et c'est justement dans les groupes les plus progressistes et « nationalistes » du Canada anglais, où l'on se préoccupe de l'invasion économique, culturelle et politique des États-Unis et des moyens d'empêcher le pays de s'y abandonner tout à fait que risque de grandir à ce propos et d'éclater au grand jour un violent ressentiment à l'égard du Québec [16].

Les nombreux colloques tenus au Canada hors Québec en 1991 et 1992 sont révélateurs d'un nouvel esprit chez plusieurs analystes. On peut même s'attendre à ce que des propositions constructives soient avancées par les « nationalistes » progressistes du Canada hors Québec. On s'interroge à présent sur la forme que pourraient prendre les négociations que le Canada hors Québec devrait avoir avec un Québec souverain. Selon ces chercheurs, il s'agit de créer de nouvelles solidarités [17].

Le temps n'est plus aux ententes conclues in extremis, décidées en catimini, qui ne satisferont personne et qui ne feront que nourrir la frustration des Canadiens hors Québec et des Québécois. Pour sortir de la crise, il faut se rendre à l'évidence que le système actuel ne fonctionne pas et en faire son deuil. Cette prise de conscience ne peut que favoriser la reprise des discussions entre les deux principales majorités et l'établissement d'un partenariat établi sur des bases acceptables.

[39]

Le Québec, on le reconnaît de plus en plus, ne peut pas se résoudre à « rentrer dans le rang [18] », selon l'expression utilisée par le sociologue Simon Langlois, mais il n'a pas non plus le droit d'empêcher les Canadiens hors Québec de se donner un pays qui corresponde à leur propre vision, tout en respectant leurs aspirations. Langlois en conclut que le Québec est depuis l'échec du lac Meech une société globale fondamentalement en rupture avec le projet de société proposé par les forces politiques hors Québec. Ces forces chercheront sans doute à maintenir la nation québécoise dans l'équation canadienne mais cela est une mission impossible à réaliser dans la mesure où le Canada hors Québec se refuse à accepter la diversité qui, seule, peut permettre au Québec de s'accomplir et de s'épanouir pleinement.

Le choc des identités

À la suite du rapatriement de 1982, et de la période de morosité qui a suivi, les forces vives du Québec ont eu peine à redonner un sens à leur projet de société. On a pu croire pendant un certain temps que le Québec avait renoncé à son grand projet d'émancipation collective. Il aura fallu la mésentente du lac Meech pour redonner aux forces autonomistes l'élan nécessaire pour reprendre du service. L’échec de ce projet d'entente demeure un stimulant de premier ordre et a créé les conditions favorables à une prise de conscience nationalitaire chez les Québécois, complétant en quelque sorte la rupture du lien psychologique qui retenait encore le Québec au Canada hors Québec.

Pendant des années, comme le remarque Christian Dufour, « le système politique canadien [a servi] de cadre à la confrontation systématique de deux identités « quasi-nationales », en crise sans vraiment le réaliser, se pénétrant profondément l’une l'autre. Un problème de cette envergure ne saurait être résolu par de seules solutions techniques, fussent-elles de nature constitutionnelle [19]. » L’interpénétration [40] des identités laisse, selon Dufour, une porte toujours entrebâillée et garde présente la possibilité d'une réconciliation nationale.

Cette vue de l’esprit correspond-elle à la réalité que nous connaissons, surtout depuis l'échec de l’« entente » du lac Meech ? Nous sommes d'avis que les identités canadienne et québécoise se définissent de plus en plus l'une par rapport à l'autre, au même titre que l'identité canadienne se définit par rapport à l'identité américaine. Elles ne sont pas sous-jacentes l'une par rapport à l'autre. Pendant trop longtemps, la consolidation de l'identité canadienne s'est faite aux dépens de la pleine expression de l'identité québécoise.

L’échec de l'« entente » du lac Meech est venu confirmer le caractère définitif de la rupture entre le Québec et le Canada hors Québec et le fait qu'il faut dès maintenant œuvrer pour établir les nouvelles bases des rapports Québec-Canada. Il n’est pas inutile de relire un autre passage d'Option Québec, dans lequel René Lévesque affirme qu'il faut trouver une façon pour que l'identité québécoise puisse s'exprimer pleinement sinon ce serait courir à la perte du peuple québécois :

En résumé, nous proposons un régime permettant à deux majorités de s'extraire de cadres fédéraux archaïques, où nos deux « personnalités » bien distinctes se paralysent mutuellement à force de faire semblant d'en avoir une autre en commun.

Un régime dans lequel deux nations, l'une dont la patrie serait le Québec, l’autre qui pourrait réarranger à son gré le reste du pays, s'associeraient librement dans une adaptation originale de la formule courante des marchés communs, formant un ensemble qui pourrait par exemple, et fort précisément, s'appeler l'Union canadienne [20].

Cette constatation de René Lévesque est d'autant plus pertinente aujourd'hui qu'elle invite ceux qui s'activent à façonner l'identité canadienne et ceux qui voudraient que prime l'identité québécoise à reconnaître leurs différences [41] et à établir une nouvelle forme d'association politique et économique sur une base égalitaire.

Dans un ouvrage pamphlétaire, deux politologues de l'Ouest canadien affirment que l'identité québécoise ne respecte pas les éléments sous-tendant la démocratie libérale qui se fonde sur les quatre principes suivants : 1) la liberté individuelle, 2) un gouvernement au pouvoir restreint, 3) l'égalité des droits ou l'égalité devant la loi et, 4) le consentement des gouvernés [21]. Pour eux, l’identité québécoise s'appuie essentiellement sur l'ethnicité, la culture et la langue. Les affirmations de Bercuson et Cooper laissent entendre aussi que l'identité canadienne respecte ces mêmes critères. Or le Canada ne fonctionne-t-il pas à présent sans le consentement des premières nations et celui du Québec à l'endroit de son document le plus fondamental, soit la Loi constitutionnelle de 1982, lequel aurait dû donner un sens véritable à l'expérience canadienne ? Le Québec, contre toute attente, s'est vu imposer une Charte des droits et libertés, ainsi qu'une formule d'amendement sans égard pour sa spécificité, ce qui confirme que le Canada a enfreint une des quatre exigences de la démocratie libérale identifiées par Bercuson et Cooper, soit le consentement des gouvernés.

L'interprétation offerte par Bercuson et Cooper dérape lorsqu'ils soutiennent que la principale menace à la démocratie libérale au Canada vient du Québec. À leur avis, « aujourd'hui, cependant, le Canada voit ses assises libérales et démocratiques sérieusement ébranlées par une nouvelle forme de nationalisme fondé sur des caractéristiques ethniques et culturelles et dont la base se trouve au Québec [22] ». Ils ne croient pas que les Québécois désirent trouver des accommodements dans la fédération canadienne et les croient incapables de modération. L’inverse ne serait-il pas plus juste ? Cette vue de l'esprit les conduit à recommander l'expulsion pure et simple du Québec de la fédération canadienne.

La majorité des spécialistes et des leaders politiques au Canada hors Québec ne vont pas aussi loin que Bercuson [42] et Cooper dans leurs analyses. Par ailleurs, il est manifeste que les principaux leaders politiques canadiens ne sont pas disposés à reconnaître sur un pied d'égalité les deux traditions libérales qui s'expriment au Canada. Car c'est bien de cela dont il s'agit en dernière analyse. Le Québec et le reste du Canada constituent maintenant chacun une société globale. Cela n'est pas sans être lourd de conséquences sur la façon dont le Québec aborde la question du pluralisme.

Pour sa part, le sociologue Simon Langlois exprime le point de vue suivant :

L'identité québécoise s'est construite à partir de l'appartenance à une société restreinte aux frontières du Québec, mais elle prétend maintenant associer au noyau de souche francophone les nouveaux arrivants d'origines diverses. Pour les Québécois, la langue est plutôt le moyen privilégié permettant l'intégration des personnes de diverses origines à un même ensemble  [...]  le français joue ici un rôle analogue à l'anglais aux USA et dans le reste du Canada [...].

Le Québec se comporte envers ses immigrants comme une société globale, avec comme résultat que l'identité québécoise est (et sera) de moins en moins une identité ethnique et de plus en plus une identité nationale à laquelle s'identifieront des personnes de souches et d'origines différentes, contrairement à l'identité canadienne-française qui va continuer d'être basée sur des liens de filiation, de consanguinité ou de descendance. Les immigrants venant d'Haïti ou de Pologne pourront s'identifier comme Québécois ; ils ne deviendront pas des Acadiens ni des Canadiens français [23].

Dans une autre perspective, Charles Taylor croit toujours possible une solution à la crise constitutionnelle en autant qu'il y ait une volonté de reconnaître la multiplicité ou, à tout le moins, la non-exclusion des modèles et, peut-être, la superposition des identités. Dans un effort de conceptualisation fort impressionnant, Taylor suggère comme [43] solution aux problèmes constitutionnels du Canada le respect par les Québécois et par les Canadiens hors Québec de ce qui les différencie [24]. Selon Taylor, il y a deux traditions distinctes de libéralisme qui se font concurrence au Canada. Au Canada hors Québec, le libéralisme individualiste met l'accent sur la protection des droits individuels sans égard pour les collectivités alors qu'au Québec, le libéralisme communautaire met en valeur le respect et la reconnaissance de la diversité. Ces deux conceptions du libéralisme ne sont pas sans avoir de conséquences politiques. Cette interprétation n'est pas partagée par la grande majorité des Canadiens hors Québec qui ne peuvent endosser un tel objectif qui créerait, selon eux, deux classes de citoyens [25]. Il s'agit d'une fin de non-recevoir. Les propos de l'économiste Pierre Fortin, formulés à la suite de l’échec du lac Meech, sont fort éclairants à ce sujet :

Avant Meech, nous pensions que le Canada [hors Québec] nous reconnaîtrait le droit dans la loi fondamentale du pays, de protéger et de promouvoir notre identité propre et croirait dans notre engagement à le faire en toute compatibilité avec les droits fondamentaux des gens. [...]  Mais le Canada [hors Québec] n'a pas accordé de crédibilité à notre engagement à défendre notre identité et à respecter la Charte des droits tout à la fois. Il nous a refusé sa confiance et Meech a échoué. La logique de ce refus global nous impose donc de confier dans une bien plus grande mesure cette responsabilité aux institutions du Québec et de relever la barre bien au-delà de Meech [26].

Les mois qui viennent seront déterminants pour la place que le Québec occupera dans l’espace nord-américain. Il est donc impérieux que les interventions soient de plus en plus claires sur les attentes et les objectifs à défendre pour que puisse enfin s'exprimer pleinement et sans détour la personnalité collective du Québec. Il semble bien que plus on avance dans le temps, plus la question du partage des [44] pouvoirs même si elle est fondamentale devient secondaire à la question identitaire [27].

Conclusion

Le droit à la différence et le respect de la diversité sont des droits inhérents à tout État-membre d'une fédération et représentent deux des plus importants principes de la démocratie libérale. Le consentement des gouvernés, qui est le principal pilier sur lequel repose toute démocratie libérale, n'a pas été respecté lorsque le gouvernement fédéral et les provinces anglophones ont décidé en 1982 de faire fi des demandes du Québec et de ne pas reconnaître son droit de veto historique.

Il est de plus en plus évident que le Québec doit sortir du cadre actuel de la fédération canadienne. À titre de seul État-membre francophone dans la fédération canadienne, il est inconcevable que le Québec se fasse dicter de l'extérieur les décisions qu'il doit prendre concernant son avenir. Il devient de plus en plus évident que le seul choix possible pour le Québec est celui de l'accession à la pleine souveraineté.

La question de la souveraineté est donc au cœur du présent débat sur la construction de l'identité québécoise. On ne peut espérer évoluer dans un ensemble politique sans participer aux choix politiques qui se prennent, sans contrôler l'appareil politique qui viendra donner un sens véritable à l'expérience collective. La construction de blocs économiques plus grands incite de plus en plus les peuples et les États-membres des fédérations à préserver leur langue, à promouvoir leur culture, à construire leur identité et à se doter des moyens politiques nécessaires pour veiller sur ces éléments constitutifs. C'est dans cet esprit que ce collectif se propose de poser les balises du processus de reconstruction de l’espace politique québécois.

[45-48] [Les notes en fin de chapitre ont été converties en notes de bas de page. JMT.]



[1] Selon une expression utilisée par René Lévesque dans Option Québec.

[2] Voir, L'actualité, vol. XVII, n° 1, janvier 1992, où l'on traite des valeurs des Québécois et des Canadiens. Le sondage indique que les Québécois sont plus attachés aux valeurs et aux droits individuels que les Canadiens.

[3] Guy Laforest « L'esprit de 1982 », dans Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux (dir.), Le Québec et la restructuration du Canada, 1980-1992, Québec, Septentrion, 1991, p. 162.

[4] Pour une analyse portant sur le thème de la diversité, voir Alain-G. Gagnon, « Other Federal and Nonfederal Countries : Lessons for Canada », dans Ronald Watts et Douglas Brown (dir.), Options for a New Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1991, p. 207-233.

[5] Voir Andrée Lajoie, « Contribution aux travaux de la Commission parlementaire sur les offres fédérales », Québec, 11 décembre 1991.

[6] Par intrafédéralisme, les spécialistes se réfèrent à la représentation des intérêts provinciaux au centre (Ottawa). Par interfédéralisme, les experts font surtout référence aux relations bilatérales comme moyen de résoudre les conflits. Ottawa privilégie depuis la fin des années soixante-dix l'implantation de l'intrafédéralisme, ce qui lui permettrait d'assumer un leadership plus grand dans la gestion des affaires de l'État canadien, tout en cherchant à représenter les intérêts des provinces au sein de l'appareil fédéral. Mais, comme l’affirme Lise Bissonnette, la stratégie fédérale conduit l'opinion publique canadienne « à évacuer les provinces de son imaginaire ». Voir « La loterie peut mener loin », dans Le Devoir, le 21 janvier 1992, p. A-8.

[7] Edwin Black et Alan C. Cairns, « Le fédéralisme canadien : une nouvelle perspective », dans Louis Sabourin (dir.), Le système politique du Canada : institutions fédérales et québécoises, Ottawa, Éditions de l'Université d'Ottawa, 1970, p. 50-76.

[8] Voir, Alain-G. Gagnon et Daniel Latouche, Allaire, Bélanger, Campeau et les autres : les Québécois s'interrogent sur leur avenir, Montréal, Québec/Amérique, 1991, p. 23-89.

[9] Dans les faits, il y a six formules d'amendement dans la Constitution canadienne : 1) Les modifications qui portent sur le « fonctionnement » du Parlement canadien nécessitent uniquement le consentement de ce dernier ; 2) Les modifications qui touchent seulement une Assemblée législative requièrent seulement l'appui de cette dernière (par exemple la décision d'abolir la Chambre haute) ; 3) Les modifications qui ne touchent pas toutes les provinces (par exemple la politique portant sur l'immigration) peuvent être apportées avec le concours des Assemblées législatives concernées et du Parlement fédéral ; 4) Les modifications qui pourront être apportées à la monarchie, à la formule d'amendement à la composition de la Cour suprême, au statut du français et de l'anglais requièrent le consentement unanime des onze gouvernements et doivent être confirmées par l'adoption d'une résolution dans chacune des législatures ; 5) La formule des sept provinces représentant 50% de la population canadienne sans droit de retrait s'applique à la représentation des provinces à la Chambre des communes, à la sélection, aux pouvoirs et à la représentation des sénateurs, à quelques changements relatifs à la Cour suprême (exception faite de sa composition), au déplacement des frontières provinciales pour inclure de nouveaux territoires et à la création de nouvelles provinces ; 6) La formule des sept provinces avec droit de retrait accompagné d'une compensation s'applique dans le cas où les provinces mettront sur pied des programmes conformes aux objectifs fédéraux dans les domaines de l'éducation et de la culture.

[10] Les propositions fédérales contenues dans le document Bâtir ensemble l'avenir du Canada : propositions, Ottawa, le 24 septembre 1991, indiquent l'étendue des changements qui peuvent survenir avec l'appui de sept provinces, totalisant 50% de la population. Ce qui veut dire, pour le Québec, que des compromis qui seraient arrachés après de hautes luttes pourraient bien n'être que des feux de paille sans conséquence aucune pour le long terme - c'est-à-dire, échanger son droit d'aînesse pour un plat de lentilles.

[11] Le rapport de la Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, Québec, Éditeur officiel, 1956, volume III, p. 291.

[12] Pour plus de détails sur cette période, on peut se référer à : Alain-G. Gagnon et Mary Beth Montcalm, Québec : au-delà de la Révolution tranquille, Montréal, VLB éditeur, à paraître en 1992.

[13] Le rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme (le rapport Laurendeau-Dunton), Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, vol. I, p. 179-180.

[14] Le rapport préliminaire de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. La crise canadienne, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1965, p. 84.

[15] Jean-Louis Roy, Le choix d'un pays : le débat constitutionnel Québec-Canada, 1960-1976, Montréal, Leméac, 1978, p. 323.

[16] René Lévesque, Option Québec (texte précédé d'un essai d'André Bernard), Montréal, Les Éditions de l'Homme, 1988, p. 124.

[17] Voir, par exemple, l'analyse de Jane Jenson et de Miriam Smith, « L'union économique, une menace commune au Québec et au Canada », Le Devoir, 31 octobre 1991. On peut aussi consulter les études présentées au colloque « Negociating With a Sovereign Quebec », York University, les 7 et 8 février 1992. Ce colloque rassemblait plusieurs membres influents de la gauche du Canada hors Québec, dont Isabella Baker, Barbara Cameron, Stephen Clarkson, Daniel Drache, Lise Gotell, Tom Kuttner, Michael Mandel, Kenneth McRoberts, Leon Musynski, Roberto Perin, Philip Resnick, Abraham Rotstein, Miriam Smith et Reginald Whitaker.

[18] Simon Langlois, « Le Québec doit rentrer dans le rang tel que défini par le Canada ou s'en aller », La Presse, le 10 décembre 1991, p. B-3. Voir aussi du même auteur : « Le choc de deux sociétés globales », dans Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux (dir.), op. cit., p. 95-108.

[19] Christian Dufour, « Le mal canadien », dans Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux (dir.), op. cit., p. 111.

[20] René Lévesque, Option Québec, op. cit., p. 130.

[21] David Bercuson et Barry Cooper, Goodbye... et bonne chance : Les adieux du Canada anglais au Québec, Montréal, Le jour éditeur, 1991, p. 23.

[22] Ibid., p. 22. Soulignons que l'interprétation de Bercuson et Cooper fut vertement dénoncée par la plupart des auteurs au Canada hors Québec et au Québec.

[23] Simon Langlois, « Le choc de deux sociétés globales », dans Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux (dir.), op. cit., p. 101-102.

[24] Charles Taylor, « Shared and Divergent Values », dans Ronald Watts et Douglas Brown (dir.), Options for a New Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1991, p. 53-76.

[25] On peut se référer ici à la Commission Spicer qui a discuté de cette question. Voir Le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada. Rapport à la population canadienne et au gouvernement du Canada. Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1991.

[26] Pierre Fortin, « Le choix forcé du Québec : aspects économiques et stratégiques », tiré de La Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, Les avis des spécialistes invités à répondre aux huit questions posées par la Commission, Document de travail, n° 4, Québec, Bibliothèque nationale, 1991, p. 360.

[27] Christian Dufour, Le défi québécois, Montréal, L'Hexagone, 1989 ; Pierre Fournier, Autopsie du lac Meech : la souveraineté est-elle inévitable ?, Montréal, VLB éditeur, 1990 ; Philip Resnick, Toward a Canada-Quebec Union, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1991 ; Kenneth McRoberts, English Canada and Quebec : Avoiding the Issue, Toronto, Robarts Centre for Canadian Studies, 1991 ; Louis Balthazar, Guy Laforest et Vincent Lemieux (dir.), op. cit.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 23 octobre 2014 13:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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