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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Québec 1960-1980 La crise du développement.
Matériaux pour une sociologie de la planification et de la participation
. (1973)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre Québec 1960-1980 La crise du développement. Matériaux pour une sociologie de la planification et de la participation. Textes choisis et présentés par Gabriel Gagnon et Luc Martin. Montréal: Les Éditions Hurtubise HMH, ltée, 1973, 500 pp. Collection “L’homme dans la société” sous la direction de Guy Rocher et Pierre W. Bélanger. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, guide de musée retraitée du Musée de la Pulperie à Chicoutimi. [Autorisation confirmée par Gabriel Gagnon le 18 novembre 2004, de diffuser toutes ses publications.]

[15]

Québec 1960-1980. La crise du développement.
Matériaux pour une sociologie
de la planification et de la participation.

Introduction

Les textes que réunit cet ouvrage ont tous été écrits durant la dernière décennie. Ils suggèrent une piste pour retrouver la trame du développement que nous avons connu ici, à partir d'une coupure dans le temps qui, depuis, est devenue un point de repère utilisé de façon courante : 1960. Il y a ainsi un intérêt pratique à y référer et à examiner la séquence d'événements composant la période historique ainsi délimitée. L'examen particulier auquel invite ce recueil est celui des projets, expériences et idéologies qui ont tenté depuis dix ans de donner visage à une certaine forme de développement.

Le découpage que nous avons retenu pour tenter de donner un sens aux textes présentés ici ne doit pas laisser croire que pour nous, le début des années soixante aurait marqué une sorte de recommencement à partir de bases tout à fait nouvelles. S'il s'est amorcé alors un faisceau d'efforts par beaucoup de Québécois pour prendre leur histoire en charge, il se trouve peu d'observateurs pour rapporter à cette date le point de départ de transformations qui eussent affecté par la suite la totalité des structures socio-économiques et politiques du Québec ou le point de chute de grands cycles qui se seraient tous ajustés pour converger vers 1960.

Ce qui permet habituellement de reconnaître une certaine pertinence à ce découpage, c'est le fait que le début des années 60 a marqué un réveil sur le plan politique et culturel. Le développement à compter de ce moment commence à être défini comme un objectif à atteindre, comme le résultat d'actions concertées. Un certain volontarisme commence à poindre, se substituant lentement à la conviction optimiste et fausse selon laquelle le hasard finirait bien par arranger les choses dans le sens du progrès. Sur un fond d'impatientes disponibilités émergent alors les bribes d'un projet collectif de développement. Cela ne veut pas dire que cette émergence est survenue par hasard, qu'on ne peut que la constater, sans pouvoir expliquer ou repérer ce qui l'a déclenchée. Elle ne s'explique pas d'elle-même et doit être mise en rapports avec les contradictions et problèmes qui rendent compte des tensions et conflits croissants qui avaient marqué les années d'après-guerre.

Les transformations qui avaient caractérisé la répartition de la main-d'œuvre selon les secteurs primaire, secondaire et tertiaire depuis la fin de la guerre, l'accélération de l'urbanisation, mais aussi les revendications ouvrières et le blocage pratiqué par le duplessisme, tout cela représentait des facteurs favorables à l'émergence de ce qui a été ressenti en 1960 comme « la nécessité du changement », sans que le contenu et le modèle de société envisagés ne soient précisément affirmés, sans qu'aient eu le temps de s'installer les débats et conflits qu'a présenté la dernière décennie et qui, du reste, ont été rendus possibles par l'action des « modernisateurs » du début de la période. Il faut aussi indiquer plus fondamentalement que les locomotives de la croissance relative que connaissait alors le Québec étaient sises hors de la province, voire du pays, et qu'en ce qui regarde l'action gouvernementale, même si elle était [16] celle de dirigeants libéraux et faiblement interventionnistes, c'est le gouvernement du Canada qui était le plus déterminant dans ce qui s'est façonné sur le plan économique depuis la fin de la guerre jusqu'au tournant des années 60.

Il fallait que ça change en 1960, mais tout n'a pas changé et il faut rester soucieux de reconnaître les lignes de force qui traversaient la période immédiatement antérieure et qui se sont prolongées au-delà de 1960. L'expression « révolution tranquille » qui nomme, depuis, le début de cette période, connote bien la simultanéité de la continuité et de l'évolution dont témoigne cette conjoncture. S'il y eut mise en branle, il n'y eut pas et il n'y a pas encore mise en place en des institutions de gestion et de participation nouvelles, des objectifs et des intentions qui mobilisent divers groupes de la société depuis le début de la dernière décennie.

C'est l'objet de ce volume de permettre de toucher du doigt ce qu'ont été les débuts et les cheminements du regain d'autonomie politique qui a marqué le Québec à cette époque et la conviction qu'il veut communiquer est que ce regain ne doit pas être recherché ni lu au niveau seulement de l'action gouvernementale ou au niveau politique au sens strict du terme. Même si 1960 aura surtout marqué le début d'une certaine affirmation du politique au niveau de l'action de l'État du Québec, orientée vers la modernisation des mécanismes les plus visiblement retardés des institutions en place, la prise de conscience qui s'est alors manifestée débordait largement le cercle des élites politiques. La reconnaissance de l'autonomie comme constante de notre histoire marque elle-même un trait distinctif de la dernière décennie. Les études historiques y ont repris de la vogue. Comme si le présent, tourné vers l'avenir, avait senti le besoin d'appuis et devait redécouvrir dans sa perspective et en fonction de ses questions propres, un passé profondément ignoré jusqu'alors. Poètes et chansonniers aussi ont permis la réappropriation des lieux, des hommes et des temps forts d'une vie collective en voie de se reconnaître. Mais surtout d'autres groupes sociaux (syndicats de cols blancs, comités de citoyens, associations d'étudiants) ont manifesté de façon renouvelée leur insertion dans les rapports de production et les processus de prise de décision caractéristiques de notre organisation institutionnelle. Identifier le développement à la prise de décision technocratique qui s'est élaborée aux débuts des années 60, ce serait négliger non seulement les effets de rétroaction qu'elle a engendrés, mais aussi la mobilisation qu'elle présupposait et qui s'est épanouie par la suite selon des lignes de force propres, à travers des expériences de développement régional, des processus d'animation, des débats idéologiques posant des objectifs nouveaux et élargis au développement.

En regroupant sous ce thème du développement les textes qu'il présente, ce recueil indique que nous attribuons plusieurs dimensions à cette notion. Nous aurons l'occasion de les préciser en fin d'introduction, après avoir rappelé succinctement les traits de la période allant de l'immédiat après-guerre et les caractéristiques de la dernière décennie au Québec.

[17]

1. Investissements étrangers
et disparités régionales


La période qui va de l'après-guerre jusqu'aux débuts des années 60 a vu l'accentuation et l'accélération de tendances déjà inscrites dans l'évolution, depuis les années de la dépression et de l'après-dépression et ce à cause des mutations provoquées par la seconde guerre mondiale. Mais certains processus se sont affirmés avec une telle détermination durant cette période qu'il faut les isoler dans l'appréciation de la situation au tournant des années 60.

Il faut d'abord insister, à la suite d'études nombreuses, sur l'accentuation très marquée, depuis la fin de la guerre, de la part des investissements directs étrangers, c'est-à-dire américains, dans l'économie canadienne. Ces investissements directs, le Canada les a accueillis à la fois dans le secteur des matières premières et dans celui des produits manufacturés. Dans le secteur de la production des biens de consommation, la mainmise américaine « a été dans une large mesure financée par l'épargne que les sociétés ont tiré de la vente des matières premières canadiennes extraites et traitées par la main-d'œuvre canadienne, ou par la vente aux consommateurs canadiens de produits manufacturés par des filiales américaines, à des prix protégés par les barrières douanières » [1].

Plusieurs travaux [2] ont montré la cascade de conséquences politiques qui découlent de cet état de fait et souligné notamment que le contrôle étranger, c'est-à-dire américain, « atteint son maximum dans les industries où la formation des préférences des consommateurs et l'innovation technologique sont les plus avancées dans la métropole : industrie de l'automobile (97%), produits du caoutchouc (97%), produits chimiques (78%), appareils électriques (77%) et aéronautiques (78%) (...) Les industries qui demeurent sous contrôle canadien sont, dans l'ensemble, celles où les unités de production sont de dimensions restreintes, comme dans le cas des aciéries, de la construction et de certains produits alimentaires ou celles dont l'avenir est plutôt sombre, comme dans le cas des textiles [3].

Cette succursalisation de l'économie s'est affirmée durant les années d'après-guerre et traçait dans la même mesure un défi au développement d'un pays qui devait investir d'autant plus de ressources dans la réalisation d'une politique nationale, comme il l'avait fait dans le passé, qu'il était particulièrement vulnérable aux déterminants géographiques. Ce défi ne pouvait que grandir dans la mesure où ces investissements étrangers, s'ils contribuaient à produire un niveau de vie remarquablement élevé, étaient gérés en fonction des impératifs de preneurs de décision isolés et étrangers aux préoccupations du pays. Leur pénétration dans l'économie canadienne a contribué à créer des disparités de croissance et à définir des régions-pôles qui drainaient des ressources en capital et en main-d'œuvre des régions délaissées par cette intégration aux USA selon des axes nord-sud. La gestion de ces conséquences, sur le plan politique et social, n'appartenait pas aux investisseurs étrangers. Elles n'en contribuaient pas moins à créer ici un développement inégal.

Cette pénétration américaine, productrice à la fois de croissance et de pauvreté, s'affirmait également sur le plan culturel. Les niveaux de vie au Canada présentaient sans doute une moyenne décalée par rapport aux standards moyens américains eux-mêmes, mais se comparaient avantageusement avec [18] ceux des autres pays industrialisés. Mais de fait, c'est tout un mode de vie qui s'incrustait à travers la diffusion des produits de consommation et c'est toute une structure d'aspirations qui venait installer ses modèles. Cette période est celle de l'implantation mondiale de l'expansion américaine et de l'étalage des succès américains. C'est durant cette période que prend place, et singulièrement au Canada, une sorte d'hégémonie faite de puissance militaire, de biens de consommation et d'efficacité administrative. Les rapports internationaux se recomposent dans un climat de guerre froide, on assiste à une répartition internationale des états par camps, mais également, et simultanément, à l'implantation de sociétés dites multinationales et à la diffusion de par le monde de l'image américaine de la société prospère, qui arrive joyeusement à surmonter ses problèmes de survie.

La jonction de la production scientifique, des innovations technologiques et du progrès économique font en effet apparaître ce pays comme un modèle pour les pays des deux blocs. Ces facteurs et leurs résultats servent de fondement à la diffusion d'une idéologie qui proclame la fin des grands débats idéologiques et qui masque les facteurs économiques créateurs de cette prospérité (rapports des États-Unis avec les pays dits du tiers-monde, importation aux États-Unis des matières premières, « brain-drain ») et les problèmes sociaux qui côtoient cette prospérité, tant pour les pays dits sous-développés, mais effectivement satellisés, qu'en ce qui regarde les coûts sociaux de la croissance intérieure américaine, elle-même inégale (disparités régionales, discriminations, problèmes urbains, etc.).

Le Québec, comme le reste du Canada, s'insérait dans cet ensemble dynamique. Les pénétrations multiformes dont nous avons esquissé les contours à grands traits marquaient des points ici comme au Canada anglais. Mais tant la structure économique particulière du Québec que sa structure sociale singularisent sa situation. Comme sous-ensemble du Canada, le Québec se démarquait, par rapport à l'Ontario notamment, quant au taux de revenu per capita et quant aux taux moyens de salaires. Ces écarts, sans s'être développés durant la période qui nous intéresse ici, s'y sont maintenus. Cette situation relativement défavorable se jumelait avec des inégalités plaçant spécifiquement les Canadiens français en position d'infériorité par rapport aux autres groupes ethniques et au Canada et au Québec. D'autre part, à l'intérieur du Québec, Montréal et sa région se démarquent comme seul pôle de croissance. Durant les dernières années de la décennie cinquante, elle est, avec la Côte Nord, la seule région économique qui a un solde positif sur le plan migratoire. Ailleurs au Québec, la situation peut être appréciée de diverses façons : qu'il suffise de mentionner que les taux de chômage par exemple, entre 1954 et 1963 étaient de 15% (taux moyen) pour la Gaspésie, de près de 14% pour le Lac St-Jean, sur la Côte Nord de près de 13%, alors qu'il n'était que de 7.5% pour la région de Montréal. En 1961, les Montréalais jouissaient d'un revenu moyen par tête de $1,603.00 alors que dans 19 comtés de la province, la plupart à l'est et au sud de Québec, le revenu moyen par tête s'échelonnait entre $606 et $800 dollars.

À survoler rapidement ces caractéristiques, on ne peut s'empêcher de lire l'intégration à la vie américaine au début des années 60 dans les termes d'une liaison à des pôles centraux par rapport auxquels les situations se dégradent à mesure que l'on gagne la périphérie. De New York et des Grands Lacs, [19] vers Montréal et Toronto, puis vers les régions de la périphérie, se tisse une chaîne par rapport à laquelle Ottawa, puis Québec en particulier, avaient à se situer. Ces liaisons économiques, certains ont commencé à les reconnaître durant les années cinquante à travers les décalages et les retards qu'elles rendaient visibles pour les régions de la périphérie. Avec le début des années 60, on le verra dans ce recueil, d'autres analyses dépassent la constatation des « retards » des régions éloignées des centres moteurs et tentent d'appliquer au Canada comme au Québec d'ailleurs, une explication de ces retards en référence à des schémas mettant au centre de leur perspective la dépendance. Mais ce n'était pas là le fondement des politiques des gouvernements d'Ottawa et de Québec avant le tournant du début des années '60 dans la province.

2. Continentalisme et imitation

La période allant de la fin de la guerre aux débuts des années 60 se caractérise par l'affirmation d'une politique de développement ouvertement favorable à l'investissement étranger et américain au Canada. L'objectif visé par les gouvernements « libéraux » qui se sont succédés au pouvoir jusqu'en 1957, se formulait en terme de plein emploi. L'installation en terre canadienne de filiales de maisons américaines contribuait à la croissance de l'économie et apparaissait aussi, alors, comme la réponse la plus positive aux problèmes de pauvreté, liés au chômage, si fortement ressentis au pays durant les années de la Dépression. Pour pallier à l'insécurité, pour assurer une couverture des besoins essentiels de la population, le Canada développait durant cette même période divers programmes dits de sécurité sociale : l'assurance-chômage en 1941, les allocations familiales en 1945, les pensions fédérales aux vieillards en 1952, l'assistance aux invalides en 1955, l'assurance-hospitalisation en 1958.

Les problèmes sociaux de l'avant-guerre invitaient à l'abandon du laisser-faire traditionnel et la guerre avait favorisé la centralisation du pouvoir à Ottawa. C'est de là que l'on présidait à la croissance, en accordant une préférence nette et reconnue à l'entreprise privée. Le traitement des conséquences sociales de la croissance inégale se confinait aux instruments caractéristiques du « welfare state » et il faudra attendre 1963 pour qu'une politique de développement régional [4] vienne s'attaquer aux régions sous-développées comme ensembles structurellement en retard.

Quant aux conséquences économiques et politiques du continentalisme qui avait statut d'orientation globale de l'activité économique d'alors, on peut voir dans l'élection des conservateurs en 1957, le signe que l'on commençait à les entrevoir, mais encore là, c'est seulement vers le milieu des années 60 que certaines analyses ont pu permettre d'en mesurer l'ampleur : caractère aigu des disparités régionales, incapacité de générer des innovations, absence d'installations de recherche, etc. On est ainsi loin d'une politique globale de développement sur le plan économique. L'intervention de l'État se réduit au minimum, elle procède par programmes ad hoc, et, bien sûr, les initiatives proviennent de deux niveaux de gouvernement dont les rapports ne favorisent guère l'émergence de consensus sur des priorités données.

Ce sont les États-Unis qui tiennent lieu de modèle, avec les avantages et inconvénients qui y sont liés. G. Grant aura été l'un de ceux qui ont insisté sur [20] le poids incommensurable de ces derniers, puisqu'il interprète, avec une forte nostalgie, le continentalisme régnant depuis la fin de la guerre comme un corridor conduisant à la disparition pure et simple du Canada. Diefenbaker l'avait compris selon lui, mais il aura été lui-même incompris et conspué par les élites du monde des affaires et de la politique aux commandes du pays dont il menaçait les positions privilégiées, et, en plus, il n'avait pas su s'allier des représentants du Québec français, appuis essentiels pour qui aspire à maintenir un Canada distinct des États-Unis. [5]

Au Québec, le duplessisme faisait rage. Il régnait sur une véritable société bloquée, en ce sens que son système de gestion, axé sur le patronage et orienté vers le respect de valeurs figées, ne pouvait qu'accumuler des retards devant l'urbanisation très rapide que connaissait la province, devant le passage des producteurs agricoles vers le marché des villes et le développement corrélatif d'un secteur tertiaire en pleine croissance. En vingt ans, soit de 1941 à 1961, la main-d'œuvre employée dans l'agriculture a diminué de moitié au Québec, cependant que la main-d'œuvre engagée dans le secteur tertiaire doublait ses effectifs. Durant cette même période, le Québec voit se développer particulièrement rapidement la production des industries liées à des ressources naturelles.

Si dans l'ensemble de la région économique du Québec l'évolution à long terme permet de reconnaître une croissance de l'économie, celle-ci laisse pour compte des fractions importantes du territoire, par exemple le territoire au sud du fleuve, où l'économie est fondée sur l'agriculture et la petite industrie. Des poches de stagnation se tissent et malgré l'augmentation des dépenses de l'État depuis la fin de la guerre, celui-ci n'intervient pas directement dans la production. Le secteur public est à toutes fins utiles inexistant et l'investissement public dans le secteur de l'éducation, réduit, permet à une petite élite seule de reproduire ses conditions d'existence. Pas plus que le Canada, le Québec n'a-t-il d'instance de planification même incitative qui tenterait de servir d'orienteur aux investissements privés. Par ailleurs, dans le secteur dit privé, la place des Canadiens français est loin d'être dominante. L'entrepreneurship, ici, est étranger. Seule la formule coopérative, dans le secteur agricole, apparaît comme une réponse un peu structurée, apportée par des Canadiens français, mais les défis qui touchent les centres moteurs de l'économie les trouvaient absents.

3. Conflits sociaux et contestation
de l'idéologie dominante


On a surtout retenu de cette période qu'elle était, au Québec, celle de la grande noirceur. L'expression peut être retenue pour désigner l'acharnement avec lequel l'élite politique régnante, dont l'assise était largement rurale, refusait de reconnaître son incapacité de résoudre les problèmes véhiculés par l'industrialisation. Engluée dans son conservatisme, aux commandes d'un système de patronage bien huilé, elle était dépassée et incapable de rendre compte des exigences nouvelles accompagnant l'industrialisation et qui se manifestaient notamment à l'occasion des conflits de travail qui ont éclaté au Québec, depuis 1949 en particulier.

La grève d'Asbestos aura en effet marqué cette mise en branle qui annonçait [21] la reconnaissance par les travailleurs syndiqués de leur position de dominés et leur insertion dans une dynamique conflictuelle incompatible avec les représentations unanimistes et communautaristes des décennies précédentes. L'État, à l'occasion de cette grève, s'était rangé contre les travailleurs et en prenant ainsi position, marquait les termes clairs d'une contradiction. Ce n'est qu'au début des années 60 qu'a été proclamé ici « feu l'unanimité », mais de fait cette proclamation distançait de beaucoup le moment pratique signalant les premiers craquements de la représentation non-conflictuelle des intérêts de « toutes les classes de la société ». L'unanimité aura été pour un temps le fruit d'une perception de classe.

Paradoxalement, cette période de la « grande noirceur » aura été marquée par de nombreux conflits, par l'affirmation de nouvelles revendications et le démasquage de l'idéologie dominante. La noirceur caractérisait la fermeture de l'élite politique et colorait, si l'on peut dire, sa répression devant les groupes qui parvenaient à faire la lumière sur les problèmes non reconnus par elle et encore moins traités au niveau de l'administration publique.

C'est en négatif que s'affirmait alors la poussée de développement. C'est contre les blocages que s'exprimèrent les intellectuels de la Faculté des Sciences Sociales de Québec, que s'élevaient les analyses diffusées par l'Institut canadien des Affaires publiques. Un même objectif inspirait les rédacteurs de Cité Libre… L'action idéologique alors entreprise exigeait de reconnaître les décalages qui s'amoncelaient entre ce que les Canadiens français pensaient d'eux-mêmes et de leur destin et ce qu'ils étaient en train de devenir réellement. Contre le nationalisme replié et négatif, on en appelait à des références nord-américaines. Contre la mission évangélique et la « spécialisation littéraire » des élites dominantes traditionnelles, on en appelait à la nécessité d'occuper le champ économique et à celle de s'ajuster aux pistes de progrès déblayées par les États-Unis.

Une certaine conscience des retards, des marges dans lesquelles se maintenait le Québec commandait un effort de rattrapage et de modernisation. Le pôle à rattraper, le moderne à rejoindre pour les tenants de cette idéologie, c'est l'Ontario, ce sont les États-Unis. Explicitement, le défi était américain. Pendant que le monde ouvrier conduisait des luttes très dures (Asbestos, Louiseville, Arvida), les intellectuels nommaient les nouveaux décalages et contestaient les justifications de l'Église et du pouvoir politique provincial qui les faisaient accepter. Mais l'aspiration de développement n'existait pas que comme projet en sous-impression dans la critique des blocages. Cette contestation définissait comme positives l'action modernisatrice du gouvernement fédéral et celle des industrialisateurs américains qui intervenaient massivement au pays depuis la fin de la guerre.

C'est la rationalité modernisatrice des Américains que les tenants du rattrapage valorisaient. Leur approche scientifique, leur pragmatisme recevaient ici un accueil favorable. Au nationalisme renfermé et anxieux, ces éléments du modèle américain présentaient une contrepartie d'ouverture et de prospérité pleine d'assurance qui annonçait peut-être le caractère tranquille de la « révolution » du début des années 60.

Un certain type de développement commençait ainsi à être décrit et analysé. C'est un désir de débloquer qui est alors l'expression diffusée de la tension vers le développement. Le contenu souhaité, le modèle envisagé de société à constituer n'a pas la cohérence ou l'unité d'un système intégré. Des éléments [22] sont posés comme références privilégiées : le parlementarisme britannique, le pragmatisme anglo-saxon, l'efficacité américaine ; des atouts sont reconnus : les privilèges du retard, les dimensions réduites de la société, les « défis » posés par la proximité de l'Ontario et des États-Unis, la richesse des ressources naturelles, l'industrialisation relativement avancée, le haut niveau de vie, la « culture française », le contrôle d'un État provincial. Des tares sont décriées : le faible niveau d'instruction, la domination intellectuelle du clergé, la concentration dans les secteurs d'activité économique en déclin ou dans les professions libérales, la fermeture sur le monde, le complexe d'infériorité des Canadiens français, leur consommation ostentatoire, leur manque d'ambition, etc.

On le voit, malgré que ces notes ne représentent qu'un survol évidemment trop rapide, c'est une certaine façon de nommer les lacunes, et d'en rendre compte, une certaine façon de reconnaître les ressorts possiblement mobilisateurs qui caractérisent l'idéologie dominante en 1960. Les contradictions caractérisant les rapports patrons-ouvriers, les inégalités entre les groupes ethniques français et anglais au Canada y reçoivent un traitement singulier : le progrès social et économique donne à tous la chance de se développer et il faut voir à corriger les inégalités qui persistent sur le plan de l'éducation par exemple pour donner réalité à ce postulat. La fin des années 60 allait être l'occasion de débats mettant en cause ce postulat.

4. Le développement en miettes : 1960-72

Si l'on peut dire, en schématisant beaucoup, que la décennie 50 en a été une où, malgré la croissance de la production, dominaient des obstacles politiques et institutionnels au développement, la décennie qui débute avec le tournant des années 60 peut se caractériser par ce que l'on pourrait appeler un « développement en miettes ».

L'expression ne veut pas qu'illustrer le caractère discontinu ou encore l'approche sectorielle des interventions des divers gouvernements qui se sont succédés au Québec depuis 1960. Elle réfère aussi aux tentatives diverses de plusieurs groupes ou corps intermédiaires pour insérer leurs analyses, leurs objectifs et leurs pratiques politiques dans le débat du développement, initié tout au moins, par la Révolution tranquille. Ces groupes (syndicats, comités de citoyens) ne se recrutaient pas parmi les élites traditionnelles et ne détenaient pas nécessairement des participations prestigieuses. Leur action pouvait être parcellaire. L'avenir pourra peut-être révéler qu'elle n'aura eu de portée que limitée. Mais il nous a semblé - ce recueil en témoigne - que les initiatives politiques caractéristiques de la Révolution tranquille en particulier, pour limitées qu'elles puissent avoir été, n'en représentaient pas moins des jalons essentiels. À travers la nationalisation des compagnies d'électricité, la réforme de l'administration publique, le développement des éléments de politique salariale, la réforme de l'éducation, l'établissement de l'assurance-hospitalisation, puis, plus tard, de l'assurance-santé, la rationalisation des lois d'assurance ou de sécurité sociale, l'État québécois mettait lentement en place les conditions nécessaires au développement en même temps qu'il suscitait, ce faisant, non seulement des transformations au niveau de la gestion des affaires publiques, mais aussi des formes de participation, de contestation, et des types de revendications nouveaux.

[23]

En effet, tant au niveau des régions qu'à celui de groupes dits intermédiaires, affectés les uns et les autres par les types nouveaux d'intervention de l'État, il s'est produit depuis 1960 des déclenchements et des initiatives qui font partie intégrante de l'effort de développement et que la sociologie du développement se doit de considérer. Pour les nommer, d'abord, en rendre compte dans leurs, dimensions propres, et pour, ensuite, tenter d'expliquer ces émergences, en rapportant mouvements sociaux et revendications politiques aux contradictions et problèmes que leur dynamique révèle.

« Développement en miettes », on peut aussi dire que cela évoque le caractère incertain et parcellaire des initiatives qui émanèrent du gouvernement du Québec dans le domaine économique. Régime de rentes, Caisses de Dépôts et Placements, Société Générale de Financement, Soquem, Soquip, Rexfor, plus récemment, Société de Développement Industriel, autant d'initiatives orientées vers une prise en charge éventuelle mais dont l'intégration est loin d'être achevée. L'optimalité dans le rendement de ces instruments est encore un objectif à atteindre et il faut le noter, l'évolution qu'ont subi plusieurs de ces leviers a suivi une courbe lente et hachurée.

« Développement en miettes » enfin, c'est une idée qui signale avec netteté que les agents de développement gouvernementaux bénéficient ici de pouvoirs constitutionnels propres et souvent concurrents pour fonder leurs interventions. Il n'y a pas au Québec, malgré la formation au début des années 1960, du Conseil d'Orientation Économique du Québec (C.O.E.Q.) et plus tard de l'Office de Planification et de Développement du Québec (O.P.D.Q.) d'instance chargée de planifier le développement économique et social ou de coordonner de manière claire et perceptible pour la population les programmations sectorielles des divers ministères du gouvernement. Il y aurait du reste une telle instance qu'il lui faudrait en plus coordonner ses propres priorités avec celles du gouvernement d'Ottawa, qui lui, intervient aussi sans plan ou orientation globale dans des domaines aussi variés que le développement régional, la formation de la main-d'œuvre, la recherche scientifique, etc.

S'il y a une thèse sous-jacente justifiant le choix de textes que nous avons fait ici pour rendre compte du développement depuis 1960, ce serait que l'État du Québec, par les initiatives mentionnées plus haut, a déclenché au départ un effort de rationalisation et de modernisation qui a, en un premier temps, mobilisé de très larges couches de la population et élargi substantiellement l'horizon des possibilités et des mobilités envisagées et, en un second temps, nourri des processus autonomes de contestation, de revendication et de participation qui ont été ou rendu possibles, ou accélérés par l'action même de l'État.

Comment ne pas indiquer sur ce plan que cette action de l'État a eu un souffle discontinu et que, corrélativement, sa capacité mobilisatrice n'a pas été au-delà de 1966. Elle avait donné un nouvel élan à ce qui peut être reconnu maintenant comme le mouvement social le plus constant et le plus important de la décennie, puisqu'il imprègne de sa coloration la plupart des autres, soit le mouvement nationaliste. Celui-ci, depuis 1968, a une expression politique, le Parti Québécois, qui reprend les éléments essentiels du projet de la Révolution tranquille et tente de mobiliser et d'impliquer la population dans la critique de la structure politique fédérale qui interdit la définition et la réalisation unifiée et cohérente des réformes qui s'imposent au Québec.

[24]

Action modernisatrice de l'État, émergence de « réponses » à cette action et d'expériences au niveau « de la base » (comités de citoyens, animation, etc.), floraison de revendications et d'idéologies nouvelles, ces trois pôles nous ont servi de guide pour constituer, par les textes, une certaine image de ce qu'a été le développement depuis 1960 au Québec.

5. Le développement en trois dimensions

La définition que nous donnons de cette notion ici se veut large. En explicitant les éléments, nous ne voulons pas impliquer que le processus complexe qu'elle désigne aurait eu ici, durant les dernières années, une unité et une cohérence qui témoignent d'un progrès linéaire et déjà reconnaissable à l'œil. L'examen des textes que nous avons considérés révèle qu'il en a été tout autrement, que le rythme de ce développement a été inégal, que les objectifs poursuivis par les acteurs principaux ont subi d'importantes transformations et que les « blocages » et les résistances ont marqué et marquent encore ce développement. De fait, notre ambition a été ici beaucoup plus nettement d'illustrer comment ont été définis les principaux problèmes du Québec par différents analystes et acteurs sociaux et le type de mouvements qui sont venus s'affirmer à l'occasion du traitement de ces problèmes, cette double dimension permettant de reconnaître que le développement, d'abord objectif voulu, s'est transformé en débat dont les enjeux sont en voie d'élaboration.

Trois éléments nous apparaissent centraux dans la définition préliminaire du développement que nous avons retenue pour encadrer les textes présentés ici. Nous avons voulu voir le développement comme la capacité politico-administrative d'exploiter de façon optimale les ressources disponibles dans une société donnée, de répartir les fruits de cette production de façon égalitaire entre les différents membres de cette société et de mobiliser ceux-ci de manière à ce qu'ils puissent définir eux-mêmes, à diverses instances et selon diverses modalités, les conditions de leur production et de leur jouissance.

Cette définition de départ est générale. Elle décrit ce qui est devenu commun : le développement n'est pas que la croissance, il ne se réduit pas à la progression linéaire et continue de celle-ci, mesurée en termes de production nationale brute. Il n'est pas non plus que l'établissement de standards de production et de critères de répartition définis centralement ou technocratiquement. S'il implique la définition d'objectifs globaux ou partiels, à court, moyen ou long terme, il implique aussi une capacité mobilisatrice, et donc une implication des agents de production et de consommation dans le processus de décision centralisé et/ou décentralisé, et ainsi une capacité de contrôle des décisions prises par des représentants dans les cas où cette participation n'est pas directe.

En ce sens, l'une ou l'autre de ces trois dimensions, prise isolément, ne peut servir à définir le développement. Une société peut avoir des ensembles de production très élaborés, posséder une technologie avancée, sans être pour autant développée, c'est-à-dire si simultanément, par exemple, les agents développeurs y sont « étrangers ». Ils obéissent à une rationalité indifférente aux besoins des membres de cette société et ces derniers ne disposent pas alors des leviers capables de leur permettre d'orienter leur développement selon les dynamismes de leur modèle culturel, en tenant compte de leurs besoins spécifiques. D'autre part, les deux dernières dimensions sont liées l'une à l'autre : on [25] imagine mal une société autogérée où se maintiendrait une forte inégalité dans la répartition des fruits de la production sociale ; mais en revanche, on peut imaginer aisément une société très centralisée sur le plan de la prise de décision où serait assurée une répartition égalitaire des fruits de la production.

Les textes que nous avons retenus sont présentés sous trois rubriques qui ne recoupent pas terme à terme les trois éléments de la notion de développement évoquée plus haut. Entre la vision théorique évoquée ici et les expressions concrètes illustrant l'aptitude d'une réalité sociale à y correspondre, il y a décalage. Ce sont des textes portant d'abord sur des dimensions du développement que nous présentons dans la première partie. La deuxième partie comprend des relevés d'expériences de développement et la troisième aborde les idéologies.

De façon diffuse dans ces textes, il apparaît que les expériences québécoises orientées vers le développement, au sens général donné plus haut à ce terme, ont retraduit dans leurs propres termes et dans des directions propres, les dimensions du développement dont nous faisions état. Dans le domaine économique sur lequel nous insistons particulièrement, les mots-clés à travers lesquels on a tenté d'appréhender les ressorts du développement sont indicatifs de la perspective des divers agents producteurs de changement.

C'est en particulier à travers le développement régional et l'aménagement du territoire des régions que s'incarne ici l'idée de planification ; de la même manière, la traduction fréquente, voire dominante, de la participation comme processus de mobilisation, se concrétise dans les différentes formes d'animation dont ce recueil fait état, au niveau d'expériences particulières ou de projets de réaménagement idéal des rapports de pouvoir. Dans le concret, ces notions ont beaucoup d'élasticité, ils recouvrent des réalités souvent dissemblables. Il nous fallait prendre la précaution de l'indiquer, plutôt que d'exclure du recueil les essais qui n'auraient pas collé à des définitions préalables qui auraient été les nôtres.

Ce livre, pour conserver des dimensions raisonnables, a dû être constitué au prix de certains sacrifices. Plusieurs textes, souvent cités en référence, auraient dû faire partie de ce document. Nous avons exclu par exemple des exposés relatifs à la réforme de l'éducation (Rapport Parent) et aux instruments que le gouvernement a élaboré pour structurer son action dans le domaine économique (Caisse de Dépôts, Régime de rentes, S.G.F., Soquem, Soquip). Les textes qui traduisent les intentions du législateur en ces matières sont disponibles ailleurs. Ce n'est donc pas parce que nous croyons qu'il faut sous-estimer l'importance de ces entreprises que le présent recueil n'en fait état que de manière indirecte. Au contraire, et nous avons dit plus haut la portée que nous leur reconnaissons. Notre intention a été de mettre en valeur des textes ou extraits d'ouvrages moins répandus, mais non moins significatifs du faisceau d'initiatives et d'expériences qui construisent ici, depuis une dizaine d'années, le développement.

Leur variété peut être déroutante, leur synchronisation déficiente. Ils témoignent de tentatives rarement achevées, souvent incertaines. Les acteurs sociaux (experts ou scientifiques, animateurs, idéologues) qu'ils mettent en cause n'habitent pas les mêmes classes sociales et ils ne sont pas mus par un même projet. En deçà de convergences que nous avons tous à découvrir, nous croyons que ces textes illustrent certains des enjeux qui sont les nôtres et la forme de paris qu'il faudra bientôt engager.

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RÉFÉRENCES

Les notes en fin de texte ont toutes été converties en notes de bas de page dans cette édition numérique. JMT.

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LECTURES RECOMMANDÉES

Fernand Dumont, La vigile du Québec Octobre 1970 : l'impasse ? — Montréal, Éditions HMH, 1971, 234 pages.

Parti Pris, Québec occupé, (collection Aspects, no 9), Montréal Éditions Parti Pris, 1971, 252 pages.

Marcel Rioux, La question du Québec, Paris, Éditions Seghers, 1971.

Marcel Rioux et Yves Martin, La société Canadienne-française, HMH, 1971, 408 pages.

Claude Ryan, (sous la direction de) Le Québec qui se fait, HMH, 1971, 312 pages.

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[1] Voir K. Levitt, La capitulation tranquille, Montréal Réédition Québec, 1972, pp.74-75

[2] En particulier le Rapport Watkins (1968), le Rapport Gray et l’ouvrage cité plus haut de K. Levitt.

[3] Voir K. Levitt, op. cit. p. 143.

[4] Nous référons ici à la loi ARDA, votée en1963 et complétée en 1965 par la loi créant le Fond de développement économique rural.

[5] Voir George Grant, Lament for a nation, The defeat of Canadian Nationalisme, Toronto-Montreal, Macmillan and Stewart Ltd. 1965.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 7 janvier 2018 15:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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