Introduction
Le 21ème siècle est, pour l’espèce humaine, un tournant. Le réchauffement de la terre, la rareté des ressources naturelles, la diminution des espèces vivantes, toutes choses dont l’humanité est responsable, l’obligeront à modérer son comportement.
Bien que cette modération semble, à première vue, relever du sens commun, sa traduction dans les faits remet en question des présupposés, économiques, politiques et aussi religieux présents depuis des millénaires, à commencer par le commandement « croissez et multipliez ».
En effet, depuis le néolithique, la plupart des religions admettent que l’homme a tous les droits sur la nature. Elles supposent implicitement que les seules questions pertinentes sont les relations internes à l’espèce humaine.
Le champ du religieux est plus vaste que ce qu’on appelle d’habitude « religion ». Dans le monde contemporain, on peut se demander si, par exemple, les grandes manifestations sportives ou les concerts qui réunissent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs enthousiastes sont ou non des manifestations religieuses [1].
En première approximation, les religions apparaissent sous trois aspects : des croyances, des pratiques et une recherche. Les croyances se présentent sous forme de mythes, les pratiques sous forme de rituels et la recherche comme un mouvement vers la spiritualité. D’une manière générale, la religion est ce qui relie, sans qu’on puisse délimiter clairement ce qui est religieux de ce qui ne l’est pas. C’est un domaine aux frontières insaisissables.
En contrepoint des manifestations sociales, les religions ont donc aussi une relation à la spiritualité. On ne peut aborder la question posée plus haut, celle de la nature, sans sa dimension spirituelle, plus profonde encore que celle de la relation aux divinités, lesquelles ne sont que des intermédiaires.
Les religions sont multiples. Certaines ont plusieurs dieux, d’autres un seul, d’autres sont sans dieu. On y trouve diverses relations avec les esprits, la divination, l’au-delà. S’y manifestent des pratiques dansées, chantées, de méditation, de prière, d’éveil du corps et de l’esprit. Certaines mystiques sont solitaires, d’autres collectives.
Néanmoins, les humains ont été jusqu’à présent incapables de s’entendre même sur la seule définition du mot « dieu ». Passant outre à leur instinct de conservation, ils s’exterminent depuis des millénaires en exaltant leurs différences en la matière.
Ces agressivités poussées jusqu’au meurtre, exceptionnelles dans le règne animal, se transforment selon les conditions concrètes de la vie, de la mort et du sens qui peut leur être donné. Il est donc probable qu’elles évolueront.
Sur de telles questions, la prospective doit se garder des jugements ou des souhaits. Mais il lui faut rechercher des fondements. Nous les trouverons, non dans les textes sacrés, qui sont des œuvres humaines sacralisées, ni dans ce qu’en disent les clergés, qui tiennent surtout des discours institutionnels, mais dans les connaissances contemporaines [2].
Néanmoins, le mental « n’arrête pas de resasser le passé pour mieux anticiper le futur [3] ». Cette activité inlassable est le produit de la sélection biologique. En situation d’urgence, mieux vaut une interprêtation approximative provisoire qu’une aporie paralysante. La prospective s’inscrit dans ce mouvement. Elle va au delà de ce qui est fondé. Elle s’autorise une part d’imaginaire sans pour autant quitter la rationalité.
[1] Comme l’écrit très justement l’historienne des religions Danièle Hervieu Léger dans « Le pèlerin et le converti »Champs, Flammarion, 2001.
[2] Compte tenu de l’étendue du champ exploré, il est possible que je me sois arrêté à des interprétations que des recherches que j’ignore mettent en doute ou que des recherches futures conduiront à modifier. Ce qui suit n’est pas une analyse définitive, mais le début d’un cheminement.
[3] Leçon inaugurale de Stanislas Dehaene au Collège de France, le 27 Avril 2006. Si l’on suit cette observation, la prospective serait l’aboutissement naturel du fonctionnement cérébral.
|