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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Serge Genest, “Introduction à l'ethnomédecine. Essai de synthèse”. Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 2, no 3, 1978, pp. 5-28. Numéro intitulé: Ethnomédecine et ethnobotanique. Québec : département d'anthropologie de l'Université Laval.

Serge Genest

Anthropologue, professeur au département d’anthropologie,
Université Laval. 

Introduction à l'ethnomédecine.
Essai de synthèse
”. 

Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 2, no 3, 1978, pp. 5-28. Numéro intitulé: Ethnomédecine et ethnobotanique. Québec : département d'anthropologie de l'Université Laval.

 

Introduction
 
Anthropologie médicale et ethnomédecine
Les dimensions de l'ethnomédecine
Les croyances médicales
Les traitements
Les thérapeutes
Descriptions de maladies et contextes sociaux
 
Conclusion
 
Bibliographie

 

Introduction

 

On a tôt fait de constater, en parcourant la littérature d'intérêt général et théorique sur l'ethnomédecine, que les écrits en langue française font gravement défaut. On court même peu de risque en affirmant qu'il n'y en a pratiquement aucun. C'est à combler ce vide que le présent article entend contribuer. 

S'atteler à pareille tâche paraîtra sans doute prétentieux. C'est pourquoi il importe de préciser dès le départ les limites dans lesquelles s'inscrit ce travail. Tout d'abord, même si le but de cet article en est un d'introduction et de synthèse, il ne prétend pas couvrir toute la littérature du domaine de l'ethnomédecine, encore moins de l'anthropologie médicale (traduction littérale de l'expression "medical anthropology" apparue au début des années soixante dans la littérature américaine). Chacun repérera des lacunes qu'il jugera importantes dans telle aire géographique ou sur tel thème. Par exemple, les amérindianistes seront déçus de ne pas trouver de références à une littérature descriptive pourtant abondante. De même, les spécialistes de la psychologie interculturelle considéreront peut-être qu'un bien mauvais sort est fait à un secteur de recherche fort développé par ailleurs, en particulier en Afrique noire. 

Qu'on ne se méprenne pas cependant. La démarche proposée ici vise à qualifier le champ de l'ethnomédecine par rapport aux autres groupes en anthropologie médicale et à présenter les axes majeurs de son contenu. Une telle approche ne saurait être qu'éclectique. Néanmoins, cette introduction vise à présenter les grandes lignes - et quelques travaux marquants - du champ à l'étude : le cadre général du développement de la recherche en ethnomédecine. Cette préoccupation, plutôt qu'une énumération exhaustive de type bibliographique, guidera la progression de ce texte. 

Bien sûr, de remarquables travaux ethnographiques sur les médecines non occidentales existent, de même que des réflexions théoriques sur l'un ou l'autre aspect de ce domaine de recherche. Mais il faut admettre l'absence de présentation synthétique générale d'introduction à l'ethnomédecine en langue française. 

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'expression couramment utilisée pour parler de ce vaste secteur de recherche provient du vocabulaire anglais. Timidement dans les années cinquante, puis avec un accroissement marqué dans les années soixante et encore davantage dans la présente décennie, les Américains en particulier ont considérablement développé les recherches en anthropologie médicale, autant sur le plan ethnographique que théorique. Les analyses d'anthropologie médicale ont pris une ampleur telle que des départements d'anthropologie en ont fait un champ de recherche privilégié. Landy (1977) présente un historique assez élaboré du développement de l'anthropologie médicale (aux Etats-Unis) dans l'introduction de Culture, Disease and Healing. 

Donc, un développement relativement récent de cette sous-discipline chez les anthropologues américains pourtant grands producteurs dans ce domaine. Il convient cependant de ne pas ignorer deux choses. D'abord, il faut songer que des intérêts individuels ont conduit certains chercheurs à publier des travaux sur les pratiques médicales étrangères au contexte savant occidental. La monographie de Forrest Clements, Primitive Concepts of Disease, parue en 1932, entre dans cette catégorie. Ensuite, l'ethnographie des premiers anthropologues, voire des premiers explorateurs-conquérants des terres lointaines (c'est-à-dire éloignées de l'Europe d'alors) renfermait parfois des indications sur un certain nombre de coutumes thérapeutiques colligées par ces personnes au même titre que tout autre élément "exotique". Le caractère Il magique" de ces coutumes frappait en particulier l'imagination des voyageurs occidentaux. Un des premiers anthropologues à avoir fait systématiquement référence aux pratiques médicales fut Rivers qui écrivit un ouvrage publié après sa mort, Medecine, Magic and Religion (1924). 

Sans vouloir entreprendre ici un relevé exhaustif de tous les travaux des pionniers dans le domaine [1], il importe de faire référence aux analyses de Erwin Ackerknecht, médecin venu à l'anthropologie et influencé par les travaux du courant "culture et personnalité" (surtout par ceux de Ruth Benedict) des années trente et quarante aux Etats-Unis. Une série d'articles publiés dans les années quarante font paraître Ackerknecht comme un des pionniers en matière de réflexion générale sur les systèmes médicaux "primitifs" [2]. Un fait intéressant à noter au passage : que Ackerknecht ait été amené à se familiariser avec l'anthropologie pour traiter de pratiques médicales non occidentales annonçait déjà le caractère nécessairement multidisciplinaire que devrait revêtir toute étude sur la médecine. 

Quant aux premiers relevés "ethnographiques", il semblait aller de soi qu'y figurent des coutumes "étranges" et, chose significative, que les rituels thérapeutiques retiennent l'attention par leur caractère dramatique (dans le sens théâtral) et soient classés avec toutes les manifestations religieuses. Cette conception de la médecine non occidentale continue d'influencer le discours des anthropologues en particulier. C'est souvent sous la rubrique religion qu'on trouve des références en matière thérapeutique. 

Somme toute, ce domaine de l'activité anthropologique est à la fois ancien et nouveau. Ancien par certaines descriptions de croyances et de pratiques thérapeutiques ; nouveau par les analyses en profondeur et les synthèses produites depuis quinze ou vingt ans. Par ailleurs, on aurait tort d'assimiler l'analyse ethnomédicale uniquement à l'examen des thérapies et des maladies dans des contextes non occidentaux, même s'il faut reconnaître que le poids de l'histoire agit dans ce sens. À une époque où les institutions médicales occidentales subissent des critiques répétées [3], l'ethnomédecine ne reçoit-elle pas par ce biais une impulsion nouvelle qui expliquerait en partie la production croissante dans ce domaine ? Il y aurait là d'ailleurs une excellente occasion d'élargir le concept et aussi l'analyse à des systèmes médicaux qui lui ont jusqu'à maintenant plus ou moins échappé, en particulier la tradition occidentale. Dans un tel contexte, l'introduction de l'ethnomédecine dans la littérature anthropologique d'expression française semble nécessaire. 

Cette introduction conserve un certain flou dans la présentation de l'anthropologie médicale et de l'ethnomédecine et évite d'entreprendre une définition prématurée de ce champ. C'est précisément ce en quoi vont consister les paragraphes qui suivent. Pour parvenir à circonscrire l'ethnomédecine il faut la replacer par rapport aux autres secteurs qui figurent dans le domaine de l'anthropologie médicale. Il s'agira, si l'on veut, d'une définition de "l'extérieur", exclusive, indiquant ce que l'ethnomédecine n'est pas. Puis, la discussion portera ensuite sur la description de ses principales dimensions ou approches. Définition de "l'intérieur", qui indiquera ce qui caractérise ce type d'analyse.

 

Anthropologie médicale
et ethnomédecine 
[
4]

 

Plusieurs auteurs ont fourni des précisions sur les différentes subdivisions de l'anthropologie médicale (cf. Lieban 1974, Fabrega 1972). Il est aisé de penser qu'on puisse multiplier les catégories à incorporer à un tel ensemble du fait même de l'ampleur de ses visées. L'expression même d'anthropologie médicale constitue un indice de ce qu'on entend couvrir : le social et le médical (physique et psychique). Contentons-nous donc de réunir, à la suite de Colson et Selby (1974), les recherches sous trois rubriques, la quatrième étant l'ethnomédecine. 

Il y a tout d'abord l'épidémiologie, aussi nommée écologie médicale [5]. Il s'agit essentiellement de l'ensemble des corrélations qu'on peut songer à établir entre certaines coutumes, certains environnements et les maladies qui s'y trouvent à l'état endémique ou y apparaissent par vagues épidémiques. Ce type d'analyse renvoie en bonne partie à des travaux de fréquence d'apparition et de distribution de tel ou tel aspect de morbidité affectant un groupe et offrant à l'observateur l'opportunité de le noter et d'entreprendre son analyse. C'est en référence aux critères bio-médicaux occidentaux que sont effectués ces travaux. Fabrega (1972) fait un rapide compte rendu des principaux ouvrages parus dans ce domaine dans la décennie qui précède la publication de son article, renvoyant à la synthèse de Scotch, également publiée dans Biennial Review of Anthropology, mais en 1963, pour compléter le tour d'horizon des autres références principales. 

Les études à caractère épidémiologique abondent et constituent peut-être un des aspects privilégiés pour parler d'anthropologie médicale. En plus de la dimension simplement statistique de l'apparition de telle ou telle maladie en fonction de certains paramètres écologiques, des études ont mis un accent considérable sur les facteurs sociologiques susceptibles de rendre compte de l'importance, de la persistance, voire de la recrudescence de certaines affections. C'est ainsi qu'on a pu inférer (sans toutefois prouver) la relation entre le cancer de la bouche et le fait de mâcher du bétel (Fabrega 1972 :203). De même, une recherche sur l'apparition ou la réapparition de la malaria dans une population a fait ressortir que le fait d'avoir déplacé ces gens avait engendré une série de modifications dans leur mode de vie, y compris la morbidité. Passer de la vie en montagne avec habitation à étages à l'intérieur de laquelle on cuisait la nourriture à une vie en plaine avec maison à même le sol et cuisson des aliments à l'extérieur, a suffi à fournir les conditions pour que les moustiques ne soient plus décimés d'une part et que les gens ne possèdent plus les mécanismes de protection (stabulation des animaux, cuisson à l'intérieur) contre l'anophèle. 

On pourrait multiplier les exemples d'études d'épidémiologie "sociale", mais ce qui précède devrait permettre de saisir le type d'explications qu'elles privilégient. 

Un autre champ qu'on trouve en anthropologie médicale, ce sont les recherches sur les soins en institution (health care delivery systems). Ces études touchent tout aussi bien les institutions comme organisations que le personnel ou les programmes mis de l'avant dans le traitement et la prévention des affections diverses. Encore une fois, nous sommes en présence d'un champ de recherche qui a drainé passablement d'énergies et qui continue de le faire. On peut même avancer que la sociologie médicale s'est de son côté orientée presque exclusivement vers ces questions. Les anthropologues, préoccupés eux aussi par le fonctionnement de ces structures médicales se sont penchés entre autres sur les réactions des patients face à l'organisation des soins ou encore sur les relations entre le personnel médical considéré comme hiérarchiquement subalterne (v.g. infirmières, nutritionistes) et les patrons (médecins) ou les patients. Évaluations de programmes de formation du personnel médical, examen des effets sur les populations et sur le personnel médical de situations de contact de systèmes médicaux différents et bien d'autres ont également fait l'objet des recherches anthropologiques. Les hôpitaux psychiatriques ont également constitué un lieu privilégié d'intervention des anthropologues dès le début des années cinquante. On se rappellera les travaux de Leighton et de son équipe. 

Cet aspect de l'anthropologie médicale se situe d'emblée dans le courant qualifié d'anthropologie appliquée. La plupart du temps les travaux effectués à l'intérieur des institutions médicales (v.g. hôpitaux) ou en fonction des politiques de planification en matière de santé ont visé à apporter des solutions à des problèmes spécifiques ou, plus globalement, à repenser l'économie générale de cette planification. 

Le dernier champ d'activité faisant partie du domaine de l'anthropologie médicale, se rapproche sensiblement du précédent à la fois par ses intérêts et aussi par sa dimension d'intervention sur les phénomènes observés. Il s'agit des recherches sur les problèmes de santé de façon plus générale. Pour reprendre les termes de la définition de ces activités de Colson et Selby :

 

Par recherche sur les problèmes de santé, nous entendons ou bien les efforts d'explication consentis aux besoins en santé d'une population spécifique (v.g. les personnes âgées) qui implique quelques paramètres socio-culturels majeurs dans sa définition, ou bien l'étude de problèmes de santé contemporains mettant en cause un aspect explicite du comportement (v.g. la toxicomanie).
 
1974 : 250 [6]

 

Comme on peut le constater, ces études se tournent vers des phénomènes liés aux sociétés industrielles contemporaines et diffèrent des précédentes par la moindre implication du chercheur vis-à-vis son objet de recherche. Dans le cas des travaux auprès des institutions de santé, le chercheur est extérieur au groupe mais désire explicitement intervenir sur la situation. 

En fait, la remarque générale qui s'impose à propos des deux derniers champs d'étude, c'est qu'ils s'attachent aux situations et phénomènes de sociétés occidentales dans la presque totalité des cas d'une part, et que les analyses sont orientées en vue de modifier les comportements d'autre part. Bien que l'écologie médicale et l'ethnomédecine - les deux autres champs de l'anthropologie médicale retenus ici - puissent afficher des intérêts analogues, leur premier souci est plus théorique d'une certaine manière. 

Maintenant que les autres champs de l'anthropologie médicale sont dégagés, le temps est venu de procéder à l'examen des différentes dimensions de l'ethnomédecine, de ce qui la caractérise.

 

Les dimensions de l'ethnomédecine

 

Il faut entendre "dimensions" dans une acceptation élargie. Une telle position semble justifiée par les axes divers qui entrent dans la définition de l'ethnomédecine. Grossièrement, ils peuvent se ramener à trois. Mais ils ne renvoient pas au même "niveau". Le premier porte d'une certaine façon sur une vision globale des composantes généralement reconnues dans les systèmes médicaux non occidentaux : biologique, psychologique et sociale. Ces trois aspects apparaissent autant en rapport avec la conception de la maladie qu'avec le traitement qui lui est rattaché. Le second axe découpe la réalité médicale selon l'orientation première des disciplines qui en font leur objet : empirique (v.g. la pharmacie), symbolique (v.g. l'anthropologie), ethnoscientifique (v.g. la botanique). Enfin, on reconnaît à l'ethnomédecine un contenu qui peut se diviser de la manière suivante : les croyances médicales, les traitements, les thérapeutes, les descriptions des maladies et les contextes dans lesquels elles apparaissent. 

Chacun de ces découpages, en particulier le dernier, présente un caractère relativement arbitraire. Le premier axe étant peut-être celui qui offre le moins de variation. De plus, même en conservant ces catégories intactes, leur contenu peut fluctuer selon les auteurs. L'examen des dimensions de l'ethnomédecine s'effectuera à partir du contenu de cette dernière, tel que spécifié plus haut. 

Précisons maintenant que la définition de l'ethnomédecine n'entend pas uniquement les pratiques et les croyances autrefois taxées de primitives mais tout comportement relatif à la maladie et à son traitement. Il convient en effet de lever dès maintenant toute ambiguïté au sujet de ce terme parfois employé - consciemment ou inconsciemment - dans un sens péjoratif et ressenti comme tel par les représentants des populations non occidentales. Il est historiquement exact que le mot ait servi à qualifier les médecines autres que la médecine savante occidentale, étalon "scientifique" auquel toutes les autres manières d'être en ce domaine se mesuraient. Il fallait penser de façon "commode" les autres médecines (ou la médecine des autres) par rapport à celle dont étaient porteurs les observateurs de ces traditions. Or on sait que de telles dichotomies masquent souvent des réalités beaucoup plus diversifiées. 

Il est désormais admis que les médecines "ethniques" comprennent un volet "populaire" (volk medicin) [7] et un volet "savant". De la même façon, la tradition médicale occidentale connaît elle aussi une dimension populaire et une autre savante. Polgar (1962) distingue la "culture professionnelle" et la "culture populaire" en matière de santé. Il regroupe sous l'épithète Il culture professionnelle de la santé" toutes les valeurs et les pratiques de la médecine occidentale de même que les thérapeutes hautement formés des systèmes médicaux "indigènes" de l'Asie. La "culture populaire de la santé" revient aux praticiens des médecines populaires et aux médecines savantes non occidentales (cité dans Lieban 1974 : 1043). Il faudrait, à notre avis, envisager la recherche ethnomédicale autant dans le monde occidental qu'ailleurs et tout aussi bien la médecine populaire que la médecine savante dans chaque cas. La pratique médicale savante québécoise (ou nord-américaine) par exemple s'inscrit tout autant dans le cadre des analyses de l'ethnomédecine que les activités des thérapeutes subanun de l'île de Mindanao. 

Ces considérations générales ainsi posées, il reste à développer chaque aspect du contenu des analyses ethnomédicales : les croyances médicales, les traitements, les thérapeutes, les descriptions de maladies et les contextes médicaux.  

 

Les croyances médicales

 

Le danger est toujours présent, lorsqu'on aborde les croyances dans le domaine médical, d'y inclure tous les renseignements disponibles. Somme toute, d'établir une adéquation entre l'ethnomédecine comme telle et les croyances. Il n'est pourtant pas sans intérêt, du moins à des fins analytiques, de faire des croyances une partie seulement du contenu des études ethnomédicales. On comprend néanmoins que, comme les systèmes de croyances ne doivent se définir que par rapport àun contexte social spécifique, ils représentent dans leur essence même la préoccupation première des études d'ethnomédecine. 

Non seulement les croyances varient avec les sociétés, mais encore il se trouve des situations dans lesquelles la signification retenue dans un contexte social donné s'entend de façon tout à fait contraire dans un autre. Autrement dit la notion de maladie [8] revêt un caractère relatif. On pense immédiatement à des exemples souvent cités dans la littérature. Ainsi, chez les Thonga d'Afrique de l'Est, les vers intestinaux sont tellement fréquents qu'ils sont considérés comme nécessaires à la digestion. De la même façon, une forme de spirochétose occasionnant des déformations physiques avait une telle fréquence d'apparition chez les Indiens du Nord de l'Amazone que ceux qui ne présentaient pas ces caractéristiques (alors définis comme normaux selon les critères bio-médicaux) étaient traités comme cas pathologiques au point de ne pas trouver à se marier (Ackerknecht 1971 : 141). Les exemples abondent qui insistent sur la variabilité de la signification des maladies en fonction du contexte culturel. 

Sur un autre plan, on écrit souvent que le peu de développement de la chirurgie dans les sociétés non occidentales est lié à des croyances insistant sur la nécessité de passer chez les ancêtres avec son intégrité corporelle. Ainsi, toute pratique visant à amputer une partie du corps ou à modifier l'état physique habituel d'un individu devait être éliminée. Une telle analyse vaut probablement pour les sociétés dans lesquelles le système de croyances supporte ce genre de pratique. Il ne faut pourtant pas omettre de mentionner que certains groupes ont été reconnus pour leur utilisation de la chirurgie. On a même développé l'explication que les populations de chasseurs, familières avec le dépeçage des animaux avaient acquis de plus grandes connaissances de l'anatomie et de meilleures habiletés sur le plan chirurgical. Parmi les exemples les plus connus de réussites dans les pratiques chirurgicales, on signale les Aléoutes (Laughlin 1963), les Masai de l'est africain (Ackerknecht 1971, paru pour la première fois en 1947). Mais toutes les populations de chasseurs n'ont pas investi de la même manière dans ce secteur. Ceci pour signaler au passage que, autant dans les croyances que dans les pratiques, les études comparatives permettent le repérage de tendances dominantes plutôt que l'élaboration de généralisations qui ne souffriraient pas d'exceptions. 

Un autre exemple relié aux croyances relatives à la maladie et qui revient souvent dans la littérature porte sur la conception des différentes parties du corps. Encore une fois, il faudrait inventorier toutes les descriptions ethnographiques pour produire une synthèse valable sur ce seul aspect. Pour ne citer qu'un cas, à titre indicatif, de la façon dont la conception des diverses parties du corps affecte la nosologie, les Beti du Cameroun Il considèrent le coeur comme le siège de l'intelligence. L'homme aliéné est un homme sans intelligence. L'aliénation mentale est donc considérée comme une affection cardiaque" (Mallart 1977 : 75). 

Il faudrait ajouter les développements remarquables de la pensée bambara sur les rapports entre la conception du corps et l'ensemble du système symbolique ou des institutions de cette société. Bien que Zahan (1960) se soit préoccupé davantage de la cosmogonie de cette population du Mali que de ses croyances médicales, il s'agit là d'un discours très élaboré sur le corps et il faut penser qu'une étude spécifique sur la maladie chez les Bambara permettrait de retracer les liens entre les deux. Il est dommage que le travail de Imperato (1977) ne comble pas ce vide. 

L'énumération précédente ne vise pas à renforcer les préjugés sur le caractère apparemment insolite de certaines coutumes médicales. Son intérêt consiste d'abord à bien établir que le système des croyances est un tout qui a sa logique propre selon chaque société et qu'il conditionne l'ensemble des comportements en matière médicale comme ailleurs. Dans ce sens, certaines pratiques médicales occidentales ne devraient pas échapper à ce genre d'analyse. 

Si les maladies "physiques" sont liées à l'ensemble des croyances qui existent à l'intérieur d'une société, que dire des maladies "mentales". Ici plus que n'importe où ailleurs, les chercheurs ont tenté d'interpréter les comportements en fonction du milieu culturel. Les multiples ouvrages sur la psychologie ou la psychiatrie transculturelles en font foi (v.g. Kiev 1972, Price-Williams 1969). D'ailleurs, il s'en trouverait plus d'un pour faire de l'ethnopsychologie un secteur indépendant de l'ethnomédecine. Pourtant, si l'on admet le principe de l'interrelation des composantes physique, psychique et sociale dans la détermination de la maladie, il n'est pas aisé de soutenir pareille position. 

Quand on songe à la masse de documentation que les études des phénomènes de transe, de possession, de divination représentent dans la littérature anthropologique, sociologique ou psychologique, il est facile de comprendre pourquoi certains associent plus ou moins consciemment toute analyse des comportements médicaux à ce seul aspect. Les manifestations de transe et de possession en particulier retiennent l'attention depuis fort longtemps. Le vaudou haïtien, les cultes zar de l'Éthiopie, les bori du Nigeria, le chamanisme sibérien et bien d'autres font maintenant partie des références usuelles en ce domaine. Psychologues, psychiatres et anthropologues ont souvent fait de ces comportements ou des maladies mentales connues sous leur éclairage familier aux thérapeutes occidentaux un lieu privilégié de compréhension de la maladie dans et par le contexte sociologique plus général. 

Si l'on voulait résumer à grands traits les "attitudes" des chercheurs en ethnomédecine, elles se ramènent grossièrement à deux, présentant chacune un éclairage particulier. Il y a les "empiristes" (le plus souvent pharmaciens, médecins ou chimistes) qui trouvent confirmation de l'efficacité des médecines non occidentales spécialement dans la phytothérapie. Les Il symbolistes", eux, insistent sur le rituel thérapeutique et ses effets curatifs par des manipulations reliées à la connaissance du psychique et du social des patients. 

Deux citations empruntées au même ouvrage (Galdston 1963) mais provenant de collaborateurs différents caractérisent bien les points de vue. Pour Bidney :

 

La médecine primitive est en grande partie une médecine spirituelle et se fonde sur la primauté des maladies de l'âme. Les maladies corporelles sont considérées comme des symptômes des maladies de l'âme. D'où il s'ensuit que, lors du traitement, le chaman ou le guérisseur (medicine man) s'attaque à l'âme d'abord et accessoirement au corps.
1963 : 144

 

De son côté, Laughlin affirme :

 

La médecine primitive contient une mine de connaissances empiriques. Intégrés à un corpus varié de techniques, de procédures et de croyances, on trouve plusieurs éléments (strands) d'approche pragmatique, de tests comparatifs et de traitements efficaces pour la restauration et la poursuite du bien-être de l'organisme humain. 
1963 : 116

 

Ackerknecht, plus subtilement, reconnaissait que le caractère magique si souvent accolé à la médecine "primitive" se trouvait également présent dans la médecine occidentale. Mais il précisait que "les éléments de magie dans notre médecine reposent lourdement (overwhelmingly) du côté du patient" (1971 : 21). 

Il semble juste de conclure, à la lumière des recherches menées dans différents contextes, que l'une ou l'autre option est privilégiée la plupart du temps en fonction de la formation de l'auteur de l'analyse (d'où l'intérêt de la multidisciplinarité). Ce qui n'empêche pas Young de se tourner du côté des croyances comme telles pour chercher une explication aux comportements. Pour lui, il n'y a pas de différence fondamentale dans la façon dont se construit la conception de la maladie entre la société occidentale et les autres. C'est plutôt du côté de l'affirmation d'un ordre ontologique divergent que la réponse se trouve.

 

Pendant que l'un (l'ordre ontologique traditionnel) met de l'avant un cosmos centré sur l'homme aux prises avec des forces anthropomorphes, l'autre (l'ordre ontologique occidental) va vers une conception de l'homme autonome dans un univers indifférent. 
1976 : 19

 

Somme toute, qu'on mette l'accent sur le point de vue des observateurs ou sur une réflexion générale sur la nature de l'être humain dans chacune des sociétés, l'efficacité des thérapies est en cause. Le traitement apparaît déjà au centre de l'analyse.

 

Les traitements

 

Il en va de l'inventaire des formes de traitement comme des croyances. C'est en se tournant du côté des comptes rendus ethnographiques que la richesse des ressources dans ce domaine ressort le plus nettement. C'est également à cette dimension la plus immédiatement tangible que l'on réduit souvent les pratiques médicales. Ce n'est rien pour étonner. D'une part les traitements constituent des informations "palpables" sur un système médical ; d'autre part, ces actes visent expressément la guérison du malade et l'importance de ce but entraîne la réduction des comportements à cette seule dimension. Enfin, toute la discussion autour des deux pôles "empiriste" et "symboliste" et sur l'efficacité des pratiques médicales en-dehors du schéma dominant de la tradition savante occidentale prend appui sur le traitement. 

Alors que les systèmes de croyances manifestent une variabilité assez étonnante, les techniques thérapeutiques se laissent malgré tout plus aisément cerner. Il faut bien comprendre ici que les façons d'accomplir un rituel thérapeutique destiné à réinsérer le double ou l'âme d'une personne manifestant des symptômes d'état dépressif généralisé : perte d'appétit, amaigrissement, fatigue permanente, peuvent être nombreuses. Il n'en reste pas moins que nous sommes en face d'une seule "catégorie" de traitement. 

À partir de la remarque précédente, il est possible d'affirmer que les traitements varient en nombre moindre que les croyances dans le domaine médical. Les techniques les plus fréquemment utilisées dans la médecine non-occidentale sont : la saignée, la pose de ventouses, les massages, la suée (ou "suerie"), l'acupuncture, la moxibustion, la réduction de fractures, la trépanation, des chirurgies diverses (v.g. césarienne), les scarifications avec pose de ventouses ou application de plantes réduites en poudre [9]. 

Si les techniques médicales non occidentales ont connu plusieurs descriptions, que dire des pharmacopées ! Ainsi, le registre fort étendu des plantes médicinales des populations de l'Afrique de l'Ouest a fait et continue de faire l'objet de nombreuses recherches [10]. Il est accepté que 25% à 50% des plantes utilisées à des fins médicales selon les traditions ancestrales présentent des propriétés thérapeutiques (Hughes 1968 : 90). D'ailleurs, la tradition pharmaceutique savante occidentale puise aux mêmes racines, si l'on nous permet l'expression. La liste des médicaments d'usage courant dans le traitement des maladies en Europe et en Amérique est un indice précis de la reconnaissance des succès pharmacologiques de diverses populations. Quelques exemples les plus connus méritent d'être cités. La picrotine, stimulant du système respiratoire, la strophantine pour les maladies cardiaques, l'émétine pour la dysenterie amibienne ont été empruntées à la médecine indienne comme le souligne Ackerknecht avant d'ajouter que les préparations saléciliques contre les rhumatismes étaient en usage chez les Hottentots probablement avant qu'elles ne soient répandues en Occident (Ackerknecht 1971 : 17). L'eucalyptus, le quinquina, la coca, le chanvre, l'opium constituent autant de produits dont les propriétés ont été redécouvertes par les pharmaciens occidentaux alors qu'elles avaient déjà été expérimentées depuis longtemps. 

Diverses parties de la plante (tige, feuille, racine), ou sa totalité peuvent servir selon les besoins. Les techniques de préparation et d'utilisation varient aussi : macération, décoction, torréfaction, infusion, fumigation et ainsi de suite. Vomitifs, abortifs, galactogènes, purgatifs, tanins, fébrifuges et autres entrent dans la pharmacopée usuelle des populations qui se sont préoccupées des propriétés médicinales des plantes. 

C'est sûrement dans ce secteur que les "empiristes" ont pu travailler avec le plus d'aisance. Il y a là également matière à collaboration entre plusieurs disciplines : pharmacie, botanique, chimie ou microbiologie pour n'en nommer que quelques-unes. La cueillette d'informations a été fort abondante. Comme déjà souligné, les premières descriptions de traitements de maladies remontent assez loin dans le temps et, dès le début, l'utilisation des plantes fut reconnue et mentionnée. Ce travail a donné lieu à une kyrielle de recueils de "recettes" partout à travers la planète. Il a cependant fallu attendre la deuxième moitié du XXe siècle et même davantage pour que des synthèses originales soient écrites. Un bel exemple de longues années de travail dans le domaine de la phytothérapie nous est donné par le livre de Kerharo et Adam, paru en 1974 et portant le titre : La pharmacopée sénégalaise traditionnelle. Bien qu'à vocation "régionale", ce volume intéresse par la méthode d'exposition des données et aussi parce qu'il implique une connaissance approfondie et quasi-encyclopédique qui dépasse largement les frontières présentées par son titre. 

Par ailleurs, on a parfois tendance à réduire l'ethnobotanique au seul aspect de la connaissance des plantes médicinales. Le sujet est beaucoup plus vaste, il va sans dire. Sans entrer dans des détails qui nous conduiraient fort loin des limites du présent exposé, il n'est peut-être pas inutile de souligner certains aspects de l'ethnobotanique ayant quelque influence en ethnomédecine. 

C'est le cas en particulier de l'ethnoscience. Pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers avec ce courant de l'anthropologie américaine qui s'est surtout développé dans les années soixante, disons simplement que c'est en se servant du langage comme moyen de pénétration et d'interprétation des systèmes de classification que les ethnoscientifiques procèdent. Lévi-Strauss a un peu suivi cette démarche avec la Pensée sauvage (mais pour dégager des principes généraux plutôt que de s'attaquer à une ethnographie de façon systématique). 

Parmi les catégories les plus facilement repérables, il y avait les plantes, les animaux, les couleurs : autant de sujets qui ont permis le développement de perspectives théoriques [11]. Bien sûr, les botanistes n'avaient pas attendu les ethnoscientifiques pour recenser le couvert végétal de différentes parties du monde et pour s'intéresser aux plantes jugées utiles dans chaque société. Néanmoins, c'est à ces derniers que revient d'avoir travaillé systématiquement à l'établissement de systèmes classificatoires et des principes sur lesquels ils se fondent. Les plantes médicinales sont donc comprises dans ces inventaires. 

Un bel exemple de la méthodologie empruntée par les ethnoscientifiques et de la nécessité de la multidisciplinarité devant un tel sujet apparaît dans la publication de Berlin, Breedlove et Raven : The Principles of Tzeltal Plant Classification. Fruit d'une quinzaine d'années de recherche et de collaboration entre deux botanistes et un anthropologue, et bien que se rapportant à une population précise : les Tzeltal du Chiapas au Mexique, cet ouvrage se présente comme un prototype du genre de traitement que les ethnoscientifiques font de leurs données [12]. De ce point de vue, il mérite une attention tout à fait particulière. 

La posologie, directement reliée à la pharmacopée, à l'intérieur du traitement, n'a jamais fait, à notre connaissance, l'objet d'un examen complet et systématique dans la littérature scientifique. Tout au plus y fait-on allusion dans certains textes descriptifs. Un commentaire revient pourtant fréquemment : les thérapeutes qui n'ont pas été exposés à la rigueur "grammétrique" du laboratoire occidental connaissent de nombreuses difficultés de ce côté et ne possèdent qu'une idée très limitée du contrôle nécessaire dans la prescription. 

Étant donné le manque d'information précise à ce sujet, il est difficile de donner suite à un tel jugement dans un sens ou dans l'autre. Il convient néanmoins de souligner que les thérapeutes qui font usage de plantes curatives ont été à même de constater que l'absorption de certains médicaments en plus ou moins grande quantité a des effets inverses. A forte dose, certains astringents peuvent devenir laxatifs, certains calmants excitants et ainsi de suite. De tels faits font penser qu'il faudrait creuser la question pour aller au delà de la simple impression. 

Jusqu'à maintenant, les éléments les plus perceptibles des traitements thérapeutiques ont retenu l'attention. D'autres techniques qui "décollent", dirions-nous, du physique, c'est-à-dire de ce qui demeure le plus familier aux spécialistes occidentaux, et qui puisent allègrement aux autres composantes de l'homme : le psychique et le social, existent également et n'ont jamais laissé de préoccuper les observateurs des systèmes médicaux qui en font état. Nous touchons ici un point de rupture en matière de traitement : lieu de relais des "empiristes" par les "symbolistes". Comme des pratiques semblent s'éloigner des réalités tangibles : les plantes ou les manipulations techniques (chirurgie et autres), le médecin savant occidental devient beaucoup plus circonspect devant de telles croyances, de tels traitements et de telles "guérisons". 

Ce n'est un secret pour personne que l'orientation physique et biologique de la médecine savante occidentale a permis des développements et des découvertes originales dans le traitement des maladies. Mais pour être tel qu'il est, ce système a dû renoncer à d'autres systèmes explicatifs. Puisque les croyances font de la maladie quelque chose de physique d'abord et avant tout, le traitement va dans le même sens. Il se présente comme bio-médical. À la limite, on acceptera que le malade somatise, c'est-à-dire qu'il rende compte physiquement de malaises d'un autre ordre : le psychologique. Il a fallu un certain temps avant qu'on y vienne. Aujourd'hui, le psychosomatique ne gêne plus personne. Certains thérapeutes occidentaux iront même jusqu'à affirmer que trois maladies sur quatre trouvent leur source dans le stress et les angoisses de la vie quotidienne des sociétés industrielles. Mais de là à passer du psychique au social, il y a un pas difficile à franchir. Centrée sur le physique individuel, la médecine savante occidentale a consenti à élargir l'étiologie jusqu'au psychique individuel. Au delà de ce seuil, ou bien il n'y a pas réellement maladie (et on ne peut parler de guérison et d'efficacité du traitement) ou bien certains éléments du traitements ont des effets inattendus qui n'ont aucun rapport avec ce qu'ils prétendaient effectuer. 

Il arrive que la transe, phénomène de "dissociation" bien connu dans plusieurs sociétés, apparaisse comme technique thérapeutique. En fait, le rituel est à ce moment cathartique. De Heusch proposera de parler "d'adorcisme" lorsque la transe a des effets bénéfiques et qu'on la recherche pour ces derniers. Autrement, il faudra extirper le mal, pratiquer l'exorcisme (cf. Pouillon 1970 : 91). 

Pour bien marquer le caractère social des maladies affectant certains membres du groupe, il arrive que le thérapeute demande à ce que la collectivité participe au rituel thérapeutique. L'importance de cette participation fluctue selon la gravité de la maladie, le diagnostic posé par le thérapeute ou le devin. C'est sous cette rubrique qu'on range les attaques de sorcellerie ou de magie, les épidémies et les moyens mis en oeuvre pour contrer les effets des actions des puissances maléfiques sur des individus du groupe. Les rituels souvent élaborés font -intervenir plusieurs éléments qui visent tout aussi bien le physique que le psychique du patient en même temps que le retour à la normalité pour le groupe : village ou famille. La littérature anthropologique abonde en comptes rendus de ces pratiques. 

Nous venons tout juste de voir que, dans le cas de certaines maladies, des rituels parfois compliqués sont mis sur pied pour enrayer le mal. Dans ces circonstances, le thérapeute devient un véritable metteur en scène. Il dirige les opérations et chacun des participants s'en remet à son expérience et à ses connaissances. Avec le malade il forme le noyau de base face à la maladie. Dans le contexte bio-médical au contraire, le rôle du patient est réduit au minimum, c'est le discours du thérapeute qui domine. Dans les systèmes à caractère socio-médical, le patient participe davantage à la définition de la situation et, le cas échéant, d'autres personnes y concourent également. Quoi qu'il en soit, force est de constater que chaque fois le thérapeute demeure le personnage principal.

 

Les thérapeutes

 

On ne saurait procéder à l'analyse des systèmes médicaux quels qu'ils soient sans s'arrêter un moment pour parler des thérapeutes. De la même façon que les croyances médicales et les traitements varient selon les contextes socio-culturels, de même ce qui caractérise les thérapeutes en tant qu'individus, leur comportement, leur formation changent selon les systèmes. 

La formation des thérapeutes mérite une attention particulière. Fruit d'une inspiration spontanée ou d'un long apprentissage, l'acquisition des connaissances demeure la base de la reconnaissance par son entourage des qualités de celui qui guérit. Le cheminement apparemment le plus courant étant l'apprentissage à l'intérieur du groupe familial. Peut-être y a-t-il d'ailleurs dans ce portrait une présentation quelque peu stéréotypée. 

On établit généralement tout de suite une distinction entre les médecines védique et chinoise et celles qu'on retrouve sur le continent africain, par exemple. Les observateurs déplorent souvent le fait que le continent africain n'offre pas le même potentiel d'homogénéisation des connaissances parce que les traditions ont trop conservé un caractère régional, voire familial ; alors que l'Inde et la Chine ont réussi à créer un système médical dans lequel la médecine inspirée du milieu servait en harmonie avec celle qui émanait de la tradition savante occidentale. 

Le fait que la médecine védique et la médecine chinoise aient bénéficié d'un système d'écriture comme le système de médecine savante occidentale n'est certes pas étranger à la possibilité de transmission plus homogène des connaissances. Il ne faudrait pas non plus oublier que, à côté de ces traditions plus homogènes, plus près de la médecine "cosmopolite" (autre terme utilisé pour désigner la tradition médicale savante occidentale), d'autres plus populaires, traditionnelles, continuaient d'exister (v.g. Leslie 1976 :401-415). Donc, là aussi un schéma de transmission des connaissances plus "régional" était présent. 

Quand on parle d'apprentissage familial, surgissent immédiatement à l'esprit les schémas de transmission père-fils, mère-fille, occasionnellement mère-fils, grands-parents - petits-enfants, oncle-neveu, tante-nièce. Ce sont là les modèles habituels, et on en fait parfois des modèles quasi exclusifs. Or il n'est pas du tout exclu que, même dans des traditions à caractère familial, les thérapeutes puisent leur formation à des sources fort diversifiées. Il faudrait ajouter que c'est probablement là la règle. Même dans les traditions médicales familiales, le thérapeute acquiert des connaissances en allant vivre dans d'autres régions, parvient parfois à mettre au point de nouveaux médicaments. Les conditions d'apprentissage sont à ce moment moins intéressantes, c'est vrai. Il faut vivre à l'étranger, se familiariser avec les nouvelles pratiques, payer l'acquisition des connaissances sous une forme ou sous une autre. 

C'est particulièrement dans les secteurs de la formation technique et de la phytothérapie que ces mécanismes jouent. Dans d'autres domaines, comme par exemple les maladies psychiques, les rituels thérapeutiques au sens large et la divination : technique qui s'inscrit dans l'ensemble du processus de thérapie, les éléments qui entrent dans le traitement vont chercher leur sens dans le contexte social et culturel et leur manipulation exige une connaissance approfondie et des personnes en cause et des situations. Face à de telles contraintes, il n'y a pas à s'étonner que le traitement de maladies à caractère psychologique ou social revête davantage une dimension régionale. 

La transe, déjà mentionnée précédemment au chapitre des traitements manifeste bien comment, dans certains cas, le processus de sélection et d'apprentissage peut s'avouer réduit. Nous devrions préciser que c'est surtout au niveau du choix de certains individus de la communauté que les mécanismes sont parfois facilement repérables. En effet, comme l'a montré très éloquemment Pouillon (1970) en prenant quelques sociétés africaines comme exemple, c'est dans le "triangle médical" : mal, malade et médecin et ses divers agencements que se trouvent les explications de la position et du rôle du médecin. Le système de croyances sert de matrice aux relations qui s'établissent entre ces trois éléments et explique aussi leur interaction différentielle. 

Il se dégage de l'argument développé par Pouillon que c'est sur le fond de l'ensemble des croyances relatives à la maladie et à son traitement que des individus avec des qualifications particulières installent leur réputation. Mais il faut dire que c'est davantage de la "vocation" dont il est ici question plus que de la formation proprement dite, même si une telle distinction ne ressort pas clairement dans chacun des contextes. 

Même au chapitre de la sélection ou de la "vocation" des candidats, l'ethnographie apprend à se méfier des schémas mécanistes. En effet, même dans la situation d'apprentissage à l'intérieur du milieu familial, quelques principes sont respectés. Celui ou celle qui cherche un successeur dans l'exercice de son métier commence par bien observer les enfants de sa famille (au sens large) de façon à repérer lequel ou laquelle de ces jeunes personnes manifeste le plus d'aptitudes - ceci en fonction de l'appréciation de celui qui juge avec comme effet que l'élu(e) possédera déjà des éléments en commun avec son mentor - et d'intérêt. Pendant le temps nécessaire à cette sélection, des renseignements "généraux" peuvent être dispensés à chacun. Il y a donc à proprement parler spécialisation en vertu de talents reconnus par le maître. 

En résumé, il existe des situations où il suffit d'avoir été soi-même atteint d'une maladie pour ainsi se qualifier, voire prétendre pouvoir traiter ce mal. Mais une fois cette première étape franchie, il faudra encore que le traitement pratiqué sur d'autres personnes atteintes de la même façon s'avère efficace. C'est dans cette pratique que le groupe recrute ces spécialistes. D'ailleurs, la réputation d'un thérapeute n'est jamais définitivement acquise ; il lui faut continuellement faire la preuve de ses connaissances et de son habileté. Quel que soit le système médical en cause, la relation médecin-patient est à ce point un rapport personnel - malgré la coupure que pratique le système médical savant occidental - que s'opère une certaine redistribution des patients entre les thérapeutes sur la base de leur plus ou moins grand succès à combattre le mal dont est affligé la personne qui les consulte. 

La relation médecin-patient fait pénétrer au coeur de toute la pratique médicale. C'est par ce biais qu'on constate le plus facilement la carence de travaux sur l'ensemble des croyances et la pratique médicales dans le monde occidental. Il y a une véritable ethnomédecine des systèmes médicaux occidentaux à entreprendre - y compris le système savant - et un des lieux privilégiés pour le faire serait peut-être la relation médecin-patient. 

On a beaucoup insisté sur la rupture que le système bio-médical avait causée en retirant pour ainsi dire toute forme d'intervention du malade sur sa maladie. Dans la médecine savante occidentale, seul le discours du thérapeute est porteur de sens et de signification. La maladie échappe apparemment totalement au malade. Or la preuve la plus manifeste de cette mise à l'écart du patient se trouverait dans la relation que patient et thérapeute entretiennent dans ce système. Par opposition à la médecine "cosmopolite", les autres médecines privilégieraient le rapport entre le médecin et le malade jusqu'à en faire pratiquement la pierre angulaire de l'édifice médical. 

De telles généralisations risquent toujours de masquer les subtilités du vécu. Néanmoins, elles rendent compte, semble-t-il, des grands traits qui distinguent le système savant occidental et les autres. Pour Fabrega (1975 : 972), le lien qui unit le médecin et le patient se fonde sur le fait que dans les sociétés où la dimension sociale de la maladie constitue un aspect essentiel de sa compréhension, c'est souvent à ce niveau que le malade se sent atteint. La maladie menace également son existence sociale. Cette crainte entraînerait comme effet d'affermir le lien entre le thérapeute et son patient, voire de rendre ce dernier passablement dépendant de l'autre. 

Il faut se demander si une telle argumentation appliquée aux relations médecin-patient dans les systèmes non occidentaux ne trouverait pas la même confirmation dans le système savant occidental malgré la portée réduite du social reconnu à la maladie comme telle.
  

Descriptions de maladies
et contextes sociaux

 

On classe sous cet intitulé les études à caractère monographique centrées sur les maladies directement reliées à des contextes socio-culturels donnés. On y range également les recherches effectuées dans des milieux hétérogènes, comme les centres urbains, et qui dérivent des situations de "pluralisme" en matière médicale : les comportements des malades en fonction des choix qui leur sont offerts pour le traitement de leur maladie. 

Fabrega fait un énoncé général qui résume assez bien le sens des remarques portant sur les maladies et les contextes dans lesquels elles apparaissent et qui oriente leur interprétation. Il écrit :

 

L'information extraite de la manifestation d'une affection reflète le fonctionnement du système médical d'un groupe et elle conditionne également le type de problèmes qui apparaissent dans ce système.
 
1975 : 971

 

Cet auteur fait clairement ressortir l'interaction qui existe entre ce qui peut être dit sur chacune des affections qui apparaît dans une société en même temps que les limites que ce système apporte dans la définition des différentes affections. C'est reprendre, d'une certaine manière, une affirmation de Ackerknecht pour qui la fréquence d'apparition de certaines affections (v.g. les troubles gynécologiques, les rhumatismes, les problèmes respiratoires) déterminait en quelque sorte le discours que les groupes concernés pouvaient avoir sur les maladies (1971 : 27). 

La maladie susto compte parmi les descriptions les plus souvent mentionnées pour donner un exemple de maladies culturellement définies. Ce syndrome apparaît chez les Indiens et les non-Indiens de l'Amérique latine de même que chez les hispanophones des Etats-Unis. Il est généralement décrit comme une perte d'appétit, un désintéressement dans l'hygiène corporelle, un état dépressif, un besoin de sommeil continu. Les recherches effectuées sur ce syndrome ont été nombreuses. Rubel a fait l'hypothèse que la maladie se manifestait lorsqu'un individu se voyait dans l'impossibilité de remplir les attentes auxquelles le groupe le soumettait. Il s'ensuivait un état de stress violent. O'Nell et Selby ont travaillé dans deux communautés zapotèques et ont découvert que la fréquence de la maladie était plus grande chez les femmes que chez les hommes parce qu'elles se trouvaient soumises à plus de situations de contrainte que les hommes et que leurs moyens d'évacuer les tensions ainsi engendrées étaient moins nombreux (cf. Lieban 1973 : 1049). 

Travaillant dans la perspective de l'ethnoscience, Frake a tenté de montrer comment les affections de la peau donnaient lieu à un système de classification élaboré et a présenté les situations diverses dans lesquelles les Subanun de l'île de Mindanao jugeaient cette maladie importante. En fait, comme le remarque Lieban, le principe général présent dans la démonstration de Frake, c'est que plus il y a de contextes à l'intérieur desquels doit être communiquée une information, plus grande sera la discrimination entre les différents niveaux d'opposition (levels of contrast des ethnoscientifiques) ayant trait à cette information (Lieban 1973 : 1047). Quoi qu'il en soit de cette argumentation théorique, retenons simplement pour les besoins de cet exposé que c'est en rattachant le discours sur les maladies au contexte élargi de la société subanun qu'il prend un sens ; et inversement, une analyse de cette dernière serait tronquée si les croyances médicales en étaient exclues. 

Les analyses des systèmes médicaux dans les situations de contact ou de "pluralisme", comme on les nomme parfois, se font de plus en plus nombreuses. Elles iront même en augmentant si l'on considère que très peu de sociétés n'ont pas été exposées à la médecine savante occidentale. Elles touchent soit les rapports entre les médecines comme corps constitués ou institutions, soit les interactions entre les thérapeutes ou encore les stratégies des patients devant un éventail nouveau de possibilités de traitement. 

En distinguant entre "médecines" et "pratiques", Nancy Gonzalez (1966) a voulu rendre compte précisément des comportements des patients dans leur recherche de la guérison. Pour elle, les Guatémaltèques admettent volontiers l'efficacité des médecines prescrites par les praticiens de la médecine savante occidentale, mais leur souci d'obtenir guérison fait qu'ils se dirigeront aussi du côté des thérapeutes oeuvrant à partir de la médecine ancestrale parce que leurs "pratiques", c'est-à-dire les gestes qu'ils posent, possèdent elles aussi leur efficacité. 

D'autres études comme celles de Una MacLean au Nigeria tentent également de rendre compte de la variété des comportements dans la poursuite de traitements efficaces. S'appuyant sur ses recherches menées en particulier à Ibadan, MacLean a décelé pas moins de quatre systèmes médicaux susceptibles d'être utilisés par les habitants de cette ville : la médecine traditionnelle yoruba, la médecine "européenne", la médecine hausa et finalement ce qu'elle qualifie de guérison par la foi (faith healing). Le recours à tel ou tel système peut s'effectuer en fonction de la maladie en cause, à partir de la connaissance que le malade a des croyances qui sous-tendent l'une ou l'autre pratique médicale, ou tout simplement par épuisement successif des possibilités offertes lorsque le patient ne trouve pas le résultat escompté. De plus, l'enquête a démontré que le choix de la médecine cosmopolite dans une famille était directement relié à la scolarité de la mère. Plus cette dernière avait fréquenté l'école longtemps, plus elle tendait à rapprocher ses comportements du modèle occidental proposé, y compris ceux qui ont trait au domaine de la santé [13]. 

Pour ce qui est des relations entre thérapeutes formés dans des systèmes de croyances différents, on imagine aisément ce qu'elles peuvent être. Thérapeutes non occidentaux fondant leur pratique sur les valeurs de leur société, thérapeutes occidentaux faisant de même et finalement thérapeutes non occidentaux exerçant leur profession dans le même milieu que les premiers confrontent leurs expériences, chacun trouvant dans ces dernières les éléments qui le confirment dans son jugement sur son vis-à-vis. Une méfiance réciproque s'installe que seuls quelques individus arrivent parfois à briser pour mettre en commun leurs expériences pour le plus grand bien des populations concernées. En fait, le médecin occidental n'aura aucune peine à trouver des cas de complications lors d'un accouchement qui lui serve à démontrer l'incompétence des thérapeutes non occidentaux. De même, ces derniers arriveront facilement à établir que, malgré les traitements souvent fort sophistiqués de leurs collègues occidentaux, eux seuls sont parvenus à rétablir la santé des patients. 

Sans qu'il y ait partout et toujours de relation causale entre les rapports qu'entretiennent les thérapeutes entre eux et la plus ou moins grande collaboration des institutions médicales officielles avec des médecins du cru, force est de constater que les expériences menées dans le sens de pratiques complémentaires se comptent pour ainsi dire sur les doigts de la main. Ce n'est peut-être pas le lieu de soulever tout ce chapitre de la pratique médicale intégrée - et cela aussi bien dans les sociétés non occidentales que dans les autres - car il touche un "sujet-frontière" entre l'ethnomédecine et le domaine de la santé publique. Néanmoins, l'intégration de systèmes médicaux fondés sur des prémisses différentes passe par l'analyse des principes et des croyances qui fondent ces pratiques divergentes et, en ce sens, se rattache à l'ethnomédecine. 

 

Conclusion 

 

S'il fallait esquisser une définition de l'ethnomédecine, elle reconnaîtrait simplement que ce domaine de l'anthropologie médicale centre ses réflexions sur l'ensemble des croyances et des pratiques relatives à la maladie dans chaque société. Nous avons vu que les analyses devaient être accomplies à la fois par le biais des systèmes de classification présents à travers le langage, par l'inventaire systématique des connaissances empiriques en matière de pharmacopée ou encore de celles plutôt psycho-sociologiques véhiculées dans les rituels thérapeutiques. Toutes matières que manipulent les individus qui occupent les fonctions de thérapeutes à l'intérieur de leur société. 

Étant donné l'étendue du domaine de l'ethnomédecine, une présentation synthétique ne saurait prétendre échapper à l'arbitraire. Ce qu'il importe de retenir, à notre avis, c'est moins que tel ou tel ouvrage ou auteur n'ait pas trouvé place dans ce court article, mais bien plutôt que ce déblayage tentait de découper les principales avenues de l'ethnomédecine. 

Et comme pour compliquer les choses à loisir, ce survol n'aura été que partiel dans la mesure, entre autres, où il n'aura pas fait état des parties d'une anthropologie de la mort directement reliées à l'ethnomédecine et qui mériteraient d'être intégrées à ce champ. Les analyses de Ziegler (1975) et certaines parties de l'ouvrage de Thomas (1976) et de celui de Illich (1975) trouveraient facilement leur place dans une définition élargie de l'ethnomédecine. Il faut dire "élargie" car la présentation traditionnelle de l'ethnomédecine n'inclut pas cette section. Elle devrait pourtant y figurer. 

 

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[1] Edward Wellin (1977) présente une excellente analyse des travaux de quelques pionniers de l'anthropologie médicale.

[2] Plusieurs de ses écrits ont été regroupés dans un ouvrage intitulé Medicine and Ethnology, paru en 1971.

[3] Pensons aux réflexions d'Illich dans Némésis médicale (1975), pour ne citer qu'un des ouvrages les plus diffusés.

[4] Situer l'anthropologie médicale par rapport à la sociologie médicale déborde le cadre immédiat de cette présentation. Les lecteurs intéressés par ce sujet peuvent se référer à deux brefs commentaires : Olesen (1975) et Foster (1975).

[5] Fabrega (1972 : 191) distingue toutefois entre épidémiologie : distribution des affections en fonction d'éléments physiques, biologiques ou socio-culturels de l'environnement, et écologie médicale : sous-ensemble du premier qui traite particulièrement de la biologie des populations et de l'évolution humaine.

[6] L'auteur du présent article a effectué la traduction des passages des ouvrages ou articles cités en anglais dans la bibliographie.

[7] Encore que cette expression serve souvent à distinguer l'ensemble des traditions médicales d'une ethnie non occidentale.

[8] Une remarque s'impose au niveau du vocabulaire conceptuel. Fabrega (1972 :167-168) a établi une distinction reprise par la plupart des auteurs depuis, entre "disease" et "illness", traduits ici en français par "affection" et "maladie". Ces deux concepts marquent la différence entre une évaluation de la perturbation de la santé selon des critères bio-médicaux (savants occidentaux) et d'autres, plus généraux ou moins techniques (populaires occidentaux ou non occidentaux). Comme on peut le constater, il ne s'agit pas de distinguer entre "civilisés" et "primitifs", mais entre deux types d'appréhension du phénomène général de la maladie (sickness).

La distinction qu'opère Fabrega s'inspire de celle que les anthropologues font entre une approche "emic" (de l'intérieur, par les personnes concernées) et l'autre "etic" (de l'extérieur, du point de vue de l'observateur). Dans cette perspective l'utilisation du concept "affection" n'appartiendrait qu'au savant occidental ou à celui qui est formé dans la tradition scientifique occidentale.

[9] Il est intéressant de noter au passage que des pratiques comme la trépanation ou la mise au monde de bébés par césarienne, bien qu'apparemment relativement peu répandues, ont fait l'objet de nombreuses descriptions. Ces réussites techniques, ces "exploits", à en juger par l'image que se faisaient les observateurs des médecines non occidentales, continuent d'être appréciés en fonction des critères assez simplistes qui définissent la médecine savante occidentale : le développement et les succès des techniques de pointe. Avec les distorsions auxquelles elles conduisent et que Illich a critiquées (1970) par exemple.

[10] Ainsi, le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (C.A.M.E.S.) réunit chaque année des spécialistes autour du thème de la médecine et de la pharmacopée africaines. Les communications qui y sont présentées tournent surtout autour de la phytothérapie.

[11] Pour ceux qui désireraient s'initier à l'approche ethnoscientifique, le recueil d'articles publié sous la direction de Tyler (1969) : Cognitive Anthropology, paraît tout désigné, ainsi que le numéro spécial de l'American Ethnologist de 1976.

[12] Martin, elle-même auteur d'un ouvrage important sur l'ethnobotanique du Cambodge, a analysé en détail l'ouvrage des auteurs américains dans le Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, 1975, Tome XXII, nos 7-8-9 : 237-274.

[13] D'autres exemples de situations analogues, mais pour le continent asiatique, apparaissent dans la partie B de l'ouvrage de Kleinman et alii : Medicine in Chinese Cultures.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 31 mai 2008 7:00
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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