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Hubert Van Gijseghem, Ph.D.
psychologue, professeur émérite, Université de Montréal
“L'impact sur l'enfant
d'une fausse allégation d'abus sexuel
dans le contexte de divorce :
réflexions cliniques.”
In revue P.R.I.S.M.E. AUTOMNE 1992, vol. 3, no 1, pp. 115-122.
- Introduction
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- LA VULNÉRABILITÉ ET LES STRATÉGIES DE SURVIE DE L'ENFANT DU DIVORCE
- L'effet de choc et les manifestations de la souffrance
- Les mécanismes de défense ou les stratégies de survie
- LE SCÉNARIO TYPIQUE DE LA FAUSSE ALLÉGATION FACILITÉ PAR LA VULNERABILITÉ DE L'ENFANT
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- LES CONSÉQUENCES DE L'INVESTIGATION ET DE L'ÉVENTUELLE JUDICIARISATION
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- LES EFFETS IATROGÈNES
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- LES CONSÉQUENCES DjE LA FAUSSE ALLÉGATION PEUVENT ETRE COMPARÉES À CELLES DE L'INCESTE
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- Références
- Cet article rappelle d'abord le contexte du nombre croissant de fausses allégations d'abus sexuel. Il propose l'idée qu'une telle allégation, même créée de bonne foi. peut avoir un impact psychologique sur l'enfant comparable à celui d'un abus véritable. On assiste à la même abolition de la distance intergénérationnelle, à la même destruction de la fonction paternelle et, par conséquent, à la même faillite du statut-enfant.
Hubert van Gijseghem
Hubert Van Gisjeghem a une licence en psychologie de l'Université de Louvain et un Ph.D. de l'Université de Montréal. De 1969 à 1982, il dirigea la Clinique du Centre d'Orientation. Il est actuellement professeur titulaire à l'Université de Montréal [Ecole de psycho-éducation).
Il est également directeur du programme de formation en psychothérapie psychanalyse ou Centre de Psychologie Gouin et membre fondateur de l'Asssociotion des psychothérapeutes psychanalytiques du Québec (APPQ).
INTRODUCTION
Depuis quelques années, un nombre grandissant d'allégations d'abus sexuels intrafamiliaux sont mêlées aux procédures judiciaires de divorce, aux requêtes de garde d'enfants ou aux droits d'accès. Ces allégations constitueraient environ la moitié du nombre total des signalements d'abus sexuels intrafamiliaux (Gardner, 1991). Or, il semble que la majorité de ces accusations ne sont pas fondées (Wakefield & Underwager, 1988). Il ne s'agirait pas ici de fraude ou d'histoire consciemment inventée mais plutôt d'un enchaînement d'événements liés à la séparation des parents et qui, dans le contexte chaotique des règlements de compte, des ressentiments et des inquiétudes, créerait un terrain particulièrement propice aux soupçons d'abus sexuels et, de là, aux allégations. La plupart du temps, l'allégation est le fait d'une mère frappée par la détresse de son enfant, qu'elle interprète comme étant l'effet de gestes abusifs de la part de l'ex-conjoint, bien qu'en réalité, cette détresse soit la réaction normale à la séparation. Dans sa sollicitude maternelle de bonne qualité bien [116] qu'hyperanxieuse, la mère veut tout faire pour protéger son enfant. Elle l'interroge, l'examine puis l'emmène chez les spécialistes. Etant donné la grande suggestibilité de l'enfant, particulièrement l'enfant du divorce, l'abus qui n'existait pas prend forme peu à peu, au fil des interrogatoires. Nous croyons que cette histoire inventée de bonne foi et à l'insu de l'enfant, peut avoir le même impact psychologique sur ce dernier que dans les cas d'abus véritables.
En nous basant sur les recherches dans le domaine ainsi que sur notre propre expérience clinique et d'expert devant les tribunaux, nous tenterons dans les pages qui suivent de documenter cette idée. Nous le ferons en examinant tour à tour la dynamique familiale dans le contexte d'un divorce, la vulnérabilité particulière de l'enfant dans ce contexte ainsi que les mécanismes de survie que ce dernier aura à déployer, autant de variables qui mèneront potentiellement au soupçon d'abus sexuel.
LA VULNÉRABILITÉ ET LES STRATÉGIES
DE SURVIE DE L'ENFANT DU DIVORCE
On peut diviser les réactions de l'enfant à l'éclatement de sa famille en deux groupes : d'une part, l'effet de choc et les émois qui l'accompagnent et d'autre part, les mécanismes de défenses ou les stratégies de survie, qui sont des réponses aux émois du choc et qui aident l'enfant à se préserver d'un bouleversement trop grand. Même si ces stratégies sont prévisibles, elles peuvent être grandement inquiétantes et mettre en danger le développement harmonieux de l'enfant. Pour ses parents, ces phénomènes peuvent être attribuables à « autre chose » qu'au divorce et cela d'autant plus qu'ils se sentent eux-mêmes souvent très coupables d'infliger à leur enfant la blessure du divorce. Pour endiguer leur propre culpabilité, les parents peuvent facilement croire que la détresse de l'enfant est due à autre chose qu'à la séparation et l'ex-conjoint peut alors être une cible de choix. C'est souvent à ce moment-là que la mère, dans le contexte social actuel où l'abus sexuel est si présent, attribuera la détresse de son enfant à un abus paternel.
- L'effet de choc et les manifestations de la souffrance
Depuis les études de Wallerstein et Kelly (1980), on sait que la séparation ou le divorce des parents ne passent point comme une lettre à la poste. L'enfant voit son monde brisé et il en éprouve une profonde déchirure intérieure. Sans reprendre en détail ici les manifestations de son désarroi, bien documentées dans la littérature sur la question, rappelons néanmoins que l'enfant connaît des émois tels que le doute, la culpabilité et l'angoisse, cette dernière pouvant même être de l'ordre du morcellement. Ces émois se. manifestent, comme toujours, selon l'un des trois exutoires de la vie psychique, c'est-à-dire, le passage à l'acte, la somatisation ou la fantasmatisation et les manifestations mentales. Parmi les [117] passages a l'acte, on retrouve les comportements agressifs (destructeurs ou sexuels), le retrait, la régression, les colères, les fugues, etc. Parmi les manifestations somatiques, on retrouve les maux de tête, de ventre et de jambes, la vulnérabilité aux accidents, les afflictions psychosomatiques classiques, les grandes fatigues, etc. Finalement, parmi les manifestations mentales, on retrouve les peurs et phobies diverses, les idées obsédantes, les cauchemars, la fuite dans un monde de fantaisie, etc.
Cette panoplie de réactions tributaires de la détresse, ici liée à la séparation des parents, coïncide étrangement avec ce qui, dans les écrits sur l'abus sexuel, est habituellement identifié comme les « conséquences de l'abus sexuel ». (Sgroi, 1981). Ces ressemblances constituent une source de confusion importante.
- Les mécanismes de défense ou les stratégies de survie
- Le déni et la tentative de réunification. Pour se préserver d'un trop grand désarroi, l'enfant peut nier la réalité de la séparation des parents et longtemps refuser de faire le deuil d'une famille unie. Dans son déni, l'enfant souhaite la réunion de ses parents. Parfois, ce désir se solde par des mises en scène ou la création de conflits qui obligent les parents à se parler. Si le but légitime de l'enfant était le rapprochement, le résultat est souvent désastreux. Dans le paragraphe suivant, nous démontrons que ces mises en scène et ces conflits sont souvent de nature sexuelle.
- La sexualisation des liens avec les parents. On peut penser que l'un des buts de la sexualité humaine est de déjouer la menace de séparation entre les êtres. On en trouve une illustration dans la recrudescence du désir quand deux êtres sont sur le point de se quitter : il en est ainsi dans les couples qui se séparent, même dans la haine, dans la phase terminale d'une psychothérapie, lors de deuils ou de catastrophes naturelles. C'est comme si la sexualité venait illusoirement resserrer les liens dans l'imminence de la rupture. Il en est ainsi de l'enfant du divorce qui devient beaucoup plus séducteur avec le parent « parti » (habituellement le père). C'est non seulement son comportement mais aussi ses fantaisies qui s'érotisent. Ces fantaisies sexuelles favorisent une masturbation accrue qui peut se solder par des rougeurs et des lésions (Levine, 1952). Ces manifestations peuvent dramatiquement contribuer aux inquiétudes et aux soupçons de l'autre parent.
- la recherche d'attention pour colmater ses propres brèches
Secoué dans sa confiance d'être aimé, accepté et reconnu, l'enfant du divorce cherche à se faire rassurer, souvent de façon anarchique. À son insu, il exploite tous les sujets qui jouissent de l'attention des parents. S'il constate que le fait de parler de gestes ambigus posés par l'autre parent lui procure une attention particulière, il peut facilement tomber dans le piège et chercher par tous les moyens à répéter l'expérience. Aux questions posées, [118] il répond ce qu'il devine qu'on veut entendre, car il cherche à plaire, à être aimé et en comblant le désir du parent, il satisfait le sien aussi.
- le désir de réparation du parent blessé et le conflit de loyauté. L'enfant, travaillant sans doute pour son propre intérêt, se donne pour mission de « réparer » le parent qu'il perçoit comme blessé. Afin de rassurer ce parent sur son amour, il cherche non seulement à lui « donner raison » et à lui fournir l'information recherchée, mais il peut aller jusqu'à désavouer sa relation avec l'autre parent, allant même parfois jusqu'à l'incriminer. Tant bien que mal, l'enfant continue à vouer sa loyauté à ses deux parents. Lorsque ces derniers maintiennent leur antagonisme, cette mission s'avère impossible. L'enfant est de plus en plus pris au piège de sa double allégeance et, ne réussissant plus à garder intactes ses deux relations, il risque de les perdre en tentant de sauver la chèvre et le chou. C'est dans ce contexte qu'il sera amené à choisir.
- le clivage. En effet, l'enfant ne peut supporter longtemps l'ambivalence (Schuman, 1986) et tôt ou tard, il opère un clivage, c'est à dire qu'il s'allie l'un des parent et désavoue l'autre. Dorénavant, libre d'ambivalence, il peut opposer un parent « tout bon » à un parent « tout mauvais ». Cette tâche peut être grandement facilitée par les parents qui tentent d'ailleurs souvent d'amener l'enfant à faire un choix. Le parent perçu par l'enfant comme le plus essentiel à sa survie sera alors investi de la qualité de « tout bon ». Nous sommes ici en présence de l'aboutissement de ce que Gardner (1987) appelle le « syndrome d'aliénation parentale ». Dans un tel contexte, la confirmation d'un soupçon d'abus sexuel peut devenir aisé.
LE SCÉNARIO TYPIQUE
DE LA FAUSSE ALLÉGATION FACILITÉ
PAR LA VULNERABILITÉ DE L'ENFANT
On est souvent en présence, d'une part, d'une mère blessée par une récente séparation et gardant un important ressentiment envers l'ex-conjoint, avec lequel elle est encore impliquée dans des requêtes judiciaires, souvent autour de la garde ou des droits d'accès. D'autre part, il y a l'enfant, blessé lui aussi et présentant toutes sortes de problèmes en réaction à cette blessure. Dans le scénario typique, ces problèmes s'accentuent autour ou après un séjour chez le père. Cela, en soi, est déjà suffisant pour alerter la mère quant à l'effet de son ex-conjoint sur son enfant. De plus, comme on l'a souligné plus haut, cette mère, dans sa culpabilité, n'admet pas facilement que la séparation soit responsable de l'état de son enfant. Plus ou moins subtilement, elle interroge son enfant, quand elle ne l'informe pas carrément du caractère douteux de certains comportements du père. Quelquefois, après une visite chez celui-ci et à l'occasion du bain, elle découvre des rougeurs aux parties génitales. Ces rougeurs, en réalité, sont tributaires de l'activité auto-érotique accrue, mais le parent soucieux s'inquiète de son origine et formule dans sa tête l'hypothèse fatidique. Interrogé, l'enfant, qui ne peut pas révéler son activité masturbatoire, n'est que trop soulagé de [119] pouvoir suivre la suggestion que « quelqu'un pourrait le toucher là ». Si, dans les questions, le père est évoqué, l'enfant encore une fois peut suivre la suggestion, soit parce que l'idée ne lui déplaît pas, soit parce qu'il se rappelle effectivement des incidents anodins mais qui avaient trait à cette région anatomique. Lorsqu'on l'amène chez le médecin, celui-ci explique que la rougeur n'est pas incompatible avec une manipulation d'un adulte. De là, les services sociaux sont impliqués, et, d'un interrogatoire suggestif à l'autre, une histoire naît et se consolide.
LES CONSÉQUENCES DE L'INVESTIGATION
ET DE L'ÉVENTUELLE JUDICIARISATION
Plusieurs investigateurs de la psyché enfantine observent que les effets d'un dévoilement (basé sur la réalité ou sur la fiction), d'une investigation et d'une judiciarisation sont aussi dommageables que l'abus sexuel lui-même. On parle d'une « victimisation secondaire » (Berliner et al., 1985 ; Sas, 1986). Des études suggèrent que les enfants réellement abusés mais qui ne divulguent pas l'abus, se soustrayant ainsi à la victimisation secondaire, sont moins atteints psychologiquement que les enfants qui ont dévoilé (Van Gijseghem et Gauthier, 1991 ; Draijer, 1988). Nos propres observations cliniques suggèrent qu'en cas de fausse allégation, l'accusation, l'investigation et le processus judiciaire laisseront sur l'enfant des traces comparables à celles laissées par un abus réel. Plusieurs facteurs expliquent cette observation :
- La surérotisation. Au fil des interrogatoires et des examens médicaux, l'enfant découvre non sans une certaine excitation que son appareil génital est à l'ordre du jour. Tout le monde s'y intéresse et, qui plus est, ce sexe, déjà si stimulable et source de tant de phantasmes, devient un outil de contrôle exceptionnel. Le monde danse autour de lui. L'érotisation des liens et la préoccupation autour la sexualité sont donc inévitables. Il est à remarquer ici que les intervenants interprètent facilement cette surérotisation comme une conséquence de l'inceste plutôt que comme un effet de l'investigation elle-même. (Wakefield et Underwager, 1988).
- L'accusation comme destruction d'un adulte-parent. Comme la preuve repose presque exclusivement sur les dires de l'enfant, celui-ci est virtuellement seul accusateur et potentiel destructeur d'un parent. Ceci peut se solder par plusieurs réactions. Pour certains, ce sera une source d'angoisse profonde et de culpabilité. Pour d'autres, ce qui est pire', ce peut être une source de triomphe et une confirmation de l'illusion de toute puissance. Le tiers détruit, l'enfant peut retourner dans une dyade psychologiquement mortifère.
- La mise à nu de l'intimité, garante d'intégrité. Un enfant peut-il impunément dévoiler à répétition ce qui relève de son intimité corporelle et fantasmatique la plus profonde : ses émois et ses excitations sexuelles ? Nous en doutons beaucoup parce que ce « jardin secret » est [120] souvent garant de l'intégrité psychique et du sentiment d'exister comme individu séparé. Mais si, en plus, l'enfant est amené à mettre en scène une activité sexuelle partagée avec l'adulte-parent, ce n'est pas seulement son intégrité à lui qui se voit entachée mais aussi la distance pourtant vivifiante entre les générations. Par conséquent, l'enfant risque de sortir de cette histoire avec son statut d'enfant doublement détruit.
- L'intensification du clivage du couple parental. On a vu plus haut que le clivage était un mécanisme de survie chez l'enfant du divorce. Pour sortir un tant soit peu de l'ambivalence, il s'allie résolument à un des parents et il désavoue l'autre. Or, dans le cas d'une allégation d'abus sexuel, la polarisation hostile et inévitable du parent accusateur d'un côté et du parent accusé de l'autre, intensifie dramatiquement le clivage qu'opère l'enfant. Toutefois, ce clivage hypertrophié l'amène à scotomiser cette partie de lui-même qui continuait d'aimer le parent accusé ainsi que tous les introjects qui sont tributaires de cet amour. Cette scotomisation est potentiellement morcelante ou, du moins, extrêmement appauvrissante pour l'identité de l'enfant.
LES EFFETS IATROGÈNES
L'enfant abusé ou présumément abusé est souvent référé à une thérapie de groupe pour « enfant victime d'abus ». Si cette mesure peut être réparatrice pour certains, elle constitue pour plusieurs autres une incitation pathogène à parler. Cette thérapie constitue une réification de l'inceste (qu'il ait eu lieu ou non) et peut mener à des conséquences potentiellement néfastes. En plus de stigmatiser l'enfant, elle le réduit à l'état de victime d'une situation abusive dont on ne sait même pas si elle a réellement eu lieu.
Ce que l'on désigne comme « les conséquences de l'inceste » sont souvent, en grande partie, le fait de ce que nous avons appelé plus haut la « victimisation secondaire ». Celle-ci, comme on a vu, est due à l'investigation et la judiciarisation mais elle est également générée par une thérapie qui ne respecte point le besoin de l'enfant d'oublier mais qui, en revanche, garde la plaie ouverte, que celle-ci soit due à un inceste réel ou à une fausse allégation. Cette thérapie, se faisant souvent à partir de la prémisse que l'enfant doit parler et reparler de la chose pour « exciser » le trauma, empêche plutôt l'enfant de retourner cette chose au secret ou à l'oubli. Dans une publication récente, nous osions dire que « la réparation passe davantage par la couverture (action de couvrir) de l'inceste, que par l'exposition de la blessure » (Van Gijseghem et Gauthier, 1992). En fait, l'intervenant après avoir recueilli un dévoilement, basé sur des faits réels ou non, aurait intérêt à créer des conditions (thérapeutiques ou autres) dans lesquelles l'enfant peut retourner le contenu du dévoilement dans les limbes du secret et passer à autre chose.
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LES CONSÉQUENCES
DE LA FAUSSE ALLÉGATION PEUVENT
ÊTRE COMPARÉES À CELLES DE L'INCESTE
Ce qui rend l'inceste dommageable pour le développement de l'enfant, c'est qu'il marque l'abolition de la distance entre les générations. À son tour, cette abolition a des conséquences néfastes sur le désir de l'enfant de grandir, de se développer. En effet, dans la rencontre sexuelle entre les deux générations, la fonction paternelle se trouve détruite et ainsi en est-il d'une composante importante de l'idéal du moi. Si le parent « incestué » l'enfant, de par la destruction de la distance intergénérationnelle, il tue en quelque sorte le statut-enfant de l'enfant. Ce que l'on appelle les « conséquences de l'inceste » seraient en fait des stratégies de survie que l'enfant déploie pour rester à l'abri d'une reconnaissance de ce meurtre. Dans un texte antérieur, nous avons regroupé ces stratégies en quatre groupes : la répétition compulsive, la scotomisation ou l'aliénation du corps et de la sexualité, le maintien artificiel d'un « high » narcissique et l'établissement d'une causalité délirante (Van Gijseghem, 1985).
S'il n'y a pas eu inceste mais que l'enfant a néanmoins été amené à croire qu'il y a eu inceste, les effets peuvent être comparables. Le fait que l'enfant a été saisi de l'idée, sinon de la certitude, que son père l'ait incestué, signifie pour lui la même abolition de la distance intergénérationnelle, la même destruction de la fonction paternelle, le même viol de l'idéal du moi, et, par conséquent, la même faillite du statut-enfant et, donc, le sabordement du désir.
Les enfants qui sortent du long processus judiciaire par suite d'une fausse allégation d'abus sexuel, ont une pente à remonter. Qui rafistolera la fonction paternelle et qui réétablira la distance intergénérationnelle ? Le parent faussement accusé (reconnu coupable ou non) est virtuellement à tout jamais détruit aux yeux de l'enfant. D'autant plus que l'enfant est souvent, malgré lui, l'artisan de cette destruction. Cet enfant doit maintenant tenter de survivre au même titre que l'enfant réellement incestué, c'est à dire : il doit éviter de comprendre ! Et s'il n'arrive pas à se replacer dans un statut d'enfant, il doit composer, au même titre que l'enfant incestué, avec une enfance tuée.
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This article first traces the context of the increasing number of false allegations of child sexual abuse. If proposes the idea that the effects of false story, even invented in good faith, could be compared to those of real abuse. In both situations, one witnesses a comparable destruction of the distance between generations and of the paternal function, thus jeopardizing the child-status of the presumed victim.
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