[97]
“La prévention
en matière d’abus sexuel.
Pistes et dérapages.”
Hubert Van Gijseghem
et Elham Fourazan
- L'enfant [97]
- D'une pierre deux coups [98]
- Le programme de prévention [99]
- Les doutes du clinicien [100]
- La recherche évaluative [101]
- L'âge de l'enfant à titre de variable [104]
- Un gain en matière de connaissances [104]
- Ce que l'enfant peut « connaître » [105]
- Les objectifs des programmes sont-ils atteints ? [107]
- La suggestion implicite des programmes [108]
- Point de vue théorique [109]
- Quel genre de prévention alors ? [111]
- L'adolescent à titre d'abuseur potentiel [112]
- Les futurs parents [113]
- Une illusion [115]
- Conclusion [116]
- Bibliographie [117]
[7]
Ont contribué à cet ouvrage :
- Elham Forouzan, D.E.S.S., étudiante au doctorat, Université de Montréal.
- Hubert Van Gijseghem, Ph.D., psychologue, Université de Montréal. Expertise psychojuridique.
L’enfant
Godfried Bomans, essayiste hollandais fort réputé, écrivait qu'il n'est pas indiqué de mettre un enfant en garde contre des dangers qu'il ne soupçonne pas encore et qu'il a peu de risques de rencontrer (1983). On pourrait d'emblée objecter qu'il est certainement souhaitable de prévenir l'enfant contre le feu qui peut le brûler, le chien qui peut le mordre ou le puits dans lequel il peut tomber. L'opinion de Bomans est néanmoins pertinente dans le contexte particulier où elle s'inscrit. Or, ce contexte est évocateur. Bomans parlait des contes de fées avec leur cortège de sorcières, d'ogres et autres malfaisants, et dont les petits raffolent.
Alors que des adultes s'offusquent du contenu de certains contes - le fameux thème incestueux de Peau d'âne de Perrault, par exemple - l'enfant les absorbe tout naturellement comme s'ils étaient conformes à sa vision du monde. D'ailleurs, qui penserait à signaler à l'enfant fasciné par cette histoire l'horrible crime dont le roi se rend coupable, puisque de toute évidence il ne voit pas les choses ainsi ?
[98]
Les enfants croient d'emblée que, malgré les ogres ou les sorcières, le monde est bienveillant, que les choses se déroulent comme elles le doivent et que, quoi qu'il arrive, un bon magicien ou une fée merveilleuse arrangeront les choses. Ainsi va l'enfance, et l'adulte se doit de préserver cette conception pour que l'enfant puisse rester un enfant, c'est-à-dire quelqu'un de naïf, de candide et donc, de désirant !
D'une pierre deux coups
Ce texte traite des effets pervers et des sérieux dérapages de divers programmes de prévention en matière d'abus sexuel destinés aux jeunes enfants de la maternelle jusqu'à la fin du premier cycle de l'école primaire.
Certes, personne n'est contre la vertu, donc tout le monde prêche en faveur de la prévention. On s'entend aussi pour dire que l'abus sexuel existe, que sa fréquence est élevée, qu'il laisse la plupart du temps de sérieuses séquelles chez l'enfant et qu'éradiquer ce fléau serait l'idéal.
Les études épidémiologiques rétrospectives montrent en effet qu'un nombre important d'adultes déclarent avoir été victimes d'abus sexuel durant leur enfance. Ces mêmes études montrent aussi que seulement la moitié de ces victimes ont dévoilé le ou les événement(s) abusif(s) à qui que ce soit (Finkelhor, Hotaling, Lewis et Smith, 1990). L'observateur averti sait donc qu'il y a nombre d'enfants abusés qui ne parlent pas et dont l'abus demeure donc non détecté. Ce même observateur juge, avec raison, qu'il n'est pas dans l'intérêt de cet enfant de continuer à être victimisé. Il faudrait donc l'inciter à parler, et cela dès que possible, parce que les études démontrent bien que la gravité des séquelles est, entre autres, fonction de la durée de la période de l'abus (Brière, Evans, Runtz et Wall, 1988). Bref, il faut créer des conditions permettant à l'enfant de décider de parler.
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Par ailleurs, les mêmes études épidémiologiques soulèvent une autre préoccupation, toujours à partir de la prévalence de l'abus et des différents âges où il peut survenir. Si un enfant n'est pas déjà victime d'abus, il peut l'être bientôt, et il faut donc le mettre en garde au plus vite contre ce danger.
Les programmes destinés aux enfants visent donc deux objectifs : inciter au dévoilement les enfants abusés et aider les autres à se défendre ou à se protéger contre d'éventuels abuseurs. On veut donc faire d'une pierre deux coups ! Comme on le sait, en courant deux lièvres à la fois, on risque de les rater tous les deux et, en l'occurrence, de faire plus de dégâts que de bien.
Le programme de prévention
Dans tous les programmes de prévention publiés ou accessibles, on poursuit deux types d'apprentissages en regard de l'abus sexuel : comprendre de quoi il s'agit et quoi faire. Il sera donc question de cette région névralgique du corps communément appelée « parties génitales » mais traduite en l'occurrence par des expressions telles que « les parties que couvre notre maillot de bain ». On parlera également de » bons touchers » qui rendent heureux et confortable et de « mauvais touchers » qui rendent malheureux ou inconfortable (Borkin et Frank, 1986).
Ensuite, quoi faire ? Dire « non », s'en aller, en parler immédiatement à un adulte pour ne pas garder de « mauvais » secrets (puisque, là encore, il y a de bons et de mauvais secrets).
Voilà une description à peine caricaturale du contenu général de ces programmes de prévention. L'approche pédagogique, quant à elle, peut varier : historiettes, vignettes, dessins animés, marionnettes, théâtre, jeux de rôle. Il est à [100] souligner que, même si la plupart des milieux préscolaires et scolaires présentent de tels programmes et, plus souvent qu'autrement des programmes maison, rares sont les recherches évaluatives après coup, et peu font l'objet d'une pré-expérimentation pour en vérifier la pertinence ou les effets. En fait, peu de programmes font l'objet du moindre questionnement puisqu'on ne met pas en doute ce qui est inspiré par les meilleures intentions.
Les doutes du clinicien
Certes, des bonnes intentions il y en a ! Pourtant, bien avant que certaines études évaluatives soient venues confirmer leurs craintes, nombre de cliniciens s'interrogeaient sur les risques de tels programmes adressés à des enfants de trois à huit ans. Par exemple, est-il pertinent de semer dans de si jeunes esprits le doute par rapport à la fiabilité des adultes ? Doit-on réellement informer les enfants de la perversité sexuelle de certains adultes et les inciter à scruter scrupuleusement les gestes d'affection qui ont naturellement cours dans une cellule familiale ? Car, sachant qu'à cet âge la plupart des abus sexuels sont de nature intrafamiliale, l'animateur du programme se doit d'avertir : « ... et même des papas peuvent faire ça ! » Une fois cette information passée, les petites filles et les petits garçons se blottiront-ils avec la même spontanéité dans les bras de leur papa ? Ne brise-t-on pas quelque chose dans les élans affectueux qui sont pour ainsi dire le sel de la famille ? Et que dire de l'éventuelle réinterprétation subséquente de faits et gestes tout à fait innocents ? L'affectueuse tape sur les fesses, le ludique baiser sur le ventre seront-ils classés par l'enfant parmi les bons ou les mauvais touchers ?
Le clinicien s'inquiète aussi du caractère éminemment suggestif de tels programmes. La mise en garde venant de [101] si haut (« la maîtresse sait tout »), elle risque d'exacerber chez l'enfant une attention sélective qui le fasse finalement douter de la probité morale des adultes les plus chers.
De telles interventions peuvent certes permettre à l'enfant abusé de sortir du silence et d'acquérir une protection salutaire pour lui-même et, parfois, pour d'autres victimes. Mais une question demeure entière et angoissante : comment soutenir chez la population enfantine concernée l'indispensable dévoilement des abus sexuels effectifs sans ternir du même coup l'essentielle vision du monde que déploient la majorité des enfants et leur confiance spontanée à l'égard des adultes dignes d'une telle confiance ?
La recherche évaluative
Que dit la recherche sur les résultats des programmes en matière de détection et de prévention ? Un tour d'horizon de quelques études évaluatives montre des effets positifs dans les deux cas. Concernant l'aspect préventif, nombre d'enfants présentent après coup une meilleure connaissance en matière d'abus sexuel. L'inconnu reste toutefois : l'augmentation des connaissances a-t-elle un effet sur les comportements ultérieurs de l'enfant ?
Concernant la détection, les programmes évalués provoquent une augmentation notoire des dévoilements dans les milieux visés, soit de 10 à 400%. En revanche, on ignore la proportion des dévoilements fiables et l'on sait - comme on le verra plus loin - qu'une importante proportion de ces dévoilements est sujette à caution.
L'une des études évaluatives fréquemment citée (Fryer, Kraizer et Miyoshi, 1987) porte sur des filles et des garçons de la maternelle, puis des deux premières années du niveau primaire. Tous les enfants sont confrontés à une scénarisation d'enlèvement : un inconnu s'approche de l'enfant [102] et lui demande de l'aider à porter des boîtes de bonbons dans son auto en vue de l'anniversaire de son fils. Dans le pré-test, le groupe expérimental et le groupe témoin présentent le même taux de refus (à peu près 50%). Le groupe expérimental jouit ensuite d'un « programme de prévention ». Au post-test, ce groupe montrera un comportement (de refus) significativement supérieur au groupe témoin. Ce résultat a certes de quoi réjouir les promoteurs de tels programmes. Une ombre au tableau : les enfants qui n'ont pas « appris » n'apprendront pas ultérieurement, même si le programme leur est présenté à répétition. Or, ces enfants rébarbatifs aux apprentissages en cause sont soit dit en passant au départ les plus vulnérables par rapport à l'invitation venant d'un abuseur.
Plusieurs études en viennent à des résultats et à des conclusions analogues. Soulignons toutefois que relativement peu d'études évaluatives s'attardent aux effets nuls, et encore moins de recherches mettent au point une méthodologie qui permette d'intercepter d'éventuels effets négatifs. Il en existe néanmoins, dont celle de Garbarino (1987).
Le programme évalué par Garbarino recourt à la bande dessinée « L'homme-araignée » qui compte deux histoires. Dans la première, l'homme-araignée découvre un garçon sexuellement abusé par sa jeune gardienne d'enfants. L'homme-araignée confie au garçon le secret de sa propre expérience infantile de victimisation sexuelle par un jeune adulte qui se disait son ami. Dans la seconde histoire, une fillette fuit la maison parce qu'elle est sexuellement abusée par son père et que sa mère refuse de la croire. La fillette rencontre alors un groupe d'enfants doués de pouvoirs spéciaux. Ces enfants encouragent la fillette à se confier à leurs propres parents qui, eux, la croiront ; ils lui promettent de l'aider, elle et toute sa famille, à sortir de l'impasse. Selon les données du Comité national pour la prévention de la [103] maltraitance d'enfants, seize millions d'exemplaires de cette bande dessinée ont été distribués en juin 1986.
L'étude de Garbarino porte sur des sujets, garçons et filles, de sept, neuf et onze ans ayant lu la bande dessinée. L'évaluation révèle qu'après la lecture, le tiers des sujets étaient très inquiets et anxieux. Chez les enfants de neuf ans, le résultat atteint 50%. Les résultats montrent encore que les effets négatifs étaient deux fois plus présents chez les filles que chez les garçons. Un seul enfant (sur 73) a dévoilé un abus sexuel. Garbarino conclut en se demandant s'il vaut la peine d'inquiéter la moitié des enfants de neuf ans pour obtenir un seul dévoilement.
Une autre étude révélatrice des effets nocifs possibles f de tels programmes est celle de Swan, Press et Briggs (1985). Elle porte sur le « Bubbylonian Encounter », un spectacle de trente minutes qui a pour but d'apprendre aux enfants la différence entre un attouchement « bon » et un « mauvais ». Le scénario présente un jeune extraterrestre, Bub, venant de la planète Bubbylonia dont les habitants sont privés du sens du toucher. À son arrivée sur Terre, Bub sympathise avec deux jeunes terrestres, Archie et Betty, qui, pour protéger Bub, l'informent de l'existence de touchers agréables et désagréables ainsi que de touchers sexuels forcés. Bub apprend aussi que l'abus sexuel n'est pas seulement commis par des inconnus mais parfois par des membres de la famille.
Dans le groupe cible, constitué de garçons et de filles de huit à onze ans, 93% croyaient leur propre famille capable de les abuser sexuellement de façon coercitive ; 88% disaient carrément risquer l'équivalent d'un viol. Comment ne pas conclure que l'expérience provoquait chez la majorité des jeunes spectateurs une vive inquiétude quant à leur sécurité (sexuelle) dans leur propre famille ?
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L'âge de l'enfant à titre de variable
On pourrait attribuer au très jeune âge de l'enfant les effets négatifs des programmes de prévention. Pourtant, certaines études semblent indiquer que des enfants d'âge scolaire sont davantage impressionnés négativement que les enfants d'âge préscolaire. C'est en tout cas ce que suggère déjà l'étude de Garbarino mentionnée plus haut, qui découvre plus de nocivité chez les neuf ans que chez les sept ans. De même, l'étude de Swan et al. portait aussi sur des enfants assez vieux, c'est-à-dire de huit à onze ans.
Bien qu'un tel résultat puisse surprendre, d'autres études le corroborent. Entre autres, parmi les enfants observés par Kenning, Gallmeier, Jackson et Plemons (1987), les plus vieux se montrent davantage inquiets et anxieux même dans le cas de touchers anodins. L'étude récente de Taal et Edelaar (1997) livre des résultats pouvant être interprétés dans le même sens.
Faut-il croire que, finalement, plus les enfants ont acquis de maturité, plus le monde des adultes peut devenir menaçant sous l'effet des programmes préventifs ? À l'inverse, la moindre capacité de discernement des enfants plus jeunes les protégerait-elle à la fois d'un effet soit positif ou négatif ?
Un gain en matière de connaissances
La question des connaissances acquises grâce aux programmes de prévention reste fortement controversée. Si plusieurs études évaluatives concluent à un gain significatif en matière d'informations, d'autres nient un tel gain cognitif ou, encore, le jugent très éphémère. Quelques exemples : Kleemeier et Webb (1986) ne décèlent aucun gain chez des enfants de l'école primaire, confirmant ainsi les résultats obtenus par Sigurdson, Doig et Strang (1985) et par Mittenberger et Thiesse-Duffy (1988). Wurtele et ses collègues (1986) [105] voient disparaître le gain après trois semaines, tandis que Taal et Edelaar (1997) observent le même phénomène au bout de six semaines. Liddell, Young et Yamagishi (1988), à partir d'un large échantillon d'enfants d'âge préscolaire soumis à un programme très intensif de quelque vingt leçons, concluent à un apprentissage négligeable, sinon nul.
En somme, rien ne permet de croire que les enfants puissent transformer en éléments de « connaissances » les contenus véhiculés par les programmes. Et, advenant que ce processus a eu lieu, encore faudrait-il chercher dans quelle mesure un gain en matière de connaissances influe sur le comportement ultérieur proprement dit.
Ce que l'enfant peut « connaître »
Gilbert, Duerr Berrick, Leprohn et Nyman (1989) analysent l'ensemble des études évaluatives sur la question avant de présenter la leur.
Tout d'abord, ils évaluent ce que les enfants d'âge préscolaire apprennent réellement dans les programmes de prévention et, par ricochet, ce qu'ils n'apprennent pas.
Premièrement, d'après leur recherche, les enfants n'établissent pas de lien entre tel type de toucher et tel état affectif particulier, par exemple un « mauvais toucher » et une sensation d'inconfort. En revanche, ils apprennent à associer des sentiments de tristesse et d'inquiétude à tout genre de touchers, même les plus anodins comme le fait d'être chatouillé ou lavé.
Deuxièmement, les enfants ne comprennent pas que certains secrets méritent d'être trahis. Par exemple, après un programme intensif portant sur les secrets, à peine quelques enfants de plus croient qu'un secret concernant un « mauvais toucher » doit être brisé (de 45% au pré-test à 56% au post-test).
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Troisièmement, à la suite de l'application d'un programme, on ne mesure qu'une légère augmentation d'enfants convaincus de la nécessité de dévoiler à un adulte les mauvais touchers dont ils seraient victimes (de 41% au pré-test à 51% au post-test).
Quatrièmement, la conscience du danger reliée aux approches d'un étranger ne montre qu'un faible accroissement.
Gilbert et ses collègues s'intéressent ensuite aux indices cognitifs que l'enfant de cet âge pourrait comprendre.
Dans un premier temps, les auteurs observent que l'enfant d'âge préscolaire est inapte à gérer des concepts multidimensionnels. La liaison toucher génital bon ou mauvais à un sentiment bon ou mauvais renvoie à plusieurs dimensions dont la juxtaposition dépasse de loin les capacités cognitives de l'enfant.
En second lieu, l'évaluation « bon ou mauvais » n'est pas conçue par l'enfant comme par l'adulte. Ce dernier a intégré des référents moraux, éthiques ou esthétiques, alors que l'enfant se réfère à l'issue concrète de la situation. Si papa est content, s'il rit, si l'enfant reçoit un bonbon, la situation sera perçue comme bonne.
Dans la même foulée, nous ajoutons une réflexion de notre cru : la sensation de confort ou d'inconfort pour asseoir les notions de « bon ou mauvais » peut gravement prêter à confusion. De fait, un toucher sexuel peut être ressenti par l'enfant comme étant agréable et « confortable », tandis que l'administration d'un suppositoire peut être ressentie comme un événement très « inconfortable ». Comme quoi certains contenus de programmes de prévention risquent de produire un effet contraire aux objectifs poursuivis quand ils encouragent l'enfant à se fier à ses propres sentiments : « Si tu sens que c'est OK, cela veut dire que c'est OK. » Compte tenu de la réalité enfantine, rien n'est moins certain.
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Les objectifs des programmes sont-ils atteints ?
Si l'on a considéré le double objectif de prévention et de détection des abus sexuels, les considérations qui précèdent nous incitent à pondérer les gains et à considérer les dangers éventuels reliés aux programmes de prévention destinés aux enfants.
Pour ce qui est de la prévention d'abord, non seulement nous doutons de l'existence de gains en matière de connaissances, mais, s'il y en a, nous doutons de leur influence ultérieure sur les attitudes ou les comportements attendus dans la situation concernée. Dans d'autres contextes, en tout cas, une augmentation des connaissances ne conduit pas à une modification du comportement dans la « vraie vie ». Par exemple, l'immense campagne de prévention des grossesses pubertaires aux États-Unis s'est révélée un véritable fiasco. Par ailleurs, une étude dirigée par l'auteur principal de ce chapitre, portant sur une population de mères-adolescentes montre également qu'un accroissement des connaissances n'a aucun impact sur les attitudes (Doyon, 1988).
Pour ce qui est de la détection ensuite, les programmes de prévention provoquent une augmentation parfois spectaculaire de dévoilements. Parmi ces dévoilements, un certain nombre sont absolument salutaires à plusieurs titres. Néanmoins, on le constate de plus en plus fréquemment, le dévoilement des jeunes enfants est toujours douteux quand il survient à la suite d'une sollicitation. Or, nombre de programmes de prévention sont de véritables campagnes de sollicitation. Le problème avec la sollicitation réside évidemment dans sa qualité suggestive.
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La suggestion implicite des programmes
Aucun programme, si respectueux soit-il, ne peut contrer la tendance à la suggestion. Attirer l'attention de l'enfant sur la sexualité ou sur les parties génitales et suggérer que des adultes puissent vouloir abusivement franchir leur intimité créent d'emblée un contexte hautement suggestif. L'enfant peut dès lors interpréter nombre de gestes vécus comme étant de nature abusive. Comme l'invitation au dévoilement vient souvent d'un enseignant, figure éminemment significative aux yeux de l'élève, celui-ci sera d'autant plus touché par sa sollicitation.
Un directeur de service social avouait qu'il pouvait retracer partout dans sa région le passage d'une intervenante assignée à « la prévention », grâce au nombre de signalements subséquents échouant sur son bureau. Il prétendait distinguer les signalements sérieux des farfelus. Accordons-lui le bénéfice du doute ; il n'en reste pas moins que le dévoilement même farfelu signale une modification dans l'imaginaire de l'enfant pour qui, dorénavant, la tape affectueuse de son père sur les fesses sera perçue comme un abus sexuel. L'évaluateur averti aura beau tenir ce dévoilement pour naïf et non valide, le « contenu » comme tel sera dorénavant établi dans l'esprit de l'enfant. Peu importe la réalité historique et le sens de celle-ci, dans les faits, il s'est passé quelque chose de pas bon pour cet enfant et qui implique souvent l'un des êtres qui lui sont les plus proches : son père, sa mère ou ceux qui les représentent. La pernicieuse croyance ou crainte, dévoilée ou non, peut en d'autres termes créer les mêmes effets qu'un véritable geste incestueux : l'abolition de la confiance envers l'adulte concerné ou, pire, l'abolition de la distance intergénérationnelle (Van Gijseghem, 1992). Une telle abolition signifie que l'enfant se perçoit comme « partenaire » de l'adulte dans le domaine [109] sexuel et, en tant que soi-disant objet du désir sexuel d'un adulte, il se voit chassé de son statut d'enfant.
Mais même si, lors de ces séances de prévention, l'enfant ne s'est pas créé des craintes ou des inquiétudes non fondées, il a néanmoins été amené à découvrir que l'adulte peut nourrir à son égard des intentions sexuelles et perverses. Dorénavant, il se voit comme l'objet potentiel du désir sexuel de son père, de sa mère, ce qui ne manque pas de jouer plus ou moins sur l'indispensable distance intergénérationnelle.
Point de vue théorique
Un brin de théorie s'impose pour mieux cerner les éléments en cause dans cette problématique. L'enfant normal d'âge préscolaire connaît une effervescence sexuelle qui a pour objet son parent. Par la fantasmatique sexuelle d'une part et la séduction comportementale d'autre part, il cherche à s'assurer la proximité optimale de ce parent. C'est ce que les psychanalystes ont appelé la situation œdipienne. Or, pour que l'enfant parvienne à une maturité psychosexuelle, il doit progressivement renoncer à cette quête séductrice et donc « désexualiser » son élan envers cette figure parentale. Un tel processus est possible en autant que l'enfant ne reçoive pas ou ne perçoive pas de réponse sexualisée de la part du parent. Autrement dit, l'abandon de la quête sexuelle œdipienne est en quelque sorte conditionnel à l'interdiction que le parent oppose à tout ce qui pourrait susciter des émois érotisés entre lui et l'enfant. Une fois que l'enfant a dûment renoncé à l'entreprise de séduction, il amorce une période de moratoire pendant laquelle ses buts sexualisés prennent d'une certaine façon le maquis. On a désigné cette nouvelle étape du développement par l'expression évocatrice de période de latence. Dès lors, [110] l'enfant investit ses énergies vitales dans d'autres intérêts et dans de nouveaux objets : il est passionné d'apprendre et il s'adonne à la socialisation entre pairs ; il recherche l'amitié, la tendresse, les occupations « traditionnelles » telles que le jeu, les sports, les collections, etc. Bref, il fait de réels efforts pour devenir grand et solide comme ses parents, quitte à reporter à plus tard la jouissance des prérogatives propres aux adultes.
La sexualité sortira du maquis lors du « grand dérangement » pulsionnel et hormonal de l'adolescence. Sa mise à l'écart pendant la période de latence lui aura toutefois permis de se transformer, de se « déparentaliser » ou de se « désincestuer ». Ainsi, à plus ou moins brève échéance, la vie sexuelle pourra-t-elle se penser et se déployer de façon non infantile et non conflictuelle.
Nous disions que, pour que l'enfant puisse abandonner ses élans sexualisés envers le parent et pour qu'il puisse donc avancer dans son développement, l'interdit parental doit être étanche. Or, qu'arrive-t-il lorsque l'enfant, grâce à nos efforts de prévention, en vient à envisager l'existence possible d'un désir sexuel du parent à son égard ? Son propre élan fantasmatique sexualisé envers le parent trouvant pour ainsi dire une issue, l'enfant peut être envahi par une forme de panique incestueuse et, via un refoulement massif, élaborer sa sexualité sur un mode hystérique. Il peut aussi se complaire dans cette possible réciprocité et développer l'illusion d'avoir franchi la distance intergénérationnelle. C'est là le pire scénario en ce qu'il crée chez l'enfant l'illusion qu'il « l'a l'affaire » et qu'il peut par conséquent faire l'économie d'une longue et laborieuse maturation. Dans ce cas, la période de latence se trouve escamotée et l'enfant poursuit la sexualisation de ses liens selon la manière infantile, c'est-à-dire sans accéder à la réorganisation que permet la période de latence. Pour peu que l'adulte manifeste de la [111] complaisance ou initie l'enfant au savoir sexuel adulte, celui-ci s'installera sans trop d'angoisse dans cet état adultoïde. Il y perdra toutefois son statut d'être désirant que seule garantit la privation de l'objet du désir. Bref, cette seconde issue représente une sérieuse entrave au processus de développement.
Une troisième réaction est également possible. L'enfant peut retirer sa confiance à l'adulte et se réfugier dans la solitude qui le prive de modèle, ce qui, là aussi, conduit son développement à la dérive.
On pourrait taxer ces considérations théoriques d'alarmistes. Ce qui est décrit ici peut paraître davantage résulter d'un climat franchement incestueux plutôt que des effets d'un programme de prévention. Toutefois, n'oublions pas que le contenu de tels programmes est justement dangereux à ce titre : il suggère que le parent désire sexuellement l'enfant, et il crée ainsi chez l'enfant l'issue pour son propre désir. Du même coup, le refoulement ou la répression de ce désir infantile peut ne plus lui être accessible.
L'évaluation des approches préventives invite à de sérieux questionnements en ce qu'elle met en relief non seulement des effets nuls, mais des effets néfastes. Pour notre part, nous pensons qu'il vaudrait mieux épargner à nos enfants le thème de la perversion adulte. Laissons-les jouir de leur statut d'enfant, sujet de désir, plutôt que de les encourager à se percevoir comme objet du désir sexuel d'un parent.
Quel genre de prévention alors ?
Laisser l'enfant tranquille n'équivaut pas à renoncer à tout effort de prévention en matière d'abus sexuel. Mais n'imposons pas à l'enfant la lourde responsabilité de sa propre protection. C'est à nous, parents, de porter cette responsabilité [112] de protéger nos enfants. Personne n'ignore que la meilleure prévention réside dans un lien de qualité entre les parents et l'enfant. Un milieu chaleureux où circule l'amour, où l'on prodigue des soins adéquats et un encadrement judicieux reste la meilleure garantie contre tous les malheurs. Quant à une prévention ponctuelle, celle visant les abus sexuels, nous croyons qu'il y a lieu de changer de cible. Plutôt que de viser les victimes potentielles, nous verrions très bien la possibilité de viser les éventuels abuseurs.
L'adolescent à titre d'abuseur potentiel
L'adolescent s'avère une première cible pertinente. Les recherches démontrent que parmi les abuseurs sexuels, l'adolescent mâle est très fortement représenté. Il suit de très près le beau-père ou le « petit ami de maman » (Margolin et Craft, 1990). L'adolescent mâle est en effet à risque d'abuser sexuellement de jeunes enfants à double titre. Premièrement, des études rétrospectives sur des populations d'abuseurs qui ont avoué démontrent que les abuseurs sont habituellement condamnés une première fois vers l'âge de 26 ans. Au moins 50% d'entre eux déclarent avoir commis des abus dès le début de leur adolescence et en avoir perpétré une moyenne de cinq cents avant d'être traduits en justice (Abel, Becker, Murphy et Flanagan, 1981 ; Freeman-Longo et Wall, 1986). De plus, des rapports cliniques et des résultats de recherche révèlent que les abus sexuels les plus graves, commis sur de très jeunes enfants ou accompagnés de sévices corporels, sont le fait de jeunes adolescents. Autant dire que la population adolescente se révèle une cible privilégiée pour des programmes de prévention.
Une deuxième raison prêche dans le même sens. Sans pour autant être des criminels, nombre de jeunes adolescents dits normaux se trouvent souvent débordés par [113] l'effervescence pulsionnelle qui les envahit et peuvent être tentés de canaliser ou d'expérimenter cette génitalité confuse et diffuse sur des enfants. Faut-il préciser que le gardiennage confié à certains adolescents masculins revêt un risque élevé à cet égard. Nonobstant le souci d'égalité des droits et de « non-discrimination », il convient de souligner que bon nombre d'abuseurs sont néanmoins des jeunes adolescents engagés comme « gardiens d'enfant » (Margolin et Craft, 1990). Encore ici, ne soyons pas alarmiste : ce qui précède ne signifie pas que bon nombre d'adolescents mâles soient des abuseurs ! La logique est inverse.
On le sait, le futur abuseur de carrière résistera probablement aux programmes de prévention vu la solidité de sa structure déviante. Par contre, les programmes destinés aux adolescents pourraient davantage profiter à ceux qui risquent de dévier temporairement vers ce genre d'agir. Dûment saisis de la nature et des conséquences de l'abus sexuel sur des enfants, ils pourraient éventuellement mieux maîtriser leurs pulsions dans des situations piégées. Peut-être un certain nombre d'abus sexuels perpétrés par des adolescents sur de jeunes enfants seraient-ils ainsi évités.
Les futurs parents
Une seconde cible est celle des jeunes adultes, nouveaux mariés, futurs parents. Beaucoup de futurs parents suivent des cours prénataux dans le but d'apprendre les aspects techniques de leur futur rôle parental. N'est-ce pas là le moment rêvé de présenter un programme de prévention des abus sexuels ? Si un tel programme risque d'avoir, encore là, peu d'effets sur le véritable pédophile, il pourrait certes aider l'individu vulnérable en l'éclairant sur la gravité des écarts et sur les situations ambiguës.
[114]
On observe en effet que nombre de familles ignorant les enjeux de la sexualité infantile veulent à tout prix abolir les tabous sexuels. Or, nombre de pratiques éducatives considérées à risque du point de vue clinique se soldent soit par des abus réels, du moins dans la perception de l'enfant, soit par de fausses allégations éminemment nocives pour toutes les personnes concernées. Une forme d'éducation des parents pourrait éviter une foule de conceptions erronées aussi bien sur le développement de l'enfant que sur sa sexualité.
Des programmes de prévention destinés aux parents pourraient comporter d'autres objectifs plus généraux. Entre autres, les informer de la nécessité de bien superviser et d'encadrer les enfants. Le praticien s'étonne souvent de l'incommensurable naïveté de certains parents. Conscients pourtant de la fréquence des abus sexuels, ils n'ont aucune idée des situations qui les favorisent. Croyant que les probables abuseurs rôdent dans les parcs avec leurs appâts subtils, ils ignorent que les plus grands risques d'abus sévères et persistants sont à l'intérieur ou proches de la famille elle-même.
La prévention la plus sûre est celle qui apprend aux parents à être parents dans le vrai sens du terme. Cet apprentissage est plus difficile à transmettre aux jeunes parents marqués de carences, de problèmes de comportement, immatures ou instables. Le problème central est toujours le même : par où faut-il commencer ? Ce futur parent a peut-être été lui-même un enfant carence ou blessé par des parents inadéquats, eux-mêmes négligés par les leurs. La question reste entière, et nous devrons faire preuve d'ingéniosité en matière d'éducation des adultes.
Cela dit, des effets pervers guettent aussi ce secteur préventif. En insistant sur l'ambiguïté de certaines situations, sur la gravité des abus sexuels, sur leur fréquence dans le [115] contexte familial, on peut favoriser chez des adultes une attention sélective et une vigilance exagérée qui leur feront voir des signes d'abus partout. Si nous avons insisté précédemment sur la grande suggestibilité de l'enfant, force est de constater que l'adulte non averti peut à son tour déployer le « biais du chercheur » suivant la formule « qui cherche, trouve ». Intégrer aux programmes de prévention des mises en garde contre ce danger particulier pourrait permettre de contourner cet écueil. En effet, le parent bienveillant, qui peut comprendre les dangers de l'abus sexuel, peut tout aussi bien saisir les dangers d'une hypervigilance.
Il n'est pas inutile de mentionner en passant que les mêmes mises en garde méritent d'être présentées aux professionnels chargés de valider les allégations d'abus sexuel. La recherche a amplement démontré que nombre de professionnels succombant à leur grand désir de détecter tous les cas, peuvent donner dans la même hypervigilance et établir des faux positifs, c'est-à-dire voir des abus là où il n'y en a pas.
Une illusion
Considérant la lenteur des progrès de la nature humaine selon l'échelle évolutionniste, viser l'éradication des abus sexuels est une illusion. Le prédateur sexuel est là pour rester tout comme le psychopathe qui exploite tout ce qui bouge autour de lui. Depuis le début de l'histoire écrite jusqu'à aujourd'hui, des psychopathes polluent l'existence sociale, et cela ne changera probablement pas au cours des siècles à venir. Une note optimiste est toutefois permise. L'enfant n'a jamais joui d'un statut aussi privilégié que dans l'ère contemporaine et l'on croit que les abus sexuels sont aujourd'hui nettement moins nombreux que jamais auparavant (Rush, 1980). Reconnaître l'enfant comme un être [116] en développement semble avoir un impact positif sur la régression des abus sexuels, ce qui signifie probablement que l'adulte bien constitué sait d'emblée qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de servir de partenaire sexuel. Cette constatation ne peut qu'encourager l'effort préventif auprès des adultes en vue de consolider cet acquis. Par ailleurs et quoi que nous fassions, les abuseurs invétérés échapperont probablement à tous les efforts préventifs, sinon curatifs.
Un tel réalisme devrait inciter les parents à considérer l'abus sexuel comme un danger inévitable qui, comme beaucoup d'autres dangers, guette leur enfant. Celui-ci peut glisser sur le trottoir, tomber d'un arbre, être mordu par un chien, être abusé sexuellement au même titre que le parent risque d'être escroqué par le voleur, exploité par l'exploiteur, arnaqué par l'arnaqueur. Il est peut-être plus sain pour le parent d'avoir cette conception réaliste que de rêver à la suppression des abus sexuels grâce aux bons programmes préventifs dispensés par l'école. Comme il veillera à ce que son enfant ne soit pas mordu par le chien, le parent responsable veillera à ce qu'il ne tombe pas dans les mains d'un abuseur sexuel, fût-ce quelqu'un de proche.
Conclusion
On croit peut-être trop aveuglément qu'il y a une solution à tout. Serait-ce cette utopie qui, en matière d'abus sexuel, nous a poussé à vouloir régler le problème là où il frappe, à savoir chez nos enfants ? On croyait qu'en informant nos enfants des facettes perverses de la sexualité des adultes, ils pourraient se mettre à l'abri, déjouer les dangers. Plus tôt on les alerterait, mieux ils pourraient se défendre contre les abuseurs. Nous n'avons toutefois tenu compte ni de leurs possibilités cognitives ni de leurs inaptitudes à convertir une information en réponse comportementale, le cas [117] échéant. Surtout, nous n'avons pas pensé aux effets pervers de cette information qui, à la limite, peut entraver leur développement psycho-sexuel.
C'est pourquoi nous osons proposer de laisser nos enfants tranquilles et de leur épargner ces informations terriblement dégrisantes quant à leur vision des adultes en particulier et de la vie en général. Qu'ils continuent de s'émerveiller de ce qu'ils découvrent, de croire les adultes bienveillants et ainsi de rester des sujets désirants. À ces conditions seulement, ils consentiront aux efforts requis pour devenir grands à leur tour.
En revanche, nous proposons de détourner nos efforts de prévention des victimes virtuelles vers les abuseurs potentiels. Sans considérer ce changement de cible comme une garantie de victoire finale, il n'est pas impossible qu'on atteigne par là un résultat plus probant et moins nocif en matière d'effets secondaires.
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