Louis Gill
[économiste, retraité de l’UQÀM.]
“Une autre découverte étonnante
sur la dette ?”
Un article publié dans le journal LA PRESSE +, Montréal, édition du 15 juin 2015.
Dans un article intitulé « Une autre découverte étonnante sur la dette », publié le 9 juin dans La Presse, le chroniqueur économique Francis Vailles dit avoir constaté qu’un poste comptable s’apparentant à la dette a explosé ces dernières années au Québec et au Canada, sans que le public en soit vraiment informé. Ce poste, désigné « Obligations contractuelles », atteint, précise-t-il, plusieurs dizaines de milliards de dollars. Il consiste dans un ensemble d’engagements pris envers des tiers (municipalités, partenariats public-privé, universités, ententes avec les autochtones,…) qui ne sont pas additionnés à la dette, même s’ils sont mentionnés dans une note aux états financiers, et qui auraient pour effet de la faire gonfler substantiellement s’ils l’étaient. En somme, même si rien n’avait été ménagé jusqu’ici pour nous convaincre que l’endettement du Québec était prohibitif, la situation serait encore pire qu’on avait pu l’imaginer.
Mentionnons d’abord que l’existence et la croissance des obligations contractuelles non comptabilisées dans la dette, que Francis Vailles souhaite nous faire découvrir aujourd’hui, ont été l’objet d’analyses détaillées dans plusieurs rapports du Vérificateur général du Québec au cours des dernières années, notamment ceux de février 2010 (chapitre 3), février 2011 (chapitre 6), mars 2012 (chapitre 8) et mars 2013 (chapitre 6).
Elles ont aussi, dans chacun de ces rapports, été l’objet de commentaires du ministère des Finances qui, sans nier qu’il faille s’en préoccuper, viennent atténuer leur gravité en faisant ressortir leur caractère de simple quasi-dettes. En règle générale, écrit le ministère, ces obligations contractuelles ne se traduiront pas en une dette; il s’agit de sommes qui seront financées à même les objectifs de dépenses que s’est fixés le gouvernement. Par exemple, les obligations contractuelles des commissions scolaires, composées principalement de contrats pluriannuels pour le transport scolaire, constituent des dépenses récurrentes prévues à leur budget annuel d’opérations. Elles n’ont pas recours à des emprunts pour les assumer (Rapport de 2011, chapitre 6, p. 15).
De même, les obligations contractuelles à l’égard des ententes de transferts aux municipalités dans le cadre du pacte fiscal ou encore pour des contrats d’approvisionnement de biens et de services, lorsqu’elles se réaliseront au cours d’une année, seront alors pourvues à même les dépenses courantes. (Rapport de 2013, chapitre 6, p. 48). Par ailleurs, bien que la valeur des obligations contractuelles, de plusieurs dizaines de milliards de dollars, puisse apparaître comme importante, il importe de souligner, précise le ministère, que celles-ci s’échelonnent sur une longue période. Ainsi, représentaient-elles, en 2013, 6,4 % des dépenses prévues et on estimait que ce pourcentage ne s’élèverait qu’à 2 % en 2017 (même source).
En réaction à ces commentaires, le Vérificateur général a reconnu que les obligations contractuelles ne se traduiront pas toutes en une dette. Cependant, fait-il valoir, tout comme une dette, elles entraîneront systématiquement des sorties de fonds, d’autant plus importantes qu’elles connaissent une croissance rapide, de sorte que, malgré l’échéance à long terme de certaines de ces obligations, force est de constater qu’elles limiteront la marge de manœuvre financière du gouvernement (même source, p. 49).
En somme, ni panique, ni complaisance !
Fin du texte
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