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Louis Gill
Département des sciences économiques
Ex-président du SPUQ et Ex-premier vice-président du SPUQ
“Hommage à l'« immense collègue »,
André Breton.”
Un article publié dans SPUQ-Info, Bulletin de liaison du Syndicat des professeurs et professeures de l’UQÀM, Montréal, no 296, 16 décembre 2014, page 3.
Très cher André,
Tu es parti sur la pointe des pieds sans dire un mot. On s'y attendait. Après de multiples faux départs suivis d'autant de retours pour compléter ce que tu estimais n'avoir pas entièrement achevé, tu as finalement fermé discrètement la porte derrière toi. Tu aurais souhaité, sans doute sans y croire, que ce départ passe inaperçu, que personne ne le souligne. À tes yeux, tu avais fait ce que tu avais à faire, un point c'est tout. « Pas de remerciements. Pas d'hommage. S'il vous plaît, abstenez-vous ! ». Toute dérogation à cette consigne te déplairait foncièrement. Eh bien, cher André, sois assuré que j'ai la ferme intention de te déplaire.
Nous nous sommes connus en 1996, il y a près de vingt ans. Simone Landry, qui était alors présidente du syndicat et qui te connaissait en tant que collègue au Département des communications, avait eu l'excellente idée de te proposer de rejoindre notre équipe. Ce fut pour moi le début d'une étroite collaboration que j'ai appréciée chaque jour, jusqu'à ce que je prenne ma retraite en 2001, puis jusqu'à aujourd'hui dans le cadre d'un interminable litige dont un jugement de la Cour supérieure nous astreint à la discrétion quant aux termes de son contenu.
Dès ton arrivée, nous avons été frappés par ton énergie et ton assiduité au travail. Sans doute dormais-tu au secrétariat plus souvent qu'autrement, mais nous n'y étions jamais assez tard pour le constater.
En raison de tes compétences en communications, nous t'avions confié la tâche de mettre sur pied le site Internet du SPUQ. Le SEUQAM avait déjà un an d'avance sur nous à cet égard. Mais tu étais tellement perfectionniste que nous ne voyions pas le moment où notre site finirait par voir le jour. Il nous a donc fallu, à regret, te muter vers d'autres tâches, où ta virtuosité nous a invariablement éblouis.
J'ai été en mesure de le constater, en particulier, dans le cadre de notre collaboration à la production du SPUQ-Info, dont j'assumais la responsabilité au sein de l'Exécutif. Ton amour de la langue française bien écrite, avec le soutien constant des références puisées chez ta conseillère préférée, Marie-Éva de Villers, a été un fondement de la qualité de notre bulletin. Et ta contribution au SPUQ-Info allait bien au-delà de cette dimension de la garantie de sa qualité. Pendant des années, tu y as assuré des chroniques appréciées, notamment en matière d'analyse des budgets de l'Université et, il va sans dire, en matière de régimes de retraite.
Tu nous as impressionnés par le calme, la compétence et le doigté avec lesquels tu as accompli la tâche qui est sans doute la plus difficile à accomplir pour un syndicaliste, celle de prendre le manteau du patron pour négocier les conditions de travail du personnel du secrétariat.
J'ai adoré me retrouver avec toi et les autres collègues sur la ligne de front. J'aime en particulier me rappeler cette négociation d'une fin de semaine en mai 1998 face à la rectrice Paule Leduc, qui avait mené à la reconnaissance du statut des doyens comme membres de l'unité d'accréditation, avec en prime le cran d'arrêt que nous avions imposé peu après à la contribution professorale aux économies de masse salariale, auxquelles nous avions été mal avisés de consentir au cours des trois années précédentes, avec la volonté illusoire de compenser ainsi le définancement universitaire.
J'aime aussi me rappeler cette négociation que nous avions menée à quatre, avec Pierre Lebuis et Renée Joyal, au plus profond de l'été 2000, qui nous avait conduits à une entente de principe le 26 juillet. Nous nous amusions à souligner que cette entente était survenue le jour de l'anniversaire du déclenchement de la révolution cubaine par l'attaque de la caserne de la Moncada à Santiago, en 1953. Face à l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations depuis des mois, nous avions décidé de passer par-dessus la tête du comité patronal de négociation et de nous adresser directement à la haute administration de l'Université, avec laquelle, contre toute attente, nous avions conclu un règlement en un temps record.
Alors que, pour moi, cet événement a coïncidé avec ma prise de retraite un an plus tard au terme de sept années à l'Exécutif, pour toi, ce sont quinze autres années de service qui ont suivi. Quinze ! Pour un grand total de vingt années, en tant que membre de l'Exécutif et en tant que conseiller irremplaçable de centaines de collègues qui ont pu bénéficier de tes connaissances en matière de retraite et de congés sabbatiques, et de ton exceptionnel dévouement. Avec ces vingt années de mandats syndicaux, tu éclipses jusqu'ici tout autre membre de notre syndicat. Et tu estimerais que cela, entre autres, ne mérite pas d'être souligné ?
Quand j'ai pris ma retraite, tu m'as rendu un hommage que je ne peux oublier. Tu as intitulé cet hommage : « Immense collègue ! ». Je ne peux imaginer de meilleure caractérisation pour te rendre hommage à mon tour. Je te dis donc moi aussi, en te plagiant sans vergogne : « Salut, immense collègue ! ». Et je te souhaite le meilleur pour cette retraite tant méritée, en voyages, en radio communautaire, en joie de vivre dans cette région de Magog que tu aimes tant, et tout le reste.
Avec ma reconnaissance et ma sincère amitié.
Fin du texte
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