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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Mario Dumais, Louis Gill et Jean-Guy Loranger, “Jacques Parizeau face aux syndicats.” Un article publié dans le journal Québec-Presse, Montréal, édition du 14 novembre 1971. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 11 janvier 2005.]

Mario Dumais, Louis Gill
et Jean-Guy Loranger


Jacques Parizeau
face aux syndicats
.”

Un article publié dans le journal Québec-Presse, Montréal, édition du 14 novembre 1971.



L'économiste vedette du parti Québécois, Jacques Parizeau, posait la semaine dernière la question : "Où vont les syndicats ?" Le but de notre propos n'est pas de répondre à la place des syndicats ni de chercher à démolir le parti Québécois (nous sommes très conscients que l'ennemi principal des Québécois est l'impérialisme américain), mais d'apporter une modeste contribution au débat sur les grandes options politiques et économiques qui s'offrent aux Québécois.

Disons, dès le départ, que Jacques Parizeau aurait intérêt à se dépouiller le plus possible de son ton arrogant et à analyser plus en profondeur les points de vue de ses opposants. Par exemple, au lieu d'essayer de ridiculiser les promoteurs de la thèse d'un Québec socialiste, en les comparant à nos missionnaires en Asie, il devrait prendre le temps de faire une analyse économique et politique sérieuse des deux documents de la CSN : "Il n'y a plus d'avenir pour le Québec dans le système économique actuel" (adopté par le Bureau confédéral le 8-9-71) et "Ne comptons que sur nos propres moyens" (adopté comme document de travail par le Conseil confédéral le 6-10-71).

Une telle critique serait plus sérieuse et plus valable qu'un article qui se limite à reprocher aux syndicats de ne pas avoir opté pour la solution péquiste comme solution de rechange au système actuel. Quant à nous, nous faisons nôtre l'observation des dirigeants syndicaux qui déclarent : "Nous vivons des moments historiques plus importants que ceux d'octobre 1970". Nous sommes d'accord non pas parce que ce sont des dirigeants syndicaux qui l'affirment, mais parce que c'est la première fois qu'un conflit purement syndical, à l'origine, débouche sur une confrontation politique globale du système. En octobre 1970, l'affrontement politique était le fait d'un groupuscule de travailleurs-chômeurs écœurés, qui ont posé des gestes au nom de la classe ouvrière. En octobre 1971, l'affrontement a été mené par une masse de travailleurs, appuyés par les dirigeants officiels du mouvement syndical. Que de chemin parcouru en un an !

Il ne nous appartient pas de définir les moyens que devront prendre les travailleurs pour atteindre leur libération politique. Ce sont les  travailleurs  eux-mêmes qui, dans leur éveil politique, devront inventer leur propre stratégie. À plus court terme, nous pensons que la stratégie à mettre en œuvre est de diffuser plus largement les idées qui ont contribué à l'éveil politique déjà amorcé à l'intérieur ou à l'extérieur des structures syndicales.

Essayons maintenant d'analyser pourquoi les syndicats ont finalement débouché sur la nécessité d'une confrontation politique globale avec les pouvoirs publics.

Les syndicats œuvrant dans le secteur privé réalisent, de plus en plus, l'impuissance des moyens traditionnels d'action syndicale (grèves, griefs, mémoires, etc.) face aux' fermetures d'usines décrétées unilatéralement par les entreprises multinationales. Ils subissent ces mises à pied massives (exemples : Canadair, Shawinigan Chemicals, etc.) qui sont la conséquence de décisions prises par des monopoles étrangers, bénéficiant de la complaisance des pouvoirs publics. Or, comme ils ne peuvent se battre contre un centre de décision en dehors du territoire, les syndicats s'attaquent à leurs valets ou représentants : les pouvoirs publics.

D'autre part, il est assez remarquable que près de la moitié des syndiqués affiliés aux trois centrales (CSN-FTQ-CEQ) soient dans le secteur public. Ici encore, les moyens traditionnels d'action syndicale (grèves, etc..) se sont révélés très vite inefficaces contre un État-patron qui peut, à volonté, utiliser des bills matraques pour casser une grève.

Quoi d'étonnant, alors, à ce que les travailleurs regardent avec méfiance l'accroissement des pouvoirs d'un État qui sert inconditionnellement la bourgeoisie dans un régime capitaliste.

Pour Jacques Parizeau, la libération politique signifie l'accession à l'indépendance. Pour les travailleurs, la libération politique est plus que le simple changement du statut juridique d'un pays. Elle signifie le renversement de l'ordre social qui les asservit. C'est ce qu'il faut comprendre quand les dirigeants syndicaux parlent de casser le régime.

Mario Dumais, professeur au département d'histoire, UQAM ; Louis Gill, professeur au département d'économique, UQAM ; Jean-Guy Loranger, professeur au département de sciences économiques, université de Montréal.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 24 juin 2015 19:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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