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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Le mouvement syndical et les enjeux économiques actuels ”. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction d’Yves Bélanger et Robert Comeau, La CSN. 75 ans d’action syndicale et sociale (pp. 169 à 190). Montréal : Les Presses de l’Université du Québec, 1998, 340 pages. Collection: Les leaders du Québec contemporain. Actes du colloque sur les leaders du Québec contemporain, tenu à Montréal, les 21-22-23 mars 1997. [Autorisation accordée le 10 janvier 2003 par Louis Gill de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[169]

La CSN. 75 ans d’action syndicale et sociale

TROISIÈME PARTIE
Quel syndicalisme pour aujourd’hui ?

Le mouvement syndical
et les enjeux économiques actuels
.”

Louis GILL

Le 75e anniversaire de la CSN est une occasion de jeter un regard sur ses orientations en matière économique et, au-delà, sur celles du mouvement syndical québécois dans son ensemble. Les positions économiques des trois grandes centrales (CSN, FTQ, CEQ) sont fort voisines. Elles ont, au fil des années, souvent été l’objet d’actions et de déclarations communes ou convergentes.

La ligne de force des positions syndicales en matière économique est incontestablement la lutte pour l’emploi, une lutte dont on a acquis la conviction profonde, dans le mouvement syndical au Québec au cours de la dernière décennie, que son cadre naturel est celui du partenariat social, celui de la concertation bipartite, entre syndicats et patronat, ou tripartite, entre gouvernement, patronat et syndicats.

Une adhésion syndicale à la concertation

Cette conception, qui s’est véritablement implantée dans le mouvement syndical québécois au cours des années 1980, s’appuyait alors sur les « économies de plein emploi » qu’avaient été ou qu’étaient encore à ce moment-là les « modèles » allemand, suédois, autrichien et norvégien [1]. Parce que le plein emploi et un large développement des mesures sociales avaient effectivement été réalisés dans ces pays dans le cadre d’un partenariat social imposé au patronat par des gouvernements social-démocrates majoritaires ou de coalition, c’est ce cadre lui-même, et non la force politique du mouvement ouvrier exerçant le pouvoir, qui a été identifié comme une condition nécessaire de la réalisation du plein emploi et du développement de l’État-providence. Si l’illusion quant au rôle positif déterminant du partenariat a pu être nourrie tant que les pays en question demeuraient des modèles de plein emploi et de mesures sociales, elle a perdu tout fondement dans les faits à partir du moment où le partenariat [170] social s’y est transformé en un « partenariat de l’assainissement », qui a ouvert la voie à l’implantation des politiques néolibérales et au développement du chômage.

Contradictoirement, c’est à partir de ce moment, vers la fin des années 1980, que le mouvement syndical québécois s’est résolument engagé dans la voie de la concertation. À la CSN, un débat amorcé au Congrès d’orientation de 1985 et mené dans les instances de la centrale au cours des années suivantes a conduit, au 55e congrès en mai 1990, à l’adoption d’orientations claires en faveur de la concertation. Le Rapport du Comité exécutif présenté à ce congrès appelle à des « changements majeurs dans nos attitudes », à une « actualisation de notre action » ; il établit une distinction, à faire désormais, entre « les intérêts conflictuels » qui nous séparent des patrons et les « objectifs convergents » qui nous rapprochent d’eux. Dans cette perspective, « notre parti pris pour l’emploi [...] engage notre responsabilité dans la capacité des entreprises à soutenir efficacement la concurrence ». Il faut en conséquence s’ouvrir à une gestion patronale renouvelée, participative, qui s’associe le personnel « dans un partage des valeurs et la confiance mutuelle » [2].

La nouvelle orientation, adoptée par la CSN à ce 55e Congrès, rejoignait celle qu’avait adoptée la FTQ six ans plus tôt en créant son Fonds de solidarité. L’engagement des trois centrales dans la voie de la concertation a été réitéré depuis, de multiples manières, dont la plus récente est formulée dans la déclaration commune intitulée Conjuguons nos efforts. L’urgence, c’est l’emploi, rendue publique le 16 septembre 1996 en prévision du Sommet sur l’économie et l’emploi de l’automne 1996. Exprimant la nécessité d’un « contrat de solidarité sociale » et de la constitution d’une alliance pour l’emploi à l’échelle du Québec, les trois centrales y désignent la concertation entre les diverses composantes de la société québécoise comme une « base nécessaire au développement social et économique du Québec » [3].

Dans la même voie et avec une insistance remarquable, la CSN, dans un document de janvier 1997 intitulé Refaire l’unité sur l’essentiel, reprenant le thème d’un nécessaire nouveau contrat de solidarité sociale, évoquait « l’urgence de souder le Québec à un projet collectif d’où résulterait une plus grande cohésion sociale » et allait jusqu’à dire que son « objectif premier consiste à renouveler un contrat social qui ne réussit plus aujourd’hui à rencontrer ses obligations » [4]. Mieux encore, la solidarité sociale en est venue à être présentée [171] comme une composante propre de l’identité québécoise [5]. On a voulu découvrir ici un modèle spécifiquement québécois. Cette idée est sans doute alimentée par le fait que la question de la souveraineté du Québec est une question démocratique qui vise tous les citoyens du Québec, au-delà des classes sociales, et qu’un large consensus national est possible et nécessaire pour réaliser la souveraineté. La possibilité et la nécessité d’un large consensus pour résoudre la question démocratique qu’est la question nationale incitent à croire qu’un même consensus serait possible pour résoudre un autre type de question, cette fois d’ordre social, comme le plein emploi ou la protection des programmes sociaux. Nous pourrions en somme réussir à nous entendre au sein de la grande famille nationale, réaliser ensemble, en harmonie, le modèle québécois.

L’initiative du Forum pour l’emploi

La concertation entre « partenaires sociaux » pour la création d’emplois a d’abord donné naissance, de 1987 à 1989, à l’opération Forum pour l’emploi, sous le parrainage de 25 représentants du mouvement syndical, du monde des affaires, des universités, des municipalités, de l’Église, des communautés culturelles, des femmes et des jeunes. Créé à grands renforts de publicité, ce regroupement adoptait au rassemblement national de Montréal des 5 et 6 novembre 1989, qui réunissait 1600 participants, une résolution générale dont l’élément central était le souhait de maintenir ou de créer, dans chacune des régions du Québec, un comité pour l’emploi rassemblant les divers intervenants socio-économiques de la région, dont le rôle serait de « faciliter le dialogue et la réflexion commune sur les moyens d’accroître l’emploi dans la région, de susciter des expériences créatrices d’emploi et de faire connaître les expériences de la région en la matière » [6].

D’aucuns diront que le Forum pour l’emploi « se voulait avant tout un exercice de sensibilisation et de réflexion sur la question de l’emploi ; [qu’]il visait essentiellement à un rapprochement entre les principaux groupes socio-économiques concernés par cette question » [7]. Il n’en reste pas moins que l’objectif réel était la création d’emplois par la concertation entre des « partenaires », [172] mieux, dans l’esprit du Comité de parrainage, la poursuite de l’objectif du plein emploi pour l’an 2000 [8]. À l’analyse des moyens réels qui furent mis en œuvre et des résultats atteints par cette initiative, il n’est pas exagéré de constater que l’éléphant a accouché d’une souris. Le regroupement s’est rapidement réduit à une peau de chagrin. Deux ans plus tard, en 1991, le Conseil du patronat du Québec, qui avait boudé le Forum lors de sa création en expliquant que l’objectif des entreprises n’est pas de créer de l’emploi, mais de faire des profits, prenait l’initiative d’organiser à son propre compte un colloque sur l’emploi et la relance économique, sous le thème « Rendez-vous économique 1991 », colloque auquel le Forum pour l’emploi était invité à participer, sur le même pied que les autres participants, dont la plupart étaient eux-mêmes membres du Forum.

Fait à souligner, si le grand patronat s’était tenu à l’écart du Forum pour l’emploi malgré les sérieux efforts de ce dernier pour l’y attirer, le gouvernement, lui, avait délibérément été laissé de côté. Fruit de l’initiative « privée » des principaux groupes socio-économiques nationaux et régionaux du Québec [9], le Forum pour l’emploi misait d’abord et avant tout sur l’initiative privée. Le président du Comité de parrainage du Forum pour l’emploi, Claude Béland, celui-là même qui dirige aujourd’hui au sein du Mouvement Desjardins une opération de « réingénierie » dont l’objectif est de supprimer 5 000 emplois, le quart des effectifs du mouvement, l’expliquait en disant :

L’État n’est pas le bon intervenant [...]. Nous ferons un grand pas si, au Forum national, on réussit à établir un consensus sur ce point : le plein emploi, c’est notre problème. Dans ce sens, nous n’avons pas besoin de l’État [...]. Le niveau politique doit comprendre qu’il doit encourager et généraliser l’entrepreneurship [...]. L’État sera le mandataire [...]. Il sera le leader dans l’application et non dans la conception du projet de société[10]

En adhérant à cette perspective qui désigne l’entreprise, suscitant l’adhésion de ses employés et des syndicats à ses projets, comme la force motrice sur laquelle il faudrait compter pour relancer l’économie et l’emploi, le mouvement syndical confirmait son changement de cap.

Qu’attendre des sommets économiques ?

Après l’expérience du Forum pour l’emploi, l’occasion de la grande concertation, tripartite celle-là, réunissant le gouvernement, les syndicats, le patronat de la grande, de la moyenne et de la petite entreprise, de même que les représentants des « exclus » de la société, des groupes communautaires, etc., allait être [173| donnée par la désignation de Lucien Bouchard comme chef du Parti québécois, le 27 janvier 1996, et comme Premier ministre du Québec, le 29 janvier 1996, à la suite de la démission de Jacques Parizeau au lendemain du référendum du 30 octobre 1995. Renouant avec la pratique des sommets économiques convoqués par René Lévesque après l’élection du Parti québécois en 1976 [11], le Premier ministre Bouchard, on le sait, convoquait dès mars 1996, quelques semaines après être arrivé au pouvoir, une Conférence sur le devenir économique et social du Québec, suivie, du 29 octobre au 1er novembre, d’un Sommet sur l’économie et l’emploi. Le principal résultat de la Conférence de mars est le consensus réalisé sur la nécessité de l’assainissement des finances publiques et la définition de l’objectif d’une élimination complète du déficit budgétaire en quatre ans, objectif qui devenait la ligne de force de la politique d’un gouvernement déterminé à procéder à des coupures sauvages dans les services publics.

L’emploi étant la préoccupation première des centrales syndicales, celles-ci se sont déclarées satisfaites de l’adoption par le Sommet de l’automne 1996 d’une déclaration de principes sur l’emploi et de l’annonce de mesures diverses pouvant mener à la création de 72 000 emplois. Il va sans dire que tout projet de création d’emplois, quel qu’en soit le nombre, est un objectif dont on doit se réjouir. II est nécessaire toutefois, pour mesurer la véritable portée des résultats obtenus, de relativiser ce chiffre de 72 000 emplois annoncés. Mis à part le fait que le nombre de 72 000 demeure largement hypothétique, il faut d’abord préciser qu’il s’agit d’un nombre global d’emplois dont certains seraient étalés sur une période pouvant aller jusqu’à cinq années. À des fins de comparaison, il est utile de se reporter au projet de réduction du chômage des 12% actuels à un taux de 8% en 2002, présenté le 20 octobre 1996 par les trois centrales comme un scénario réaliste, accessible et atteignable, à soumettre au Sommet économique [12]. Selon l’analyse des centrales, les tendances actuelles de l’économie, si elles devaient se poursuivre jusqu’en 2002, indiquent que le marché du travail accueillerait environ 40 000 personnes par année, ce qui ne ferait que maintenir le taux de chômage au niveau actuel, soit à 11 ou 12%. Pour réduire ce taux à 8% en 2002, il faudrait d’ici là créer 30 000 emplois supplémentaires par année, par des moyens spécifiques que proposent les centrales, comme le partage du temps de travail, la réduction de la durée légale de la semaine de travail, l’abolition du travail au noir, les projets d’investissement des chantiers du Sommet et des grands travaux comme le projet de harnachement de la rivière Eastmain.

[174]

On comprendra, en comparant les 72 000 emplois proposés par les chantiers du Sommet aux objectifs des trois centrales, que ces objectifs n’ont pas été retenus par le Sommet, qui a défini un autre objectif, celui de rattraper et dépasser sur une période de trois ans le taux de création d’emploi au Canada dans la perspective d’éliminer l’écart, d’environ 2,5% actuellement, entre le taux de chômage du Québec et celui du Canada. Voilà pour l’objectif. Pour ce qui est des intentions, gouvernement, patrons et syndicats ont signé une « Déclaration pour l’emploi » dans laquelle ils reconnaissent que « le développement de la société repose prioritairement sur le développement de l’emploi » et « s’engagent à conjuguer leurs efforts pour prévenir et combattre le chômage et l’exclusion, pour sauvegarder et développer l’emploi [13].

Dans cette perspective, « en tant qu’arbitre et garant de l’intérêt public, le gouvernement reconnaît qu’il doit placer au premier rang de ses priorités les objectifs de croissance économique et de développement de l’emploi et optimiser les ressources qui y sont affectées ». En tant qu’employeur toutefois, son engagement est moins ferme. Il reconnaît « qu’il doit chercher activement avec les représentants des employés f...] des moyens concrets qui permettent de préserver l’emploi et de favoriser l’entrée des jeunes dans le secteur public » [14]. On comprendra que, par cette formule, le gouvernement conserve toute la latitude nécessaire pour poursuivre l’opération de réduction du secteur public dans laquelle il est fermement engagé. Les annonces de nouvelles compressions et de fermeture de postes dès le lendemain du Sommet le confirmaient de manière éclatante.

Pour ce qui est des « représentants des employeurs », ils reconnaissent « que l’emploi doit constituer une préoccupation majeure de l’entreprise » et « qu’ils doivent promouvoir auprès de leurs membres l’importance des actions des entreprises dans la prévention et la lutte contre le chômage ». Quant aux modalités qu’ils sont disposés à envisager, ils reconnaissent « que la réduction et l’aménagement volontaire (travailleurs-employeur) du temps de travail peut contribuer à l’emploi ». Ils reconnaissent enfin « que l’amélioration du processus de réorganisation du travail et de restructuration des entreprises passe par une plus grande implication des employés et employées et une reconnaissance du rôle de leurs organisations » [15].

Enfin, les syndicats reconnaissent que la productivité et l’efficacité des entreprises, autant celles du secteur public que celles du secteur privé, sont des facteurs essentiels à la croissance économique et au développement de [175] l’emploi. Ils reconnaissent également que pour maintenir et créer des emplois de qualité, il est important pour l’entreprise, publique ou privée, d’assurer sa flexibilité organisationnelle et sa rentabilité, de faire face à la concurrence [...] [16].

Y a-t-il lieu de se réjouir d’une déclaration de principes à l’égard de l’emploi dont les engagements sont aussi peu contraignants pour le patronat et le gouvernement ? Mais surtout, pouvions-nous, sans nous faire d’illusions sur les résultats réels auxquels peut mener la concertation, nous attendre à mieux ?

Pour juger des engagements du secteur privé, il faudra laisser le temps faire son œuvre. Une présomption réaliste de pessimisme est toutefois de mise. Dès la fin d’avril 1997 en effet, on annonçait qu’il serait difficile d’atteindre, en novembre 1997, soit un an après le Sommet de l’automne 1996, la barre des 5 000 premiers emplois créés, sur un objectif global de 72 000. Pour ce qui est des engagements du gouvernement, celui-ci n’a pas tardé à ouvrir son jeu en engageant, dès le lendemain du Sommet, un bras de fer avec les syndicats du secteur public pour la suppression de 15 000 emplois en vue de réaliser une économie récurrente de 800 millions de dollars. Tous les gestes qu’il a posés depuis la Conférence de mars 1996 sur le devenir économique et social du Québec se réclament de l’impératif de l’assainissement des finances publiques et de la poursuite de l’objectif de l’élimination complète du déficit pour l’exercice financier de 1999-2000. Cet objectif, on le sait, a fait l’objet d’un consensus lors de la Conférence de mars 1996. Gouvernement, patronat et syndicats se sont entendus sur le plan suivant de réduction graduelle du déficit : 3,275 milliards de dollars en 1996-1997, 2,2 milliards de dollars en 1997-1998, 1,2 milliard de dollars en 1998-1999 et 0$ en 1999-2000.

Le Québec se classant au premier rang parmi les provinces canadiennes à l’égard de la dette par habitant (10 400$), et le service de la dette accaparant 0,20$ de chaque dollar de revenu du gouvernement en 1996-1997 comparativement à 0,05$ en 1970-1971, on comprend facilement qu’un assainissement des finances publiques soit nécessaire. Mais pour le gouvernement, cette nécessité a donné lieu à l’obsession du déficit zéro à atteindre en quatre ans. Il a décidé de s’atteler à la réalisation de cet objectif en sabrant dramatiquement dans les dépenses. Pour résoudre le problème conjoncturel du déficit, il prend des mesures qui compromettent de manière permanente les services publics. À l’invitation du mouvement syndical de recourir à des mesures de hausse de ses revenus dans le budget de 1997-1998 [17], il a répondu par une fin de non-recevoir.

[176]

Répondant au mécontentement d’un grand nombre de ses membres en désaccord avec l’adhésion de la centrale à l’objectif du déficit zéro en 1999-2000, la CSN a diffusé dans ses rangs un document intitulé Refaire l'unité sur l’essentiel, adopté le 25 janvier 1997 par un Conseil confédéral spécial, dans lequel elle affirme que l’atteinte du déficit zéro en 1999-2000 n’est pas un dogme et qu’elle se dissociera complètement de cet objectif « si le gouvernement Bouchard maintient essentiellement une stratégie de réduction de dépenses pour le prochain budget » [18]. Mais, au moment même où ce document était diffusé, non seulement il était clair que le gouvernement n’irait pas dans la voie de la hausse de ses revenus pour le budget de l’année suivante, mais qu’il cherchait à réduire encore ses dépenses en annonçant 3675 réductions supplémentaires de postes venant s’ajouter aux 15 000 déjà annoncées. Déterminée malgré tout à ne pas abandonner l’objectif du déficit zéro, la direction de la CSN fustigeait la CEQ qui s’était dissociée de l’objectif dans les semaines qui avaient suivi le Sommet de l’automne 96. La CSN devait finalement retirer son appui, le 18 mars, une semaine avant le dépôt du budget.

Le désengagement de l’État

En fait, il faudrait être aveugle pour ne pas s’en apercevoir : l’assainissement des finances publiques et la mobilisation pour atteindre l’objectif du déficit zéro en 1999-2000 fournissent au gouvernement l’occasion de poursuivre son plan général de désengagement de l’État. Cet objectif est clairement exprimé, en particulier dans le compte rendu rédigé par le secrétariat du Sommet de l’automne 1996 sur l’économie et l’emploi. Parmi les objectifs poursuivis par le gouvernement, notons les deux suivants :

  • adapter les services publics aux exigences d’une société dynamique et concurrentielle ;

  • obtenir une large adhésion des partenaires et de la population à une conception d’un État plus visionnaire, plus stratège, plus efficace, plus souple [19].

Le compte rendu précise ensuite le sens des adaptations considérées incontournables :

En participant à ces assises, chacun des partenaires a pris de nouveau conscience que le défi de l’emploi, dans une économie ouverte, passe par l’adaptation. Adaptation des personnes, des entreprises, des organismes et des États aux mutations économiques et sociales qui sont de plus en plus profondes. Adaptation aux [178] changements constants et de plus en plus rapides qui s’opèrent dans les grands circuits commerciaux de la planète et qui se répercutent dans les milieux de travail. Adaptation des sociétés et des États à des besoins changeants de la population, en matière de santé, d’éducation et de protection sociale[20]

Mais quels sont donc ces besoins changeants de la population en matière de santé, d’éducation et de protection sociale auxquels F État devrait s’adapter ? Ne demande-t-on pas plutôt à la population de s’adapter aux besoins changeants d’un gouvernement enclin à s’adapter au néolibéralisme et à réduire les services publics ? Quel est le contenu de cet État « plus visionnaire, plus stratège, plus efficace, plus souple » vers lequel se tourne le gouvernement ? Le ministre d’État de l’Économie et des Finances l’a exposé dans les termes suivants lors du Sommet :

Le nouveau contexte appelle à une transformation de l’État dans l’économie. Même si l’État doit revoir son rôle, nous ne sommes pas condamnés à l’inaction. Nous investissons tout de même, bon an mal an, un milliard de dollars dans l’appui aux entreprises.

L’État doit créer des conditions propices, c’est-à-dire :

1. d’abord et avant tout assainir les finances publiques ;

2. adopter aussi une stratégie vigoureuse et rapide d’assouplissement des contraintes réglementaires et bureaucratiques ;

3. créer des partenariats, des alliances et des synergies ;

4. raffermir la concertation qui s’est développée entre les partenaires économiques ;

5. consolider la formation académique de base, le développement de l’apprentissage continu, la formation spécifique et technique ainsi que l’éducation supérieure. [21]

L’État plus visionnaire, plus stratège, plus efficace, plus souple, est celui dont la mission principale est l’appui à l’entreprise privée, l’assainissement des finances publiques, la déréglementation, le raffermissement de la concertation essentielle à l’amélioration de la compétitivité. Il est l’État « accompagnateur », l’État « partenaire » de l’entreprise privée [22], un État qui se déleste, de plus en plus, d’activités qui avaient jusqu’ici relevé de lui, pour les confier à l’initiative privée.

[178]

Une riposte syndicale adéquate ?

Le prétendu engagement du gouvernement à défendre l’emploi dans les secteurs public et parapublic doit être apprécié à la lumière de ces développements réels. Et le risque est grand de voir les centrales syndicales ne pas opposer une contre-offensive adéquate, malgré leurs déclarations publiques fermes en faveur de la défense des services publics et du rôle nécessaire de l’État [23]. Leur adhésion à la vision d’un État « à renouveler » et « à revaloriser » pose d’emblée la question. À la CSN, la réflexion à cet égard a marqué le 57e Congrès, en 1994, suscitée par le Rapport de l’exécutif qui pose notamment la question suivante :

Doit-on envisager une extension des services publics actuels, pris en charge par l’État, sur la base du modèle développé durant les années 1960 et 1970 ou le développement d’un secteur périphérique au secteur des services publics, recourant davantage à un financement mixte et à des initiatives locales et régionales ? Tout cela soulève plusieurs questions auxquelles nous devrons réfléchir comme organisation syndicale. Nous devons envisager comment des services et des emplois peuvent se développer sur la base d’initiatives collectives qui ne réfèrent pas automatiquement à une prise en charge par l’État[24]

Ce thème est développé dans un document de la centrale intitulé Développer l’économie solidaire. Éléments d’orientation, soumis au Conseil confédéral de septembre 1995.

Dans le domaine de la consommation collective, la mise en place de l’État-providence reposait sur un contrat social qui prévoyait, pour les citoyennes et les citoyens, l’accès universel et gratuit à un certain nombre de grands services collectifs et à des programmes de sécurité du revenu, gérés de manière centralisée, en échange de prélèvements fiscaux.

Un troisième compromis a permis une intervention importante de l’État dans l’économie dont l’objectif était, entre autres, de soutenir la demande intérieure et de régulariser les cycles économiques. C’était la mise en place de l’État keynésien.

Dans ce modèle de développement, c’est essentiellement par le travail salarié que s’opérait la socialisation des individus et que s’acquérait le droit à [179] la citoyenneté. Aussi, c’est à travers l’État-providence que se déployaient les mécanismes de solidarité. Cependant, ce modèle souffrait de certaines faiblesses liées à la qualité de la vie démocratique. Dans l’entreprise, les travailleuses et les travailleurs ne pouvaient influencer l’organisation du travail et les objectifs de l’entreprise. Dans la sphère sociale, les citoyennes et les citoyens n’exerçaient que très peu de contrôle direct sur la gestion et l’orientation des grands services publics.

De façon générale, ce modèle de développement a fonctionné sans trop de heurts jusqu’au milieu des années 1970 : taux de chômage relativement bas, amélioration constante du pouvoir d’achat, etc. Depuis, plusieurs changements d’ordre économique, social et culturel obligent à remettre en question ces compromis, tant celui entre le capital et le travail dans l’entreprise que ceux qui constituent les fondements de l’État-providence et de l’État keynésien [25].

L’État-providence, en somme, aurait fait son temps ; le document en parle d’ailleurs à l’imparfait. Il aurait été emporté par ses « faiblesses liées à la qualité de la vie démocratique ». Il faudrait donc le renouveler, lui substituer un autre « modèle » plus proche des citoyens, plus apte au développement des solidarités sociales.

En maintenant un mode de fonctionnement bureaucratique et centralisé, l’État est moins apte à organiser des services qui soient adaptés aux caractéristiques de plus en plus différenciées des individus. Ainsi, les programmes actuels, qui visent surtout l’indemnisation des victimes du système économique, ont été mis en place à une époque où le marché du travail répondait bien aux besoins de socialisation des individus et permettait leur intégration économique et sociale. Or, ces programmes conviennent beaucoup moins à la situation nouvelle, celle d’un marché du travail de plus en plus exsangue et éclaté. Dans ces conditions, la solidarité sociale doit s’exprimer à travers de nouveaux mécanismes [26].

Si on adhère à cette vision des choses, cela suggère que les grands services publics, santé, éducation, sécurité sociale, universellement accessibles à la population parce que financés et pris en charge par l’État comme représentant de la collectivité, ces services, qui constituent un incommensurable acquis social, ne seraient plus adaptés à la situation actuelle. Si on pousse la logique jusqu’à sa conclusion, ils ne mériteraient pas qu’on les défende contre les attaques acharnées des gouvernements néolibéraux qui cherchent par tous les moyens à les liquider.

[180]

En tout état de cause, il faudrait se tourner vers « de nouveaux mécanismes » qui permettraient à la solidarité sociale de mieux s’exprimer ! Ces mécanismes seraient ceux de l’économie solidaire, ou économie sociale, termes qui englobent organismes communautaires, groupes populaires, comptoirs alimentaires, organismes d’entraide, centres d’hébergement, maisons de jeunes, coopératives de consommation et de production, petites entreprises privées à but non lucratif comme les garderies, etc.

« L’économie solidaire »
comme stratégie d’emploi ?


Ce qu’on désigne aujourd’hui par l’expression « économie solidaire » ou « économie sociale » n’est pas une nouvelle réalité. De tout temps, se sont constitués des lieux de regroupement, d’entraide, de coopération, de défense des exclus, des démunis, des laissés pour compte. De tout temps ces organismes ont été en solidarité avec le mouvement organisé des travailleurs actifs, les syndicats, de par leurs intérêts communs de classe. C’est dans le cadre de tels regroupements, associations et coopératives qu’on a vu germer, à l’aube du capitalisme, les premières formules de « sociétés meilleures » imaginées comme moyen d’éliminer les injustices sociales et les privilèges réservés à une minorité possédante, les utopies de Thomas More et Tommaso Campanella aux XVIe et XVIIe siècles, suivies de celles de Robert Owen, Joseph-François Proudhon, Charles Fourier et Louis Blanc au début du XIXe siècle [27]. S’il faut souligner l’immense caractère positif de telles formes de regroupement comme lieux d’organisation de la solidarité et d’une action collective, il faut simultanément en mesurer les limites si on veut les voir aujourd’hui comme un axe de développement autonome ayant sa dynamique propre au sein de la société, comme un moyen réel d’émancipation des exclus et comme une composante à part entière d’une stratégie d’emploi.

Ce qui est nouveau en effet, aujourd’hui, c’est la volonté d’institutionnaliser cette « économie sociale », d’institutionnaliser par le fait même l’exclusion et l’emploi précaire, de donner à l’économie sociale le statut d’un secteur à part entière, venant s’ajouter aux secteurs de l’économie privée et de l’économie publique. Ce qui est nouveau, en particulier, c’est l’appui donné à cette institutionnalisation par le patronat et le gouvernement, qui ont convenu lors du Sommet sur l’économie et l’emploi, sur proposition du groupe de travail sur l’économie sociale et avec l’appui des organisations syndicales, « de reconnaître comme une des composantes de la structure socio-économique du Québec le modèle québécois d’économie sociale », de « confirmer [...] le statut de partenaire à part entière des acteurs de l’économie sociale en assurant qu’ils [181] soient adéquatement représentés dans toutes les instances partenariales et parties prenantes aux démarches de concertation », de « doter le Québec d’une politique de reconnaissance et de financement de l’action communautaire autonome » [28].

Ce qui est nouveau aussi, c’est le fait que les centrales syndicales, parties prenantes du consensus du Sommet, considèrent désormais l’économie sociale comme un axe autonome de développement de l’emploi, comme un secteur complémentaire des secteurs public et privé, comme une des composantes de leur stratégie de plein emploi.

Cette orientation est précisée, notamment, dans les termes suivants, dans le document déjà mentionné de la CSN, intitulé Développer l’économie solidaire :

[...] il faudra que la mission du secteur de l’économie sociale ne se limite pas à l’amélioration de l’employabilité des exclus du marché du travail et qu’elle ne consiste pas à offrir l’unique ou même la principale porte d’entrée aux secteurs privé, public et parapublic[29]

Il faut au contraire, « qu’une portion importante des emplois créés dans le secteur de l’économie solidaire [soit] de nature permanente » et que « les emplois qui y sont créés soient offerts à l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, qu’ils détiennent ou non un emploi dans les autres secteurs d’activité » [30]. Voilà une vision des choses qui n’est pas sans conséquence. La sortie de la précarité et l’insertion ou la réinsertion dans un emploi normal, rémunéré convenablement, ne serait plus l’objectif premier à poursuivre. Par ailleurs, les emplois « créés » dans le secteur de l’économie sociale devraient être « offerts » aux travailleurs des autres secteurs, privé et public. Il y a effectivement des modalités très réelles de « création » de ce type d’emploi dans le secteur de l’économie sociale et « d’offre » de ces emplois à des salariés, notamment du secteur public. Ce sont celles par lesquelles 1 ’État se déleste d’activités qui relèvent de lui et les repousse vers l’économie sociale en les précarisant.

En soutenant le développement de l’économie sociale, les centrales syndicales ont insisté pour préciser que, dans leur esprit, ce développement devait « répondre à de nouveaux besoins et non se substituer aux responsabilités et services assumés actuellement par le secteur publie » [31]. Cette volonté a été maintes fois réaffirmée par ailleurs. Personne ne sera étonné toutefois que ce [182] vœu n’ait pas trouvé d’écho sous la forme d’un engagement écrit ferme de la part du gouvernement [32] et encore moins dans les gestes concrets qu’il a continué à poser dans la continuité de ses politiques de désengagement de l’État.

Il est clair et net que le délestage de pans entiers des services publics continuera à faire partie de la stratégie gouvernementale et que le développement d’activités communautaires réalisées dans le cadre d’emplois précaires et sous-payés constitue pour l’État le déversoir recherché de ces activités ainsi privatisées. À titre d’exemple, au début de l’année 1997, le ministre de la Santé, Jean Rochon, dans la foulée de son virage ambulatoire, annonçait sa décision d’économiser 175 millions de dollars en fermant 3 000 des 6 000 lits pour malades chroniques en santé mentale que comptent les hôpitaux psychiatriques au Québec et de réinvestir 120 millions dans des ressources de remplacement, comme les familles d’accueil, les CLSC et les organismes communautaires.

Résultat de la prolifération de l’exclusion et de la précarité, ces activités auxquelles on voudrait donner un statut de secteur à part entière peuvent-elles vraiment être considérées comme l’un des axes d’une stratégie d’emploi du mouvement syndical ? L’aide nécessaire à ceux et celles qui, de plus en plus nombreux, sont contraints à vivoter passe-t-elle par le développement d’un secteur autonome dont la caractéristique fondamentale est la précarité ? La promotion d’une telle orientation n’est pas sans risques. Pour s’en convaincre, revenons au document de la CSN intitulé Développer l’économie solidaire, dans lequel le développement de l’économie sociale ou solidaire est désigné comme un des éléments de la stratégie d’emploi de la centrale. Or, la reconnaissance de la contribution de ce secteur, précise le document, implique nécessairement certains changements dans le rôle de l’État et une redéfinition de ses responsabilités dans le domaine de la création d’emploi et de l’insertion de la main-d’œuvre sur le marché du travail [33].

Mais, « contrairement à la stratégie néolibérale de sortie de crise », nous assure-t-on, cette approche ne déboucherait pas « sur l’affaiblissement du rôle de l’État, mais plutôt sur une redéfinition de ce rôle en vue de renforcer la qualité de la vie démocratique »  [34].

Face aux politiques néolibérales dont les rejetons sont le désengagement de l’État, la prolifération de l’exclusion et la précarisation du travail dans une économie de laissés pour compte, voilà une politique syndicale de plein-emploi dont l’un des axes est le développement de cette économie de l’exclusion et [183] de la précarité, promue à un statut à part entière de secteur de l’économie sociale ou solidaire ; un tel développement, impliquant une « redéfinition des responsabilités de l’État dans la création d’emplois », serait nécessaire en vue de renforcer la qualité de la vie démocratique. Nous retrouvons ici les conclusions dégagées plus tôt quant au destin de l’État-providence en raison de « faiblesses liées à la qualité de la vie démocratique » dont aurait souffert ce modèle, et quant aux nouveaux mécanismes à implanter qui permettront à la solidarité sociale de s’exprimer. Nous sommes ainsi incités à conclure, et à nous en réjouir, que cet État « archaïque » et ses limites au plan de la démocratie pourraient être dépassés grâce au développement de l’économie sociale. Il y a pourtant une limite à l’espoir, précise le document, avec une pointe de réalisme.

Nous devons être conscients, cependant, que si le développement de ce type d’activités est porteur d’espoir, il comporte aussi un certain nombre de risques qu’il ne faudra pas sous-estimer. D’abord, il existe un danger bien réel que le secteur de l’économie solidaire pallie le désengagement de l’État et vienne cautionner l’idéologie néolibérale. Ensuite, il y a un risque que ce secteur se développe comme un sous-marché du travail réservé aux exclus de la société ou comme un ghetto de sous-traitance bas de gamme pour les plus démunis [35].

Il est dans l’ordre de constater que telle est déjà la réalité actuelle et il n’est pas exagéré de penser que telles sont les tendances à prévoir pour l’avenir.

Des services publics à confier au privé ?

N’y aurait-il pas quand même des activités qui sont des services publics, mais que la population aurait intérêt à gérer elle-même sur une base communautaire privée ? L’exemple le plus souvent invoqué pour appuyer cette prétention est celui des milliers de garderies privées au Québec, dont la plupart sont sans but lucratif. En l’absence d’un réseau public, le réseau de garderies privées s’est développé, par nécessité, depuis le début des années 1970, à partir d’initiatives locales recevant des paliers gouvernementaux un soutien financier entièrement inadéquat. Ce réseau, il va sans dire, est un acquis important dont il faut reconnaître par ailleurs qu’il est largement incomplet et qu’il ne dispose pas des moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Mais, surtout, l’existence de ce réseau privé n’a de raison d’être que parce que l’État a renoncé à sa responsabilité de mettre sur pied un réseau public complet de garderies qu’il faut continuer à revendiquer, un réseau qui, comme le réseau des écoles primaires et secondaires, devrait être accessible sur une base démocratique à toutes les familles, indépendamment de leur niveau de revenu, donc gratuit, et dont le personnel bénéficierait de conditions de travail et de rémunération homogènes, établies selon des normes nationales.

[184]

Les garderies n’appartiennent pas plus à l’économie communautaire privée que les écoles ou les services de santé. En tant que service public, devant être accessibles à tous sans discrimination, elles relèvent du public, et la responsabilité du mouvement démocratique est de combattre pour cet objectif, comme pour la préservation de l’école publique et de la santé publique, même si les gouvernements invoquent à l’heure actuelle l’assainissement nécessaire de leurs finances pour ne pas s’investir dans ces activités qui relèvent de lui, ou pour s’en dégager lorsqu’il y est déjà investi. Il n’y a pas, de ce point de vue, d’activité privée « propre », parce que communautaire ou à but non lucratif, qui serait à privilégier en lieu et place de l’activité publique, seule garante de l’égalité des droits.

Mais au fait, lequel des deux modèles souffre de faiblesses démocratiques ? Le modèle public dont la qualité des services aux usagers est homogène et dont l’accès est universel et indépendant des revenus, ou le modèle communautaire privé dont la qualité des services aux usagers est condamnée à l’inégalité en raison de sa dépendance aux moyens locaux, si démocratique puisse être par ailleurs sa gestion à la base par des usagers et des employés qui sont le plus souvent contraints à administrer la pénurie ?

L’investissement syndical dans l’activité privée

La prédisposition à accepter que des activités, relevant naturellement du secteur public pour des fins démocratiques d’uniformisation de la qualité des services et d’universalité de l’accès à ces services, soient remises entre les mains de l’entreprise privée, à but lucratif ou non, est incontestablement l’un des sous-produits du vent de concertation et de partenariat qui souffle désormais en permanence sur le mouvement syndical au Québec et qui l’a amené en particulier à s’investir lui-même dans l’activité privée en créant ses propres fonds d’investissement, celui de la FTQ, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, fondé à la fin de 1983, et plus récemment, celui de la CSN, le Fonds de développement pour la coopération et l’emploi, ou Fond 'action, créé au début de 1996.

Lorsqu’on investit soi-même dans l’entreprise privée, on est plus enclin à comprendre et à épouser sa logique, à voir l’entreprise privée sous gestion syndicale, voire communautaire, comme un substitut acceptable et parfois même désirable à certaines activités relevant du secteur public. Il va de soi que l’ardeur à défendre inconditionnellement les services publics s’en trouvera alors moins motivée. Cette perspective d’une participation syndicale à la privatisation de services publics est loin d’être une hypothèse d’école, comme le démontrent des déclarations récentes du président du conseil d’administration et du président directeur général du Fonds de solidarité de la FTQ, Louis Laberge et Claude Blanchet, quant aux discussions intervenues entre cet organisme et la Compagnie générale des eaux, relativement à une participation du Fonds au projet du maire Pierre Bourque de privatisation de l’eau à Montréal, [185] projet dont on sait qu’il a suscité la formation d’une vaste coalition populaire d’opposition. Et cette proposition du Fonds de solidarité n’est pas une exception. Ses dirigeants se sont dit intéressés à investir à grande échelle dans les services municipaux à Montréal [36]. Ils ont également proposé d’investir 10 millions de dollars dans la construction de 15 centres d’accueil pour personnes âgées, initiative qui pourrait être un premier pas vers une privatisation de l’actif immobilier des centres d’accueil et des hôpitaux du Québec.

Y aurait-il des privatisations « propres », celles qui seraient réalisées avec la participation de fonds d’investissement syndicaux, et qui permettraient de mieux accepter que l’État se déleste d’activités qui doivent pourtant continuer à relever de lui pour le bien-être de la population ? Qu’on le veuille ou non, l’esprit même qui est à la base de la constitution de tels fonds syndicaux d’investissement suggère qu’il pourrait en être ainsi.

Il est intéressant de rappeler que la CSN, qui a maintenant créé son propre fonds d’investissement, Fond 'action, douze ans après que la FTQ ait créé le sien, était très critique de cette décision de la FTQ lorsque le Fonds de solidarité a été créé en 1983. Même si la centrale n’avait pas adopté de position officielle en ce sens, le sentiment qui régnait alors dans ses rangs a été bien exprimé dans un document interne rédigé par l’économiste Peter Bakvis, alors rattaché au Service de recherche de la centrale et devenu peu après adjoint au Comité exécutif, dont il est utile de citer des extraits :

Par rapport aux milliards de dollars disponibles pour financer les investissements des compagnies désireuses d’investir, les quelques dizaines de millions de dollars que détiendra le Fonds de la FTQ dans quelques années font bien piètre figure et ne changeront en rien les perspectives d’emploi de l’économie québécoise. [...]

Selon la publicité de la FTQ, le Fonds de solidarité participera « au sauvetage d’entreprises en difficulté », mais vise aussi à « rentabiliser les fonds investis ». Dans la mesure où ces deux objectifs entrent en contradiction, on peut affirmer que le Fonds créera des espoirs qu’il ne saura pas rencontrer. !...] de nombreux organismes patronaux ont réagi favorablement au projet de la FTQ. Le Conseil du patronat du Québec a dit dans un communiqué souscrire à ce projet puisqu’il « offre aux épargnants individuels un moyen de mettre fin à la pratique du bas de laine et de contribuer ainsi au développement des entreprises ». Quant à la Chambre de commerce de la province de Québec, son porte-parole a souligné le rôle important de formation que pourrait jouer le Fonds, en apprenant aux travailleurs à mieux comprendre les problèmes du patronat et subséquemment à devenir moins revendicateurs. [...]

[186]

Tous ces appuis [...] témoignent de la valeur idéologique que possède le Fonds pour la classe patronale québécoise. Du point de vue des travailleurs, cela constitue peut-être l’aspect le plus dangereux du Fonds de la FTQ. [...]

Depuis quelques années, la CSN met l’accent sur l’éducation économique de ses membres, pour que ceux-ci prennent conscience des enjeux qui se posent dans leurs entreprises et leurs secteurs et pour qu’ils se mobilisent pour forcer ceux qui détiennent les pouvoirs de décision — les patrons et les gouvernements - à modifier leurs décisions afin de respecter le droit au travail décent des travailleurs. En créant un Fonds qui crée l’illusion de donner aux travailleurs une emprise économique importante, [...] la FTQ risque de dévier l’attention de ses membres des vrais enjeux économiques qui déterminent leur avenir. C’est peut-être pour cela que le gouvernement québécois et les patrons du secteur privé ont accueilli l’initiative de la FTQ à bras ouverts[37]

Ces propos s’appliqueraient-ils aujourd’hui au Fond 'action de la CSN ? La question mérite d’être posée.

Réduction du temps de travail
et compensation salariale


Le phénomène de la « croissance sans emploi », qui a marqué la dernière décennie et précipité la prolifération des exclus du marché du travail, pose d’emblée la question de la stratégie qui s’impose pour revendiquer la reconnaissance du droit au travail pour tous et toutes. Nous avons vu que le développement de l’économie solidaire ou sociale est désormais l’un des axes de la stratégie syndicale d’emploi. Il est intéressant de constater que l’identification de ce nouvel axe a coïncidé avec la mise en veilleuse d’un autre, celui de la réduction du temps de travail sans réduction de salaire. Rappelons d’abord qu’à son 52e congrès, en mai 1984, la CSN se prononçait

pour une réduction généralisée du temps de travail par des mesures comme la réduction de la semaine de travail sans perte de salaire, de droits et avantages, l’augmentation de congés fériés et de vacances annuelles, la réduction ou l’abolition du temps de travail supplémentaire, la retraite facultative à 55 ans, etc[38]

La CSN proposait alors la réduction de la semaine normale de travail à 35 heures, sans réduction de salaire, de droits et avantages, objectif social dont elle précisait qu’il était « largement partagé par les organisations syndicales au Québec, au Canada et dans le monde » [39], et justifié par le fait que, malgré [187] de forte hausses de productivité depuis quarante ans, la semaine de travail, contrairement à ce qui s’est passé dans les périodes antérieures de l’histoire, n’avait pas diminué sensiblement.

La réduction de la semaine de travail constitue donc un moyen indiqué pour redistribuer socialement les hausses de profit réalisées, tout particulièrement, grâce à l’introduction des nouvelles technologies [40].

La généralisation de la semaine de travail de 35 heures par voie législative permettrait, estimait alors la CSN, la création ou la sauvegarde de 189 000 emplois au Québec. D’autres mesures, comme la réduction du temps supplémentaire à 10 heures par année par personne, l’allongement des vacances annuelles à quatre semaines et le passage du nombre de jours fériés à 10 permettraient de sauver ou de créer plus de 60 000 emplois.

Surtout, la réduction de la semaine de travail devait se faire « avec une pleine compensation salariale ».

Toutes les enquêtes menées à ce propos, précisait-on, aboutissent à la même constatation : les gens, en particulier celles et ceux à revenus limités, ne sont prêts à envisager une réduction du temps de travail que dans la mesure où il n’y a pas de perte de pouvoir d’achat, donc avec pleine compensation [41].

Mais, au fil des années, on est devenu plus sensible aux besoins des entreprises et les revendications se sont adaptées à la nouvelle préoccupation. Dans un document de la CSN intitulé La réduction du temps de travail. Éléments de réflexion, diffusé en 1994, on lit désormais :

La réduction du temps de travail ne doit pas avoir pour effet de diminuer la compétitivité des entreprises qui s’engagent sur cette voie en augmentant leurs coûts unitaires de production [42].

L’objectif n’est plus une pleine compensation salariale, mais une compensation partielle du pouvoir d’achat [43]. Il faut d’autre part, précise le document, tenir compte des effets positifs de la réduction du temps de travail, comme « l’augmentation du temps libre pour participer à la vie de la communauté et, plus généralement, pour s’épanouir à travers des activités sociales, familiales et culturelles, ce temps libre [contenant] une valeur d’usage qui peut justifier le fait qu’on puisse l’échanger contre une certaine réduction du pouvoir [188] d’achat » [44]. De nouveaux sondages, contredisant ceux sur lesquels on s’appuyait dix ans plus tôt, indiqueraient dorénavant « qu’une proportion significative de travailleuses et de travailleurs accepteraient de réduire leur temps de travail sans aucune compensation ou avec une compensation partielle » [45].

Ce réajustement de la politique face à la réduction du temps de travail et à la pleine compensation salariale n’est pas exclusif à la CSN, comme en témoignent les extraits suivants de la Déclaration commune des trois centrales à l’occasion du 1er mai 1995 :

Le mouvement syndical québécois a réussi, ces dernières années, à mieux articuler ses analyses et ses positions en ce qui concerne la réduction du temps de travail afin d’en faire un élément important de sa stratégie de création d’emplois. De sa revendication traditionnelle de réduction générale du temps de travail avec pleine compensation salariale, il est passé à une position plus nuancée, plus dynamique et qui reflète mieux certaines réalités et valeurs contemporaines [...].

Le mouvement syndical ouvre de nouvelles perspectives pour le maintien et le développement de l’emploi en proposant une compensation monétaire s’inscrivant dans un processus de négociation qui tienne compte d’un ensemble d’éléments, dont la protection du pouvoir d’achat, les gains de productivité, la réorganisation du travail et la valeur que représente pour de plus en plus d’individus le fait de disposer de plus de temps libre [...]. Le mouvement syndical tient compte également des contraintes de plus en plus fortes de la concurrence lorsqu’il propose d’accompagner la réduction du temps de travail de nouvelles formes d’aménagement du temps de travail ou de réorganisation du travail qui peuvent améliorer la productivité des entreprises et réduire leurs coûts d’opération.

De la réduction du temps de travail sans réduction salariale, vue comme un objectif justifié par de fortes hausses de productivité depuis quarante ans et permettant une redistribution sociale des hausses de profits qui en découlent, on en arrive une décennie plus tard à la proposition, reposant sur une logique entièrement inversée, d’une réduction du temps de travail avec perte salariale, accompagnée d’une réorganisation du travail et d’un réaménagement du temps de travail visant à améliorer la productivité des entreprises et à réduire leurs coûts d’opération.

Dans la continuité de la Déclaration conjointe du 1er mai 1995, les trois centrales, dans leur plan de réduction du chômage de 12% à 8% en 2002 rendu public à la veille du Sommet sur l’économie et l’emploi de l’automne 1996, identifiaient trois grands axes d’intervention pour réduire le chômage : le partage du travail, le « blanchiment » du travail au noir et les projets recensés par les chantiers du Sommet. Elles proposaient d’amender la Loi sur les normes [189] minimales du travail afin de réduire la semaine normale de travail de 44 à 40 heures, de « domestiquer » le temps de travail supplémentaire en l’interdisant après 48 heures de travail, sauf en cas de force majeure, et proposaient, pour les travailleurs qui accepteraient de réduire leur temps de travail, l’adoption « de mesures fiscales qui permettraient de compenser une partie de leur perte de salaire » [46] ; les employeurs qui accepteraient des réductions du temps de travail pourraient, eux aussi, bénéficier d’avantages fiscaux, comme des congés de cotisations.

Le Sommet a accueilli favorablement cette dernière proposition et réuni un consensus sur l’introduction dans le budget de l’année 1997-1998 d’un mécanisme d’allégement de la taxation sur la masse salariale lié à la création d’emplois et à la participation de l’entreprise à la promotion de la réduction du temps de travail. Pour ce qui est du temps supplémentaire après 48 heures de travail, les salariés « pourront, sur demande, et avec l’accord de l’employeur, refuser de faire du temps supplémentaire ». Il est précisé que l’employeur « s’efforcera d’honorer ces demandes » [47] ! Enfin, pour ce qui est de la réduction de la semaine de travail de 44 à 40 heures, les participants au Sommet ont dégagé un consensus à l’effet de la réaliser graduellement sur une période de quatre années, laissant au Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre le soin d’en établir les modalités [48], ce qui est bien différent d’un engagement du gouvernement à l’implanter par voie législative.

Un revirement nécessaire

Des transformations significatives ont marqué les orientations du mouvement syndical au cours des dernières années. La présente contribution en a illustré divers traits. Certains diront que le mouvement est ainsi devenu plus crédible, plus responsable, qu’il n’avait d’autre choix que de se réajuster et de s’adapter au nouveau contexte de globalisation mondiale et de concurrence internationale. Mais alors, comment espérer, en s’engageant dans cette voie, faire échec aux conséquences dévastatrices de ces nouvelles tendances ?

N’y aurait-il que la voie du travailleur gestionnaire et du travailleur investisseur, de la concertation syndicale avec un patronat et des gouvernements déterminés à liquider des pans entiers de l’État-providence, à privatiser les services publics, à accroître l’exclusion et la précarité, et qui renoncent à souscrire à l’objectif d’un « appauvrissement zéro » des plus démunis ? N’y aurait-il [190] également, élection après élection, que la perspective de punir le gouvernement sortant pour les mesures prises à notre endroit et de le remplacer par un autre aussi voué que le précédent à défendre les intérêts des nantis au détriment de ceux de la population travailleuse ?

Si le libéralisme économique fait plus de ravage que jamais à l’échelle de la planète, l’adaptation à ses règles du jeu peut-elle être vue par le mouvement syndical comme une voie dans laquelle s’engager pour en contrer les effets ? N’est-elle pas au contraire la voie assurée de son affaiblissement, à la limite, de sa remise en question ? Pour défendre adéquatement les travailleurs et les travailleuses qu’il représente et pour contrer la menace qui pèse sur lui, à terme, le mouvement syndical au Québec ne doit-il pas s’en remettre à sa propre action autonome, et tout mettre en œuvre pour que cette action au niveau syndical finisse par se prolonger au niveau politique ? Enfin, la voie obligée d’une résistance aux politiques actuelles du patronat concerté à l’échelle mondiale et des gouvernements qui les soutiennent ne réside-t-elle pas dans une nécessaire concertation des seules composantes du monde du travail, à construire au-delà des frontières, même si la tâche à accomplir pour y arriver est gigantesque ?

Ces questions apparaîtront sans doute empreintes de nostalgie d’un passé révolu aux yeux de ceux et de celles qui sont acquis à la nouvelle orientation syndicale. Je soutiens pour ma part qu’elles demeurent incontournables et que le 75e anniversaire de la CSN est un moment privilégié pour les poser.

[331]

Louis Gill

Militant de longue date au Syndicat des professeurs et professeures de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ) et professeur au département de science économique de l’UQAM depuis 1970, Louis Gill est actuellement premier vice-président du SPUQ. Il s’est fait remarquer par son ouvrage Les limites du partenariat publié aux éditions Boréal en 1989. Louis Gill est également l’auteur de Fondements et limites du capitalisme aussi publié chez Boréal en 1996.


[1]       Voir Louis GILL, Les limites du partenariat : les expériences social-démocrates de gestion économique en Suède, en Allemagne, en Autriche et en Norvège, Montréal, Boréal, 154 pages.

[2]       CSN, Rapport du Comité exécutif, 55e Congrès, 1990, p. 10, 29-31, 38 et 49.

[3]       CEQ, CSN, FTQ, Conjuguons nos efforts. L'urgence, c’est l’emploi, Montréal, 16 septembre 1996, pp. 2, 3.

[4]       CSN, Refaire l’unité sur l’essentiel, Texte adopté par le Conseil confédéral le 25 janvier 1997, p. 5 et 10.

[5]       Voir notamment l’article de Clément GODBOUT et Henri MASSÉ, respectivement président et secrétaire général de la FTQ, publié dans Le Devoir du 13 octobre 1996, intitulé « C’est ensemble que nous allons gagner la bataille de l’emploi ». Dans ce même article, Clément Godbout et Henri Massé se réjouissaient de ce que « depuis 1981, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, c’est au Québec qu’il se perd le moins de journées de travail à cause des grèves et des lock-out ». Ils omettaient toutefois de mentionner que le Québec de la concertation, s’il détient le championnat de la non-combativité syndicale, n’est pas loin de détenir un autre championnat, celui du chômage et qu’il détient celui du suicide chez les jeunes.

[6]       Michel PAYETTE, « Le Forum pour l’emploi : histoire et perspectives », Interventions économiques, n° 24 (automne 1992), p. 114 et 115.

[7]       Idem, p. 107.

[8]       Idem, p. 104.

[9]       Idem, p. 108.

[10]      Avenir, vol. 3, n° 3 (avril 1989), Montréal, p. 28.

[11]      Élu le 15 novembre 1976, le gouvernement du Parti québécois dirigé par René Lévesque convoquait en mai 1977 un sommet économique à Pointe-au-Pic, suivi de dix conférences socio-économiques et régionales étalées sur dix-huit mois, jusqu’en décembre 1978, et d’un nouveau sommet économique, à Montebello, en mars 1979.

[12]      Jean PICHETTE, « Pour une réduction du taux de chômage à 8% d’ici l’an 2002. Le scénario syndical permettrait la création de 120 000 emplois », Le Devoir, 21 octobre 1996.

[13]      Secrétariat du Sommet, Sommet sur l’économie et l’emploi. Faits saillants, Gouvernement du Québec, 1er décembre 1996, p. 11-13.

[14]      Idem, p. 11 et 12.

[15]      Idem, p. 12.

[16]      Idem, p. 12.

[17]      Demande formulée par les trois centrales le 16 septembre 1996 ; voir Conjuguons nos efforts - L’urgence, c’est l'emploi, p. 5. À la mi-février 1997, les trois centrales réaffirmaient cette demande et proposaient au gouvernement des moyens d’augmenter ses revenus de 1 milliard de dollars, dans le cadre de la préparation de son budget de l’année 1997-1998.

[18]      Op.cit.,p.9.

[19]      Op. cit., p. 4.

[20]      Idem, p. 4.

[21]      Idem, p. 27 et 28.

[22]      Idem, p. 28.

[23]      Il va sans dire que le terme «État» est entendu ici au sens «d’État-providence» ou d’État des services publics, à protéger contre les velléités de privatisation, et non au sens d’État en tant qu’appareil de domination de classe, à démanteler par la révolution socialiste. Des intervenants au colloque, parmi lesquels le président de la CSN, Gérald Larose, ont semé la confusion à cet égard en soutenant que les critiques des positions actuelles de la CSN quant à un État-providence à renouveler sont en contradiction avec eux-mêmes, dans la mesure où ils adhéraient au début des années 1970 au document de la CSN intitulé « Ne comptons que sur nos propres moyens », qui remettait en question l’État capitaliste.

[24]      CSN, Rapport du Comité exécutif, 57e Congrès, 1994, p. 46 et 47.

[25]      Développer l'économie solidaire. Éléments d'orientation, Dossier rédigé par François AUBRY et Jean CHAREST, Service de recherche de la CSN, octobre 1995, p. 10.

[26]      Idem, p. 14.

[27]      Voir Louis GILL, Fondements et limites du capitalisme, Montréal, Boréal, 1996, le chapitre 4 intitulé « Les “intérêts communs” du travail et du capital ».

[28]      Secrétariat du Sommet, Faits saillants, op. cit., p. 6.

[29]      Op. cit., p. 30.

[30]      Idem, p. 31.

[31]      Conjuguons nos efforts..., op. cit., p. 5.

[32]      Le gouvernement s’est limité à affirmer «qu’il n’est pas question d’encourager la substitution d’emplois dans le secteur public», Sommet sur l’économie et l’emploi. Faits saillants, op. cit., p. 5.

[33]      Op. cit., p. 27.

[34]      Ibid.

[35]      Idem, p. 24.

[36]      André NOËL, « Lancement de huit SOLIDE », La Presse, 19 février 1997.

[37]      Quelques commentaires sur le « Fonds de solidarité des travailleurs » de la FTQ, document interne de la CSN, 28 juin 1983, p. 6, 7, 9, 10 et 11.

[38]      CSN, Rapport du Comité exécutif, 52e Congrès, 1984, p. 156.

[39]      Pour travailler plus « nombr’heureux ». La réduction du temps de travail, brochure préparée par Jean GAGNON avec la collaboration de Michel DORÉ et Michel PAQUET du Service de recherche de la CSN, mai 1985, p. 14.

[40]      Idem, p. 14.

[41]      Idem, p. 19.

[42]      CSN, La réduction du temps de travail. Éléments de réflexion, Document rédigé par François AUBRY, Service de recherche, 1994, p. 35.

[43]      Idem, p. 37.

[44]      Idem, p. 37 et 38.

[45]      Idem, p. 38.

[46]      « Réduire le chômage à 8% d’ici l’an 2002. Un scénario réaliste, accessible et atteignable », Nouvelles CSN, n° 414, 25 octobre 1996, p. 4.

[47]      Sommet sur l’économie et l'emploi. Faits saillants, op. cit., p. 10.

[48]      Idem, p. 10 et 11.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 15 juin 2024 23:54
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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