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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Huit ans de réduction de la dette fédérale: coût, 63 milliards; économies de frais d’intérêt, 24 milliards!”, 19 décembre 2005. Publié sur Cyberpresse.ca/opinions, 10 janvier 2006, sous le titre «Doit-on continuer?», et dans Le Devoir, 18 janvier 2006, sous le titre «L’obsession du remboursement de la dette fédérale». [Avec l'autorisation de l'auteur accordée le 24 janvier 2006.]
“Huit ans de réduction de la dette fédérale: coût, 63 milliards; économies de frais d'intérêt, 24 milliards!”
par Louis Gill, économiste, département de sciences économiques, UQAM.
10 janvier 2006.
D’un montant de 563 milliards de dollars en 1996-1997, la dette fédérale représentant le déficit accumulé a été réduite de 63 milliards sur une période de huit ans, soit d’un montant moyen d’un peu moins de 8 milliards par année, pour atteindre 500 milliards à la fin de 2004-2005. Et le gouvernement fédéral ne rate pas une occasion de dire que cette réduction de la dette permet des économies de plus de 3 milliards par année en frais d’intérêt, dont peuvent bénéficier en particulier les systèmes de santé et d’éducation. S’il est vrai qu’une économie annuelle d’environ 3 milliards a été réalisée à ce titre au cours des dernières années, cela n’était évidemment pas le cas au cours des premières années, alors que la réduction de la dette venait à peine de commencer. Mais peu importe. Même en supposant que les économies d’intérêt sur la dette auraient été de 3 milliards pour chacune des huit années qui se sont écoulées de 1997-1998 à 2004-2005, le montant total des économies qui auraient été réalisées au cours de cette période serait de 24 milliards. Mais, pendant la même période, ce sont 63 milliards qui ont été déboursés pour réduire la dette. Le coût net de l’opération est donc, au minimum, de 39 milliards, une somme qui aurait pu être remise aux provinces affligées par le déséquilibre fiscal, pour leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités constitutionnelles, d’entretenir et d’améliorer leurs systèmes de santé et d’éducation, tant pour en faire profiter la génération actuelle qui en a un besoin brûlant, que pour garantir un legs de qualité aux générations futures.
En supposant que la réduction de la dette se poursuivra au rythme de 8 milliards par année au cours des années qui viennent, ce n’est que dans six ans, en 2011-2012, que les économies annuelles d’intérêt sur la dette atteindront 8 milliards, puis le dépasseront par la suite. Mais à cette date, le coût total du remboursement de la dette qui aura été effectué depuis 1997-1998, c’est-à-dire sur une période de 15 ans, sera de 119 milliards, alors que les économies qui auront été réalisées en intérêts sur la dette ne seront que de 64,5 milliards. Toujours avec les mêmes hypothèses de remboursement, il faudra attendre à 2025-2026 pour que les économies sur les intérêts rejoignent le montant des déboursés, soit 30 ans après le début du remboursement à un rythme moyen de 8 milliards par année. Et la dette, de 322 milliards à cette date, n’aura même pas été diminuée de moitié par rapport à son niveau initial de 563 milliards.
Il va sans dire que ces calculs sont des approximations, qui reposent en particulier sur l’hypothèse d’un taux d’intérêt constant, égal à celui qui prévalait en 2004-2005, soit 6,8 %. Mais ils donnent une bonne idée des implications de l’obsession du remboursement de la dette. Et si le taux d’intérêt devait augmenter sensiblement au-dessus de 6,8 %, ce qui est loin d’être exclu, les échéances de rattrapage qui viennent d’être établies dans le cas d’un taux de 6,8 % seraient nettement plus élevées.
Une dette relative qui diminue d’elle-même
avec la croissance du PIB
Qu’en est-il par ailleurs de l’influence réelle de ces remboursements sur l’évolution de la dette fédérale exprimée en pourcentage du Produit intérieur brut (PIB) ? En 1996-1997, le rapport de la dette, 563 milliards, au PIB, 823 milliards, était de 68,4 %. En 2004-2005, la dette ayant été réduite à 500 milliards et le PIB ayant atteint 1 292 milliards, le rapport de la dette au PIB était de 38,7 %, soit une diminution de 29,7 points de pourcentage. Mais s’il n’y avait eu aucune réduction de la dette, le rapport de la dette, 563 milliards, au PIB, 1 292 milliards, aurait été de 43,6 %, soit une diminution de 24,8 points de pourcentage. On constate donc que 83,5 % de la réduction du rapport de la dette au PIB est attribuable à la seule croissance du PIB. Seulement 16,5 % de cette diminution est attribuable à la réduction de la dette.
Mieux encore, selon les prévisions de la Mise à jour économique et financière présentée en novembre 2005 par le ministre des Finances, le rapport de la dette au PIB, qui était de 38,7 % en 2004-2005, serait réduit à 29,1 % en 2010-2011 s’il n’y avait d’ici là aucun nouveau montant destiné au remboursement de la dette, grâce à la seule croissance du PIB, et ce pourcentage ne serait réduit que d’un point supplémentaire, à 28,1 %, si 3 milliards de dollars par année, ou 18 milliards en six ans, étaient affectés au remboursement de la dette. Même en supposant que le remboursement de la dette au cours de cette période serait de 63 milliards comme au cours des huit dernières années, soit 3,5 fois le montant de 18 milliards évoqué par le ministre, le rapport de la dette au PIB serait réduit à 25,4 % seulement, ne diminuant que de 2,6 points de pourcentage additionnels.
Lorsqu’on considère ce piètre résultat à la lumière de son coût net considérable et de la privation de services publics à laquelle la politique de remboursement donne lieu, n’est-on pas en droit de se demander s’il est opportun de s’obstiner à vouloir réduire une dette qui diminue d’elle-même en termes relatifs avec la seule croissance du PIB ? Voilà une question à laquelle pourraient réfléchir, au cours de la présente campagne électorale, les partis politiques en présence, qui, sauf avis contraire, sont tous convaincus de la nécessité de rembourser la dette.
Coût de la réduction de la dette
et économie d'intérêts en découlant
Les montants sont en milliards de dollars (M $).
Le taux d'intérêt utilisé est celui qui était en vigueur en 2004-2005, soit 6,8 %.
Le montant annuel de réduction de la dette de 1997-1998 à 2004-2005
est le montant moyen de la réduction de la dette de 63 M $ sur 8 ans, soit 7,875 M $.
Pour fins de simplification, ce montant est arrondi à 8 M $ par année pour les années suivantes.
Année
Dette
Intérêt
Économie d'intérêts
Coût de réduction de la dette
sur la dette
annuelle
cumulative
annuel
cumulatif
1996-1997
563,0 $
38,3 $
1997-1998
555,1 $
37,7 $
0,5 $
0,5 $
7,9 $
7,9 $
1998-1999
547,3 $
37,2 $
1,1 $
1,6 $
7,9 $
15,8 $
1999-2000
539,4 $
36,7 $
1,6 $
3,2 $
7,9 $
23,6 $
2000-2001
531,5 $
36,1 $
2,1 $
5,4 $
7,9 $
31,5 $
2001-2002
523,6 $
35,6 $
2,7 $
8,0 $
7,9 $
39,4 $
2002-2003
515,8 $
35,1 $
3,2 $
11,2 $
7,9 $
47,3 $
2003-2004
507,9 $
34,5 $
3,7 $
15,0 $
7,9 $
55,1 $
2004-2005
500,0 $
34,0 $
4,3 $
19,3 $
7,9 $
63,0 $
2005-2006
492,0 $
33,5 $
4,8 $
24,1 $
8,0 $
71,0 $
2006-2007
484,0 $
32,9 $
5,4 $
29,5 $
8,0 $
79,0 $
2007-2008
476,0 $
32,4 $
5,9 $
35,4 $
8,0 $
87,0 $
2008-2009
468,0 $
31,8 $
6,5 $
41,9 $
8,0 $
95,0 $
2009-2010
460,0 $
31,3 $
7,0 $
48,9 $
8,0 $
103,0 $
2010-2011
452,0 $
30,7 $
7,5 $
56,4 $
8,0 $
111,0 $
2011-2012
444,0 $
30,2 $
8,1 $
64,5 $
8,0 $
119,0 $
2012-2013
436,0 $
29,6 $
8,6 $
73,1 $
8,0 $
127,0 $
2013-2014
428,0 $
29,1 $
9,2 $
82,3 $
8,0 $
135,0 $
2014-2015
420,0 $
28,6 $
9,7 $
92,0 $
8,0 $
143,0 $
2015-2016
412,0 $
28,0 $
10,3 $
102,3 $
8,0 $
151,0 $
2016-2017
404,0 $
27,5 $
10,8 $
113,1 $
8,0 $
159,0 $
2017-2018
396,0 $
26,9 $
11,4 $
124,5 $
8,0 $
167,0 $
2018-2019
388,0 $
26,4 $
11,9 $
136,4 $
8,0 $
175,0 $
2019-2020
380,0 $
25,8 $
12,4 $
148,8 $
8,0 $
183,0 $
2020-2021
372,0 $
25,3 $
13,0 $
161,8 $
8,0 $
191,0 $
2021-2022
364,0 $
24,8 $
13,5 $
175,3 $
8,0 $
199,0 $
2022-2023
356,0 $
24,2 $
14,1 $
189,4 $
8,0 $
207,0 $
2023-2024
348,0 $
23,7 $
14,6 $
204,0 $
8,0 $
215,0 $
2024-2025
340,0 $
23,1 $
15,2 $
219,2 $
8,0 $
223,0 $
2025-2026
332,0 $
22,6 $
15,7 $
234,9 $
8,0 $
231,0 $
2026-2027
324,0 $
22,0 $
16,3 $
251,2 $
8,0 $
239,0 $
Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 février 200718:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
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