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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le Devoir, Montréal, Édition du 21 mars 2002 – page A6.


La solution au déséquilibre fiscal
passe-t-elle par un système de taxation plus régressif ? (2002)
Louis Gill, économiste
Professeur retraité de l'Université du Québec à Montréal

[email protected]

«La solution au déséquilibre fiscal passe-t-elle par un système de taxation plus régressif ? », Un article publié dans Le Devoir, 21 mars 2002, p. A6. [Autorisation accordée par l'auteur le 4 janvier 2005 de diffuser ce texte.]

Un risque d'accroissement de la régressivité de l'impôt
Maintenir le cap sur le transfert de points d'impôt

La principale recommandation de la Commission Séguin aux fins de la résorption du déséquilibre fiscal est la suppression du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) accordé annuellement aux provinces par le gouvernement fédéral, et son remplacement par un nouveau partage des pouvoirs de taxation des deux niveaux de gouvernement. Tout en disant ne pas rejeter l'hypothèse d'un nouveau partage du champ de l'impôt sur le revenu des particuliers (transfert de points d'impôt du gouvernement fédéral aux provinces), qui est la position traditionnelle du Québec, la Commission exprime sa préférence en faveur du transfert aux provinces du champ fiscal de la Taxe fédérale sur les produits et services (TPS). Et, précise-t-elle, c'est l'ensemble du champ de la TPS qui devrait être évacué en faveur des provinces. Le montant de 27 milliards de dollars qui sera perçu au titre de la TPS en 2002-2003 pour l'ensemble du Canada correspond en effet exactement aux ressources nécessaires pour réajuster à la hausse, de 8 milliards de dollars, le montant de 18,6 milliards prévu au titre du TCSPS pour la même année. Précisons qu'un tel réajustement financier permettrait de ramener au niveau de 1996-1997, soit à 18,5 %, la proportion des dépenses des provinces en santé, éducation et services sociaux financée par ces nouvelles ressources qui viendraient remplacer en le majorant le TCSPS.

La Commission fonde sa préférence, au demeurant toute relative, en faveur du transfert aux provinces du champ fiscal de la TPS plutôt que du transfert de points d'impôt sur le revenu des particuliers, sur un bilan des avantages et des inconvénients des deux hypothèses, établi en fonction d'un certain nombre de critères (croissance et stabilité des revenus, risques de réoccupation du champ fiscal par le gouvernement fédéral, incidence de la péréquation, faisabilité administrative, etc.). Il faut déplorer toutefois que la Commission n'ait pas tenu compte du fait, pourtant fort important, que la TPS est une taxe indirecte, de nature régressive (qui frappe plus lourdement les bas revenus), alors que l'impôt sur le revenu des particuliers est une taxe directe, de nature progressive (qui frappe plus lourdement les hauts revenus), même si le degré de cette progressivité a considérablement diminué au cours des dernières années.Un risque d'accroissement de la régressivité de l'impôt

S'appuyer explicitement sur les revenus escomptés d'une taxe de vente, indirecte, comme source de financement des programmes de santé et de services sociaux, risque fort d'avoir pour conséquence, à plus ou moins court terme, une augmentation du taux de cette taxe pour financer les coûts croissants de ces programmes, dont on prévoit qu'ils augmenteront plus vite que le PIB. Il s'ensuivrait donc une augmentation du poids relatif de cette taxe régressive dans le financement global de l'État, dont on est en droit de se demander si elle serait socialement équitable. La majoration de 6,5 % à 7,5 % du taux de la TVQ en 1998 montre que nous sommes loin d'être à l'abri d'une telle tendance. Le simple fait de s'appuyer sur les revenus d'une taxe indirecte régressive pour financer, même partiellememt, des besoins aussi fondamentaux que la santé et l'éducation exclut de facto l'hypothèse de son éventuelle réduction et vient renforcer la tendance à une baisse de la progressivité de l'impôt qui est, il faut le déplorer, nettement à l'œuvre depuis quelques années au Canada comme dans le reste du monde.

Nous serions d'ailleurs dès maintenant confrontés à ce problème d'une insuffisance de fonds provenant du champ fiscal de la TPS si nous voulions rétablir, non pas au niveau de 1996-1997, soit 18,5 %, mais à un niveau supérieur pouvant aller jusqu'à celui de 1984-1985, soit 23 %, la proportion des dépenses des provinces en santé, éducation et services sociaux financée par les revenus d'une TPS désormais prélevée par les provinces. Les revenus de 27 milliards de dollars prévus pour 2002-2003 au taux actuel de taxation seraient alors insuffisants et il faudrait ou bien augmenter le taux de la TPS, ou bien se tourner vers d'autres sources comme l'impôt sur le revenu des particuliers, pour financer le solde des besoins. Loin d'être une fiction, cette proportion de 23 % atteinte en 1984-1985 au terme d'une hausse soutenue de plusieurs années est celle qui était en vigueur au moment où a commencé la grande vague de compressions qui a si lourdement frappé les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux.Maintenir le cap sur le transfert de points d'impôt

L'hypothèse alternative qui est la position traditionnelle du Québec, celle d'un transfert de points d'impôt sur le revenu des particuliers, a l'avantage de ne pas nous placer d'emblée sur la voie de l'effet pervers, socialement inéquitable, d'une hausse de la régressivité du système de taxation. Le nombre de points d'impôt réclamés pourrait être ajusté au niveau de financement requis, sans déborder l'espace fiscal beaucoup plus large de l'impôt sur le revenu des particuliers, de 80 milliards de dollars en 2002-2003. Il serait également souhaitable que le nombre de points d'impôt transférés soit indexé au fil des années pour tenir compte d'une éventuelle hausse plus rapide des coûts des programmes sociaux que du Produit intérieur brut, et que soit ainsi maintenue intacte la capacité de financer ces programmes. La contrainte de l'équilibre budgétaire fédéral, sans doute réelle au cours des premières années, s'estomperait rapidement par la suite selon les prévisions déjà connues, confirmées par le Conference Board, d'un surplus budgétaire fédéral croissant.

Il va sans dire que les points de vue sur ce sujet d'une extrême importance doivent continuer à s'exprimer dans le cadre d'un débat ouvert en quelque sorte par la Commission elle-même, qui tout en exprimant sa préférence pour un transfert du champ fiscal de la TPS, n'a pas rejeté l'hypothèse d'un transfert de points d'impôt sur le revenu des particuliers. Il faut souhaiter que ce débat se poursuive dans la sérénité et viser à ce que toutes les voix qui s'expriment pour dénoncer cette anomalie qu'est le déséquilibre fiscal en arrivent à infléchir l'intransigeance manifestée jusqu'ici à cet égard par le gouvernement fédéral.

Fin


Revenir au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste, professeur retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 février 2007 18:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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