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Avant-propos
Cet ouvrage a d’abord paru aux Éditions Sagamie/Québec (1988) sous le titre Question d’Empire, le Times de Londres et le Canada 1908-1922. La présente édition revue et corrigée pourra attirer davantage l’attention des lecteurs francophones puisque la plupart des citations anglaises tirées du journal ou de la correspondance d’époque ont été traduites en français.
Le lecteur sera attentif car à l’époque de la Première Guerre mondiale, la question nationale s’inscrit dans des rapports particuliers entre Canadiens anglais et Canadiens français et le langage d’alors diffère du langage actuel.
Le correspondant du Times au Canada, Sir John Willison, identifiera souvent les deux grandes communautés linguistiques du Canada à leur origine ethnique. Ainsi préférera-t-il parler des «Français» et des «Anglais» (sous-entendu «du Canada») pour identifier les Canadiens français et les Canadiens anglais. Les termes «francophones» et «anglophones», qui renvoient aux langues parlées par les deux groupes, ne sont pas utilisés à l’époque. De même, il ne sera jamais question des «Québécois» mais des «Français du Québec» ou des «Canadiens français», qu’ils vivent au Canada ou au Québec.
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L’étude des rapports entre les deux grandes communautés anglophone et francophone est fondamentale pour qui veut comprendre les fondements de l’histoire du Québec et du Canada. La période de la Première Guerre mondiale permet de voir la force des liens qui unissent les Canadiens quand vient le temps de s’affirmer sur la scène internationale et qui transparaît dans les débats internes. On assiste à une lutte entre le Canada anglais et le Canada français, lutte entre le Québec et le reste du pays qui voit la province comme un trouble-fête. L’aboutissement des conflits internes connaîtra son dénouement lors de la crise de la conscription de 1917. Le Québec devient une sorte de bouc émissaire du Canada anglais qui cherche à recréer sa fragile unité en faisant porter constamment l’odieux des problèmes sur le dos du Québec; cela risque de faire éclater le pays tout en cachant mal les conflits qui se manifestent dans les grandes régions ou parmi la classe ouvrière.
Cette étude nous fait voir les acteurs qui forgent ou tentent d’influencer l’opinion. Propriétaires de journaux, journalistes, hommes politiques et d’affaires, tous cherchent à défendre leurs intérêts dans un journal de prestige qui défend des idéaux dans une conjoncture où les changements sont rapides et profonds. Cette réflexion sur l’histoire de la Première Guerre mondiale montre les forces et les faiblesses structurelles du système politique canadien. L’ouvrage montre le dynamisme mais aussi les limites d’une presse d’opinion qui se lie aux acteurs influents de la politique et du développement économique de tout l’Empire britannique au début du XXe siècle.
Parmi tous ceux et celles qui ont collaboré à l’édition de cet ouvrage, il faut remercier l’éditeur Jean-Claude Larouche qui inaugure une nouvelle collection: INTERCULTURE. L’histoire du Canada on l’oublie trop souvent, s’est faite grâce à ce dynamisme interculturel qui s’inscrit dans la nature même du pays. Les rapports entre Canadiens français [17] et Canadiens anglais (biculturalisme) dont traite surtout le présent ouvrage, les rapports entre autochtones et Canadiens, l’apport des immigrants à la culture d’accueil (multiculturalisme) constituent les assises culturelles d’une mosaïque canadienne et québécoise qui ne cesse de s’enrichir au contact des cultures du monde contemporain.
Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans le soutien de l’Université du Québec à Chicoutimi qui nous a accordé des dégagements de recherche dans le cadre de son Programme de perfectionnement long. Le Fonds d’intégration des chargé-e-s de cours (FICC) a aussi accordé une subvention pour l’édition.
Notre gratitude va aussi au professeur Claude Fohlen, notre directeur de recherche à la Sorbonne (Paris I), et aux professeurs Jean-Baptiste Duroselle et Marcel Merle, nos professeurs à la même institution; qu’ils trouvent ici le témoignage de notre reconnaissance. Le professeur Jacques Portes nous a prodigué de précieux conseils; qu’il reçoive l’expression de toute notre amitié.
Il faut aussi souligner la contribution particulière de Gordon Phillips, directeur des archives du Times à Londres, de Victorin Chabot, des Archives nationales du Canada (Ottawa), et de Louis Côté, des Archives nationales du Québec (Chicoutimi). Nous remercions également Normand Perron (IQRC), Richard Perreault (UQAC), Gervais Tremblay (GRH) et Anne-Claude Drolet, qui ont relu le manuscrit et apporté plusieurs commentaires, ainsi que les secrétaires et associées à l’édition, Christiane Grenon (GRH), Julie Brassard (GRH), Lucie Tremblay (UQAC) et Judith Bouchard (Éditions JCL), qui ont été d’une patience remarquable.
Enfin, un remerciement tout spécial s’adresse à Wendy [18] Lee Williams, ma meilleure amie, ainsi qu’à notre fils, Daniel et à Emma, qui m’a enseigné la patience du travail à long terme, et ce, même dans des conditions difficiles.
Camil Girard
GRH et UQAC
14 janvier 1994
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