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Interventions économiques
pour une alternative sociale
Nos 14-15.
DOSSIER
“POLITIQUE INDUSTRIELLE
ET NATIONALISATION :
LE CAS FRANÇAIS”
Par Jean-Jacques GISLAIN
L’existence d'une politique industrielle volontariste de l’État et la présence d'un important secteur public sont deux composantes historiquement traditionnelles de l’économie française [1]. Mais l’articulation entre la nature de la politique industrielle prônée par l’État et le rôle du secteur public n’a pas toujours été identique. La politique industrielle, c’est-à-dire l’action volontariste de l’État sur les structures industrielles, n’a pas toujours fait jouer le même rôle stratégique au secteur public. Sans remonter jusqu’à la période colbertiste, on peut identifier sommairement, depuis le début du siècle en France, quatre formes spécifiques du lien entre politique industrielle et secteur public.
Durant et après la première guerre mondiale, des impératifs d'indépendance nationale (armement), de contrôle stratégique (mines et pétrole), de création d’institutions monétaires spécifiques et nécessaires à la reconstruction (Crédit National, Agricole, Hôtelier), de sauvetage d’entreprises en difficulté (transport ferroviaire), ont conduit l’État français à intervenir sur les structures industrielles et à développer le secteur public.
Avant (1936) et après (1946) la Seconde Guerre mondiale, c’est la volonté politique de contrôle national sur les grands secteurs de l’infrastructure économique (énergie, transport, banque), face aux intérêts privés.
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Pourcentages des productions nationales assurées
par les entreprises publiques, principaux secteurs
Industrie (part dans le chiffre d’affaires de la branche)
Source : A.G. Delion et M. Durupty, Les nationalisations 1982. Paris, Economica, 1982, p. 190-191.
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monopolistes et anciennement collaborateurs, qui motive l’élargissement du secteur public par la nationalisation et fournit les instruments infrastructurels nécessaires à l’élaboration efficace d'une politique industrielle nationale.
Durant la IVe et Ve République (gaulliste et giscardienne), le secteur nationalisé a surtout subi une rationalisation (extension sectorielle, regroupement d’entreprises publiques, libéralisation de la gestion) au service d’une politique industrielle orientée, d’une part, vers l’encadrement (infrastructurel et technique) du développement des grands groupes privés et, d’autre part, vers la constitution palliative (à défaut de groupe privé et dans l’optique d’une privatisation possible à terme) d'entreprises industrielles publiques de pointe (nucléaire. Aérospatiale, C.E.A.).
Depuis 1981, avec l’arrivée au pouvoir des socialistes et la nationalisation d’une partie importante de l’appareil industriel productif (voir tableaux), une « nouvelle politique industrielle » est proposée au sein de laquelle est radicalement modifié le rôle stratégique que doit remplir le secteur public. C'est cette nouvelle forme d’articulation entre politique industrielle et secteur public qui sera l’objet du présent article.
Dans un premier temps seront présentées les orientations de la nouvelle politique industrielle (NPI) française ainsi que le rôle que doit y jouer le secteur public industriel (SPI). Ensuite, seront examinés deux types de contradictions possibles entre, d’une part, cette nouvelle articulation NPI/SPI et, d’autre part, d’un côté, les impératifs de politique économique conjoncturelle face à la crise et, d’un autre côté, le « projet socialiste » de modifier les rapports sociaux de production au sein du SPI. Enfin, sera présenté le type de solution (les « contrats de plan ») mis en place pour tenter de résoudre ces possibles contradictions.
Nouvelle politique industrielle française
et rôle du secteur public productif
Durant les années qui ont précédé l’arrivée des socialistes au pouvoir, le gouvernement giscardien s’était engagé dans une politique industrielle dont la stratégie, sous la figure de ce qui à l’époque était présenté comme le « redéploiement industriel », peut se résumer à deux caractéristiques principales [2].
D’une part, du fait de la confiance affichée dans l’efficacité de l’initiative privée, était acceptée comme économiquement positive la logique financière qui concourait à l’élargissement-concentration (vertical/horizontal) de grands groupes privés.
D’autre part, dans le but d’atteindre une meilleure performance de l'industrie française sur le marché mondial, était encouragée, par une politique sélective d’aide à l’investissement privé, la logique de créneaux (spécialisation internationale dans les secteurs à plus forte compétitivité) des grands groupes privés.
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La nouvelle politique industrielle (NPI) prônée par les socialistes rompt avec ces deux logiques. La logique financière des grands groupes privés est remplacée par une logique industrielle nationale grâce à la nationalisation des principaux grands groupes privés et la restructuration de leurs activités sur la base d’une nouvelle cohérence industrielle. La logique de recherche de créneaux est remplacée par une logique de filière de production qui fonde cette nouvelle cohérence industrielle.
C’est le contenu de cette double rupture, c’est-à-dire la nouvelle cohérence de la NPI française que nous allons tout d'abord présenter pour ensuite examiner le rôle crucial qu’y joue la SPI.
La cohérence de la NPI
Logique financière et logique de créneaux étaient attachées au rôle crucial que remplissaient les grands groupes privés dans l’élaboration de la politique industrielle de l’ancien régime.
Avec l’accroissement de la maîtrise nationale sur les structures industrielles, la réflexion économique en termes de politique industrielle peut dépasser le cadre restreint de l'adéquation aux « stratégies de firmes » aussi grandes soient-elles. Au centre de cette nouvelle réflexion, la notion de « filière industrielle » est primordiale.
Si on reprend la définition qu'en donne C. Stoffaës :
- « Une filiale industrielle est constituée de l’ensemble des stades du processus de production qui conduit des matières premières à la satisfaction du besoin final du consommateur, que ce besoin final s'adresse, d’ailleurs, à un bien matériel (type alimentation, logement, etc.) ou à un service (type transport, communications, santé, loisirs) » [3].
la notion de filière est particulièrement fertile puisqu’elle fournit à la fois un instrument conceptuel particulièrement utile à l’analyse des structures industrielles existantes (mésoanalyse [4]) et une spécification objective (emprico-descriptive [5]) procurant matière à l'élaboration d’une politique industrielle concrète [6].
L'analyse de l’activité économique productive en termes de filières industrielles permet de spécifier structurellement la nature du tissu industriel ; c’est-à-dire d'identifier non seulement quantitativement analyse classique en termes d’échanges interindustriels mais aussi qualitativement types d’interrelations/interdépendances, inter et intra-filière, mise en évidence de point stratégique ou noyau stratégique et de pôle de compétitivité au sein de chaque filière et de leur effet de synergie (recherche, technologie, ...) les formes concrètes et complexes (mésosystème complexe) que revêtent les structures industrielles [7].
Par exemple, J. Monfort identifie, dans le système productif français, dix-neuf (19) filières de production qu’il décompose respectivement en trois segments principaux, amont, centre, aval et dont il étudie pour chacune [125] d’elles la composition structurelle, le poids relatif en termes d’emplois, de demande intérieure en produits, et le degré d'internationalisation, de performance extérieure et de taux de pénétration étrangère [8].
Mais si ce type d’analyse fournit un bon instrument pour l’élaboration d’une politique industrielle cohérente, c’est-à-dire d’une action volontariste de l’État sur les structures industrielles qui va dans le sens d'une meilleure performance quant aux objectifs industriels à atteindre, ces objectifs étant unanimement reconnus comme étant la nécessité de parvenir à assurer l’émergence d’un nouveau modèle de croissance qui permette non seulement de sortir conjoncturellement de la crise économique mais aussi de sortir de cette crise avec un appareil productif restructuré capable de produire un nouveau régime de croissance dans un contexte de forte concurrence internationale et de transformation technologique majeure [9] ; par contre, les moyens pour y parvenir ont donné lieu au sein de la Gauche française à un affrontement quant au choix à effectuer entre deux stratégies possibles.
La première de ces stratégies de politique industrielle était centrée sur la nécessité d’une certaine fermeture de l’économie française pour permettre une « restructuration protégée » du tissu industriel et une reconquête du marché national ; après quoi une réintégration dans l’espace économique international pourrait être effectué en situation jugée à nouveau favorable pour l'industrie française. Selon cette optique [10], s’appuyant sur les points stratégiques de chaque filière de production et « remontant » ou « descendant » les segments de filière, successivement protégés et modernisés en amont et en aval, l’industrie française pourrait se restructurer progressivement tout en reconquérant la quasi-totalité du marché national [11].
Cette première stratégie, jugée trop protectionniste et quelque peu irréaliste dans le contexte de la forte interdépendance de l’économie française vis-à-vis de l'espace économique européen et mondial, n'a pas été retenue par la majorité socialiste. Une seconde stratégie de politique industrielle a été mise de l'avant qui prône, toujours en s’appuyant sur une approche en termes de filières industrielles, de restructurer l’industrie, d’une part, en privilégiant les filières ou segments de filière particulièrement compétitifs (aéronautique, télécommunications, agro-alimentaire, ...), en tentant de (re)conquérir certains segments de filière technologiquement stratégiques (mécanique plan machine outil , électronique informatique et productique , composants et électronique grand public, ...), en rationalisant les segments en surcapacité productive (métallurgie sidérurgie, chimie chimie lourde, ...) et en bradant à toutes fins pratiques des segments de filière (énergie charbonnage, ...) sinon des filières entières (navigation construction navale, ...) et, d’autre part, en orientant les efforts de reconquête de filière productive selon un principe qui privilégie la « remontée », par effets d'entraînement quantitatifs (flux économiques d'approvisionnement) ou effets de synergie qualitatifs (recherche développement, technologie, ...), de l'aval vers l'amont des filières productives avec effets transver-
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Les filières et leur poids dans l’emploi total en 1981 *
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saux (activités connexes) [12].
Cette stratégie de restructuration industrielle que l’on pourrait qualifier d’« intégrationniste » au marché mondial et de « remontée de filière » s’inspire, d’une part, empiriquement de l’expérience passée, relativement réussie, des politiques industrielles japonaise et allemande [13] et, d’autre part, de la croyance selon laquelle il serait vain de vouloir tout produire dans un seul pays et qu’en conséquence, l’industrie française ne peut se restructurer pour parvenir à un nouveau régime de croissance que sur la base de l’ancienne théorie des avantages comparatifs (l’ancienne « politique de créneaux » devient dans la nouvelle phraséologie gouvernementale : « politique de (re)conquête de filières dans la division internationale du travail ») même si celle-ci est rénovée et élargie théoriquement par l’intégration d’une logique de filières structurantes développant efficacement l’appareil productif français (« politique de remontée de filière »). Cette stratégie de politique industrielle se veut en quelque sorte être la solution à la quadrature du cercle du développement économique, en recherchant à conjuguer : forme extravertie de développement/spécialisation internationale sur les pôles de compétitivité identifiés des filières industrielles nationales, et forme intégrée de développement/action structurante au niveau national des points stratégiques par remontée de filière, de telle façon que pôles de compétitivité et points stratégiques correspondent aux mêmes segments de filières industrielles nationales.
Au centre de cette stratégie de la NPI française se trouve le rôle crucial que doit remplir le secteur public industriel (SPI).
- Le rôle du SPI dans la NPI
Les objectifs industriels structurels assignés, après les nationalisations de 1982 [14], au SPI par le NPI peuvent être ramenés, comme le note J. Mazier, à cinq (5) axes prioritaires fortement orientés vers la constitution d’une offre compétitive.
- « Une politique d’assainissement et de modernisation dans les secteurs de base (sidérurgie, chimie de base, aluminium, pâte à papier éventuellement) avec un redéploiement vers les activités aval à plus forte valeur ajoutée ;
- Des actions de reconquête difficile, nécessitant la reconstruction de pans entiers d’activité dans des secteurs ayant d’importants effets de diffusion (machine-outil, informatique, composants) et dans des secteurs en développement rapide (électronique grand public, matériel médical) ;
- Des paris technologiques à long terme où les positions de départ ne sont pas très favorables malgré des potentialités importantes (bureautique, robotique, matériaux nouveaux) ;
- Un renforcement de nos points forts (matériels de transport terrestre, industries des matériaux) ;
- La poursuite des percées technologiques (nucléaire, aéronautique, télécommunication, électronique professionnelle militaire) [15]. »
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Place des groupes publics dans l'industrie avant et après nationalisation
(évolution 1976-1980)*
* Configuration constante au 1er Janvier 1981.
** Données provisoires
Source : Une politique industrielle pour la France, op. cit., p. 207.
À ces cinq objectifs, il faut en ajouter un sixième concernant le rôle primordial que doit jouer le SPI pour rééquilibrer structurellement la balance commerciale et rendre ainsi plus autonome l’industrie française, notamment en matière de biens d’équipement (informatique et productique) et ressources énergétiques (pétrole vs nucléaire).
Les moyens mis en place pour parvenir, grâce au SPI, à de tels objectifs de politique industrielle ont été d’ordres différents : restructuration, modalité de financement, modernisation, nouveaux rapports avec les partenaires de l’industrie privée, et politique d’achats.
Le premier de ces moyens est la restructuration des anciens groupes privés, maintenant nationalisés, selon une logique industrielle de regroupement/intégration d’activités de même nature autour de « pôles » stratégiques de compétitivité. Même si au moment des nationalisations le Gouvernement s’était engagé à éviter de « jouer au « meccano » avec des groupes dont l’organisation interne ne peut être bouleversée sans risque grave » [16], il est maintenant clair, même si la restructuration du SPI n’est pas terminée, que celle-ci a donné lieu à une réorganisation conglomérat assez importante du SPI. La restructuration a été orientée, d’une part, vers la concentration/rationalisation (gestion plus rigoureuse et centralement coordonnée liquidation de surcapacités productives en équipements et effectifs) de secteurs de base (sidérurgie, métallurgie, chimie lourde, bois papier, charbonnage, ...), de secteurs industriels lourds (biens d’équipement, mécanique lourde, construction navale, ...) et, d’autre part, au sein de chaque groupe [129] industriel public, vers le (re)centrage/(re)spécialisation stratégique autour de « pôle » à forte performance concurrentielle et technologique, en délaissant les activités trop peu compétitives, et cela notamment dans les secteurs de pointe (électronique, informatique, productique, télécommunication. biotechnologie, aérospatiale, ...) [17].
Cette restructuration en cours du SPI est par ailleurs caractérisée par le fait qu’en plus des « plans de restructuration » décidés par le Gouvernement, les dirigeants des groupes industriels publics, nommés par le Gouvernement, peuvent, selon certaines procédures de négociation définies dans le cadre de leur autonomie de gestion, procéder, avec l’accord et l’aide financière de l'État, à des restructurations croisées par « échange » d’entreprises publiques allant dans le sens de la nouvelle cohérence industrielle des groupes industriels publics. Il est même question (grâce à la loi dite « loi de respiration ») que les groupes industriels publics puissent se délester, par la reprivatisation, de certaines activités jugées non utiles à l’équilibre industriel du groupe.
Pour réaliser la restructuration du SPI, l'État a dû engager des fonds considérables. L'apport en capital inscrit au budget de l’État pour le financement du SPI a été de l'ordre de 450 millions de dollars en 1982, de 1,9 milliard en 1983 et il sera probablement de ce même montant en 1984. À ces fonds propres viennent s’ajouter, grâce à la nationalisation de la quasi-totalité du système bancaire et au rôle qui lui a été assigné de drainer l’épargne vers l’investissement productif (création d'une direction industrielle dans chaque banque), les contributions en capital souscrit par les banques et les émissions de titres participatifs garantis par l'État. En totalité, ce sont alors des fonds de l’ordre de 3 milliards de dollars qui, annuellement depuis 1982, viennent consolider les bilans financiers des groupes industriels publics qui en ont d'ailleurs largement besoin pour combler leur déficit (1,5 milliard de dollars en 1981, 2,5 en 1982 pour l’ensemble du SPI) [18].
Cet effort important du financement du SPI par l'État s’inscrit dans une politique où, comme l'annonce le Président F. Mitterand, « l’État jouera pleinement son rôle d’actionnaire » [19]. Il est ainsi considéré que seul l’État est en mesure d’assurer un volume d'investissements à long terme capable, d’une part, de permettre le maintien de l’investissement productif dans l’économie nationale et, d’autre part, d’effectuer la modernisation nécessaire de l’appareil productif. Dans ces conditions, le SPI, par delà son rôle d’entraînement des investissements productifs, se voit investi de la tâche stratégique d’assumer le rôle moteur de l’innovation technologique, et d’impulser ainsi de nombreux effets de synergie technologique et d’importantes économies externes dont pourra bénéficier l’ensemble du tissu industriel national.
L’effort des entreprises nationales en matière de recherche-développement est particulièrement important puisqu’il a représenté, en 1982, avec un budget total de l'ordre de 3,5 milliards de dollars, 60% de la recherche industrielle en France [20]. (Le SPI représente 30% des ventes et de la valeur ajoutée de l’ensemble de l'industrie). [130] Cette tendance doit se renforcer puisque dans le IXe Plan (1984-1988) la modernisation de l’industrie constitue la première priorité [21].
Un autre moyen devant permettre au SPI de remplir les objectifs qui lui sont assignés est le nouveau type de rapport qui doit s’établir entre le SPI et ses contractants privés. Avec les entreprises sous-traitantes, les entreprises publiques sont conviées à négocier des conventions de stabilité assurant le maintien des engagements réciproques et la fixation d’objectifs à long terme. Du côté des fournisseurs, ce sont des contrats de production qui peuvent être négociés. Par ces deux formes de contractualisation des échanges industriels, sous-traitance et politique d’achat, le SPI peut ainsi avoir une action stabilisatrice (planification à terme de la production) et structurante (nouveaux produits, synergies technologiques, adaptation entre offre et demande) sur l'ensemble du tissu industriel.
De plus, ce nouveau type de rapport entre SPI et entreprises privées doit être un instrument privilégié de reconquête du marché intérieur (politique d’achat nationale) et favoriser les conditions de compétitivité nécessaires pour l'exportation (développement d’expertises et d’économies d’échelle).
Enfin, dans le but de desserrer la contrainte extérieure, due en grande partie à la facture pétrolière, les entreprises du SPI, qui contribuent pour une large part à l’excédent commercial en produits industriels [22], pourront établir dans leurs comptes des balances de paiement en devises.
Le rôle du SPI ainsi défini dans le cadre de la NPI, il est encore trop tôt pour en évaluer la réussite ou l’échec. Toujours est-il qu’il semble bien qu'il y ait une cohérence économique solide qui concoure actuellement en France à la construction d’un nouveau régime de croissance industriel centré autour du SPI. Mais la question qui se pose alors est de savoir si cette refonte de la politique industrielle française reste compatible avec l’esprit du « projet socialiste » qui a porté la Gauche au pouvoir en 1981. Au centre de cette problématique se trouve le problème de l’existence des possibles contradictions entre, d’une part, cette nouvelle articulation NPI/SPI et, d'autre part, les impératifs économiques conjoncturels de lutte contre la crise, ainsi que la volonté de transformation des rapports sociaux de production au sein du SPI.
Cercle vicieux ou cercle vertueux ?
Malgré l’importance du rôle stratégique dans la NPI que le Gouvernement socialiste veut faire jouer au SPI, ce dernier ne peut, sans risque grave, être exclusivement mobilisé à cette tâche. En effet, par delà les objectifs à long terme de la NPI, par delà la politique économique structurelle, le SPI doit aussi, à court terme, être un instrument privilégié au service national de la lutte conjoncturelle contre la crise, particulièrement pour ce qui est de la lutte contre le chômage et pour le maintien de la demande globale. Or, il semble qu'il y ait apparence de contradiction logique entre :
- d’un côté, la volonté du gouvernement socialiste de restructurer, [131] moderniser, rendre compétitif dans l’espace capitaliste international, et consécutivement rechercher à « épurer », « assainir », « alléger », « rationaliser » le SPI ; ce qui ne peut se traduire dans un premier temps (qui peut être long) que par une réduction des effectifs et un contrôle strict de la croissance des salaires, c’est-à-dire donc par plus de chômage structurel et par une baisse de la demande globale d’origine salariale ;
- et d’un autre côté, vouloir en même temps faire jouer au SPI un rôle positif dans la politique conjoncturelle de stabilisation et de régulation, c’est-à-dire utiliser le SPI au service d'une politique de maintien de l'emploi (et même de création d’emplois pour lutter contre l’augmentation du chômage issu du secteur privé) et de soutien de la demande globale par le maintien du pouvoir d’achat des salaires.
Ou, pour l’exprimer autrement, il semble qu'il y ait apparence de contradiction logique entre, d’une part, une politique de restructuration (chômage)/rationalisation (baisse des « coûts salariaux ») du SPI allant dans le sens de la nouvelle articulation stratégique SPI/NPI et, d’autre part, une politique de régulation conjoncturelle cherchant à utiliser le SPI pour maintenir l'emploi et la demande.
À cette première contradiction s’en ajoute une seconde entre :
- d’un côté, l’option hyperproductiviste du gouvernement socialiste pour rendre plus « compétitif » le SPI de telle façon à remplir pleinement le rôle qui lui est assigné de moteur économique et technologique dans la NPI française, ce qui ne peut se traduire concrètement que par le renforcement de la gestion capitaliste étatique de la force de travail, étant entendu que le critère de rentabilité invoqué se réfère non pas à une quelconque rentabilité sociale mais bien à une rentabilité capitaliste (recherche d’une situation fortement concurrentielle au niveau des prix du marché, d'une forte adaptabilité flexibilité de la production et donc de la main-d’oeuvre à la demande du marché mondial, d’une puissante capacité d’accumulation par le dégagement de profits nécessaires à l’autofinancement d'investissements « productif »,...).
- et d’un autre côté, la volonté politique affichée par le gouvernement socialiste de modifier sensiblement les rapports sociaux de production au sein du SPI, allant notamment dans le sens de l’application des lois Auroux sur les « nouveaux droits des travailleurs » [23], et devant constituer le premier pas vers l’« autogestion ».
Cette double contradiction quant aux rôles que doit remplir le SPI peut se traduire dans les faits de deux façons.
Soit cela débouche sur une contradiction réelle et dans ce cas la politique économique française se trouve enfermée dans un cercle vicieux où :
- d’un côté, les efforts en termes de politique industrielle pour restructurer le SPI dans le sens de la NPI se traduisent, d’une part, par un approfondissement du chômage et une dépression accentuée de la demande, ce qui ne peut que renforcer la crise, et, d'autre part, par la mise au rancart du projet de transformation des rapports sociaux de production au profit d'un productivisme objectivement figé dans le cadre des rapports sociaux de production capitalistes étatiques, ce qui ne peut être que contraire au « projet socialiste » et à la volonté politique et syndicale d’une [132] large partie de la base sociale qui a porté les socialistes au pouvoir ;
- et d’un autre côté, d'une part, les efforts en termes de lutte conjoncturelle contre la crise, se concrétisant par des hésitations quant à la réduction des effectifs et au contrôle des salaires réels dans le SPI, se traduisant par autant d’entraves à la réalisation effective de la nouvelle articulation stratégique NPI/SPI et hypothéquant par là même les espoirs de mise sur pied, par une action rigoureuse sur les structures industrielles, d’un nouveau régime de croissance plaçant l’industrie française en position favorable pour faire face à la concurrence internationale et aux nouveaux défis technologiques ; et, d'autre part, la volonté de faire passer dans la réalité les « nouveaux droits des travailleurs » notamment en ce qui concerne les mesures en faveur de la négociation de meilleures conditions de travail, de sécurité de l’emploi, de participation aux décisions sur les choix stratégiques des entreprises allant dans le sens d’une meilleure « productivité sociale », et de démocratie dans l’entreprise, peut contrecarrer la logique de restructuration du SPI fortement orientée vers une plus grande intégration dans l’espace capitaliste international et donc à la soumission « objective » à ses contraintes de « compétitivité ».
Cette première forme de contradiction, contradiction réelle entre les objectifs que l’on veut faire remplir au SPI, est semble-t-il celle qui domine actuellement la politique économique du gouvernement socialiste français. Nonobstant les analyses critiques qui peuvent être faites de la politique économique conjoncturelle française depuis l’arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981 [24], le coût social en matière d’augmentation du chômage et de compression de la demande d’origine salariale, entraîné par les restructurations en cours dans le SPI, notamment en ce qui concerne dramatiquement certaines industries (sidérurgie, charbonnage, construction navale, automobile, ...) et certaines régions (Lorraine, Nord Pas-de-Calais, Bouche-du-Rhône, ...), constitue la manifestation la plus criante de cette contradiction réelle. De là les difficultés politiques (sortie du PCF du gouvernement) et sociales (raidissement de l’action syndicale des grandes centrales ouvrières CGT et CFDT) du gouvernement socialiste à vouloir maintenir un double discours : l’un sur la lutte prioritaire contre le chômage et l’autre sur la restructuration nécessaire du SPI où il est clairement annoncé que « l’emploi n’y sera pas garanti » [25].
Mais si l'apparence de contradiction logique entre les objectifs assignés au SPI prend la forme actuellement d’une contradiction réelle et d'un cercle vicieux dans lequel le gouvernement socialiste risque de se perdre politiquement, il peut aussi se faire que cette contradiction puisse être réellement résolue (au moins partiellement) et débouche sur un cercle vertueux centré autour d'une utilisation économique et sociale adéquate du SPI. Ce sont les « contrats de plan » qui ont la mission de remplir cette tâche.
Les contrats de plan
Avant l'arrivée de la gauche au pouvoir, il existait bien des procédures [133] contractuelles, « contrats de programme » puis « contrats d'entreprise », qui permettaient que soient coordonnés les objectifs généraux de l'État en matière de politique industrielle et les objectifs spécifiques des entreprises publiques, mais l’objet de ces contrats n’ont porté en fait généralement que sur la rationalisation financière de certaines entreprises publiques remplissant une fonction de service public.
La procédure et l’objet des contrats de plan, définis par la loi de nationalisation et la loi de réforme de la planification de 1982, sont d'une nature radicalement différente et apparaissent comme étant un compromis entre, d’une part, la soumission totale des entreprises publiques industrielles à leur ministère de tutelle (Ministère de l’Industrie et de la Recherche), c'est-à-dire la forme classique de la planification socialiste, et, d'autre part, l'autonomie relative des entreprises publiques industrielles dans le cadre des grandes orientations de la politique industrielle, c’est-à-dire la forme traditionnellement établie en France de la planification indicative appuyée de procédures incitatives et de contrôles de tutelle [26]. La philosophie économique qui sous-tend la procédure des contrats de plan est de tenter de faire correspondre en pratique les objectifs généraux de rentabilité sociale assignés aux entreprises publiques industrielles par l’État selon une logique de défense d’objectifs sociaux et de l’intérêt général de la Nation, et les objectifs spécifiques de rentabilité privée de chaque entreprise publique industrielle dans une logique d’entreprise (quasi) capitaliste expo-
Place du secteur public dans l'industrie par taille d'entreprises en 1980
Source : Une politique industrielle pour la France, La Documentation française, 1983, p. 209.
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sée à la concurrence internationale et aux défis technologiques majeurs. C'est la gestion de cette contradiction qui doit être réalisée puisque, comme le propose L. Fabius, « ces contrats de plan, en traduisant les priorités industrielles retenues, composent un instrument de cohérence interne pour ces groupes (industries publiques) et de cohérence avec des objectifs généraux (de politique industrielle) » [27]. Mais quel est le contenu réel de ces contrats de plan ? [28].
Au niveau de la procédure, celle-ci a été conçue de telle façon à éviter la multiplicité et la dispersion trop grande des interlocuteurs. Du côté de l’État, c'est un interlocuteur unique, un membre de la direction générale du ministère de l’Industrie et de la Recherche, qui coordonne les ressources et compétences disponibles et pertinentes de l'Administration, et dirige les discussions avec, du côté des entreprises publiques, les représentants des sociétés mères des grands groupes industriels publics. Les partenaires sociaux (syndicats, comité de groupe, ...) participent aussi aux discussions sur les grandes orientations industrielles et sur les stratégies des entreprises publiques, selon une procédure de concertation centralisée.
Au niveau du contenu des onze (11) contrats de plan déjà signés [29], une fois strictement délimité ce qui relève décisionnellement du pouvoir de tutelle de l’État et ce qui est accordé comme autonomie de gestion aux groupes industriels publics, un nombre délibérément limité de questions ont fait l’objet de discussions et d’accords contractuels. Principalement, ces accords de contrat-plan portent sur : la question des choix du financement de l'investissement et de la recherche, l’apport en fonds propres de l’État actionnaire doit s’effectuer dans le cadre des options industrielles stratégiques définies conjointement pour rencontrer les objectifs globaux de la NPI et les objectifs et contraintes de financement (endettement et capacité d'autofinancement) des entreprises publiques ; la question du maintien de l'emploi, chaque groupe industriel public s’engageant à élaborer et à réaliser un plan de reconversion, de reclassement ou de formation d'une partie des effectifs surnuméraires issus des restructurations industrielles intervenues dans le groupe ; la question des relations avec les petites et moyennes entreprises privées contractantes, les entreprises publiques doivent généraliser la mise sur pied de conventions de stabilité (sous-traitance) et de contrats de production (fournisseurs) ; la question du commerce extérieur, les entreprises publiques doivent avoir des objectifs d’exportations et de reconquête du marché intérieur ; et la question des économies d’énergie.
Il est encore tôt pour évaluer globalement l’efficacité à terme de ces contrats-plan, mais il apparaît dès à présent qu'un certain nombre de points positifs ou négatifs soient à noter.
Dans une certaine mesure, les contrats-plan ont contraint les entreprises publiques industrielles à fournir un effort particulier de planification dans le sens d’une meilleure cohérence interne de leur plan d’entreprise, qui est sous la seule responsabilité de l'entreprise publique, par rapport aux objectifs généraux de la politique économique nationale. Cette recherche d’harmonisation contractuelle entre les choix stratégiques des [135] groupes industriels publics et la cohérence globale de la NPI a notamment concouru à une meilleure rationalisation de la réorganisation des nouveaux groupes industriels publics.
Par contre, pour ce qui est du maintien de l'emploi, de nombreuses difficultés sociales (négociations conflictuelles syndicats-direction d’entreprise industrielle publique sur les licenciements consécutifs à la restructuration) et techniques (capacités de reconversion des grands groupes industriels publics) sont déjà apparues et se sont traduites par de nombreuses pertes d'emplois dans le SPI [30].
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La nouvelle articulation stratégique entre NPI et SPI s’inscrit dans un projet politique que le Président F. Mitterand qualifie de « société d'économie mixte où cohabitent, par définition, secteur privé et secteur public » [31]. Ce projet se veut être la solution recherchée à la nécessaire émergence d'un nouveau modèle de croissance économique qui permette à la France, tout en restant fortement intégrée dans l’espace économique capitaliste international, de sortir en situation favorable de la crise économique. Mais, dans la pratique, cette volonté d’« harmoniser le marché et l’intérêt collectif » [32] se heurte à l’inévitable contradiction (à laquelle se trouve particulièrement confrontée la définition du rôle que doit remplir le SPI) entre, d’une part, une logique « économique » capitaliste qui pousse à faire assumer une fois de plus le coût de la crise aux travailleurs (compétitivité internationale oblige) et, d'autre part, une logique « socialiste » qui pousse à faire du SPI un instrument au service d’une production sociale planifiée satisfaisant aux besoins (emplois et consommation) de la collectivité nationale. C’est cette contradiction que le gouvernement socialiste français s’est donné pour tâche de gérer (sinon de résoudre) le plus efficacement possible.
NOTES
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[137]
[138]
[1] Voir J. Coussy, « Le discours sur les politiques industrielles en France : le poids de l’histoire », Problèmes économiques, no 1856, janvier 1984. p. 9-16, et l’article de C. Stoffaes paru dans le numéro spécial Les nationalisations de la Revue économique, vol. 34. No 3, mai 1983.
[2] Voir : Cahiers Français Redéploiement ou protectionnisme ?, Paris, La Documentation Française, no 192, juillet-septembre 1979 ; Les restructurations industrielles, A.D.E.F.I., Paris, Économica, 1980 ; F. de Combret, « Le redéploiement industriel », Cahiers Français, La Politique industrielle, no 212, juillet-septembre 1983, p. 8-12 ; J. Mazier, « Les limites de la stratégie du redéploiement », idem, p. 14-18.
[3] C. Stoffaes, « Filières et stratégies industrielles », Annales des Mines, janvier 1980, p. 10 ; dans le numéro de cette même revue, d’autres auteurs approfondissent l’utilisation conceptuelle qui peut être faite de la notion de Filière et l’appliquent à des études de cas spécifiques, notamment A. Boubil, « Filières industrielles et politique économique », p. 63-58 ; J. Malsot, « Filières et effets de domination dans le système productif », p. 29-40 ; J. Mistral, « Filières et compétitivité ; enjeux de politique industrielle », p. 41-52 ; D. Soulié, « Filière de production et intégration verticale », p. 21-28 ; voir aussi R. Perez, « Introduction méthodologique sur l’articulation filières-stratégies », in A.D.E.F.I., Économie industrielle : problématique et méthodologie, Paris, Économica, 1982, p. 69-74.
[4] À la différence des analyses économiques traditionnelles (néoclassique, keynésienne et marxiste) qui s’appuient sur des théories pures se référant à des modèles idéels et idéals parfaits, la « mésoanalyse » s'appuie sur une posture de connaissance (« mésovision ») qui considère comme première pour la réflexion analytique et conceptuelle la présence concrète dans l’économie de systèmes et structures complexes (« mésosystème complexes »).
À mi-chemin entre l’analyse théorique pure et l’analyse empirique purement descriptive, cette méthode a pour objet, a comme programme de recherche scientifique, de fournir une conceptualisation des phénomènes d’économie industrielle qui prend immédiatement en considération, par delà la pure régulation de marché et ses « imperfections » et par delà la logique de l'accumulation capitaliste et ses « blocages », les formes de structurations industrielles pragmatiquement adaptées aux possibilités et contraintes existantes concrètement dans le système économique national et le système économique international dans lequel le premier est intégré.
Les travaux entrepris sur une base mésoanalytique ont jusqu'à présent dégagé trois notions essentielles : la notion de filière de production, la notion de point ou noyau stratégique, et la notion de pôle de compétitivité.
Pour plus de détails sur la mésoanalyse, voir A. Barrère, « Propositions pour la constitution d’une mésoanalyse », in Hommage à François Perroux, Grenoble, PUG 1978 ; J. Fau, « Micro, macro et mésoanalyse », in Mélanges économiques en hommage à Pierre Morvan, Paris, Économica, 1978 ; R. Arena, « Mésoanalyse et théorie de l’économie industrielle », in A.D.E.F.I., Economie industrielle : problématique et méthodologie, Paris, Économica, 1982, p. 21-40 ; et M. Marchesnay, « Où en est la mésoanalyse », in A.D.E.F.I., op. cit., 1982, p. 11-19.
[5] Une méthodologie de la constitution des filières a été construire par l’INSEE, et qui permet que soient utilisées les données disponibles issues des tableaux entrée-sortie de la comptabilité nationale : J. Monfort, « À la recherche des filières de production ». Economie et Statistique, no 151, janvier 1983, p. 6-7.
[6] Une politique industrielle pour la France : Actes des journées de travail des 15 et 16 novembre 1982, ministère de la Recherche et de l’Industrie, La Documentation Française, 1983.
[7] C. Stoffaes illustre la notion de point stratégique dans une filière de la façon suivante : « Une production qui dispose d’une situation monopolistique à un stade donné de la filière de production dispose d’un pouvoir dominant par rapport à ses partenaires situés en amont ou en aval lorsque ceux-ci sont en situation plus dispersée et se font concurrence entre eux. Ce producteur hiérarchiquement dominant peut imposer ses conditions à ceux qui deviennent alors ses sous-traitants : il peut notamment extraire des marges de profits importants », « Filières et stratégies industrielles », op. cit.. p. 13 ; de leur côté M. Aglietta et R. Boyer définissant les pôles de compétitivité « comme des sous-ensembles du système productif, composés d’entreprises qui ont acquis des positions dominantes dan la concurrence nationale et internationale, à partir desquelles s'exercent des [vers l’aval, vers l’amont, latéralement] qui bénéficient à une grande variété d’autres activités ». « Pôles de compétitivité, stratégie industrielle et politique macroéconomique », Cahiers du C.E.P.R.E.M.A.P., no 8223, 1982. p. 4 ; voir aussi G. Lafay, A. Brender, « Pôles de compétitivité et nouvelle concurrence industrielle », Futuribles, octobre 1983, p. 29-36. Pour une présentation synthétique de l’ensemble de ces concepts, voir C. Stoffaes, Cours de politique industrielle, Paris, Institut d’études politiques de Paris, Les cours de droit, 1983.
[8] Les dix-neuf (19) filières identifiées par J. Monfort sont les suivantes : agroalimentaire, énergie, métallurgie, non ferreux, chimie, mécanique, électronique, automobile, rail, navigation, aéronautique, textile, cuir, bois, bâtiment, génie civil, et banque, assurances ; op. cit., p. 3-12.
[9] Voir à propos des débats qui ont entouré cette question : les dossiers très complets des Cahiers Français : Le tissu industriel, no 211, mai-juin 1983, et La politique industrielle, no 212, juillet-septembre 1983, La Documentation Française. Voir aussi A. Mine, L’après-crise est commencée, Paris, Gallimard, 1982 ; J. D. Le Franc, Industrie : le péril français, Paris. Seuil, 1983 ; A.D.E.F.I., Les mutations technologiques, Paris, Économica, 1981 ; C.E.P.I.I., Économie mondiale : la montée des tensions, Paris, Économica, 1983 ; C.E.P.I.I., Marchés, technologies et nouvelles radions internationales, Paris, Économica, 1983 ; M. Humbert, « Quelle politique industrielle face à l'économie mondiale ? », Revue d'économie industrielle, no 23, 1er trimestre, 1983, p. 149-155 ; J. C. Pelissolot. « L'industrie au futur », Futuribles, septembre 1983, p. 3-12 ; A. Gauron et J. Pisani-Ferry. « Réflexion sur la problématique économique des années 1980 », Recherches économiques et sociales, nouvelle série no 4 : Economie industrielle, La Documentation Française, 4e trimestre, 1982, p. 5-22 ; R. Boyer, J. Mistral, « Politique économique et sortie de crise », Futuribles, octobre 1983, p. 37-66 ; J. de Bandt, « La politique industrielle : réponse de l'État-nation à la crise ? », Revue d’économie industrielle, no 23, 1983.
[10] J. P. Chevènement, alors ministre de la Recherche et de l’Industrie dans le gouvernement Mauroy, exprimait cette conception de la façon suivante : « Notre objectif est clair : nous voulons reconstruire un appareil de production industrielle capable de répondre à nos besoins, cohérent et équilibré. Il n’y a pas de secteur condamné, il n ’y a que des technologies dépassées. C'est pourquoi il faut moderniser les industries traditionnelles, diffuser en leur sein les technologies de l’avenir, et non pas se résigner à les laisser disparaître ; et, simultanément, développer les activités nouvelles qui sont susceptibles, dans les prochaines années, de créer des emplois, de rétablir l’équilibre extérieur, de maintenir la France au premier rang des puissances technologiques et industrielles et d’assurer ainsi son indépendance. » (souligné par nous). Une politique industrielle pour la France, op. cit., p. 23.
[11] C. Stoffaes résume bien cette conception : « En ce sens, une politique de filière voudrait que l’on développe en France toutes les productions qui satisfont les besoins du marché national : dans cette version extrême, la politique des filières tend à l'autarcie totale au niveau de la politique industrielle nationale et à 1 'intégration verticale au niveau de la stratégie des groupes. C’est probablement le sens qui lui donnent les composantes les plus protectionnistes de la majorité de gauche. Selon cette interprétation, il faut développer la consommation d’acier et la fabrication des biens d’équipement mécanique pour fournir des débouchés à notre sidérurgie surcapacitaire et reconquérir du même coup notre déficit commercial en mécanique vis-à-vis de la R.F. A. II faut développer la consommation de papier d’origine nationale pour soutenir nos entreprises déficitaires de la papeterie et développer en même temps l'exploitation de la forêt française pour diminuer notre déficit commercial, etc. ». « Le fil conducteur de ces restructurations », in Nationalisations industrielles et bancaires. Cahiers Français, no 214, La Documentation Française, janvier-février 1984, p. 63-64.
* • Le P indique que seule une partie de la branche au niveau 90 appartient à la filière.
Source : Jean Monfort, "À la recherche des filières de production", dans : Economie et statistique, no 151, janvier 1983, p.8.
[12] Cette thèse de la priorité à accorder à la remontée de filière de l'aval vers l'amont est notamment défendue, dans le cas spécifique de la situation de l'industrie française, par C. Stoffaes, « Filières et stratégies industrielles » op. cit. p. 18-19 ; M. Aglietta, A. Brender, Les Métamorphoses de la société salariale. La France en projet, Paris, Calmann Lévy, 1984.
[13] Voir les articles sur les politiques industrielles, japonaise et allemande dans ce numéro de la revue.
[14] Sur l'historique et le contenu des nationalisations, voir A. Delion, M. Durupty, Les nationalisations de 1982, Paris, Économica, 1982 ; J. Blanc, C. Brulé, Les nationalisations françaises en 1982, Notes et études documentaires no 4, La Documentation Française, 1983.
[15] J. Mazier, « Le rôle d’entraînement du secteur public », in Nationalisations industrielles et bancaires, op. cit., p. 53.
[16] Jean Le Garrec, alors secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de l’extension du secteur public. Le Monde, daté du 1er septembre 1981.
[17] Sur les grands axes des restructurations en cours du SPI depuis 1982, voir C. Stoffaes, « Les restructurations depuis 1982 », in Nationalisations industrielles et bancaires, op. cit., p. 56-58.
[18] Dans une entrevue accordée à Libération du 10 mai 1984, le Président F. Mitterand réaffirme que « les industries nationalisées en 1982 seront pour la plupart équilibrées et même bénéficiaires à la fin de 1985 (les entreprises sidérurgiques attendront 1987) ».
[19] Discours de clôture de F. Mitterand aux « Journées de travail sur la politique industrielle de la France », organisées les 15 et 16 novembre 1982, publié in Une politique industrielle pour la France, op. cit., p. 422.
[20] Voir F. Baratin. G. Crespy, « Nationalisations et promotion d'innovations », notice 7 (4 p.) in Nationalisations industrielles et bancaires, op. cit.
[21] Voir : « Les enjeux technologiques des années 1985-1990 », Cahiers d'Études et de Recherches, no 1, La Documentation Française, juin 1983 ; « La stratégie de modernisation », in La Politique industrielle, op. cit., p. 45-46 ; et de façon plus générale sur le 9e Plan : Gouvernement français IXe plan de développement économique, social et culturel, 1984-1988. La Documentation Française, 1983 ; J. Le Garrec, Demain la France. Les choses du IXe plan 1984-1988. Paris, Maspéro, La découverte, 1984.
[22] « Les exportations directes réalisées par ces mêmes entreprises (les onze entreprises nationales du SPI] se sont élevées en 1982 à plus de 120 milliards. Les importations directes sont de 50 milliards, laissant ainsi un solde excédentaire de 70 milliards », L. Fabius, La stratégie industrielle de la France, ministère de l’Industrie et de la Recherche, 1984.
[23] Voir notre article, « De nouveaux droits pour les travailleurs : l'expérience française », Interventions Économiques, no 12-13, Printemps 1984, p. 50-60.
[24] Voir notamment A. Lipietz, L’audace ou l’enlisement. Sur les politiques économiques de la gauche, Paris, Maspéro-La découverte, 1984, et notre article « La France entre le réformisme et le pragmatisme économique ». Interventions Économiques no 11, automne 1983, p. 29-36.
[25] Jean Le Garrec, alors secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de l'extension du secteur public. Le Monde daté du 5 mars 1982.
[26] Sur le débat sur la planification, voir le numéro hors-série Planification, socialisme et IXe plan de la revue L'économie en question, 1983.
[27] La stratégie industrielle de la France, op. cit.
[28] Pour les grandes orientations, voir T. Le Roy, « Les contrats de plan », Nationalisations industrielles et bancaires, op. cit., p. 47-49.
[29] CGE, Saint-Gobain, Rhône-Poulenc, CII-HB. EMC. Renault, Usinor, Sacilor. CDF Chimie, Thompson, PUK. Pour une analyse de ces contrats, voir « Analyse des contrats de plan de firme » et « Politique industrielle et contrats de plan en 1984 », notices 7 et 8 in La politique industrielle, op. cit.
[30] Et la « rationalisation » du SPI n'est pas terminée. Dans l'automobile, par exemple, chez Renault les « sureffectifs » sont encore estimés, selon M. Dalle, chargé d'un rapport sur l'automobile, à 18000 salariés. Le Monde du 25 juillet 1984.
[31] Libération daté du 10 mai 1984.
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