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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Marc Brière et Jacques Grand’Maison, UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL (1980)
Introduction de la 1re partie


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Marc Brière et Jacques Grand’Maison, UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL. Montréal: Les Éditions Leméac, 1980, 136 pp. Collection: À hauteur d’homme. Une édition numérique réalisée par Gemma Paquet, bénévole, professeure de soins infirmiers retraitée du Cégep de Chicoutimi. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 mars 2004]

Introduction de la 1re partie

Le 2 juin 1980, je présentais au congrès de l'Association canadienne de relations industrielles une communication sur l'orientation du droit québécois du travail. Pour la préparer - et aussi parce que, depuis déjà plusieurs mois, je sentais le besoin d'approfondir un certain nombre de questions qui s'étaient imposées a mes réflexions matutinales, dans le sillage de mon travail de juge au Tribunal du travail - je me suis mis à lire tout ce qui s'était publié chez nous (ou presque), depuis dix ans, sur les conflits de travail, leur solution possible ou impossible et les moyens mis en oeuvre ou proposés pour y arriver. 

Les meilleurs textes étaient de Léon Dion et de Jacques Grand'Maison, deux sociologues dont j'avais fait jadis la connaissance durant les palabres de l'Institut canadien (on ne disait pas encore « québécois » !) des affaires publiques, l’I.C.A.P., d'heureuse et joyeuse mémoire. J'y retrouvais Dion et Grand'Maison, dont la production soutenue et de qualité, comme aussi celle de Pierre Vadeboncœur, n'avait cessé de faire mon admiration : trois beaux et grands noms de notre littérature engagée, les trois piliers de mon érudition, le début de ma sagesse. 

Et je leur adressai copie de mon petit papier à moi. 

Ce qui me valut, à ma grande surprise, cette invitation de Jacques à joindre sa collection « À hauteur d'homme », sous le titre : Quel contrat social ? auquel j'accolai immédiatement le sous-titre : « quelle prétention  ! » 

Quelle prétention, en effet, d'oser envisager de répondre à une telle question ! Moi qui, en dehors de quelques arguties juridiques où l'on devient assez facilement maître, ne me reconnaissais que la science du charbonnier. Il est vrai qu'il y a aussi la foi, mais elle est de même poussière, et cela n'aide guère à y voir clair. 

Quel contrat social ? - moi qui n'ai même jamais lu Rousseau et qui connais à peine, à cause du titre, l'Esprit des lois. 

Cela me semblait prétentieux, outrecuidant, indécent. 

Je n'aurais pas dû ajouter cette troisième épithète (mais, dans les grands moments, il en faut toujours trois). Car, puis-je l'avouer sans nuire à la dignité de la magistrature, j'aime bien les indécences, voire même les insolences (j'ai affublé mon cinquième et dernier enfant des prénoms suivants : Louis-Joseph, Paul, Jérôme - à cause des Insolences du frère Untel - Martin). 

En outre - mes collègues du tribunal ne le savent que trop -je suis en quelque sorte un dissident, en quête de nouvelles convergences. Je suis un marginal à la recherche de l'essentiel, du centre, du cœur des choses et des hommes. Un juge en recherche de justice, pour libérer l'homme de quelques dominances. 

Je ne dis pas cela par prétention, mais par prévention : mon propos ne sera pas nécessairement conforme à la jurisprudence établie. 

D'ailleurs, je n'ai jamais pensé que nos jugements devaient avoir le caractère de vérités absolues ou définitives. Leur autorité est bien relative, non seulement dans les cas d'espèce qu'ils ont pour première fonction de trancher à l'égard des seules parties en cause, mais surtout dans leur dimension plus générale où ils ne sont que des jalons de recherche vers une meilleure justice et une meilleure compréhension de la réalité vécue. 

Me voilà donc lancé sur le contrat social, et, par pur hasard (je le jure), j'écris ces lignes en ce 24 juin post-référendaire où l'on cherche frénétiquement une nouvelle entente constitutionnelle qui permette l'affirmation collective (je n'oserais dire nationale, réserve oblige !) des deux grandes sociétés canadiennes, la québécoise et l'autre. 

Une nouvelle entente... 

On ne dit plus : un nouveau pacte, un nouveau contrat. Et c'est bien ainsi : plus on s'éloignera du vocabulaire juridique ou diplomatique, plus on s'approchera des réalités simples et vraies. 

Mais alors, pourquoi un contrat social, quel qu'il soit ? À défaut, sans doute, d'un meilleur titre. Il fallait éviter l'affreux consensus nécessaire. Quelle société ? eût été mieux, mais j'en eusse frémi davantage. Quel travail ? - peut-être. Quelles relations de travail ? - sans doute ; mais l'expression, qui pourtant réunit deux très beaux mots, a quelque chose de rébarbatif en ces temps de désabusement. 

Alors allons-y pour Quel contrat social ? de Jean-Jacques à Jean-Marc - car je fus ainsi baptisé - ; de 1762 à 1980 ; de France en Nouvelle-France ; à l'aube de deux révolutions, peut-être ; à la fin de deux époques, sûrement. 

Certes, il sera bien question de droit, de droit du travail - le contraire n'eût-il pas été étonnant d'un juge ? Car le droit est un élément important de la dynamique actuelle et future des sociétés. Tout particulièrement, le droit du travail. Car c'est le travail, ses relations et son droit qui définiront, en tout premier lieu, les sociétés à venir. 

Le droit, ce n'est pas seulement les lois. Car, si la législation est la source principale du droit, elle n'en est pas la seule, surtout peut-être en droit du travail, où la législation est souvent embryonnaire, n'offrant qu'un cadre juridique aux relations de travail, et où la réalité vécue dans l'interprétation jurisprudentielle et dans les rapports de force quotidiens dépasse largement celle des lois et leur fiction. 

Le droit comporte nécessairement une certaine rigidité, un certain dynamisme statique tendant à la conservation du précédent et, au-delà du système, afin d'assurer aux divers agents une certaine sécurité résultant de la connaissance de règles du jeu qui soient stables. 

Mais la réalité des relations de travail - d'une mouvance quasi infinie malgré le perpétuel recommencement, semble-t-il, des mêmes luttes - cette réalité mouvante tolère mal d'être réduite à de simples problèmes juridiques, qui la trahissent forcément. Non pas qu'elle ne puisse être et ne doive se mouvoir à l'intérieur d'un cadre juridique. C'est un cas où le media ne peut être le message. Le contenant ne peut être le contenu. Or, le droit contenant à trop souvent tendance à se prendre pour le contenu. 

Selon le grand juriste américain Holmes : « The law never is, it is always about to be » - le droit n'est jamais, il est toujours sur le point d'être. C'est qu'il se fait de jour en jour par l'activité de tous. C'est pourquoi les lois sont généralement en retard sur le droit. 

La réalité des relations de travail dépasse largement le cadre judiciaire, même si ce que l'on appelle droit du travail doit y correspondre le plus possible, non seulement en tant que reflet et aboutissement, mais aussi en tant que dynamique d'évolution. C'est pourquoi il m'apparaît essentiel que les acteurs principaux des relations de travail, le patronat et les syndicats, participent à cette dynamique, non seulement en tant que plaideurs ou justiciables, mais aussi comme citoyens, et qu'à ce titre ils prennent part à la réflexion et à la discussion que l'élaboration des politiques administratives ou jurisprudentielles devrait normalement susciter, une part entièrement et « responsablement » assumée. 

L'année 1980 marque le dixième anniversaire du Tribunal du travail et, l'an dernier, le département des relations industrielles de l'Université Laval soulignait, par son colloque annuel, le quinzième anniversaire de notre Code du travail. Cela pourrait suffire à justifier la nécessité de faire le point, pour tous les navigateurs en perpétuel mouvement sur la mer agitée des relations de travail. Quel est le chemin parcouru ? Quelle est la destination ? Y a-t-il lieu de redresser la course ? 

• • • 

Ma démarche se fera en deux temps. Après un survol des récentes modifications apportées à la législation du travail, je tenterai un essai d'explication de la dynamique des relations de travail et des causes d'insatisfaction généralement ressentie à l'égard de notre droit du travail. De ces deux dynamiques, celle déjà inscrite dans nos lois et celle de la vie elle-même, de ses frustrations et de ses espoirs, devrait se dégager, du moins je l'espère, l'orientation du droit québécois du travail. Car c'est le sens de ces dynamiques, l'esprit qui les anime, qui détermineront la direction que prendront les relations de travail au Québec et l'élaboration d'un nouveau contrat social québécois. 

Dans la préparation de ce travail, j'ai puisé à de nombreuses sources, dont la relation journalistique de l'actualité des relations de travail, les comptes rendus des innombrables conférences et colloques qui ont lieu d'année en année, notamment ceux tenus par les écoles de relations industrielles des universités de Montréal et Laval. Cela m'a amené au dilemme suivant : procéder par citations identifiées, ce qui est à la fois plus honnête et moins risque, mais alourdit la communication ; ou prendre tout simplement à mon compte les idées et opinion d'autrui, m'appropriant ainsi le savoir collectif, ce qui est d'ailleurs une démarche assez normale quand on n'est pas sorti de la cuisse de Jupiter. J'ai résolu ce dilemme en ne le résolvant pas : j'ai emprunté les deux démarches à la fois, tantôt en identifiant clairement mes sources, tantôt en reléguant à une table de référence ou de bibliographie les sources auxquelles j'ai puisé. 

Mon second dilemme était de tout couvrir et ne rien traiter en profondeur, ou choisir un ou deux sujets au détriment du reste. J'ai résolu celui-ci en tentant l'aventure périlleuse de philosopher sur l'ensemble. L'entreprise est du genre casse-cou - Dieu me garde qu'elle ne devienne casse-pieds !


Retour au texte de l'auteur: Jacques Grand'Maison, sociologue québécois (1931 - ) Dernière mise à jour de cette page le lundi 17 avril 2006 19:11
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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