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Préface
Katia HADDAD
Trente-six ans après la naissance officielle de la Francophonie à Niamey au Niger, nous avons voulu rendre hommage à son inventeur, Léopold Sédar Senghor, par un colloque qui en montrerait la vitalité et le dynamisme.
Pour cela, nous avons souhaité que des personnes occupant ou ayant occupé des fonctions en son sein, ou l'ayant accompagnée d'une manière ou d'une autre, se réunissent pour en faire une sorte de bilan, mettre en évidence ses réussites mais aussi ses insuffisances ou les erreurs stratégiques ou tactiques qu'elle a pu commettre. Il nous semble en effet que seule une institution réellement vivante a l'aptitude de se regarder lucidement, de tirer les leçons du passé afin de les rectifier ou de les éviter à l'avenir. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons choisi ce titre : La Francophonie aujourd'hui et demain, titre résolument tourné vers l'avenir, dont le mot « hier » est absent afin que l'Histoire soit une force dynamique, non une cause de paralysie. Nous pariions aussi sur le fait que cette réflexion en commun aurait des incidences sur le Sommet de Bucarest qu'elle a précédé de quelques semaines.
Le résultat dépassa nos espérances : je n'avais pour ma part jamais entendu une telle franchise dans le discours francophone, bien loin du triomphalisme un peu irritant et qui sonne faux quand on l'entend de l'extérieur, ni une telle justesse dans la vision. Il faut avouer que, contrairement à ce que beaucoup pensent, la mondialisation comme l'affermissement de l'Union européenne, semblent ne pas entraver la Francophonie, mais lui servir de révélateur : ces deux mouvements lui permettent, s'il faut en croire les participants au colloque, de mieux trouver sa place et sa fonction, et surtout montrent, par leurs différents dysfonctionnements, ce que la Francophonie ne doit pas faire.
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En effet, ce qui ressort de manière étonnante dans l'ensemble des interventions comme des débats, tous d'une haute tenue, c'est qu'il faut impérativement réintroduire la culture dans les instances internationales, aussi bien dans le projet politique où il prendrait la forme, en Francophonie, d'un consensus autour d'un certain nombre de valeurs communes, que dans le projet économique ou éducatif par le biais du multilinguisme. Visiblement, c'est là un des aspects qu'aussi bien la mondialisation que la construction de l'Europe ont négligés, et que la Francophonie sait faire mieux que d'autres. Mais il apparaît aussi clairement qu'un modèle d'articulation des composantes de l'identité culturelle reste à trouver.
L’autre grand enseignement que le lecteur retirera de cet ensemble d'interventions est que la Francophonie doit désormais éviter à tout prix le cloisonnement entre ses différentes institutions. Cela se traduira par la nécessité d'une instance supérieure qui aura pour charge de s'assurer de la perméabilité de ces institutions les unes par rapport aux autres, de les faire fonctionner en synergie, et de constituer une instance décisionnelle en dernier recours. Il semble évident, à la lumière des interventions et des débats, que ce rôle est désormais dévolu au Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie.
Ce colloque, nous l'avons souhaité aussi comme un acte de foi dans le Liban. On pourrait croire aujourd'hui, en écrivant ces quelques lignes, que l'optimisme des différents intervenants à son propos était quelque peu déplacé. Nous préférons penser que ce que vit ce pays aujourd'hui n'est que les derniers soubresauts d'une Histoire en train de se faire.
Comme beaucoup d'éclairages importants ont été apportés au cours des débats, nous avons choisi de publier ceux-ci aussi, en leur conservant délibérément leur caractère oral. Nous espérons que cela ne nuira pas à la lecture.
Enfin, signalons que nous avons adopté la convention « Francophonie » quand il s'agit de l'ensemble de la communauté francophone, institutionnelle ou civile, et « francophonie » quand il s'agit du fait de parler la langue française.
Beyrouth, février 2007
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