Charles Halary
“Le débat sur les relations entre conscience de classe
et conscience nationale au Québec de 1960 à 1976”. [1]
Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 2, no 1, 1978, pp. 149-165. Québec : Département d'anthropologie, Université Laval.
- Table des matières
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- Introduction
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- La thèse de Léon Dion
- Les thèses de Jacques Dofny et de Marcel Rioux
- La thèse de Gilles Bourque et de Nicole Laurin-Frenette
- La thèse de Sheilagh Hodgins Milner et d'Henry Milner
- La thèse de Michel Van Schendel
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- L'analyse de la question nationale en termes de contradiction principale et de contradiction secondaire
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- Conclusion
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- Bibliographie
Introduction
- L'indépendance politique - car indépendance politique il y aura - se fera au service de notre petite bourgeoisie ou des salariés: cela dépendra de nous".
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Piotte 1963: 20
- "La lutte pour l'indépendance n'a de sens que si elle se transforme en lutte révolutionnaire qui assume et satisfasse les besoins du peuple: la réalité de l'indépendance ne peut être que socialiste".
Les liens entre question nationale et conscience de classe constituent l'un des problèmes les plus complexes de l'analyse sociale. Établir la relation entre la détermination de classe et la détermination nationale est une tâche sans cesse à redéfinir. Elle est cependant indispensable pour comprendre à la fois le phénomène national et l'évolution des classes sociales. Cette relation doit toujours être déterminée historiquement [2]. Dans cette rétrospective du débat sur les relations entre la conscience nationale et la conscience de classe au Québec, nous partirons des a‑priori suivants [3] : 1) La nation moderne est la Forme de la société de classes qui en est le Contenu. 2) Le nationalisme est l'expression idéologique systématique de la conscience nationale qui en constitue l'élément premier. 3) La forme de la nation dépend toujours étroitement de son contenu de classe.
À travers un certain nombre d'auteurs contemporains, nous allons tenter d'effectuer une rétrospective de travaux qui posent le problème de la question nationale au Québec. Ceux-ci toutefois ne se présentent pas en continuité dans le cadre d'un débat structuré.
La thèse de Léon Dion
Léon Dion effectue une tentative systématique de classification des diverses sortes de nationalisme au Québec. Il se réfère au modèle d'analyse systémique de David Easton (1965). Léon Dion ne tente pas de définir les critères d'existence d'une nation mais s'attache plutôt à donner les caractéristiques de l'idéologie nationaliste. Pour lui, "le nationalisme en tant qu'idéologie vise à rassembler dans une perspective totalisante divers schémas idéologiques particuliers" (Dion 1975: 17) dans lesquels il inclut ceux des classes sociales. Loin de rapporter l'idéologie nationaliste à des manifestations concrètes de la vie sociale, Léon Dion estime "qu'aujourd'hui comme hier, le secret du pouvoir d'attraction du nationalisme paraît dépendre beaucoup plus des satisfactions symboliques qu'il procure que des besoins qu'il permet de satisfaire" (1975:20). Il ne distingue pas non plus entre l'idéologie nationaliste comme système politique structuré et la conscience nationale qui peut le supporter. Ceci lui permet d'allier la nationalisme à certaines "idéologies sociales" et de périodiser l'histoire du Québec en faisant apparaître diverses sortes de nationalismes se succédant dans cet ordre: 1) nationalisme conservatiste, 2) nationalisme libéral, 3) nationalisme social-démocrate, 4) nationalisme socialiste.
Léon Dion réduit le nationalisme conservatiste à une "vision du monde tourné sur soi" (1975:32), c'est pour l'auteur une idéologie de survie, donc la fonction politique ne pouvait dont qu'être négative. Sans reprendre une distinction séparant clairement conscience nationale et idéologie nationaliste, il n'en est pas moins obligé de reconnaître le rôle d'écran joué par "le nationalisme conservatiste", écran servant à masquer aux canadiens‑français leur situation réelle" (1975: 42).
Léon Dion désigne ensuite sous le terme "nationalisme libéral" la tentative de la "Révolution Tranquille". Sa définition reste cependant floue car il lui attribue essentiellement pour cause principale, l'intervention étatique, c'est-à-dire une pratique contraire aux thèses du libéralisme classique. L'auteur en est conscient et souligne le caractère fortement idéologique, au sens de fausse conscience, de ce type de nationalisme. Celui-ci aurait cependant "permis un premier déblocage" (1975: 83).
L'absence totale de social-démocratie canadienne n'a pu "effectuer une jonction organique avec une idéologie nationale franchement québécoise" (1975: 86). Léon Dion distingue le terme social-démocrate du terme socialiste. Le premier serait caractérisé par le pragmatisme, le second par un penchant doctrinaire. Cependant au cours de sa démonstration, il n'arrive pas à démêler la part du socialisme, provenant pour les adeptes du matérialisme historique de la conscience de classe prolétarienne, et celle du nationalisme. Il critique Guy Rocher, partisan d'un "socialisme québécois" en lui demandant de préciser sa pensée par rapport aux thèses de Fernand Dumont, au trotskysme, au marxisme-léninisme ou à la social-démocratie (Rocher 1973: 56-60). Cependant lui-même mélange souvent à la fois le Parti Québécois, le socialisme et la social-démocratie. Selon lui "c'est le Parti Québécois qui, de tous les mouvements socialistes ou socio-démocrates actuels, est celui qui paraît appelé à être l'accoucheur de cette nouvelle culture adaptée aux conditions de la société post‑industrielle..." (Dion 1975: 126).
Les thèses de Jacques Dofny
et de Marcel Rioux
En 1962, Jacques Dofny et Marcel Rioux avancent l'hypothèse de la classe ethnique (Dofny-Rioux 1962) pour expliquer le comportement politique des canadiens-français. Ils distinguent "classe sociale" de "classe ethnique", attribuent le rôle politique de la classe sociale à la "classe ethnique" au Canada français et affirment que lors de toutes les crises politiques qui ont secoué le Canada français, c'est la conscience de "classe ethnique" qui a prévalu (1962: 293).
Jacques Dofny et Marcel Rioux ne nient pas l'existence objective de classes sociales au Québec, mais pour eux ce fait ne se reflète pas dans le système de valeurs et dans la culture. Ils définissent la classe ouvrière comme la plus défavorisée dans la "classe ethnique" canadienne-française. Les auteurs considèrent qu'il existe une alternance entre conscience ethnique et conscience de classe au Québec. Ainsi, pour eux, la période 1945-1958 a été marquée par une prédominance de la conscience de classe sur la conscience ethnique. Puis à partir de 1958-60, l'idée de séparatisme commence à se répandre portée par une "classe moyenne" profitant d'une conjoncture favorable.
En s'appuyant sur un certain nombre d'études statistiques, Rioux et Dofny démontrent le phénomène d'oppression nationale exercée sur les Canadiens français. Ils soulignent que la seule structure vraiment nationale et complète est l'Église Catholique. Selon eux, il existe un profond décalage entre les éléments de bourgeoisie canadienne-française et le prolétariat. Les premiers sont marqués par l'industrialisation de la fin du 19e siècle et le second par le mode de vie nord-américain de la seconde moitié du 20e siècle.
Dofny et Rioux opposent conscience de classe à conscience ethnique (ou nationale). Or, selon nous ce qui semble exact dans des nations non dominées ne l'est plus dans le cas d'une nation opprimée.
Dans ce cas, la conscience nationale du prolétariat qui l'oppose à une classe capitaliste étrangère ne peut que constituer sa première forme de conscience de classe. Alors que la rupture entre conscience nationale et conscience de classe s'affirme pour le prolétariat d'une nation souveraine au moment où la liquidation des éléments féodaux est un fait acquis, il n'en est pas de même pour le prolétariat d'une nation dominée où la conscience anti-impérialiste, c'est-à-dire nationale, s'affirme en premier en tant que conscience de classe.
La thèse de Gilles Bourque
et de Nicole Laurin-Frenette
Leur thèse se situe dans la problématique marxiste. Tout d'abord, elle se définit contre des positions avancées par Fernand Dumont, Jacques Dofny et Marcel Rioux. La critique essentielle repose non pas tant sur le contenu des thèses attaquées que sur leur conséquence politique: l'absence d'engagement dans la construction d'un parti de classe pour le prolétariat québécois. Gilles Bourque et Nicole Laurin-Frenette (1971) rejettent ainsi comme "douteux" les concepts de classe ethnique et de conscience ethnique et qualifient d"idéaliste" l'approche attribuée sans distinction à Dumont, Rioux et Dofny.
Leur critique paraît donc plus principielle qu'analytique. En premier lieu, il paraît curieux de rejeter en même temps les termes de "classe ethnique" et de "conscience ethnique". Si le terme "classe ethnique" est effectivement en contradiction avec l'analyse marxiste qui, sous le terme "classe", renvoie à des groupes d'hommes nouant des rapports de production objectifs, la conscience ethnique ou conscience nationale [4] est une réalité certainement idéologique [5] mais déterminable objectivement. Cette approche de Gilles Bourque et de Nicole Laurin-Frenette ne peut ainsi donner à l'évolution historique, c'est-à-dire au fondement du matérialisme de Marx, le rôle décisif dans la constitution des nations. En séparant la nation, reflet de "bases objectives", de ses racines matérielles, les auteurs lui enlèvent toute sa spécificité vivante, donc historique. En effet, le phénomène national s'exprime à la fois dans les rapports de production et dans la lutte politique de classes. Si les critiques portées aux thèses de Marcel Rioux se justifient quant à l'emploi ambigu du terme "classe ethnique" (Rioux 1965), elles ne se justifient pas dans l'analyse de la conscience nationale. Toute analyse profonde des phénomènes sociaux, si elle est indispensable, ne doit cependant pas négliger la caractéristique des formes de ces phénomènes. Or, la nation est l'une de ces formes, sinon la principale.
Par souci de rigueur dans leur approche théorique ces auteurs n'acceptent pas la thèse de Fernand Dumont ramenant la nation à l'idée que ses membres s'en font. Ainsi selon eux, l'existence d'une nation serait déterminable par un observateur objectif muni de critères scientifiques. Une telle démarche paraît peu matérialiste. En effet, il est difficile de nier l'existence nationale concrète d'une communauté humaine dès le moment où ses membres la réclament. C'est en niant ceci que l'interprétation stalinienne du marxisme a provoqué l'écrasement de certaines communautés nationales (Conquest 1967). Certaines communautés d'URSS se prétendent nationales mais leur facteur territorial faisant défaut, se trouvèrent ainsi privées de droits élémentaires. Ce type de raisonnement amène d'ailleurs Bourque et Laurin-Frenette à refuser une identité nationale aux Acadiens alors que le problème est loin d'être historiquement tranché.
Cependant, l'analyse de Bourque et de Laurin-Frenette ouvre des perspectives plus vastes que la thèse de la "classe ethnique". Elle est plus rigoureuse dans son articulation entre la détermination de la classe et la formation de la conscience nationale, ce que les auteurs identifient au "nationalisme". Ils introduisent donc, eux aussi, une confusion en ne distinguant pas la conscience nationale comme forme spontanée de conscience de l'oppression et le nationalisme qui est selon nous un système cohérent de pensée qui trouve son origine dans les sociétés bourgeoises. En effet, dans ce cadre, le nationalisme est une fin en soi. La lutte de libération nationale par contre ouvre dans la période contemporaine, marquée par la domination impérialiste une transcroissance vers une conscience de classe internationaliste pour le prolétariat. Le terme nationaliste devrait être réservé à la nation oppresseuse ou à la réaction qu'elle provoque de la part des éléments bourgeois opprimés.
Le glissement conscience nationale-nationalisme effectué par Gilles Bourque et Nicole Laurin-Frenette porte les germes d'un faux‑débat. Selon les auteurs il y aurait ainsi plusieurs sortes da nationalisme. Au Québec ils en distinguent trois: 1) le nationalisme de conservation, 2) le nationalisme dynamique visant à l'indépendance, 3) le nationalisme liant la libération nationale à l'instauration d'un socialisme auto-gestionnaire.
En distinguant trois sortes de nationalismes là où il ne faudrait voir que divers contenus à une même conscience nationale, Bourque et Laurin-Frenette ne peuvent expliquer la cohésion d'une nation, c'est-à-dire le rôle de ciment culturel joué par la conscience nationale. De plus, ils découpent les divers aspects d'une même conscience nationale de manière parfaitement arbitraire. Le nationalisme conservateur valoriserait ainsi les aspects juridiques et culturels, le nationalisme "dynamique", la politique et la troisième sorte de nationalisme, les rapports de production.
La conscience nationale contrairement au nationalisme permet d'expliquer le caractère dynamique, progressif et transitoire de la lutte de libération d'une nation dominée. Loin de "masquer" la réalité de classe comme le nationalisme, elle commence à la dévoiler. C'est en effet une manifestation de conscience nationale que de constater l'appartenance des moyens de production à une nation étrangère, c'est aussi un élément de conscience de classe pour le prolétariat. Le nationalisme contrairement à la conscience nationale ne recouvre pas tous les aspects de l'oppression nationale. Il y a dans chaque membre d'une nation dominée un élément de conscience nationale, pas de nationalisme. Cet élément de conscience nationale n'est pas obligatoirement libérateur mais il offre le marchepied de la libération. Son absence au niveau politique peut engendrer un Quisling.
Séparer trop brutalement les instances culturelles, juridiques et politiques des rapports de production rend non opératoire l'analyse de la question nationale. En effet, il parait peu conforme à la réalité historique de ne pas constater que les mouvements dirigés contre l'oppression nationale au Québec et se réclamant d'une forme de socialisme se sont toujours préoccupés de problèmes culturels et parfois plus que les chances du "nationalisme conservateur". Le nationalisme de l'aristocratie seigneuriale naît selon Gilles Bourque et Nicole Laurin-Frenette de la réaction provoquée par les tentatives d'assimilation effectuées après la Conquête. En fait, le terme "nationalisme" appliqué à la politique de l'aristocratie seigneuriale et de l'Église semble peu justifiable. En effet, l'opposition anti-colonialiste qui prend naissance après la Conquête ne provient pas de ces couches sociales. l'Église est ainsi uniquement attachée à défendre des privilèges de castes. S'il existe un courant nationaliste il serait canadien à ce moment et plutôt porté par une petite bourgeoisie aussi bien anglophone que francophone qui s'inspire des idées révolutionnaires de France et des États-Unis afin de s'émanciper de la tutelle britannique (Roy 1974).
Le nationalisme des Patriotes [6] s'explique pour les auteurs par une tentative de la petite bourgeoisie de développer une accumulation de capital à vocation industrielle à partir de l'agriculture. Le principal obstacle à cette tentative est la tenure seigneuriale qui soustrait la terre des lois du marché libre et entrave l'apparition d'une main‑d'oeuvre salariée.
Dans ce cadre le tableau des contradictions de classes dressé par les auteurs parait inexact. On ne peut ainsi faire refléter la crise de 1837-38 d'une simple opposition commerce/agriculture ramenée géographiquement à l'opposition Haut-Canada/Bas-Canada. En effet, l'insurrection de 1837-38 a touché l'ensemble de ces deux colonies (Wade 1975) et elle a marqué le premier pas victorieux du développement d'un capitalisme autonome dans le Haut-Canada par rapport à la Grande-Bretagne. Elle y a accéléré la liquidation de la survivance des juridictions seigneuriales en demeurant moins contraignantes dans leur forme que dans le régime français du Bas-Canada. La crise de 1837-38 n'est donc pas explicable essentiellement par une opposition nationale entre le Haut et le Bas Canada mais par une lutte anti-coloniale aux rythmes différenciés. Curieusement les auteurs attribuent le "nationalisme juridico-culturel" aussi bien à l'aristocratie seigneuriale francophone qu'à la petite bourgeoisie professionnelle après 1837 (Bourque et Frenette 1971: 146) ou même à Pierre-Elliot Trudeau (1971:146). Ceci masque complètement les luttes qui marquent la vie politique québécoise de 1840 à 1867 d'une part et de 1867 à 1960 d'autre part, car pour les auteurs cette idéologie nationaliste est la caractéristique essentielle de cette période. Ce trou historique gigantesque dans l'analyse des rapports de classes au Québec suppose une articulation des rapports de production structurellement constante. Or, ceci est démenti par la réalité historique. À titre d'exemple on peut mentionner l'existence d'une importante moyenne bourgeoisie manufacturière canadienne-française à la fin du 19e siècle (Linteau 1976). La théorie du reflet adoptée par les auteurs et qui fait découler directement les luttes politiques des structures économiques d'une nation est non seulement peu signifiante pour déterminer l'évolution des rapports de production, mais en isolant le Québec de son environnement politique nord-américain et même atlantique ne permet pas de saisir son insertion sur le marché mondial et cela dès le 18e siècle. Cette insertion ne peut être évaluée en termes strictement économiques (Wallot 1973).
L'écroulement de cette idéologie juridico‑culturelle provoquée par la Révolution Tranquille est inexplicable dans la thèse de Bourque et de Laurin-Frenette. En effet, elle ne peut en aucun cas s'inspirer de la théorie du reflet perçu au niveau national. Ainsi l'État de la Révolution Tranquille n'est compréhensible que dans une approche tenant compte du rythme politique nord‑américain et de la phase expansionniste. En ne tenant pas compte de ces facteurs les auteurs prennent à leur compte le défaut attribué par ailleurs aux analyses de Rioux et de Dofny: l'histoire n'est que celle des idéologies (Bourque et Frenette 1971: 140).
Dans leur approche de la classe ouvrière québécoise, les auteurs restent fidèles à leur identification entre conscience nationale et nationalisme. Pour eux, la classe ouvrière a été imperméable au "nationalisme" pendant la Révolution Tranquille. Ceci néglige un peu vite les batailles CSN-FTQ qui recoupent la lutte classique et structurelle à la classe ouvrière québécoise entre syndicalisme "national" et syndicalisme "international". II est tout à fait clair que le slogan du Parti Libéral du Québec, "Martre chez nous", et la campagne menée pour la nationalisation de l'électricité ont eu de profonds échos dans la classe ouvrière québécoise. Toute l'évolution de la CSN en a été marquée ainsi que le relâchement des liens de la FTQ avec les centres américains et canadiens (Bernard et Dofny 1968). Bourque et Laurin-Frenette oublient aussi de considérer les débats sur l'éducation et la qualification, sur le Code du Travail comme des éléments clefs de la Révolution Tranquille du point de vue des travailleurs salariés qui y sont intervenus à travers leurs organisations syndicales. La confusion entre conscience nationale et idéologie nationaliste porte ensuite les auteurs à commettre une erreur importante dans l'analyse des rapports du P.Q. à la classe ouvrière (1971:149). Ce rapport est ainsi réduit à celui qu'ont entretenu le Crédit Social [7] d'abord en 1962, puis l'Union Nationale en 1966 avec la classe ouvrière. Or, contrairement à ces formations politiques, le P.Q. porte un projet clairement indépendantiste et c'est ce fait qui lui permet de capter la conscience nationale de la classe ouvrière, c'est-à-dire dans le cas du Québec, nation opprimée, sa première forme de conscience de classe, pour l'intégrer à son idéologie nationaliste d'origine technocratique.
Les thèses de Bourque et de Laurin-Frenette portent malgré tout une préoccupation essentielle que l'on ne retrouve pas, ou trop rarement, dans le débat québécois sur la question nationale: la détermination des structures de classe. Cependant l'aspect dynamique, les modifications de ces structures de classes glissent souvent dans la juxtaposition de périodes dans lesquelles il n'apparaît pas de continuité et où les transitions ne sont pas expliquées.
La thèse de Sheilagh Hodgins Milner
et d'Henry Milner
Pour ces auteurs (1973) le Québec est une colonie car ce pays est dominé de l'extérieur. La domination essentielle est exercée par les Etats‑Unis sur l'économie québécoise. Dominé politiquement par le Canada, le peuple québécois constitue une majorité opprimée. Les auteurs rapprochent le type de dépendance du Québec de celui que l'on retrouve en Amérique Latine. Ce n'est pas un hasard selon eux si les projets d'intervention contre-révolutionnaire des États-Unis connus sous le code Camelot ont rassemblé entre autres le Chili avec le Québec. Le Québec est donc défini comme une société satellite dont tous les rouages sont sous le contrôle impérialiste.
Les auteurs polémiquent ensuite contre les thèses "internationalistes" de Pierre-Elliot Trudeau en démontrant qu'en réalité elles couvrent le chauvinisme national canadien anglais. Cependant quand il s'agit d'aborder le phénomène national lui‑même, Sheilahg Hodgins Milner et Henry Milner s'ils ne distinguent pas clairement conscience nationale et idéologie nationaliste [8] commencent à faire ressortir le caractère national premier de la radicalisation politique classiste au sein du prolétariat. Dans l'apparition d'une nouvelle forme dé nationalisme au début des années 60 à travers le RIN, les auteurs voient une lutte des "nouvelles classes moyennes" qui cherchent à disputer les emplois aux anglophones dans la bureaucratie étatique et l'administration des entreprises (Milner et Milner 1973, 1974).
Si le terme de "classe moyenne" employé par les auteurs veut rendre compte de la prolétarisation des couches petites bourgeoises (extension du salariat), il est possible de comprendre en quoi le changement de composition de la classe ouvrière provoqué par la Révolution Tranquille a également transformé le contenu de la conscience nationale.
Les auteurs en reprenant des arguments avancés par Charles Taylor (1965) montrent qu'alors une dialectique risque de s'établir entre une intelligentsia ou "nouvelle classe moyenne" et le prolétariat classique ou ce que Marx appelle le prolétariat moderne. Ils disent fort justement:
- "The radicalization we see today of the working class toward a nationalism of the left far stronger and more committed than the one expressed by the new middle class makes clear that on a fundamental point the new middle class theorist were mistaken. They pointed to a visible phenomenon not understanding that it might point to something far deeper beneath the surface. Could it not be that aside from their class interests, new middle class individuals, more educated and self‑assured than their lower class compatriots also articulated a growing lower class sentiments that they only later would find expression in genuine working class forms".
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- Milner et Milner 1973: 174-175
De ceci découle logiquement une position précise quant à la nature des relations établies entre le Parti Québécois et la classe ouvrière: le soutien critique. Les auteurs démontrent bien le caractère effectif mais non officiel du soutien syndical au Parti Québécois. Selon eux le nombre des militants syndicaux membres du P.Q. est assez élevé, ceci particulièrement sur la Côte Nord où l'électorat est essentiellement ouvrier (1973 : 229).
Milner et Milner posent ensuite une question stratégique. Doit-on soutenir le P.Q. et si oui de quelle manière si la perspective adoptée est l'émergence d'une conscience de classe socialiste? Après avoir passé en revue les diverses positions exprimées sur cette question, les auteurs reprennent certaines thèses de Pierre Vallières (1972) tout en reconnaissant leur peu d'audience dans la gauche militante par rapport à leur impact dans la classe ouvrière. Leur perspective reste donc individualiste et ne se distingue pas vraiment d'une caution de gauche apportée au P.Q. Comme Sartre identifiait en 1952 le Parti Communiste Français à la classe ouvrière, les auteurs de The decolonization of Quebec réduisent le mouvement de libération nationale au Parti Québécois.
Les auteurs montrent ensuite que le radicalisme politique de la classe ouvrière québécoise connaît une modification qualificative en 1972 ("Certain things would never be the same"). Ceci se traduit par l'adoption de tactiques d'occupation de ville et de grève générale.
La contribution sans doute la plus importante de ces deux auteurs tient dans leur conclusion. Ils y tentent d'analyser la genèse de la conscience de classe prolétarienne dans une société "satellite". Ils montrent comment la genèse de la conscience de classe au Québec passe par une prise de conscience de l'identité nationale dominée [9] :
- "Thus, it is through the symbols of the nation that the lower classes of French Canada begin to develop class consciousness".
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- Milner et Milner 1973: 232
La thèse de Michel Van Schendel
Michel Van Schendel expose un point de vue original sur les rapports de la classe ouvrière québécoise et de l'impérialisme (1971) et sur les capacités d'autonomie politique de la classe ouvrière québécoise.
En parlant du rôle de classe-appui du prolétariat québécois il affirme que le P.Q., porteur d'un projet nationaliste indépendantiste ne peut l'appliquer "qu'en donnant une voix politique à un courant de résistance contre les empiètements du grand capital" (Van Schendel 1971: 161). Ce projet politique est réformiste et pour Van Schendel "au Québec aujourd'hui la politique réformiste passe nécessairement par le nationalisme" (1971: 164).
La distinction entre question nationale et nationalisme qu'effectue Van Schendel (1971: 170) recoupe en partie la différenciation conscience nationale/nationalisme que cet article avance à titre d'hypothèse. Il critique le chauvinisme antinationaliste de Pierre-Elliot Trudeau comme étant une expression politique de la domination de la bourgeoisie canadienne au Québec. Il refuse de considérer le Québec comme une formation sociale sous‑développée, cette notion étant caractérisée comme "psychologique" (1971: 189).
L'auteur critique ainsi les thèses "colonialistes" ramenant l'oppression du Québec à une aliénation culturelle ou à la "dépossession de l'être national" (1971: 190). Ceci l'amène à rejeter le terme "capitalisme périphérique" pour caractériser la formation sociale québécoise. Le terme "dépendant" n'est pas même suffisant selon lui pour caractériser cette formation sociale. Cependant une des conséquences de la dépendance est attribuée à la disproportion et à la fonction spécifique du secteur des services dans l'économie (1971: 195) [10].
Van Schendel critique également les thèses ramenant la domination exercée sur le Québec à un rapport défavorable instauré dans la sphère de l'échange et de la circulation (1971: 196). Les solutions douanières de Rodrigue Tremblay (1970) et financières (étatisation de crédit) sont vues également comme des voies illusoires. La critique effectuée par Van Schendel de la théorie du développement économique autonome par la nationalisation du crédit s'inscrit ainsi en opposition aux thèses programmatiques du P.Q. en ce domaine. On peut en déduire que les solutions nationalistes modernes concernent le secteur financier et son contrôle. Le rôle de l'État devient donc décisif. L'auteur est l'un des rares qui le souligne. Van Schendel considère la formation sociale québécoise comme "complète" (1971: 197). Contrairement à toutes les autres interprétations de la question nationale, il considère l'existence d'une classe bourgeoise québécoise [11]. L'auteur affirme: elle se groupe, elle tente de fusionner ses entreprises et s'approprie l'appareil d'État du Québec. Cependant elle reste "la bourgeoisie de l'impérialisme". Il considère aussi l'existence d'une forte classe ouvrière au Québec comme une des caractéristiques de sa non-appartenance à la "périphérie". Son absence d'expression politique s'exprime ainsi:
- "Les tentatives sont parties d'un modèle qui, sous une double forme fédéralisée et centralisatrice, pouvait informer la structure contradictoire des classes ouvrières des pays capitalistes dominants. Par la suite au Québec c'est l'aspect centralisateur que, mécaniquement, l'on a retenu puis que l'on a effacé, l'inversant simplement".
Sous cette formule on peut trouver un jugement du comportement du mouvement ouvrier canadien politiquement fédéraliste, que ce soit au travers de la social‑démocratie ou du communisme d'origine soviétique ("Un État, un parti"). L'auteur considère de manière nuancée le rapport de la classe ouvrière à la question nationale:
- "... la classe ouvrière.., rectifie la question nationale, la pose sous une lumière qui tend à rompre avec la brume nationaliste".
Il décrit cette classe ouvrière comme divisée "culturellement":
- "Il serait plus juste de dire que la division linguistique et culturelle entre ouvriers anglophones et ouvriers francophones tend fortement à reproduire les clivages entre "aristocratie ouvrière" de travailleurs hautement qualités et travailleurs de base".
Van Schendel ne fait pas assez de distinctions entre anglophones néo‑canadiens et anglophones d'origine britannique. De plus, il donne au terme "aristocratie ouvrière" une définition abrupte et ne tient pas compte de la Révolution Tranquille dans ses conséquences pour le secteur de l'éducation comme lieu de formation d'une main‑d'oeuvre qualifiée. Curieusement l'erreur fait partir de la sphère de la consommation le "nationalisme" des travailleurs francophones:
- "Comme consommatrice, (la classe ouvrière) subit les oppressions nationales et tend à s'opposer aux oppresseurs qu'une fraction de la bourgeoisie lui présente comme nationalement différents. Elle peut en venir à se dresser contre les catégories supérieures du prolétariat".
Ainsi la réaction nationale première des travailleurs québécois serait le produit d'une manipulation d'une "fraction de la bourgeoisie" et non l'effet politique de la structure sociale même. Il mentionne ensuite l'existence d'une "bourgeoisie industrielle québécoise" (1973: 97), qui aurait tenté de prendre "à son compte" l'État du Québec pendant la Révolution Tranquille. Ceci introduit une certaine confusion dans l'analyse. En effet, une telle bourgeoisie ne pourrait qu'être à l'origine de la conception nationaliste de l'aristocratie ouvrière en matière politique. Or, selon l'auteur (1973:96) les travailleurs les plus qualifiés séduits par le nationalisme sont les métallurgistes et les techniciens qui, pourtant, ont comme patrons directs des américains et des canadiens.
La question nationale est de fait perçue par Van Schendel comme un détour imposé à la classe ouvrière par la bourgeoisie. La conscience nationale n'est pas perçue comme le premier pas vers l'acquisition d'une conscience de classe mais comme un obstacle malencontreux:
- "(Le nationalisme) endigue et neutralise, ou il tente au moins de contrôler la tendance dans la classe ouvrière à confirmer par ses mouvements économiques spontanés, l'existence de rapports de forces qui n'ont rien à voir avec l'oppression nationale - rien de commun hormis le fait déterminant pour le nationalisme des bourgeoisies dominées que dans l'un et l'autre cas il s'agit de rapports d'oppression".
Enfin sur la grève du Front Commun inter-syndical de 1972 dans le secteur public, il fait un parallèle avec la grève générale de Winnipeg en 1919 et affirme l'apparition concrète d'une conscience de classe prolétarienne:
- "La grève dura une semaine. Elle permit 'expérimentation, par une classe ouvrière sans traditions politiques, de formes de contrôle ouvrier".
L'analyse de la question nationale
en termes de contradiction principale
et de contradiction secondaire
Tout un courant de publications se réfère à ce type d'analyse qui oppose comme deux objets distincts la question nationale et la lutte de classes. La question nationale est perçue comme une lutte démocratique et la lutte de classes comme un débat pour le socialisme.
Privilégier la question nationale comme "tâche démocratique", c'est la considérer comme la contradiction principale. Ainsi l'ensemble du peuple québécois devrait sans distinction de classe se mobiliser derrière un parti nationaliste pour obtenir l'indépendance nationale, ce n'est qu'une fois cet objectif atteint que la lutte de classe jusqu'alors "contradiction secondaire" devient la "contradiction principale". Exposé avec diverses nuances, ce type de démarche est fort répandu dans les milieux syndicaux québécois. Contrairement au "soutien critique" apporté au Parti Québécois (Vallières 1972) qui tend à transformer le parti nationaliste bourgeois en organisation révolutionnaire autogestionnaire, la démarche privilégiant l'analyse en termes de contradictions première et seconde propose alors la création à côté du parti nationaliste bourgeois d'un parti de la classe ouvrière.
Depuis 1973-74, d'autres variantes de cette analyse sont apparues. L'une d'entre elles (En Lutte 1976) place la "contradiction principale" entre le prolétariat de l'État canadien et la bourgeoisie nord-américaine. Les "contradictions secondaires" seraient ainsi représentées par la question nationale au Québec et les oppositions entre bourgeoisie canadienne et américaine. Enfin cette théorie de la contradiction se présente sous une variante mondiale. Dans ce cas la "contradiction principale" opposerait les superpuissances, États-Unis et URSS, au reste du monde. C'est la thèse développée par Teng Hsiao Ping à l'ONU en 1974 et connue sous le nom de "théorie des trois mondes". Le premier comprend les superpuissances, le deuxième les autres pays impérialistes et les États d'Europe de l'est et le troisième, les États du Tiers-Monde et la Chine. Dans cette optique, la sécession du Québec est perçue comme une menace pour le Canada, État du deuxième monde, et de ce fait l'oppression nationale des québécois est ramenée au rang de "contradiction secondaire" (Ligue Communiste M-L 1975). Le raisonnement tenu par ce courant de pensée n'est pas dialectique car il présente un point de vue fonctionnel, voire manipulatoire de la réalité sociale.
Nous ne pouvons, dans ce bref article, procéder à une démonstration de l'inadéquation de cette approche, tout au plus allons‑nous tenter de souligner ses principales faiblesses:
- 1) Elle découle directement de principes de tactique militaire appliqués de manière récurrente à la vie sociale.
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- 2) Comme finalité sociale de la lutte révolutionnaire, le dépérissement de l'État en est ainsi exclu.
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- 3) Supposant un centre mondial de référence envers lequel les catégories contradiction principale / contradiction (s) secondaire (s) s'appliquent, cette méthode est en soi disponible pour être intégrée à n'importe quelle forme de nationalisme étatique.
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- 4) Elle ne se rend pas compte, ni n'explique les transformations. La contradiction principale devient secondaire et vice-versa.
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- 5) Sa logique formelle dérivant vers le "bon sens" la rend non-opératoire dans les périodes de bouleversements rapides d'une société, car l'unité de tendances contradictoires que ceux-ci manifestent est interprétée comme juxtaposition de phénomènes de nature différente.
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- 6) Elle a un caractère justificatif de l'état apparent d'une société et ne peut en indiquer les perspectives d'évolution les plus probables.
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- 7) De ce fait, elle est insensible au déroulement concret des situations historiques en alliant le pragmatisme quotidien à la fatalité historique.
Conclusion
D'autres textes font appel au concept de dépendance par opposition à l'analyse effectuée en fonction de la théorie du développement. Ainsi Gérard Bernier (1976) en critiquant la transposition au domaine politique du modèle de Rostow en démontre l'inadéquation dans l'analyse des changements structurels de la société. Il reprend certaines thèses de Maurice Saint-Germain (1973) quant au développement dualiste des sociétés dépendantes. Malgré son refus des modèles fonctionnalistes reposant sur l'analyse des facteurs de stabilité et d'équilibre, on ne trouve pas en réponse l'indication d'une alternative.
De son côté Daniel Latouche (1976) présente une analyse détaillée du Parti Québécois qui s'appuie sur une vaste documentation statistique. Sa thèse aboutissant à l'affirmation de la prise du pouvoir électoral par le P.Q. a été confirmée par la réalité le 15 novembre 1976. Selon lui "dans la mesure où le P.Q. dépasse la marque de 30.8% et devient le principal parti de l'opposition il peut espérer bénéficier de cette concentration du pouvoir parlementaire que fournit le régime majoritaire uninominal" (Latouche 1976:128). Les élections de 1973 ont laissé le P.Q. à ce seuil. Celles de 1976 lui ont permis de profiter de la "prime" dans sa représentation parlementaire. Latouche à partir d'analyses empiriques finit donc par conclure "qu'un parti politique se définissant surtout à partir de la question nationale n'a guère de chance de réussir au Québec" (1976: 158). Ses travaux l'amenaient à prévoir la constitution d'un gouvernement de coalition avec le P.Q. à cause de la dispersion des votes fédéralistes en plusieurs partis. Sur le strict plan de l'analyse électorale, ces estimations sont rigoureuses. Cependant la nature du P.Q. n'est pas véritablement caractérisée sinon par une formule vague de "version nord‑américaine d'une démocratie sociale à la scandinave".
Dans, un autre article, Latouche avec Carlos (1976) critique les conceptions qui tendent à identifier le vote pour le P.Q. à des critères purement économiques ou exprimant les velléités d'une petite et moyenne bourgeoisie bloquée par l'impérialisme américain et canadien. Latouche et Carlos montrent aisément la conjonction de l'argumentation fédéraliste d'un Pierre-Elliot Trudeau avec celle se réclamant parfois d'un certain marxisme-léninisme et qui rejette le Parti Québécois sur un mode dogmatique.
Il existe aussi des interprétations traditionnelles de l'oppression nationale comme celle de François Albert Angers (1969) qui la réduit au manque d'esprit d'entreprise des Canadiens français. Cependant la caractéristique commune de toutes ces interprétations est de ne pas mettre en relief deux points clefs de l'évolution du Québec. Le premier concerne l'absence d'accumulation de capital manufacturier et industriel reliée à la lenteur de la liquidation des structures seigneuriales. Le second consiste en l'absence de distinction entre conscience nationale et nationalisme.
Finalement, une tentative intéressante qui cherche à dialectiser le débat mettant en relation la question nationale et la lutte des classes a été effectué dans un ouvrage intitulé, Pour la République des Travailleurs du Québec, (GMR 1976). Reprenant les thèmes d'analyse du marxiste irlandais James Connoly, les auteurs ont posé quelques mois avant la victoire électorale du Parti Québécois les nouveaux termes d'une controverse qui doit dorénavant considérer la perspective indépendantiste comme sujet de brûlante actualité.
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[1] Ce texte reformule l'introduction d'une thèse de doctorat soutenue en 1977 au département de sociologie de l'Université de Montréal.
[2] La genèse du phénomène national est expliquée de manière exhaustive par Hans Kohn (1969). Cet ouvrage qui reprend des idées d'Otto Bauer sur les nations se veut une explication historique de la genèse du nationalisme: "...nationalism is not a natural phenomenon, not a product of eternal or natural laws; it is a product of the growth of social and intellectual factors at a certain stage of history" (p. 6).
[3] Ces trois affirmations renvoient aux travaux d'Henri Lefebvre (1937) et d'André Vachet (1970). Nous avons développé ces thèses plus en détails dans le premier numéro des Cahiers du Socialisme, à paraître en mai 1978.
[4] La différence entre conscience ethnique et conscience nationale ne joue pas selon nous dans le cas des Canadiens Français du Québec, c'est pourquoi nous identifions dans ce cas particulier les deux termes.
[5] Marx et Engels n'ont jamais dénié une quelconque réalité à l'idéologie. L'image de l'écran de fumée placé devant le réel n'est qu'une schématisation qui ne doit pas faire oublier la profonde imbrication sociale de toute idéologie.
[6] II est à noter que la nation québécoise moderne, ainsi que la nation canadienne sont alors en genèse. En effet le terme "Patriotes" désigne aussi bien les insurgés du Haut que du Bas Canada. Et dans ce dernier cas les principaux dirigeants de l'insurrection sont d'origine britannique. De plus le terme "Patriotes" provient de la guerre d'indépendance menée au XVIlIe siècle par les révolutionnaires américains contre le colonialisme de Londres.
[7] À ce sujet les auteurs attribuent faussement au Major Thompson, le héros de Pierre Daninos, la paternité de l'idéologie créditiste qui revient bien entendu au Major Douglas.
[8] "Nationalism is not a monolithic doctrine or even a doctrine at all. In Quebec the espoused nationalism ranged from far right to the left" (Mimer et Mimer 1973: 100).
[9] On note dans l'étude classique de Gilbert N. Tucker sur l'économie canadienne entre 1845 et 1851 une appréciation convergente: "The public moreover is very apt to exhibit an unfriendly attitude toward the money powers that be, and this is probably due to the absence in the communities of a wealthy middle class, and to lack of indigenous capital. Investors are thus strangers and seem to be parasitical, while the constant sending of interest payments out of the country looks to the colonial like absentealand lordism. Accordingly we find in the colonial view-point a hostility to the outside investor which in some ways resembles socialist counciousness, but which unlike the latter is founded upon no philosophy" (Tucker 1970: 54-55).
[10] On doit noter que Michel Van Schendel qualifie de travail productif de plus-value celui effectué dans le secteur des services. Cependant, cette idée est abandonnée plus loin dans l'article (1973: 204).
[11] Pierre Fournier (1976: 37-38) s'appuyant sur les travaux d'André Raynauld (1967) et de John Porter (1965) affirme l'existence d'une bourgeoisie canadienne française distincte de son homologue canadienne-anglaise et dont le principal handicap est l'absence de contrôle de l'appareil d'État.
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