I. Les contingents arabes de la conquête au Maghreb ; la résistance berbère ; le califat omeyyade de Cordoue (970-1036)
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670
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Uqba Ibn Naf', chef des années arabes, fonde Kairouan, mais se heurte aux tribus berbères.
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698
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Prise de Carthage et fondation de Tunis.
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711-716
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Conquête de l'Espagne par les contingents berbères conduits par Tarikh Ibn Ziyad.
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732
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Les troupes arabes, battues à Poitiers, doivent se replier sur les Pyrénées.
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789
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Idriss Ier, rescapé des massacres des Omeyyades par les Abassides, intronisé à Fès. La dynastie des Idrissides s'éteint en 894.
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929-1031
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début du califat omeyyade de Cordoue. Sa chute, en 1031, ouvre la voie à la constitution de principautés indépendantes d'al-Andalus (reyes de taifas) et à l'avènement des dynasties berbères.
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II. Dynastie almoravide (1036-1130), puis almohade (1130-1248)
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Ces dynasties créent un empire centralisé qui doit se défendre contre les chrétiens partis à la reconquête de l'Espagne. Arrivée des tribus arabes des Banu Hilâl et Soleïm, qui, dans les siècles suivants, « arabisent » le monde berbère (Al Arab al Musta’jama).
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1036
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Partis des confins de la Mauritanie, les Almoravides mobilisent à partir d'un discours religieux moralisateur, prennent le contrôle des routes du commerce transsaharien. Sijilmassa est sous leur autorité en 1058.
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1062
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Fondation de Marrakech qui devient la capitale du Sud.
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1064
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Premiers succès de la reconquête chrétienne en Espagne. Ferdinand Ier de Castille s'empare de Coïmbra, ville du Portugal. Contournement de l'Occident musulman par la côte atlantique.
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1070-1083
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Les Almoravides prennent Fès (1070), puis Tlemcen (1075) et Ceuta (1083).
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1085
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La reconquête chrétienne, avec la prise de Tolède par Alphonse VI de Castille, met le Sud arabo-musulman sous pression.
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1086
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Réaction de Youssef Ben Tachfin qui passe le Détroit et, avec le soutien des reyes de taifas, bat les troupes chrétiennes à Zallâqa ; succès en demi-teinte, car il ne peut reprendre Tolède.
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1090-1094
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Youssef Ben Tachfin profite de son succès pour subordonner les royaumes indépendants d'al-Andalus.
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1094-1099
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Le Cid conduit la reconquête par la côte méditerranéenne et reprend Valence.
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[p. 208]
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1106
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Ali Ibn Youssef succède à Youssef Ben Tachfin ; il n'a pas pu venir à bout de la double offensive, chrétienne au Nord et almohade au Sud. Il règne jusqu'aux dernières années de la dynastie (de 1106 à 1142).
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1121
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Ibn Toumert (le Mahdî) lance le mouvement almohade dans un contexte d'affaiblissement du pouvoir et favorise l'installation du califat almohade avec Abd El-Moumen (1130‑1163).
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1130
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Les Almohades prennent Marrakech en 1147. Le dernier sultan almoravide, Ichak ben Ali, est tué dans les combats. Fin de la période almoravide.
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1150
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Les Almohades progressent vers le Nord et al-Andalus reste leur objectif. Abd El-Moumen est prêt à passer le Détroit. Fondation de Rabat.
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1151
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Prise de Bejaïa.
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1153
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Les Almohades s'imposent aux Sinhaja à Sétif. L'Ifrîqîyya bascule de leur côté.
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1159
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Prise d'Almeria et passage du Détroit par Abd El-Moumen qui, en 1161, a reconstitué l'unité de l'Empire d'Occident.
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1162
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Abd El-Moumen recentre ses forces sur Rabat pour une nouvelle offensive, mais la mort le surprend l'année suivante. Abû Yacoub Youssef lui succède. Le règne s'annonce délicat car les chefs des tribus arabes (Banu Hilâl) sur lesquelles Abd El-Moumen s'était appuyé, arbitrent de plus en plus la situation.
Dans le même temps, le rigorisme des Almohades leur aliène une partie des reyes d'al-Andalus.
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1184-1198
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Règne du calife almohade Yacoub Al-Mansour, ami des philosophes. Ibn Rushd (Averroès) commente à sa demande l'œuvre d'Aristote. Sa victoire sur les chrétiens à Alarcos, ses embellissements architecturaux des villes, sa cour brillante, où se retrouvent savants et artistes, fixent les heures glorieuses de la dynastie.
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1212
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La bataille de La Navas de Tolosa, près de Jaén, signe l'arrêt de mort à terme d'al-Andalus. Les princes chrétiens d'Aragon, de Castille, de Navarre sont sur le Guadalquivir.
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1236
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Chute de Cordoue, ce qui conduit à un repli des Maures sur Grenade, où s'installe la dynastie des Nasrides (1237-1492). C'est le dernier représentant des Nasrides qui remet les clés de la ville aux chrétiens en 1492.
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1248
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Chute de Séville. Au même moment, les Mérinides, qui sont partis du Sud, contrôlent Fès, dont ils font leur capitale. Les Abdelwadides sont maîtres à Tlemcen, et les Hafsides en Tunisie.
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1269
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L'Empire almohade s'effondre avec la prise de Marrakech par Abû Youssef Yacoub (1258-1286).
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1269-1330
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La fin de siècle se déroule dans le « flou artistique » pour l'Empire musulman d'Occident. Les rois chrétiens n'ont pas l'intention de se presser ; ils digèrent la reconquête. Les historiens parlent de l'éclipse mérinide, mais il y a aussi l'éclipse chrétienne. Les rois catholiques pactisent avec les rois maures, nasrides surtout, mais aussi mérinides.
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[p. 209]
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III. Le siècle d'Ibn Khaldûn
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1331
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Abû el-Hassan commence son règne. Il projette la reconstitution de l'Empire. Mais son règne s'achève en 1351 sur une débâcle totale. Vaincu en Espagne et en Tunisie, poursuivi par son fils Abû Inan, il est tué dans le Haut-Atlas où il s'est replié. Il est inhumé dans la nécropole du Chellah à Rabat, que son fils entoure d'une superbe enceinte, témoin de l'art mérinide.
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1332
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Naissance d'Ibn Khaldûn à Tunis. Études où il se fait remarquer par son intelligence. Il est formé par les plus grands maîtres, dont al-Abili en sciences rationnelles, qui a une grande influence sur lui.
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1348-1349
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La peste noire fait des ravages sur les deux rives de la Méditerranée. À Tunis, elle frappe la famille d'Ibn Khaldûn et ses maîtres.
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1354-1358
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Ibn Khaldûn est à Fès où le sultan Abû Inan l'a fait venir et le nomme secrétaire. Mais parce qu'il avait oublié d'observer « la réserve indispensable », Abû Inan le fait mettre en prison en 1356, où il y passe deux ans.
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1359
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La mort d'Abû Inan, étranglé par son vizir l'année précédente, lui permet de refaire surface, spectaculairement, en favorisant l'arrivée d'Abû Salim au pouvoir. Ibn Khaldûn est alors secrétaire confidentiel du prince. Son ami Ibn Marzuq devient vizir.
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1361
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L'autoritarisme d'Abû Salim et de son vizir déclenche une révolte dans l'entourage du prince, qui, trahi par ses soutiens, cherche à s'enfuir de nuit de Fès, déguisé en femme. Il est assassiné. Ibn Khaldûn, dit-on, se brouille avec le nouveau vizir. Un an après, on le voit à Grenade auprès du roi nasride Mohammed V et de son vizir Ibn al-Khatîb.
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1363
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Ibn Khaldûn est en mission diplomatique à Séville auprès de Pierre le Cruel qui lui propose de le prendre à son service. Il décline l'offre, mais en profite pour visiter la ville où ont vécu ses ancêtres andalous.
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1365
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Il semblerait qu'Ibn Khaldûn se brouille avec son ami, le vizir Ibn al-Khatîb, ce qui lui vaut de se retrouver à Bejaïa, au service de l'émir Abû Abd Allah, son ami de jeunesse qui le nomme chambellan. Après la mort d'Abû Abd Allah au combat, Ibn Khaldûn décide de donner les clés de la ville à l'émir de Constantine. Il se repositionne sur Tlemcen.
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1366-1370
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Ibn Khaldûn se trouve dans la zone d'influence du sultan Abû Hammu et semble être recruteur de son armée chez les tribus arabes, notamment les Riyah. La position d'Ibn Khaldûn n'est pas claire, car il est à l'origine de l'écrasement des forces d'Abû Hammu par les Mérinides.
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1370-1372
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Ibn Khaldûn apparaît dans le même rôle d'agent recruteur, mais au profit des Mérinides, et toujours chez les Riyah. En 1372, à la mort du sultan Abd el-Aziz, il rejoint Fès.
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[p. 210]
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1372-1374
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Ibn Khaldûn est à Fès sans fonction précise. Vraisemblablement, il poursuit sa recherche scientifique et l'enseignement.
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1375
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Ibn Khaldûn se rend pour la deuxième fois à Grenade. Au bout d'un an, il se fait extrader et débarquer dans un port sous contrôle d'Abû Hammu, le sultan qu'il a livré aux troupes mérinides quelques années auparavant. Apparemment, ce dernier ne lui en tient pas rigueur et le prend à son service. Chargé d'une mission de recrutement chez les Dawâwida, il fausse compagnie à son accompagnateur et est reçu par les Awlad Arif, tribu berbère sous protection mérinide. Il est installé à Ibn Salama.
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1375-1379
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Ibn Khaldûn rédige le livre I des Ibar et finit les deux autres. Il quitte les lieux avec un exemplaire qu'il veut remettre au sultan de Tunis.
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1379-1382
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Période de travail scientifique où il croise le fer quelque temps avec le grand imam Ibn Arafa.
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23 octobre 1382
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embarquement pour l'Égypte avec, en perspective, le pèlerinage à La Mecque. Il arrive à Alexandrie en décembre et au Caire le 6 janvier 1383.
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IV. Événements marquants du XIIe au XVIIe siècle
dans le monde musulman
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1258
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Bagdad est prise par les Turco-mongols (Hulagu) qui, pendant les siècles à venir, contrôleront l'Orient musulman avec les Ottomans. Le calife abasside est décapité. C'est la fin du califat dans cette région.
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1261
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Avec le règne de Baybars Ier, les Mamelouks en Égypte fondent un État stable et puissant qui dure jusqu'au Protectorat turc au XVIe siècle.
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1291
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Fin des Croisades avec la chute de Saint-Jean-d'Acre.
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1302
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Les Ottomans s'installent en Anatolie et fondent un pouvoir menaçant pour le Moyen-Orient.
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1326
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Les Ottomans fixent la capitale à Brousse (Bursa). Constantinople (Istanbul) se trouve dans leur ligne de mire.
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1354
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Les Ottomans contrôlent les Détroits entre la mer Noire et la mer Égée.
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1362-1389
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Murad Ier sultan ottoman, vise les Balkans et Vienne (Autriche-Hongrie)
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1371
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Victoire ottomane contre les Bosniaques à Mantza et contrôle de la région.
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1389
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Victoire sur les Serbes à Kosovo.
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1389-1402
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Bayezid Ier, sultan ottoman, vole de victoire en victoire. Il défait les Hongrois à Nicopolis en 1393.
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1401
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Tamerlan (1336-1405), à la tête des Turco-mongols, s'invite à Damas où Ibn Khaldûn le rencontre et négocie la reddition de la ville.
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1402
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Tamerlan se fait le plaisir d'écraser Bayezid Ier près d'Ankara, mais n'en tire pas profit. Il met le cap sur l'Inde et la Chine [p. 211] qu'il veut conquérir. Les Ottomans ont évité le pire et Murad II redonne lustre à l'Empire ottoman.
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1421-1451
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Long règne du sultan ottoman Murad II qui reprend le contrôle des Balkans où les principautés locales s'étaient autonomisées.
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1453
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Mehmet II, qui lui succède, prend Constantinople, qui devient Istanbul et met fin à la survivance de l'Empire romain byzantin d'Orient.
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1492
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Chute de Grenade et fin de la reconquête chrétienne. Ibn Khaldûn avait un peu anticipé en écrivant dans les Ibar que l'empire arabe était mort. Cette date de 1492 provoqua dans le monde musulman un choc plus important que la chute de Bagdad en 1258.
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V. Chronologie sommaire d'Ibn Khaldûn
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27 mai 1332
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(1er ramadan 732) : naissance à Tunis dans une famille arabo-andalouse de rang princier. Études coraniques et en sciences rationnelles à la Zaytouna, auprès des plus grands maîtres.
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1352
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Premier poste de sahib-alama auprès du sultan hafside Abû Ishaq.
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1354
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Installation à Fès au service d'Abû Inan. La Qarawiyyîn est son lieu de recherche et de prédication.
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10 février 1357
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emprisonné, sur ordre du sultan, pour manquement à son obligation de soumission indéfectible. Il purge une peine de 22 mois.
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Juillet 1359
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début de sa carrière politico-diplomatique. À Fès, il participe activement à l'intronisation du sultan Abû Salim. Chez les Mérinides de Fès, c'est le début d'une période de troubles permanents, avec en arrière-fond le gouvernement des vizirs et des clans les plus puissants.
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1361-1371
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sur les terres de l'ancien Empire almohade, désormais éclaté, il est chargé de missions diverses par les souverains des différentes cours. Il est vraisemblable que c'est à l'occasion de ces missions qu'il réunit les matériaux lui permettant l'écriture des Ibar.
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Septembre 1372
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retour à Fès. S'ouvre alors une période de quatre ans pendant laquelle il compose le Shifa al Saïl. On n'est pas tout à fait sûr que cette consultation théologique soit de lui. Il demande à être retiré de la politique pour pouvoir se consacrer à l'écriture.
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Avril 1375
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il obtient satisfaction en pouvant se retirer à Qal'at Ibn Salâma, chez les Awlad Arif, protégés des Mérinides de Fès. Il est rejoint par les siens et rédige le livre I des Ibar (la Muqaddima). Quatre ans dans les solitudes du Sud-algérien lui permettent d'avancer dans l'écriture de son Histoire du Maghreb (livre III).
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Décembre 1378
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Il retourne à Tunis, où, en famille, il passe quatre ans occupé par sa recherche, ses enseignements et sa prédication. Il est parmi les proches du sultan hafside Abû al-Abbas, auquel il offre le premier exemplaire manuscrit des Ibar.
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[p. 212]
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23 octobre 1382
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départ, sans sa famille, pour l'Égypte. Il gagne un mois plus tard Alexandrie, puis s'installe au Caire. Il demande au roi mamelouk Az-Zahir Barqûq d'intercéder auprès du sultan de Tunis pour que sa famille soit autorisée à le rejoindre. Le roi, dont il est le protégé, lui confie des charges d'enseignement et de prédication, notamment à la prestigieuse université Al Azhar.
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1384-1388
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années terribles marquées par la disparition des siens venus le rejoindre au cours d'un naufrage dont ni le lieu ni les causes ne sont certains. On le voit se réfugier alors, l'esprit troublé par ce drame, dans les fonctions de juge, de chercheur et d'enseignant. L'homme est devenu sévère, exigeant, notamment dans ses prérogatives de grand cadi malékite.
En septembre 1387, il se décide et part en pèlerinage à La Mecque. Il profite du mahmal pour s'y rendre.
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1388-1399
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alors qu'il aurait aimé voyager, il est fixé au Caire où il parfait son oeuvre. Il rédige le livre II des Ibar (Histoire de l'orient antique et contemporain).
Il conserve des relations épistolaires avec les souverains des cours hafside, mérinide et nasride. Il dresse un rapport sur les événements qui affectent l'Orient et l'Égypte en particulier.
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1399
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Mort d'Az-Zahir Barqûq. Al Malik An Naçir Faraj lui succède, non sans difficulté. L'Orient musulman aborde le nouveau siècle à l'heure ottomane (Bayezid Ier) et timouride (Tamerlan).
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Novembre 1400
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Les tambours de Tamerlan (Timur Lang), lequel assiège Damas, sont entendus en Égypte, qui a la Syrie sous sa protection. Faraj et son année se portent au secours des assiégés, mais prenant mesure de la disproportion des forces, ils se retirent et laissent à Ibn Khaldûn le soin de négocier la reddition avec l'émir el-Kébir.
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10 janvier 1401
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première rencontre d'Ibn Khaldûn avec Tamerlan. La passion pour l'histoire de l'un n'a d'égale que celle de la domination chez l'autre. Les deux hommes conversent sur fond de grands bouleversements deux mois durant.
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27 février 1401
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fin de la mission diplomatique et de bons offices. Pour les notables de Damas, Ibn Khaldûn obtient l'aman. Mais la ville, pour avoir résisté, est livrée au pillage et à la destruction.
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Fin mars 1401
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Ibn Khaldûn est de retour au Caire et reçoit de Tamerlan le prix de sa mule.
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17 Mars 1406
(25 ramadan 808)
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Ibn Khaldûn s'éteint au Caire à 74 ans, sans héritier et sans disciple. Il laisse au monde une œuvre que la communauté savante universelle ne redécouvrira qu'à partir du XIXe siècle.
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