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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Famille et politique (1983)
Introduction
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gilles Houle, sociologue, Famille et politique . Un article publié dans la revue Conjoncture politique au Québec, no 3, printemps 1983 (pp. 51 à 61) (Dossier: Famille et société). Montréal: Éditions coopératives Albert Saint-Martin. [Autorisation accordée par l'auteur de diffuser cet article le 8 février 2004]
Introduction
Famille et politique. J'ai choisi à dessein ce titre tellement il est banal et résume bien tout à la fois une question essentielle: Famille, patrie; famille, travail, patrie; qui saura nous rappeler l'origine de la fête des Mères, de la fête des Pères qui tous et toutes travaillaient jadis pour la patrie ou devaient travailler, suivant le slogan, devrait-on dire? Qui ose parler de la famille aujourd'hui, soutenir une politique familialiste? Une politique des naissances ! Ces problèmes demeurent bien sûr, mais qui veille maintenant sur la famille. Notre ministre est à la santé, aux affaires sociales, ou encore s'il est plus ambitieux, au «développement» social: que voilà tout un programme. C'est là avant tout une question fort légitime d'ailleurs, d'allocations «familiales»; ou même de revenu annuel garanti. C'est une affaire d'État, d'économie dans un langage qui est allé se rhabiller.
Famille et tradition. Qui connaît ses ancêtres? C'est la chose des ancêtres encore vivants, d'un vieil oncle en mal d'arbre généalogique ou de quelques titres obscurs sur un blason perdu. Qui se raconte et raconte l'histoire de sa famille pour ne pas l'oublier, pour ne pas la voir oublier? La lignée n'est pas sans évoquer quelque trait aristocratique dont le sens est dans le sang et pas dans le sang des autres. Il définit le rang et la propriété, même perdue. Et la famille demeure pourtant, avec sa mémoire et pour des siècles. Le langage est marqué sans nul doute. Qui parle famille est fortement de droite et de tradition. À gauche, la famille peut-elle avoir seulement droit d'existence; existe-t-elle encore? Non pas la famille politique bien sûr, mais la vraie, papa, maman et les enfants. Un souci trop marqué pour la famille peut-il être autre chose qu'un résidu de grande famille en période de recyclage? C'est logique, sociologique et politique; le passage de la tradition à la modernité en est le signe évident. La famille se dissout, la famille traditionnelle devient moderne, nucléaire: le mot n'aura jamais été aussi bien choisi. Le passage de la droite à la gauche suppose-t-il son éclatement et sa disparition pure et simple? La famille se porte généralement mal à gauche; des expériences ont été tentées et des plus sérieuses depuis le Kibboutz jusqu'à la communauté contre-culturelle. Le bilan, il faut insister, est loin d'être négatif et du point de vue de l'enfance notamment (1) . Il faudra y revenir.
Dire enfin que le langage n'est pas neutre n'apporte rien de plus. C'est plus banal encore. Il importe davantage de mettre à jour ce qu'il recouvre. Il ne sert à rien de vouloir le «laïciser» pour ainsi croire que l'on pourra en parler ou écrire plus à l'aise. Cette entreprise n'est pas sans être périlleuse tant il devient difficile alors de découvrir ce qui du coup se trouve recouvert. C'est affaire connue à l'est comme à l'ouest.
* * *
La famille il est possible de l'aborder sous l'angle des relations, de la qualité des relations vécues entre des gens unis par ce que l'on appelle la consanguinité et les alliances qu'elle suppose. De quoi sont faites ces relations dont le caractère élémentaire est précisément de permettre par ces liens la reproduction de la société dont ces gens sont les membres constituants? Tous les autres points de vue en découlent ou en procèdent, qu'ils soient économique, politique, idéologique ou culturel. C'est la parenté et, comme l'a démontré Lévi-Strauss, il y a une structure élémentaire de la parenté. À quoi sert-elle, quelle est sa fonction réelle? La réponse première est connue, restent toutes les autres qui en font une institution sociale ou encore un appareil idéologique d'État comme il est dit. La chose se complique ainsi qu'il apparaît, il y aurait plutôt des structures élémentaires de la parenté dont la hiérarchisation au sein d'une société est constitutive aussi bien de la société que de la famille dans cette société. Nous nous intéresserons particulièrement à la fonction politique de ces liens dont la structure est expressive de toute société puisqu'à son fondement, mais aussi de toute politique puisque au fondement de toute transformation de cette société.
* * *
Tout serait famille en somme comme l'on dit que tout est politique. Curieux retour des choses en effet car il faut bien considérer que les rapports vécus au sein de la famille sont aussi des rapports sociaux, quelle que soit la famille, faut-il le dire. C'est à ce point particulièrement que la question soulève des passions car la notion de famille est fluide: l'espace familial est plus ou moins grand suivant les sociétés, depuis la famille nucléaire jusqu'à la nation qui peut très bien être conçue comme une grande famille; depuis la gauche jusqu'à la droite si l'on veut ainsi résumer aussi la question. Cet espace est social, il est fait de ces rapports sociaux déterminant de la famille - de son espace - et de l'idée que l'on s'en fait, de sa transformation et de l'idée que l'on doit bien continuer de s'en faire.
Les idées cependant, pourrait-on ajouter, n'ont pas d'histoire et ce faisant, ne sauraient la faire; pareil corollaire pourrait laisser croire que les idées ne mènent pas le monde. Mais, pour le dire ce monde, les idées sont terriblement utiles. Il arrive même qu'elles viennent compliquer terriblement l'histoire. Elles en sont en effet l'expression radicale, la seule au fond qui ne laisse d'autre choix pour connaître ce monde que de faire l'analyse de ces idées que nous avons du monde, pour comprendre le monde.
Si la notion, l'idée de famille est fluide, n'insistons pas trop sur la notion de politique. Si l'économie capitaliste dans son développement a donné lieu au fétichisme de la marchandise, Marx aurait tout aussi bien pu démontrer que la politique capitaliste - le libéralisme - a donné lieu au fétichisme de l'idée poli-tique telle que sa circulation empêche de voir ce qui s'y trouve désignée de quelque manière. L'idée de famille en est une illustration remarquable tant elle s'est trouvée bannie du vocabulaire politique courant; sa réalité est en panne pour ainsi dire, relevant au mieux du porte à porte quand elle s'y prête. De là, il n'y a pas long à parcourir pour observer que famille et politique paraissent renvoyer à une, à des logiques sociales à peu près inextricables.
Nous ne sommes pas si loin du rapport social défini plus tôt comme rapport consanguin, comme rapport d'alliances, dont la parenté serait la structure élémentaire. Cette mise en évidence d'un certain nombre de problèmes aura permis d'observer que la parenté est faite d'autres structures, politique, économique ou culturelle dont elle peut être constitutive ou qui la constituent comme nous le verrons, déterminante dans tous les cas de la vie de famille; structures dont la hiérarchisation au sein d'un société par le contenu spécifique qui les caractérise est constitutive des formes de société jusque dans leur transformation, jusque dans la transition d'une société d'une forme à une autre.
Notes : (1) Lire notamment Luc Racine, Enfance et société, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, ltée, 1982, page 7.
Dernière mise à jour de cette page le lundi 28 mai 200714:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
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