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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La fille du serpent. Surnature et agriculture dans la mythologie mélanésienne (1977)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Madame Elli Köngäs Maranda, “La fille du serpent. Surnature et agriculture dans la mythologie mélanésienne”. Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 1 no 3, 1977, pp. 99-117. Québec : Département d'anthropologie, Université Laval.  [Autorisation formelle accordée, le 6 juillet 2005, par M. Pierre Maranda de diffuser ses travaux ainsi que tous ceux de sa défunte épouse, Mme Elli Köngäs Maranda.]

Introduction

Dans les dix mythes mélanésiens considérés ici, il s'agit d'un serpent, toujours identifié comme femelle, qui, toute seule, conçoit et donne naissance à une fille humaine. La fille cherche contact avec la société humaine, et se marie avec un homme. Un enfant naît. La fille du serpent tient à son lien avec sa mère, et la mère serpent garde l'enfant quand sa fille travaille aux jardins. Le mari, ignorant la nature de sa belle-mère, revient de la pêche et voit le serpent lové autour de l'enfant. Pris de peur, il tue le serpent. La fille abandonne son mari, mais de l'association humaine avec le serpent, par la médiation de la jeune femme, résulte ou l'origine des taros, des ignames et des cocotiers, ou des bananes ou simplement le mana pour l'agriculture en général. Souvent, le texte est explicite sur le culte du serpent ; si le culte existe, les officiants sont toujours des hommes. 

Le serpent sera appelé "Serpent" dans l'exposé, pour la simple raison que le mot français est masculin et que dans la mythologie mélanésienne ce caractère est invariablement féminin. Elle est individualisée, et porte souvent un nom propre. Parfois, elle est spécifiée comme "boa constricteur" parfois comme "python" ; quand sa taille est mentionnée, elle est énorme. 

Les textes sont de qualités diverses. Le texte le plus ancien a été publié par Codrington en 1891, le plus récent a été recueilli par moi en 1975 à Malaita, Îles Solomon, donc une dimension diachronique de 84 ans, et une variété de collecteurs allant des missionnaires aux anthropologues. 

Je suis bien consciente de la diversité de mes documents : l'évidence interne montre que même dans les textes présentés par les anthropologues, on trouve des déformations. Par exemple, Ian Hogbin insère dans ses textes des commentaires superflus ("l'héroïne culturelle Jari qui, avec le manque de logique qui est si commun, inaugura l'état de matrimoine..."). Dans des cas pareils, je n'utilise que les éléments du récit qui semblent être authentiques. J'admets que la seule méthode à suivre dans de tels cas est "le gros bon sens". Mais les données ethnographiques de Hogbin sont trop précieuses pour qu'on puisse négliger ses textes, qu'il n'a pourtant pas lui‑même reliés à l'ethnographie. 

Le problème auquel s'adresse cette étude est le suivant. La région culturelle mélanésienne possède‑t‑elle une idéologie homogène ? Nous connaissons bien le phénomène du "Big Man", le "grand-homme" qui reçoit et redistribue les richesses d'un clan ; nous sommes avertis par des publications nombreuses de la division sexuelle marquée typique des sociétés mélanésiennes, et de la supposée supériorité des hommes, consacrée par les "maisons des hommes", les "aires des hommes", l'idée de l'impropreté des femmes et la pratique de leur réclusion pour leurs règles et pour la parturition ; nous savons très bien que le cochon est l'objet rituel par excellence, dont la consommation n'est pas seulement réglée par des états rituels du groupe mais par le sexe de ses membres : comme dans la société lau, les femmes n'ont pas accès à la nourriture la plus appréciée. Mais, finalement, que doit être l'idéologie qui nécessite tant de précautions ? Qu'est‑ce que les Mélanésiens pensent, profondément, de la relation entre femmes et hommes ?


Retour au texte de l'auteur: Michel Seymour, philosophe, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le samedi 31 mai 2008 8:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi..
 



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