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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Elli Köngäs Maranda, “La tradition des unités et les unités de la tradition (1981)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Madame Elli Köngäs Maranda, “La tradition des unités et les unités de la tradition”. Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 5 no 2, 1981, pp. 155-176. Numéro intitulé: “La dynamique biosociale”. Québec : Département d'anthropologie, Université Laval. [Autorisation formelle accordée, le 6 juillet 2005, par M. Pierre Maranda de diffuser ses travaux ainsi que tous ceux de sa défunte épouse, Mme Elli Köngäs Maranda.]

Introduction

L'objet de cet article est d'examiner le développement des recherches sur les caractéristiques des récits folkloriques. On s'intéressera principalement aux travaux poursuivis en Europe et en Amérique du Nord au cours du siècle dernier. 

Les considérations suivantes tiendront lieu de point de départ : d'une part, cette donnée qu'on appelle récit n'est pas amorphe. On y trouve au contraire soit des traits à vaste distribution, soit même des traits universels. D'autre part, les récits appartiennent tout aussi bien au domaine linguistique qu'au domaine folkloristique. Ensuite, en tant que données structurées, les récits sont sujets à la classification, on peut en faire la typologie, et on peut les analyser de différentes manières. Enfin, dès que l'analyse se veut comparative, on doit définir les unités d'analyse. Plusieurs de celles-ci, proposées au cours des dernières six ou sept décennies, vont retenir notre attention dans les pages qui suivent. 

On va donc s'attacher à comparer les unités proposées par différents chercheurs. Il ne s'agit pas, cependant, de mettre en question le mérite de ces derniers. Des folkloristes et des anthropologues illustres se sont attaqués au problème des unités. Que les objectifs qu'ils poursuivaient aient été ou non la définition d'unités narratives, et qu'ils aient ou non réussi dans leurs démarches tient en grande partie aux genres de données qu'ils ont analysés. De façon plus précise, ils ont été influencés d'une part par la possibilité qu'ils avaient ou qui leur était refusée d'observer des conteurs en action et par l'urgence des tâches qui les confrontaient, et, de l'autre, par les théories ambiantes ou par celles que, étant donné leur position dans l'histoire des idées, ils étaient en mesure de créer. 

Ma proposition est la suivante. Les folkloristes, en tant que tels, ont eu à leur disposition depuis longtemps des textes précieux, soit sous forme imprimée soit sous forme manuscrite dans des archives. Dans bien des cas, une carence de données d'observation faisait la contrepartie de cette richesse de matériaux. Par exemple, Kaarle Krohn commença son travail de collecte a l'âge de 18 ans et commença à publier ses données de terrain cinq ans plus tard : pourquoi ne prêta-t-il aucune attention au contexte vivant, aux idiosyncrasies des conteurs, et à leurs propres théories ? Peut-être, avant tout, parce que la théorie majeure, à l'époque, oblitérait l'importance du conteur individuel pour n'accorder d'intérêt qu'à la conservation des anciennes traditions comme telles. En second lieu, cette même théorie mettait en valeur non pas les procès culturels mais leurs cristallisations dans des produits fixes. Cette position a d'ailleurs été maintenue presque exclusivement pendant plusieurs décennies. En 1946, Stith Thompson écrivait encore : « in contrast to the modern story writer's striving after originality in plot and treatment, the teller of the folktale is proud of his ability to hand on that which he has received »(Thompson 1951 : 4). Et ceci malgré une autre proposition qu'il formule plus loin dans le même ouvrage : « Each version of an oral folktale is different from another » (Ibid. : 368). 

Il y a cent ans que J.G. von Hahn a proposé une formule du conte héroïque, la formule aryenne du départ et du retour (Arische Aussetzungsund Rückkehr-Formel). Cette formule est un mélange des attributs caractéristiques des parents du héros (sa mère est une princesse ; son père est un dieu ou un étranger) ou du héros (l'arrogance du jeune homme), et des actes narratifs (retour triomphant). Otto Rank arrivait à une formule parallèle ; Archer Taylor, dans-son important essai « The Biographical Pattern in Traditional Narrative » (1964) a retracé les étapes de ce développement jusqu'à Propp. 

Vladimir Propp (1958) fut le premier à résoudre le dilemme de la stabilité et de la variation, en percevant que tous les contes appartenaient au même type. Milman Parry et Albert Lord (1960) adoptèrent une position semblable, en dernière analyse, lorsqu'ils proclamèrent que toute performance est création. Les deux positions semblent se confondre en ce qu'elles éliminent un des deux termes du dilemme. 

On peut ajouter ici une remarque suggérée par les notes de terrain de M.A. Castrén. Grâce à une bourse de la Société Finnoise des Lettres qui encourageait déjà cette collecte, il avait recueilli des contes finlandais dans les provinces de Savo et Carélie en 1839, espérant pouvoir y retrouver la persistance de traits mythologiques. Il se montra cependant déçu parce que les récits strictement « finnois » lui semblaient « être tous des variantes d'un seul thème » (Niemi 1904 : 10). C'était donc en creux, pour ainsi dire, ce que Propp proposerait plus tard. 

Il y a bien des rai Sons pour qu'on s'attaque au problème des unités narratives. Une des premières fut le besoin d'ordonner et de classer les récits, surtout à fins documentaires. Une autre vient des frustrations engendrées par les premières taxinomies : celle d'Aarne, par exemple, qui déforme la véritable nature des récits, selon Propp (1968 : 11). Une troisième est commune aux soucis des créateurs de ce qu'on désigne comme la « nouvelle ethnographie », surtout celle qu'on identifie avec l'« anthropologie cognitive » ici, le centre d'intérêt est la découverte des mécanismes tels qu'aperçus de l'intérieur d'un système culturel. Jusqu'à un certain point, les tentatives de Malinowski (1926) pour décrire les catégories génériques des Trobriandais s'apparentent à l'anthropologie cognitive. 

Je n'ai pas l'intention de recenser ici un siècle de recherches méthodologiques et théoriques. Mon point de vue est qu'on peut distinguer deux principales classes d'unités, que j'appellerai macro-unités d'une part et micro-unités de l'autre. Les macro-unités ont été proposées par ceux qui ont travaillé sur les problèmes classificatoires à l'intérieur d'une tradition ; quant aux micro-unités, elles viennent de ceux qui essayent de fournir des outils d'application plus générale. J'irais même jusqu'à dire que les macro-unités proposées - comme « type » -ne s'appliquent qu'à des récits au sein d'une même famille. D'autre part, quelques-unes au moins des microunités, par exemple le motif, sont mal définies et rendent mal. Enfin, et surtout au cours de la dernière décennie, on a vu éclore plusieurs tentatives qui sont prometteuses de progrès décisif.


Retour au texte de l'auteur: Michel Seymour, philosophe, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le mercredi 22 août 2007 17:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi..
 



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